Bonnes nouvelles de Corée !
Dans les lignes qui vont suivre vous lirez ce que dit un missionnaire de la Watchtower Society qui se trouvait en Corée du Sud au moment de l’invasion. Il devait par la suite être évacué au Japon par l’armée américaine et, actuellement de retour en Corée, il nous envoie ce rapport encourageant dans lequel il parle de l’accroissement, de la foi et de l’intégrité des témoins de Jéhovah habitant ce pays déchiré par la guerre.
MON dernier séjour en Corée remonte au mois de juin 1950. À cette époque il n’y avait dans ce pays qu’une poignée de témoins de Jéhovah et un seul groupe organisé, celui de Séoul. Maintenant, après dix-huit mois de guerre et de privations durant lesquels de nombreux frères connurent la faim et toutes les rigueurs de la guerre, vivant dans des réduits souterrains et dans les arbres, durant lesquels aussi ils furent malmenés et certains même tués, le groupe de témoins de Jéhovah s’est développé à un tel point que des groupes sont actuellement organisés, non seulement à Séoul, mais aussi à Taegu, Chonju, Kunsan, Quejon et Pusan ; et la bonne nouvelle du royaume de Dieu est proclamée à travers toute la Corée du Sud, en des endroits où elle ne l’a encore jamais été.
À Pusan, 25 à 30 personnes se réunissent régulièrement et 8 “ nouveaux ” furent baptisés pendant la semaine qui suivit mon retour en Corée. À Taegu, 25 personnes se réunissent régulièrement et 12 nouveaux furent baptisés cette année. À Kunsan, 20 personnes assistent aux réunions et 13 nouveaux furent baptisés. À Chonju, les réunions comptent en moyenne 20 assistants et 5 personnes furent baptisées. À Quejon, 7 personnes se réunissent régulièrement et 2 furent baptisées. Quelques sœurs seulement étaient restées à Séoul, mais elles n’ont pas interrompu leur prédication, et lors des réunions il y avait une assistance régulière de 40 personnes. La semaine dernière, le serviteur du groupe de Séoul reçut enfin l’autorisation de regagner sa ville et 56 personnes assistèrent à la réunion.
Le 17 novembre 1951 je commençai une tournée qui devait me conduire dans les différentes localités dont je viens de parler. L’Armée m’accorda des laisser-passer spéciaux pour me rendre à Séoul. Les frères furent surpris de me voir. Ils m’ont reçu à bras ouverts, ils m’ont embrassé et sont allés jusqu’à me tâter bras et jambes pour voir si j’étais encore entier. Ensuite ils se sont arrangés pour que je reste avec eux, sous leur toit, ce que j’ai beaucoup apprécié car il faisait très froid à Séoul. Les Coréens chauffent leurs maisons au moyen d’un fourneau qui marche au charbon de bois ou allument un feu de bois ou de charbon à l’intérieur d’un trou creusé dans le sol ou undul, comme ils l’appellent là-bas. Ce dispositif réchauffe la pièce et le sol de la pièce sur lequel les Coréens mangent, dorment ou s’asseyent. Ce sol est d’ailleurs toujours bien nettoyé au moyen d’un chiffon humide. La coutume veut que l’hôte reçoive toujours la place au-dessus du foyer, mais un étranger inaccoutumé à ce genre de civilités pense quelquefois qu’il se trouve comme sur des charbons ardents. Les proclamateurs coréens sont heureux quand les missionnaires partagent avec eux leur genre de vie. Le soir, le sol est nettoyé et les nattes ainsi que les couvertures sont étendues de façon à constituer un lit bien chaud mais plutôt dur. Toutefois après un mois ou deux, vos os ont eu le temps de s’y faire.
L’après-midi nous avons traversé Séoul pour nous rendre à ce qui fut notre home. Presque tous les bâtiments, excepté ceux qui avaient été partiellement réparés par l’armée, n’étaient plus que des ruines. Dans la ville on retrouvait le même silence que dans la campagne et seule la circulation militaire créait un peu d’animation. Je pus apercevoir le home de loin, car les bâtiments tout autour avaient été complètement démolis mais le home était resté ; il n’était cependant pas indemne. Un obus avait échancré l’un des angles de la maison, laissant un trou de soixante centimètres dans le mur en briques. Toutes les fenêtres avaient été soufflées, le plâtre des plafonds était tombé, la plupart des portes avaient été arrachées et on avait emporté le poste, néanmoins la maison pouvait encore être réparée et habitée. Nous avons été surpris de trouver quelques tables et des chaises, un frigidaire et une partie de la machine à laver, que les Rouges trouvèrent certainement trop encombrante pour l’emporter. Tout le reste était parti.
PLUSIEURS TUÉS
Devant le home il y avait un grand trou. J’appris qu’une sœur qui venait d’être baptisée ainsi que son fils, qui fut baptisé plus tard, dont la maison avait été détruite, avaient emménagé dans le sous-sol du home de missionnaires. Lorsque les communistes furent sur le point de quitter la ville, ils rassemblèrent toutes les personnes qu’ils soupçonnaient et les exécutèrent. Ils interrogèrent aussi les cinq habitants du sous-sol du home, c’est-à dire la sœur et son fils ainsi que trois autres membres de la famille, et comme leurs réponses ne leur parurent pas satisfaisantes ils amenèrent la sœur et sa famille devant la maison et les fusillèrent. Le jeune frère ne fut pas tué, mais il tomba en même temps que les autres et fut laissé pour mort. La sœur et les autres membres de sa famille furent tués sur le coup. Le trou qui était devant la maison leur servit de tombe jusqu’à la libération.
Le soir trente-cinq frères environ (la plupart étaient des sœurs) se réunirent pour écouter un discours sur le service et des dispositions furent prises en vue du témoignage en groupe pour les jours suivants. Le lendemain matin, 18 personnes se présentèrent pour le témoignage en groupe. Beaucoup de nouveaux participaient pour la première fois à l’œuvre de prédication. Séoul comptait en moyenne 9 proclamateurs depuis la dernière évacuation, mais avant la fin de la semaine en cours 24 proclamateurs avaient rendu un rapport et atteignaient pour le mois la très bonne moyenne de 29 heures par proclamateur. Ces sœurs qui étaient restées à Séoul travaillèrent ferme pour annoncer aux autres le message du royaume de Jéhovah établi, et maintenant elles en voyaient les fruits.
Pendant que j’étais à Séoul je rencontrai Kim Kwang Je, un journaliste avec qui j’avais fait une étude. Lorsque Séoul tomba pour la première fois, Kim fut enlevé par les Rouges et emmené en Corée du Nord. À Pyongyang il s’échappa et voulut s’engager comme volontaire dans les forces de l’O.N.U. (Jusqu’alors il ne s’était pas consacré à faire la volonté de Dieu et n’avait pas été baptisé.) Les Sud-Coréens ne voulurent pas le croire et l’accusèrent d’être un communiste. Il fut condamné à mort. Mais avant d’être exécuté il arriva à parler avec un officier américain à qui il déclara être chrétien et avoir étudié la Bible avec moi ; il lui dit également qu’il étudiait pour devenir un témoin de Jéhovah. L’officier vérifia si j’avais été à Séoul, etc., et arriva à la conclusion que Kim ne pouvait pas être un Rouge et en même temps vouloir devenir un témoin de Jéhovah. Aussi libéra-t-il Kim. Ce dernier est très reconnaissant envers la Watchtower Society, parce qu’il croit que c’est grâce à la Société et l’étude biblique que nous avons faite ensemble qu’il a eu la vie sauve. Maintenant nous avons repris notre étude et je pense qu’il ne tardera pas à se consacrer à faire la volonté de Dieu et à devenir un proclamateur du Royaume.
C’est le 25 juin 1950 que j’ai donné mon dernier discours public à Séoul, le jour même où les Sud-Coréens apprenaient que leur pays avait été envahi. Étonnante coïncidence, je donnai un autre discours public dans la même salle et exactement un an et demi après, m’adressant cette fois à quelque 133 soldats coréens blessés. Cette salle de conférences est maintenant aménagée en hôpital. De nombreux nouveaux proclamateurs manifestèrent également le désir d’être baptisés. Aussi des dispositions furent-elles prises pour employer à cet effet un établissement de bains, le matin, avant la venue des soldats alliés. Tous les établissements de bains sont réservés exclusivement pour les forces armées américaines, mais le samedi 29 décembre, avant 8 heures du matin, 27 nouveaux frères et sœurs, dont la sœur de la reine, étaient baptisés. L’esprit des frères de Séoul est magnifique. Ils ne sont pas découragés le moins du monde. Plus que jamais ils sont déterminés à faire connaître la bonne nouvelle à travers toute la Corée et les faits le montrent bien.
L’EXPANSION DE LA BONNE NOUVELLE
À Taejon j’ai passé la nuit avec un groupe de cinq proclamateurs isolés. En dépit des difficultés dues aux restrictions imposées par la guerre, dix personnes au moins se réunissaient chaque semaine. Un jeune homme d’affaires et sa femme, qui avant la guerre avaient fait une étude sérieuse de la vérité, se sont depuis consacrés à faire la volonté de Dieu et participent actuellement d’une façon très active au service à Taejon. Le mari possède une solide instruction et appartient à une famille bien connue.
C’était réjouissant d’apprendre comment cet homme avait pris position pour la vérité. Pendant la première occupation de Séoul, les communistes astreignaient tous les jeunes gens au service militaire et n’admettaient pas de refus. La plupart des jeunes gens s’enfuirent dans les montagnes et ce frère était parmi eux. Un jour les communistes cernèrent un groupe dans lequel se trouvait le frère. Les Rouges interrogèrent tous ceux qu’ils avaient pris et presque tous promirent servilement de travailler pour les communistes, etc. Tous ceux qui avaient précédé le frère et qui avaient été interrogés furent emmenés un peu plus loin et exécutés. Il lui semblait qu’il n’en avait plus pour longtemps, aussi était-il déterminé à rendre un aussi bon témoignage que possible. On lui demanda pourquoi il se cachait dans les montagnes. Il répondit qu’il avait foi dans la promesse de Jéhovah d’établir un monde nouveau dirigé par Jésus-Christ, qu’il croyait aussi qu’à Armaguédon seraient détruits tous les gouvernements politiques, y compris ceux de la Corée du Nord et du Sud, et que lui ne voulait pas violer la loi de Dieu au profit d’une loi humaine opposée à la loi de Dieu. Il leur déclara encore qu’il n’avait pas peur de mourir parce qu’il croyait en la résurrection. Le soldat rouge qui s’occupait de lui avoua qu’il était le premier à avoir dit la vérité. Il affirma en outre qu’il ne partageait pas ces croyances mais qu’il était pour ceux qui avaient le courage de leurs opinions, et il permit au frère de s’en aller librement. Ce frère arriva par la suite à passer en Corée du Sud. “ La vérité est puissante ” a-t-il dit, et le but de sa vie est maintenant de faire connaître cette vérité à tous les Coréens.
Une grande réunion eut lieu à Kunsan et à Chonju. Le nouveau groupe de Kunsan est très enthousiaste. C’est l’un des endroits auxquels l’œuvre ne s’était encore jamais étendue. Une vingtaine de personnes sont associées au groupe et treize furent baptisées en 1951. À Chonju, les conditions de vie des frères sont légèrement meilleures que celles de certains autres. Un frère de cette ville possède une usine et il put employer de nombreux frères réfugiés. Il déclara qu’il avait toujours voulu avoir quelqu’un qui puisse l’aider à prêcher la bonne nouvelle à Chonju, mais maintenant c’est fait. Ils ont bâti une petite Salle du Royaume et quarante-sept personnes vinrent écouter la conférence publique. Jusqu’alors trois personnes seulement remettaient un rapport de leur travail de prédication. Quand les frères apprirent pourquoi il fallait remettre un rapport, une sœur de quatre-vingt-dix ans qui fut l’une des premières à prêcher en Corée s’exclama, surprise : “ J’ai toujours prêché mais je n’ai jamais fait de rapport, mais désormais je ne manquerai pas d’en remettre un. ” Durant la guerre, une baignoire en bois installée dans l’atelier des machines de l’usine servit pour le baptême de quatre personnes. Le temps que j’ai pu passer à Chonju comme dans les autres localités de la péninsule n’a été que trop court.
En décembre je visitai le groupe de Taegu. Pendant la sombre période de guerre, ce groupe fut une sorte de quartier général pour l’œuvre. Le serviteur de groupe est un professeur d’anglais, gradué de la Jesuit’s Sofia University de Tokio. Sa conversion du catholicisme fut rapide et complète entre 1949 et 1950. Durant la guerre il n’a pas cessé de traduire les matières destinées à l’étude, qu’il autocopiait ensuite pour les envoyer aux autres frères dispersés dans le pays, auxquels elles servaient pour les réunions d’étude hebdomadaires. Les réfugiés sont légion à Taegu, mais la situation y est moins critique qu’à Pusan.
Lors de mon dernier passage à Pusan en octobre 1949, le port était vide et presque inactif. À cette époque il n’y avait pas de témoins de Jéhovah dans la ville. Maintenant, en novembre 1951, le port de Pusan est littéralement grouillant d’activité. La ville est inondée de réfugiés et tous les gens, y compris les fonctionnaires du gouvernement, vivent à la manière des réfugiés. Partout il y a des milliers de petites hakoban (maison à l’aspect de simples boîtes) faites de matériel d’emballage et de boue et tapissées à l’intérieur de journaux américains. L’une de ces hakoban porte une enseigne sur laquelle on lit : “ Jehovah’s Witnesses of Kingdom Hall ” (Témoins de Jéhovah de la salle du Royaume) — ce qui donne un peu l’effet d’être à l’envers, mais la pensée y est. C’est là que dimanche dernier nous nous sommes serrés à trente et un environ, dans la hakoban de neuf mètres carrés, pour l’étude de La Tour de Garde qui fut suivie par un discours public. Nous fûmes bien serrés, mais personne ne se plaignit. Le groupe qui vient d’être organisé enregistra en novembre un maximum de quatorze proclamateurs.
La plupart des universités réfugiées de Séoul s’efforcent de fonctionner ici. Tous les établissements scolaires sont réquisitionnés par le gouvernement nationaliste ou par l’armée, aussi la plupart des écoles utilisent-elles des tentes ou font leurs cours en plein air, les étudiants s’asseyant sur des caisses. Les universités fonctionnent, mais avec dix pour cent de l’effectif normal seulement. Le doyen du Soongmyung Women’s College de Séoul, avec qui je fais une étude, me demanda de donner un discours aux élèves et au corps enseignant. Leur collège consiste provisoirement en trois tentes dans lesquelles sont installés des bancs rustiques, mais plus de cent personnes se réunirent dans une tente pour écouter le discours. Pendant mon séjour à Pusan j’allais avoir une autre surprise. Je rencontrai la femme du professeur Choi en personne. Ce fut une joie de la revoir. Elle s’empressa de téléphoner au professeur Choi, celui-ci quitta son bureau et un moment après frappait à ma petite chambre d’hôtel. Lui aussi l’avait échappé belle. Il avait été pendant un certain temps le secrétaire du président Rhee et les Rouges le poursuivaient avec acharnement. Maintenant il est le délégué du ministre de la défense, mais malgré les hautes fonctions occupées par le professeur Choi dans le gouvernement, c’est un homme très humble et sincèrement intéressé à la vérité. C’est un gradué de l’université d’Oxford et l’un des traducteurs les plus réputés de Corée et il va me traduire le nouveau livre. Dernièrement il était le deuxième candidat au poste d’ambassadeur en Angleterre. Je lui ai dit qu’il ferait un meilleur ambassadeur pour la théocratie. Il me répondit : “ Vous voulez dire que je devrais devenir pionnier ? ” Depuis que je suis de retour il s’est servi en de nombreuses occasions de sa haute influence pour m’aider. C’est lui et sa femme qui m’ont aidé à m’établir. Lui-même vit à la manière des réfugiés, comme tout le monde.
Avant guerre le maximum de proclamateurs pour la Corée fut de soixante et un, y compris les huit missionnaires. Lorsque tous les rapports de décembre furent réunis, on enregistrait un nouveau maximum de quatre-vingt-un proclamateurs. Cet accroissement n’est pas dû au travail des missionnaires, mais aux efforts diligents des proclamateurs coréens eux-mêmes. Leurs conditions de vie sont nettement au-dessous de la normale. Ils manquent de nourriture, de vêtements et d’abri.a Leur esprit est magnifique. Ils ne pensent pas qu’ils ont eu à souffrir plus que d’autres, mais ils sont reconnaissants d’avoir, grâce à la bonté imméritée de Dieu, le privilège de prêcher jusqu’à l’achèvement de l’œuvre. Pour eux le service du Royaume occupe la première place. Ils sont déterminés à aller de l’avant, advienne que pourra. C’est pour moi vraiment une bénédiction d’être de retour dans mon service et associé à d’aussi admirables frères remplis d’une foi et d’un amour impérissables.
[Note]
a La Watchtower Society a patronné une collecte de vêtements organisée en faveur des frères de Corée qui fut terminée il y a quelque temps. Environ 4 000 livres de vêtements chauds et de chaussures qui avaient été rassemblés leur furent expédiés.
[Carte, page 156]
(Voir la publication)
Séoul
Kunsan
Chonju
Taegu
Pusan