Des points de vue divergents
Dans une lettre datée de Lourdes, le 8 novembre 1983, les évêques de France ont émis un avis assez différent de celui de l’épiscopat américain. On pouvait y lire: “Il est clair que le recours à la dissuasion nucléaire suppose, pour être moralement acceptable:
● Qu’il s’agisse seulement de défense.
● Que l’on évite le surarmement: la dissuasion est atteinte à partir du moment où la menace formulée rend déraisonnable l’agression d’un tiers.
● Que toutes les précautions soient prises pour éviter une ‘erreur’ ou l’intervention d’un dément, d’un terroriste, etc.
● Que la nation qui prend le risque de la dissuasion nucléaire poursuive par ailleurs une politique constructive en faveur de la paix.”
Nombre de catholiques français, notamment ceux qui sont engagés dans les mouvements pacifistes, ont pris position contre ce texte des évêques. Ils rappellent, entre autres choses, le problème moral posé par la dissuasion, ne serait-ce que par rapport à l’enseignement de l’Église elle-même. En effet, le concile Vatican II qualifiait de “crime contre Dieu et contre l’homme lui-même” “tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants”. Or c’est précisément là le fondement de toute riposte nucléaire. M. Alain Woodrow, spécialiste des questions religieuses au journal Le Monde rappelle l’ambiguïté de la position des évêques français sur cette question. Il écrit: “L’argumentation des évêques s’approche de la casuistique. Ils ont beau expliquer que ‘la menace n’est pas l’emploi de la force’, la distinction est mince et ils avouent eux-mêmes que, si notre défense veut être crédible, ‘il faut se montrer résolu à passer à l’action si la dissuasion échoue’.”
D’une manière paradoxale, c’est la Fédération protestante de France qui a adopté un point de vue se rapprochant de celui des évêques américains en se prononçant, quelques jours seulement après la diffusion de la lettre de l’épiscopat français, pour un “gel nucléaire, comme premier pas d’une désescalade du surarmement, même unilatérale”. Là encore, une vive opposition s’est dressée, au sein de l’Église protestante, mais cette fois, pour dénoncer une attitude qui, selon un pasteur, encouragerait “les tentations agressives et subversives des États totalitaires”.
Pourquoi une telle diversité d’opinions sur une question morale aussi importante? Sans doute parce que la majorité de ces ecclésiastiques voient la situation mondiale d’un point de vue humain et non du point de vue de Dieu. Ils rejoignent en cela l’avis de Joseph Vandrisse, chroniqueur religieux [catholique] du Figaro, qui dit: “Il est vain de chercher dans la Bible une réponse qu’elle ne peut pas, qu’elle ne veut pas donnera.” Comme ils rejettent le conseil des Écritures, il n’est donc pas étonnant que les évêques, comme le déclare toujours ce même chroniqueur, constatent que “dans le domaine de la paix, il est des questions où les chrétiens peuvent en conscience aboutir à des jugements différents”. Ce n’est pas dans ces mouvements divisés qu’on pourra chercher des disciples unis du Christ, le “Prince de paix”. — Ésaïe 9:6; Jean 17:20, 21.
[Note]
a Le point de vue biblique sur cette question est examiné dans l’article “Le refus des évêques américains”.