CANAAN
CANANÉEN (probablement de l’hébreu kânaʽ, ‘être bas’, d’où ‘bas, abaissé’).
1. Quatrième de la liste des fils de Cham et petit fils de Noé (Gen. 9:18; 10:6; I Chron. 1:8). Ancêtre de onze tributs qui s’établirent finalement le long de la Méditerranée orientale, entre l’Égypte et la Syrie, région à laquelle on donna le nom de “pays de Canaan”. — Gen. 10:15-19; I Chron. 16:18; voir no 2.
Après l’ivresse de Noé, Canaan reçut de celui-ci une malédiction prophétique selon laquelle il deviendrait l’esclave de Sem et de Japhet (Gen. 9:20-27). Puisque le récit dit seulement que “Cham, le père de Canaan, vit la nudité de son père et alla le raconter à ses deux frères au-dehors”, on peut se demander pourquoi c’est Canaan et non pas Cham qui fut maudit. Commentant le verset 24 9:24, qui dit que lorsque Noé se réveilla de son vin il “apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils”, une note en bas de page de la traduction de Rotherham dit: “Sans aucun doute Canaan, et non Cham: à cause de leur piété, Sem et Japhet sont bénis; pour quelque bassesse non précisée, Canaan est maudit; à cause de sa négligence, Cham est négligé.” De même, un ouvrage juif (The Pentateuch and Haftorahs, publié par J. Hertz) laisse entendre que ce bref récit “se rapporte à quelque action infâme dans laquelle Canaan semble avoir été impliqué”. Puis, après avoir indiqué que le mot hébreu traduit par “fils” au verset 24 9:24 peut signifier “petit-fils”, le même ouvrage ajoute: “Il est manifestement question de Canaan.” The Soncino Chumash, publié par A. Cohen, fait également remarquer que, de l’avis de quelques-uns, Canaan “s’est livré à un acte abject sur [la personne de Noé]” et que l’expression “plus jeune fils” se rapporte à Canaan, fils cadet de Cham.
Ce ne sont là forcément que des conjectures puisque le récit biblique ne fournit aucun détail sur la participation de Canaan à la faute commise à l’encontre de Noé. Toutefois, le récit semble indiquer que Canaan fut mêlé à l’affaire, car immédiatement avant de rapporter l’ivresse de Noé, la Bible parle sans préambule de Canaan (v. 9:18), puis, relatant les actions de Cham, elle précise “Cham, le père de Canaan”. (V. 9:22.) Il est également raisonnable de penser qu’en disant que Cham “vit la nudité de son père”, le texte sacré peut sous-entendre un acte sexuel impur ou corrompu. En effet, quand la Bible condamne celui qui ‘découvre ou voit la nudité’ de quelqu’un, elle parle la plupart du temps d’un inceste ou d’un autre acte sexuel impur (Lév. 18:6-19; 20:17). Il est donc possible que Canaan ait commis ou tenté de commettre quelque acte odieux sur la personne de Noé, son grand-père, alors inconscient, que Cham, bien que le sachant, soit n’ait rien fait pour empêcher la chose, soit n’ait pris aucune mesure disciplinaire contre le coupable, et qu’il ait même cherché à faire paraître la faute comme sans grande gravité en racontant à ses frères, à sa manière, l’infamie qu’avait subie Noé.
Il faut aussi tenir compte de l’aspect prophétique de la malédiction. Rien n’indique que Canaan lui-même devint l’esclave de Sem ou de Japhet, mais Dieu usait de sa prescience. Puisque la malédiction prononcée par Noé était inspirée par Dieu et que celui-ci n’exprime jamais sa désapprobation sans qu’elle soit justifiée, il est probable que Canaan avait déjà laissé transparaître une personnalité corrompue, une nature lubrique. Dieu avait donc pu prévoir les fruits particulièrement mauvais qu’une telle nature produirait finalement chez les descendants de Canaan.
2. Le nom Canaan désigne également la race issue du fils de Cham et le pays où résidèrent ses descendants. C’est le nom le plus ancien donné par les indigènes à la partie de la Palestine qui s’étendait à l’ouest du Jourdain (Nomb. 33:51; 35:10, 14), même si les Amorites, eux-mêmes Cananéens, envahirent les régions situées à l’est du Jourdain quelque temps avant la conquête du pays par les Israélites. — Nomb. 21:13, 26.
FRONTIÈRES ET HISTOIRE ANTIQUE DE CANAAN
La toute première description des frontières de Canaan indique que ce pays s’étendait de Sidon, au nord, jusqu’à Guérar, près de Gaza, au sud-ouest, et à Sodome et les villes voisines, au sud-est (Gen. 10:19). Cependant, il semble qu’aux jours d’Abraham, Sodome et les autres “villes du District” n’étaient pas considérées comme une partie intégrante de Canaan (Gen. 13:12). Plus tard, les territoires d’Édom et de Moab, habités par des descendants d’Abraham et de Lot, étaient aussi, selon toute apparence, considérés comme distincts du pays de Canaan (Gen. 36:6-8; Ex. 15:15). Le territoire de Canaan, tel qu’il fut promis à la nation d’Israël, est délimité avec plus de détails en Nombres 34:2-12. Au nord, il s’étendait vraisemblablement beaucoup plus loin que Sidon et, au sud, il allait jusqu’au “ouadi d’Égypte” et jusqu’à Cadès-Barnéa. Les Philistins, qui n’étaient pas des Cananéens (Gen. 10:13, 14), s’étaient installés sur la côte, au sud de la plaine du Saron, mais cette région, elle aussi, était auparavant ‘considérée’ comme appartenant aux Cananéens. — Josué 13:3.
La facilité relative avec laquelle Abraham, puis plus tard Isaac et Jacob purent se déplacer dans ce pays avec leurs grands troupeaux de gros et de petit bétail laisse entendre qu’à cette époque-là la région n’était pas très peuplée (comparez avec Genèse 34:21). Les fouilles archéologiques ont apporté la preuve que la population était alors plutôt dispersée, la plupart des villes étant situées le long de la côte, près de la mer Morte, le long de la vallée du Jourdain et dans la plaine d’Esdrelon.
Durant la grande famine qui obligea Jacob et sa famille à se rendre en Égypte, le pays de Canaan s’appauvrit considérablement et ses habitants furent tributaires de l’Égypte pour leur alimentation (Gen. 47:4, 13-16). L’histoire profane révèle que l’Égypte tint Canaan sous sa domination pendant les deux siècles qui précédèrent la conquête Israélite. C’est au cours de cette période que des rois vassaux de Syrie et de Palestine adressèrent aux pharaons Aménophis III et Akhénaton des lettres (connues sous le nom de lettres d’el-Amarna) dans lesquelles on discerne les rivalités importantes et les intrigues politiques qui opposaient les différentes villes de Canaan. Quand les Israélites arrivèrent à la frontière de Canaan (1473 av. n. è.), ce pays était divisé en de nombreux petits royaumes ou cités-États, qui montraient néanmoins une certaine cohésion du fait de leurs liens tribaux. Les espions qui avaient exploré Canaan environ 40 ans plus tôt avaient découvert un pays riche produisant des fruits en abondance, et des villes bien fortifiées. — Nomb. 13:21-29; comparez avec Deutéronome 9:1; Néhémie 9:25.
RÉPARTITION DES TRIBUS DE CANAAN
Il semble que les Amorites constituaient la plus importante des onze tribus cananéennes (voir AMORITE). Les récits qui parlent d’eux montrent qu’outre Basan et Galaad, régions qu’ils conquirent à l’est du Jourdain, ils étaient puissamment installés dans la région montagneuse de Canaan proprement dit, tant au nord qu’au sud (Josué 10:5; 11:3; 13:4). La tribu la plus puissante après les Amorites était peut-être celle des Hittites. Certains d’entre eux étaient établis très au sud, par exemple à Hébron aux jours d’Abraham (Gen. 23:19, 20), mais il semble que plus tard ils résidaient essentiellement vers le nord, près de la Syrie. — Josué 1:4; Juges 1:23-26; I Rois 10:29.
Parmi les autres tribus, les Jébusites, les Hivites et les Guirgaschites sont les plus fréquemment mentionnées à l’époque de la conquête. Selon toute apparence, les Jébusites étaient concentrés dans la région montagneuse proche de Jérusalem (Nomb. 13:29; Josué 18:16, 28). Les Hivites étaient dispersés depuis Sichem, au sud (Gen. 33:18; 34:2), jusqu’au pied du mont Hermon, au nord (Josué 11:3). Le territoire occupé par les Guirgaschites n’est pas précisé.
Les six autres tribus: les Sidoniens, les Arvadites, les Hamathites, les Arkites, les Sinites et les Zémarites, étaient peut-être comprises dans l’expression générale “les Cananéens”, expression qui était souvent utilisée à côté des noms précis d’autres tribus, à moins qu’elle n’ait été tout simplement employée pour désigner des villes ou des groupes qui rassemblaient une population cananéenne mélangée (Ex. 23:23; 34:11; Deut. 7:1; Nomb. 13:29). Il semble que ces six tribus résidaient essentiellement au nord de la région conquise au départ par les Israélites. Elles ne sont pas mentionnées nommément dans le récit de cette conquête.
LA CONQUÊTE DE CANAAN PAR ISRAËL
La deuxième année après l’exode, les Israélites tentèrent une première fois de pénétrer en Canaan par le sud. Mais, ne bénéficiant pas du soutien divin, ils furent dispersés par les Cananéens et leurs alliés amalécites (Nomb. 14:42-45). Vers la fin de leurs pérégrinations de 40 ans, les Israélites se dirigèrent de nouveau vers les Cananéens. Le roi d’Arad, du Négueb, les attaqua, mais cette fois les armées cananéennes furent vaincues et leurs villes détruites (Nomb. 21:1-3). Toutefois, après leur victoire, les Israélites n’envahirent pas le pays par le sud, mais ils le contournèrent pour y pénétrer par l’est. Leur marche provoqua un conflit avec les royaumes amorites de Sihon et d’Og. Ayant vaincu ces rois, les Israélites imposèrent leur domination sur le pays de Basan et de Galaad; rien qu’en Basan ils prirent 60 villes “avec une haute muraille, des portes et des barres”. (Nomb. 21:21-35; Deut. 2:26 à 3:10.) La défaite de ces rois puissants démoralisa les Cananéens des royaumes à l’ouest du Jourdain. Puis, après que les Israélites eurent traversé miraculeusement le fleuve à pied sec, le cœur des Cananéens ‘commença à fondre’. Aussi n’attaquèrent-ils pas le camp des Israélites à Guilgal pendant que bon nombre des hommes se rétablissaient après avoir été circoncis ni pendant la célébration de la Pâque qui suivit. — Josué 2:9-11; 5:1-11.
Pour les Israélites, Guilgal constituait une excellente base de départ pour la conquête de Canaan. En effet, ils disposaient d’eau en abondance grâce au Jourdain et ils pouvaient se ravitailler en denrées alimentaires dans la région qu’ils avaient conquise à l’est du fleuve. Leur premier objectif fut un avant-poste des Cananéens, la ville de Jéricho alors complètement fermée. Grâce à la force de Dieu, ses murailles s’écroulèrent (Josué 6:1-21). Puis les conquérants montèrent à plus de 900 mètres d’altitude dans la région montagneuse au nord de Jérusalem et, après un premier échec, ils prirent et brûlèrent Aï (Josué 7:1-5; 8:18-28). Alors que les royaumes de tout Canaan s’unissaient en une puissante coalition pour repousser les Israélites, quelques villes hivites recoururent à un stratagème pour faire la paix avec Israël. Pour les autres royaumes de Canaan, la sécession de Gabaon et de trois autres villes voisines était manifestement une trahison qui mettait en péril l’unité de toute la ‘ligue cananéenne’. C’est pourquoi cinq rois cananéens s’allièrent pour combattre non pas Israël, mais Gabaon. L’armée Israélite conduite par Josué marcha toute la nuit pour sauver la ville assiégée. La victoire de Josué sur les cinq rois qui avaient attaqué Gabaon s’accompagna de miracles: de grandes pierres de grêle tombèrent des cieux, et Dieu retarda le coucher du soleil pour permettre à Josué d’achever sa victoire. — Josué 9:17, 24, 25; 10:1-27.
Les Israélites victorieux opérèrent ensuite un mouvement tournant à travers toute la moitié sud de Canaan (à l’exception des plaines de la Philistie). Ils s’emparèrent des villes de la Séphélah, de la région montagneuse et du Négueb, après quoi ils revinrent à leur camp de base, à Guilgal, près du Jourdain (Josué 10:28-43). Alors les Cananéens de la région septentrionale unirent leurs forces. Sous la conduite du roi de Hazor, ils massèrent leurs troupes et leurs chars près des eaux de Mérom, au nord de la mer de Galilée, où ils s’étaient donné rendez-vous. Mais l’armée de Josué les attaqua par surprise et les mit en déroute. Puis elle poursuivit sa marche vers le nord et s’empara de leurs villes jusqu’à Baal-Gad, au pied du mont Hermon (Josué 11:1-20). Cette campagne, qui prit probablement beaucoup de temps, fut suivie d’une autre offensive dans la région montagneuse du sud, cette fois contre les Anakim, des géants, et leurs villes. — Josué 11:21, 22.
Six années avaient passé depuis le début de la conquête. La majeure partie du pays étant conquise, et la force des tribus cananéennes brisée, on put commencer le partage du territoire entre les tribus Israélites. Cependant, un certain nombre de régions restaient insoumises, notamment le territoire des Philistins qui, bien que n’étant pas Cananéens, s’étaient approprié une partie du pays promis à Israël. Citons encore le territoire des Guéschurites (voir I Samuel 27:8), la région qui allait des environs de Sidon à Guébal (Byblos), au nord, et toute celle du Liban (Josué 13:2-6). Il y eut aussi des foyers de résistance çà et là en Canaan. Les uns furent soumis par les tribus qui avaient hérité ce territoires, alors qu’un certain nombre restèrent insoumis. Dans d’autres cas encore, les habitants furent assujettis au travail forcé pour les Israélites. — Josué 15:13-17; 16:10; 17:11-13, 16-18; Juges 1:17-21, 27-36.
LES RAISONS DE L’EXTERMINATION DES CANANÉENS
Le récit historique rapporte que les habitants des villes cananéennes dont s’emparèrent les Israélites furent complètement anéantis (Nomb. 21:1-3, 34, 35; Josué 6:20, 21; 8:21-27; 10:26-40; 11:10-14). Des détracteurs de la Bible ont invoqué ce fait pour affirmer que les Écritures hébraïques, l’“Ancien Testament”, reflètent une grande cruauté et relatent de terribles carnages. En réalité, la question soulevée est la suivante: La domination de dieu sur la terre et sur ses habitants est-elle ou non reconnue? Dieu avait accordé le droit de jouissance du pays de Canaan à la ‘postérité d’Abraham’ aux termes d’une alliance appuyée par un serment (Gen. 12:5-7; 15:17-21; comparez avec Deutéronome 32:8; Actes 17:26). Cependant, Dieu avait prévu plus qu’une simple expropriation du pays ou l’expulsion de ses occupants. Était également impliqué son droit d’agir en tant que “Juge de toute la terre” (Gen. 18:25) et de condamner à la peine capitale ceux qui le méritent, ainsi que celui d’exécuter un tel jugement.
Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, l’équité de la malédiction que Dieu prononça prophétiquement sur Canaan fut confirmée par les conditions qui s’étaient développées dans ce pays à l’époque de sa conquête par les Israélites. Après Abraham, Jéhovah laissa s’écouler quatre siècle ‘pour que la faute des Amorites devienne complète’. (Gen. 15:16.) Le fait que les femmes hittites d’Ésaü étaient “une source d’amertume d’esprit pour Isaac et pour Rébecca”, au point que celle-ci en vint ‘à avoir sa vie en horreur à cause d’elles’, laisse certainement entendre que la méchanceté des Cananéens était déjà manifeste à cette époque-là (Gen. 26:34, 35; 27:46). Au cours des siècles qui suivirent, le pays de Canaan devint le théâtre de toutes sortes de pratiques détestables, ses habitants se livrant à l’idolâtrie, à l’immoralité et à des effusions de sang. Leur religion était extrêmement répugnante et avilissante. Leurs “poteaux sacrés” étaient sans doute des emblèmes phalliques, et un grand nombre des rites qu’ils observaient sur leurs “hauts lieux” consistaient en pratiques sexuelles terriblement dépravées (Ex. 23:24; 34:12, 13; Nomb. 33:52; Deut. 7:5). L’inceste, la sodomie et la bestialité étaient au nombre des pratiques courantes qui avaient rendu impur le pays de Canaan, et c’est à cause de ces fautes que le pays allait ‘vomir ses habitants’. (Lév. 18:2-25.) Au nombre des pratiques détestables des Cananéens, on peut encore citer la magie, la sorcellerie, le spiritisme et le sacrifice d’enfants par le feu. — Deut. 18:9-12.
Jéhovah avait déjà usé de son droit souverain pour exécuter la sentence de mort qu’il avait prononcée sur la population méchante de toute la terre lors du déluge universel et quand il avait détruit le District des villes de Sodome et de Gomorrhe, à cause du ‘grand cri réprobateur à leur sujet et de leur péché très lourd’. (Gen. 18:20; 19:13.) Il exécuta encore ses jugements quand il anéantit les armées du pharaon dans la mer Rouge et, plus tard, quand il extermina les maisons de Coré et d’autres rebelles Israélites. Il s’était alors servi des forces naturelles, tandis que pour Canaan il confia aux Israélites le devoir sacré d’être les principaux exécuteurs de ses jugements, mais guidés par son messager angélique et soutenus par sa force toute-puissante (Ex. 23:20-23, 27, 28; Deut. 9:3, 4; 20:15-18; Josué 10:42). Le résultat aurait été le même pour les Cananéens si Dieu avait choisi de les détruire par quelque phénomène naturel, tel qu’une inondation, une explosion ou un tremblement de terre. Aussi désagréable que puisse paraître une telle mission, le fait que des instruments humains furent chargés d’anéantir les Cananéens condamnés n’enlève en rien à la justice de cette action ordonnée par Dieu (Jér. 48:10). En se servant d’instruments humains, qu’il opposa à “sept nations plus peuplées et plus puissantes” qu’eux, Jéhovah exalta sa force et démontra sa divinité. — Deut. 7:1; Lév. 25:38.
Les Cananéens n’ignoraient pas les preuves puissantes par lesquelles Dieu avait montré qu’Israël était son peuple choisi et son instrument (Josué 2:9-21, 24; 9:24-27). Cependant, à l’inverse de Rahab, de sa famille et des villes des Gabaonites, ceux qui subirent la destruction ne cherchèrent ni à s’attirer la miséricorde divine ni à fuir. Ils préférèrent s’endurcir dans leur rébellion contre Jéhovah. Celui-ci ne les obligea pas à se plier et à céder à sa volonté déclarée, mais il laissa “s’obstiner leur cœur pour déclarer la guerre à Israël, afin qu’il les vouât à la destruction, pour qu’ils ne fussent pas considérés avec faveur, mais afin qu’il les anéantît” conformément au jugement prononcé contre eux. — Josué 11:19, 20.
Faisant preuve de sagesse, Josué “n’ôta pas une parole de tout ce que Jéhovah avait commandé à Moïse” au sujet de la destruction des Cananéens (Josué 11:15). Mais la nation d’Israël ne suivit pas son bon exemple; elle n’élimina pas complètement la source de toutes les souillures du pays. La présence continuelle de Cananéens parmi eux fut une cause de contamination pour les Israélites et, avec le temps, elle provoqua sans aucun doute plus de morts (sans parler des crimes, de l’immoralité et de l’idolâtrie) que n’en aurait causé le décret divin ordonnant la destruction de tous les Cananéens, si celui-ci avait été exécuté fidèlement (Nomb. 33:55, 56; Juges 2:1-3, 11-23; Ps 106:34-43). Jéhovah avait averti les Israélites que sa justice et ses jugements étaient impartiaux et que, s’ils nouaient des relations avec les Cananéens, contractaient des mariages avec eux, mêlaient leur culte au leur et adoptaient leurs coutumes religieuses ainsi que leurs mœurs dégénérées, ils s’attireraient inévitablement le même jugement de destruction, ce qui leur vaudrait, à eux aussi, d’être ‘vomis par le pays’. — Ex. 23:32, 33; 34:12-17; Lév. 18:26-30; Deut. 7:2-5, 25, 26.
Juges 3:1, 2 dit que Jéhovah laissa séjourner quelques nations cananéennes “pour éprouver par elles Israël, c’est-à-dire tous ceux qui n’avaient connu aucune des guerres de Canaan; ce fut uniquement pour que les générations des fils d’Israël sachent ce que c’est, afin de leur enseigner la guerre, c’est-à-dire à ceux seulement qui auparavant n’avaient pas connu pareilles choses”. Cela ne contredit pas la déclaration antérieure de Jéhovah (Juges 2:20-22) selon laquelle il ne chassa pas ces nations à cause de l’infidélité d’Israël et aussi “afin d’éprouver par elles Israël, pour savoir s’ils garderont ou non la voie de Jéhovah”. Les paroles citées plus haut s’accordent plutôt avec cette raison et montrent que les futures générations d’Israélites se verraient offrir la possibilité de démontrer leur obéissance aux commandements de Dieu concernant les Cananéens, de mettre ainsi leur foi à l’épreuve en allant jusqu’à risquer leur vie dans une guerre pour prouver leur obéissance. Les guerres contre les nations cananéennes décrites dans le livre des Juges et, plus tard, celles qui menèrent Saül et David, montrent bien que tel était le dessein de Jéhovah.
Eu égard à tout cela, il est clair que les propos tenus par quelques détracteurs de la Bible, à savoir que l’anéantissement des Cananéens par Israël est en désaccord avec l’‘esprit’ des Écritures grecques chrétiennes, ne s’accordent pas avec les faits, ainsi que le démontre l’examen de différents textes de l’Écriture, comme Matthieu 3:7-12; 22:1-7; 23:33; 25:41-46; Marc 12:1-9; Luc 19:14, 27; Romains 1:18-32; II Thessaloniciens 1:6-9; 2:3; Révélation 19:11-21.
L’HISTOIRE DE CANAAN APRÈS LA CONQUÊTE
Après la conquête, les relations entre les Cananéens et les Israélites évoluèrent peu à peu pour aboutir à une coexistence relativement pacifique, mais au détriment d’Israël (Juges 3:5, 6; comparez avec Juges 19:11-14). Des rois syriens, moabites et philistins dominèrent successivement et temporairement les Israélites, mais c’est seulement aux jours de Jabin, appelé “roi de Canaan”, que les Cananéens recouvrèrent assez de force pour opprimer Israël pendant 20 ans (Juges 4:2, 3). Après que Jabin eut été finalement vaincu par Barak, les ennuis d’Israël durant la période qui précéda l’instauration d’un royaume vinrent essentiellement de peuples non cananéens, tels que les Madianites, les Ammonites et les Philistins. Pareillement, au cours du règne de Saül, les Amorites sont les seuls d’entre les tribus cananéennes à être brièvement mentionnés (I Sam. 7:14). Le roi David expulsa les Jébusites de Jérusalem (II Sam. 5:6-9), mais il mena ses principales campagnes contre les Philistins, les Ammonites, les Moabites, les Édomites, les Amalécites et les Syriens. Ainsi, bien que possédant toujours des villes et des terres à l’intérieur du territoire d’Israël (II Sam. 24:7, 16-18), les Cananéens avaient manifestement cessé de constituer une menace militaire. Deux Hittites sont mentionnés parmi les soldats de David. — I Sam. 26:6; II Sam 23:39.
Durant son règne, Salomon leva d’entre les restes des tribus cananéennes des hommes pour le travail forcé sur ses nombreux chantiers de construction (I Rois 9:20, 21), dont certains furent entrepris à Hamath, la ville cananéenne la plus septentrionale (II Chron. 8:4). Mais plus tard, ce sont ses femmes cananéennes qui firent trébucher Salomon dont la chute fit perdre à son héritier une grande partie du royaume et provoqua la corruption religieuse de la nation (I Rois 11:1, 13, 31-33). Dans les années qui vont du règne de Salomon (1037-997 av. n. è.) à celui de Joram d’Israël (env. 917-905 av. n. è.), seuls les Hittites semblent être restés une tribu relativement importante et puissante, même si, selon toute apparence, elle résidait au nord du territoire d’Israël, à côté ou à l’intérieur du territoire syrien. — I Rois 10:29; II Rois 7:6.
Les mariages des Israélites avec des Cananéens constituaient encore un problème parmi les exilés juifs rentrés au pays après leur captivité à Babylone (Esdras 9:1, 2), mais les royaumes cananéens, y compris ceux des Hittites, s’étaient probablement désintégrés sous les coups des agresseurs syriens, assyriens et babyloniens. Le terme “Canaan” en vint à désigner essentiellement la Phénicie, comme par exemple dans la prophétie d’Ésaïe sur la ville de Tyr (És. 23:1, 11, NW éd. de 1958, note en bas de page) et dans le cas de la femme “phénicienne” (littéralement cananéenne [gr. Khananaios]), habitant la région de Tyr et de Sidon, qui aborda Jésus. — Mat. 15:22; comparez avec Marc 7:26.
IMPORTANCE COMMERCIALE ET GÉOPOLITIQUE
Le pays de Canaan constituait un pont entre l’Égypte et l’Asie, et plus particulièrement la Mésopotamie. Bien que l’économie du pays fût essentiellement agricole, les Cananéens se livraient aussi au commerce, et les villes portuaires de Tyr et de Sidon devinrent d’importants centres commerciaux dont les navires étaient renommés dans tout le monde connu de l’époque (comparez avec Ézéchiel chapitre 27). C’est pourquoi, dès l’époque de Job, le mot “cananéen” était devenu synonyme de “marchand”, et c’est ainsi qu’il est traduit (Job 41:6; Soph. 1:11; notez également comment, en Ézéchiel 17:4, 12, Babylone est désignée par l’expression “pays de Canaan”). Canaan occupait donc une position stratégique dans le “croissant fertile” et fut l’objet de la convoitise des grands empires de Mésopotamie, d’Asie Mineure et d’Afrique qui cherchaient à contrôler, aux confins de ce pays, une telle voie de communication pour les armées et les échanges commerciaux. Le choix divin de cet endroit pour son peuple élu allait certainement attirer l’attention des nations et avoir de très grandes conséquences. On pouvait donc dire dans un sens géographique, même si cela était plus important sur le plan religieux, que les Israélites habitaient “au centre de la Terre”. — Ézéch. 38:12.