Les chrétiens doivent-ils observer le sabbat ?
UN RABBIN juif orthodoxe dut faire à pied les quinze kilomètres séparant l’aéroport Kennedy de New York de son domicile à Brooklyn. Pourquoi ? Parce que son avion avait atterri un vendredi soir après le coucher du soleil et que sa religion lui interdit d’utiliser les transports publics durant le sabbat. En Israël, certains demandent que les autobus ne soient pas autorisés à circuler le jour du sabbat, pas même les voitures des pompiers. Parfois, ces Juifs orthodoxes vont jusqu’à se coucher côte à côte sur la chaussée, d’un trottoir à l’autre, afin d’arrêter la circulation durant le sabbat. Évidemment, tous les Juifs orthodoxes n’adoptent pas cette attitude envers le sabbat.
La loi à laquelle ces Juifs prétendent obéir est le quatrième des Dix Commandements, disant (en partie) : “Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras, et tu feras tous tes ouvrages. Mais le septième jour est un sabbat consacré à Jéhovah, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage.” (Ex. 20:8-10, Crampon 1905). Les chrétiens sont-ils concernés par cette loi, ou celle-ci ne s’appliquait-elle qu’aux Israélites, désignés plus tard sous le nom de Juifs ?
Était-ce uniquement pour Israël ?
Pour répondre à cette question, il suffit de lire l’introduction des Dix Commandements : “Je suis Jéhovah, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude.” (Ex. 20:2, Crampon 1905). Qui Jéhovah a-t-il délivré d’Égypte ? Les descendants de Jacob ou Israël. Remarquez comment le quatrième commandement est énoncé dans Deutéronome 5:12-15 (Crampon 1905) : “Observe le jour du sabbat pour le sanctifier (...). Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d’Égypte, et que Jéhovah, ton Dieu, t’en a fait sortir d’une main forte et d’un bras étendu ; c’est pourquoi, Jéhovah, ton Dieu, t’a ordonné d’observer le jour du sabbat.”
Entre Jéhovah et qui le sabbat devait-il être un signe ? Entre Jéhovah et Israël uniquement. Dans Exode 31:13 (Crampon 1905), il est écrit : “Parle aux enfants d’Israël et dis-leur : Ne manquez pas d’observer mes sabbats ; car c’est entre moi et vous un signe pour toutes vos générations, pour que vous sachiez que c’est moi, Jéhovah, qui vous sanctifie.” (Voir aussi Ézéchiel 20:10-12). Alors que certains prétendent que la loi du sabbat était en vigueur depuis l’Éden, Moïse déclara clairement à son peuple : “Ce n’est point avec nos pères que Jéhovah a conclu cette alliance, c’est avec nous, qui sommes ici aujourd’hui tous vivants.” — Deut. 5:3, Crampon 1905.
Mais le sabbat ne devait-il pas être un signe entre Jéhovah Dieu et son peuple “à perpétuité” ? (Ex. 31:17, Crampon 1905.) Non, car le mot hébreu “ohlam”, traduit ici par “à perpétuité”, signifie simplement une période indéfinie ou indéterminée. C’est pourquoi la Traduction du monde nouveau rend ce mot par “jusqu’à des temps indéfinis”. Le sabbat devait donc rester en vigueur jusqu’à des temps indéfinis ; cela pouvait être à perpétuité ou non. Le fait que ce mot est utilisé à propos de nombreux autres aspects de la Loi qui ont de toute évidence disparu, indique qu’il ne signifie pas nécessairement “à perpétuité”. — Ex. 12:14, 17, 24 ; 27:21 ; 28:43 ; 29:28.
L’attitude de Jésus et de ses apôtres
Jésus a-t-il observé le sabbat ? Les chefs religieux de son époque le critiquèrent à ce sujet, mais le fait est qu’en tant que Juif né sous la Loi, il observait effectivement le sabbat (Gal. 4:4). Il l’observait selon les instructions de la Parole de Dieu (et non selon celles des Pharisiens). Provoqué par ceux-ci, il leur répondit non pas que le sabbat ne s’appliquait pas à lui, mais plutôt qu’il était “permis de faire une chose excellente le sabbat”. (Mat. 12:12.) Cependant, il déclara aussi qu’il était venu pour “accomplir” la Loi (Mat. 5:17). Comment cela a-t-il influencé ses disciples ?
Après la mort, la résurrection et l’ascension au ciel de Jésus, ceux-ci ont-ils continué à observer le sabbat ? Non. Mais ils ont profité des coutumes locales pour prêcher aux gens qui avaient l’habitude de se rassembler les jours de sabbat. Ainsi, nous lisons que Paul et ses compagnons sont entrés dans une synagogue un jour de sabbat. Pourquoi ? Parce qu’il y avait là de nombreuses personnes (Actes 13:14-16). Ce sont leurs auditeurs, habitués à se réunir le jour du sabbat, qui les prièrent de leur en apprendre davantage le sabbat suivant (Actes 13:42-44). Chaque fois qu’il est question du sabbat dans le livre des Actes, c’est en rapport avec le culte des non-chrétiens dans une synagogue ou dans un autre lieu de prière. — Actes 16:11-13 ; 17:1-3 ; 18:4.
En revanche, il est rapporté qu’en certaines occasions les disciples du Christ se sont réunis le premier jour de la semaine (Jean 20:19, 26 ; Actes 20:7). Cela n’autorise pas pour autant les chrétiens à considérer le premier jour de la semaine comme sacré. Mais les Écritures grecques chrétiennes ne donnant aucun commandement particulier à ce propos, il est clair que les premiers chrétiens ne considéraient plus le septième jour de la semaine comme un jour spécial réservé au culte.
“Sous la loi”
Dans Romains 6:14, Paul dit aux chrétiens : “Vous êtes non sous la loi.” Cependant, certaines personnes s’attachant encore à l’observance du sabbat prétendent que l’expression “sous la loi” ne s’applique qu’à ceux qui transgressent la loi divine, alors que tous ceux qui l’observent sont “libérés de la loi”. Mais cet argument n’est absolument pas confirmé par la Parole de Dieu. Au contraire, elle dit : “Nous savons que toutes les choses que dit la Loi, elle les adresse à ceux qui sont sous la Loi.” — Rom. 3:19.
L’apôtre Paul réfute également ce point de vue quand, dans Galates 3:23, il déclare qu’“avant que la loi fût arrivée, nous étions gardés sous la loi”. Jésus n’était certainement pas un transgresseur de la Loi ; pourtant, nous lisons à son sujet : “Quand la pleine limite du temps fut arrivée, Dieu envoya son Fils, qui vint d’une femme et qui vint à être sous la loi.” Ce seul texte suffit pour démontrer le caractère spécieux de l’argument selon lequel seuls ceux qui transgressent la Loi sont “sous” cette Loi. — Gal. 4:4.
Un avertissement à ceux qui observent les jours
Bien que n’étant pas sous le Décalogue, les chrétiens sont exhortés à se conformer aux principes qu’il renferme. Ainsi, ils sont mis en garde contre l’adoration des faux dieux, la profanation du nom de Dieu, le meurtre, l’adultère, le vol, le faux témoignage et la convoitise. Il leur est également ordonné d’honorer leur père et leur mère. En revanche, de Matthieu à la Révélation, nous chercherions en vain un commandement précis ordonnant aux chrétiens d’observer le septième jour de la semaine. Par contre, les chrétiens ont reçu ce commandement : “Que personne donc ne vous juge dans le manger et le boire ou à propos d’une fête ou de l’observance de la nouvelle lune ou d’un sabbat ; car ces choses sont une ombre des choses à venir.” (Col. 2:16, 17). Les chrétiens de Galatie furent particulièrement repris parce qu’ils observaient certains jours ; Paul leur écrivit : “Maintenant que (...) vous êtes connus de Dieu, comment pouvez-vous retourner aux choses élémentaires, faibles et misérables, et vouloir travailler de nouveau comme des esclaves pour elles ? Vous observez scrupuleusement les jours et les mois et les saisons et les années. Pour vous, je crains que de façon ou d’autre j’aie travaillé en vain en ce qui vous concerne.” — Gal. 4:9-11.
Que les premiers chrétiens n’étaient pas tenus d’observer le sabbat, c’est ce que montre Romains 14:5: “Un homme juge tel jour supérieur à un autre ; un autre homme juge tel jour semblable à tous les autres ; que chaque homme soit pleinement convaincu dans son esprit.” L’apôtre Paul n’aurait pu parler ainsi si les chrétiens avaient encore été tenus d’observer le Décalogue. À ce propos, il est intéressant de remarquer que certains “pères” de l’Église primitive, tels que Justin le Martyr et Tertullien, rangeaient l’observance du sabbat dans la même catégorie que la circoncision.
Dieu mit fin à la Loi par l’intermédiaire du Christ
Les Écritures montrent clairement que Dieu mit fin à la Loi par l’intermédiaire du Christ (Éph. 2:14-18 ; Col. 2:13, 14). Certains prétendent que Dieu ne mit fin qu’à ce qu’ils appellent la Loi cérémonielle, mais pas au Décalogue. Cependant, il n’existe aucun texte justifiant pareille distinction. Dans son Sermon sur la montagne, Jésus cita indifféremment le Décalogue et les ordonnances cérémonielles de la Loi sans faire de distinction entre eux. — Mat. 5:21-42.
Pour confirmer cela, considérez encore les paroles inspirées rapportées dans Romains 7:4-12. Nous y lisons que les chrétiens ont été “mis à mort à l’égard de la Loi par le corps du Christ” et que, par conséquent, ils ont été “affranchis de la Loi”. De quelle Loi ? Uniquement de la Loi dite cérémonielle ? Absolument pas, car le rédacteur inspiré cite ensuite le Décalogue : “Tu ne dois pas convoiter”, montrant que par le mot “Loi” il n’entendait pas seulement la Loi dite cérémonielle, mais toute la Loi donnée par l’intermédiaire de Moïse, y compris les Dix Commandements.
La Loi opposée à la bonté imméritée
Tout au long des Écritures grecques chrétiennes, la Loi de Moïse est opposée à la “grâce” ou bonté imméritée qui fut introduite avec Jésus Christ. Ainsi, nous lisons que “la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ”. (Jean 1:17, Crampon 1905.) Effectivement “Christ est la fin de la Loi, afin que quiconque exerce la foi ait la justice”. Par “fin” il ne faut pas entendre simplement le but de la Loi, mais sa disparition. Les chrétiens reçoivent donc ce conseil : “Le péché ne doit pas dominer sur vous, étant donné que vous êtes non sous la loi mais sous la bonté imméritée.” — Rom. 10:4 ; 6:14.
La Loi a atteint son objectif ; elle a préparé les Israélites pour la venue de leur Messie. Nous lisons : “La Loi est devenue notre tuteur menant à Christ, afin que nous fussions déclarés justes par suite de la foi. Mais maintenant que la foi est arrivée, nous ne sommes plus sous un tuteur.” (Gal. 3:24, 25). Pour qui la Loi était-elle un tuteur ? Uniquement pour les Juifs. C’est pourquoi, quand Paul prêcha aux non-Juifs d’Athènes, certains d’entre eux devinrent croyants, c’est-à-dire chrétiens, bien qu’ils n’aient jamais été sous la Loi de Moïse, le tuteur. — Actes 17:22-34.
La “loi” de l’amour
Tout cela signifie-t-il que n’étant plus sous les Dix Commandements, les chrétiens sont libres de faire ce qui leur plaît ? Absolument pas. “Vous avez été, évidemment, appelés pour la liberté, frères ; seulement, n’usez pas de cette liberté comme une incitation pour la chair, mais par l’amour travaillez comme des esclaves les uns pour les autres. Car la Loi entière se tient accomplie dans cette seule parole, à savoir : ‘Tu dois aimer ton prochain comme toi-même.’” (Gal. 5:13, 14). Si les chrétiens n’avaient été affranchis que de la Loi dite cérémonielle, cette liberté n’aurait pu constituer une incitation pour la chair. Il est donc clair que le raisonnement est le suivant : Bien que les chrétiens ne soient plus sous la Loi de Moïse, y compris les Dix Commandements, ils ne sont pas libres d’agir sans égard pour leur prochain, car ils sont toujours tenus de respecter la loi de l’amour.
Les paroles rapportées dans Romains 13:8-10 montrent que cette loi de l’amour remplace les commandements du Décalogue (et non pas seulement la Loi dite cérémonielle) ; Paul écrit : “Ne devez rien à personne, sinon de vous aimer l’un l’autre ; car celui qui aime son semblable a accompli la loi. Car le code de la loi : ‘Tu ne dois pas commettre d’adultère, Tu ne dois pas assassiner, Tu ne dois pas voler, Tu ne dois pas convoiter,’ et quelque autre commandement qu’il y ait, se résume en cette parole, à savoir : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’ L’amour ne fait pas de mal au prochain ; l’amour est donc l’accomplissement de la loi.” Étant donné l’importance capitale de l’amour, Jésus n’a fait allusion à aucun des Dix Commandements quand on lui a demandé quel était le plus grand. Il expliqua que le plus grand commandement consistait à aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force. — Marc 12:29, 30.
Toutefois, le quatrième commandement n’est pas sans signification pour les chrétiens. Ceux-ci observent un sabbat, non pas un jour sur sept, mais un sabbat continuel, celui dans lequel Dieu est entré après avoir achevé son œuvre de création (Ps. 95:8-11 ; Héb. 3:7 à 4:8). Paul écrivit en effet : “Il reste donc un repos sabbatique pour le peuple de Dieu (...). Faisons donc notre possible pour entrer dans ce repos.” Comment cela ? En exerçant la foi dans les dispositions prises par Dieu pour le salut, en renonçant aux œuvres égoïstes et en utilisant plutôt notre vie pour glorifier Dieu. “L’homme qui est entré dans le repos de Dieu s’est, lui aussi, reposé de ses œuvres [égoïstes, visant à sa propre justification], comme Dieu des siennes”, c’est-à-dire de ses œuvres créatrices (Héb. 4:9-11). Êtes-vous entré dans ce repos ?