Comment la publicité peut influencer votre esprit
SAVIEZ-VOUS que lorsqu’un Américain moyen atteint l’âge de dix-sept ans, il a déjà vu 350 000 réclames télévisées ? Cela fait plus de cinquante pour chaque jour de sa vie ! Et il est encore bombardé par d’autres annonces publicitaires. Récemment, un numéro d’un périodique bien connu contenait vingt et une pages d’articles pour quatre-vingt-dix-sept de publicité. Plus de quatre pages d’annonces pour une de texte !
Beaucoup de gens déplorent cette invasion de la publicité. Ils y voient un rapport avec la dette du consommateur américain, qui s’élève à 170 milliards de dollars (environ 850 milliards de francs français), soit plus de 800 dollars (4 000 francs français) pour chaque homme, femme et enfant du pays. Par contre, d’autres prétendent que la publicité est nécessaire, car elle nous fait connaître quantité de produits et de services utiles.
Il y a du vrai dans ces deux points de vue. La publicité peut être utile. Cependant, elle comporte des traquenards, principalement parce qu’elle cherche à vous influencer. Beaucoup de personnes demanderont : “Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi ne pas se contenter de présenter les faits concernant les produits et laisser les gens décider par eux-mêmes ?” Il y a à cela plusieurs raisons.
Pourquoi ce conditionnement ?
Une des raisons, c’est que les faits ne suffisent pas pour vendre. Paul Stevens, agent de publicité, déclara : “Si on s’efforce sincèrement de composer une publicité honnête et qu’on l’oppose à une réclame tapageuse, qui essaie de déguiser la vérité, c’est généralement la réclame tapageuse qui attire l’attention.” Une étude récente au moyen de produits factices a souligné ce fait. Nous citons :
“Quand, sur la balance, les pêches X se sont révélées moins lourdes que celles d’une marque rivale, le groupe de consommateurs a eu l’impression, délibérément trompeuse mais tout à fait persuasive, que les pêches X contenaient moins de calories (...). Dans quatre tests sur six, les réclames mensongères réussissaient mieux à pousser l’auditoire à l’achat que la propagande honnête.” — Time, 14 mai 1973.
Le succès évident de ce genre de réclame montre que les agents de publicité ont bien jaugé la mentalité du public en général.
Si de telles méthodes sont employées, c’est aussi parce que les sociétés commerciales, avides de profits, comptent souvent sur la réclame pour vendre des produits dont les gens n’ont pas besoin. Les publicitaires doivent donc créer le désir de se procurer ces produits, un désir suffisamment puissant pour l’emporter sur le sens pratique. Le psychologue Erich Fromm fit remarquer que la publicité a pour objet de ‘créer de plus en plus de besoins chez l’homme au lieu d’améliorer sa personnalité’. C’est surtout vrai des produits de luxe non indispensables, comme le tabac, les boissons alcooliques, les produits de beauté, les bonbons et les automobiles coûteuses.
Les publicitaires ont un autre problème : la compétition entre des produits presque identiques. La revue Time écrivit que si “un client aveuglé ne fait guère de différence entre deux marques, la tâche du publicitaire est d’en trouver une, réelle ou imaginaire, et de l’exploiter”.
Un exemple : Un représentant d’une association de consommateurs de la ville de New York informa l’Association nationale des publicitaires que ‘la publicité avait convaincu des millions de gens de la supériorité [d’une marque d’eau de Javel]’. Cette marque est beaucoup plus chère, mais se vend beaucoup mieux. Saviez-vous, comme le fit remarquer cet homme, que “l’eau de Javel est un de ces produits qui doivent être identiques, quelle que soit la marque” ? “Elle est chimiquement définie.”
Pourquoi ce genre de publicité est-il si efficace ?
Pourquoi la publicité est efficace
Comme vous le savez peut-être, la plupart des principes de la publicité sont basés sur une analyse scientifique des mobiles humains appelée “la recherche des motivations”. On analyse même les enfants, afin de les pousser à influencer leurs parents et, en même temps, on façonne leurs habitudes d’achat pour l’avenir. La publicité fait donc appel à des mobiles fondamentaux : l’amour, la famille, le succès, le plaisir, la sécurité, etc. Adroitement manœuvrés, ces mobiles sont la clé de la réussite en publicité.
C’est là que l’acheteur doit être vigilant. Le meilleur conseil est donné par ce sage proverbe :
“Quiconque est inexpérimenté ajoute foi à toute parole, mais le sagace considère ses pasa.”
Dans la plupart des réclames, on choisit habilement chaque mot, mais on soigne également la mise en scène, afin de mettre le produit en valeur. Certaines réclames donnent au public une idée à moitié vraie, voire tout à fait fausse. Cependant, rien n’est dit qui soit carrément un mensonge, car ce serait illégal. Comment arrive-t-on à ce résultat ? Nous allons passer en revue certaines méthodes employées par les publicitaires, afin de vous aider à échapper à ces manœuvres.
Le choix des mots
Dans une réclame, chaque mot est soigneusement choisi pour frapper au maximum tout en donnant un minimum de faits, si les preuves manquent. Les publicitaires eux-mêmes admettent qu’ils emploient des termes ambigus. Le Dictionnaire Robert définit un terme ambigu comme un mot “qui présente deux ou plusieurs sens possibles, dont l’interprétation est incertaine”. Voyez si vous pouvez reconnaître ces termes dans cette réclame télévisée :
Une jeune femme séduisante vous dit que le savon qu’elle emploie ‘aide sa peau à garder un aspect sain’. En entendant cela, n’êtes-vous pas enclin à penser que ce savon “garde la peau saine” ? Mais remarquez le choix des mots : 1) Le verbe “aider” est souvent employé pour éviter de dire qu’un produit fait réellement quelque chose. 2) Le mot “aspect” change le sens du terme “sain” ; il ne s’agit pas d’un fait, mais d’une opinion : celle du fabricant de savons. On peut dire la même chose de n’importe quel savon, mais le fabricant espère que vous penserez à sa marque quand vous ferez vos achats.
Maintenant voyez en quoi cette autre réclame est trompeuse : On affirme qu’un remède coûteux contre les maux de tête contient ‘deux fois plus d’analgésique que la quantité maximum recommandée par les médecins’. Peut-être penserez-vous que ce remède est deux fois plus puissant qu’un comprimé d’analgésique prescrit par un médecin. Mais avant de l’acheter, posez-vous quelques questions : Quel est l’analgésique qu’on peut obtenir sans ordonnance et que les médecins recommandent le plus ? N’est-ce pas le seul vendu légalement, tout simplement de l’aspirine, de n’importe quelle marque ? ‘Deux fois plus’ ? Mais par rapport à quoi ? En réalité, cette déclaration ne signifie rien du tout. La façon dont elle est rédigée est destinée à tromper. Des mots comme en vogue, différent, spécial, exclusif sonnent bien. La vérité, c’est qu’ils concernent généralement des différences minimes entre des produits fondamentalement identiques. Ou bien ils mettent en lumière une particularité qui n’a rien à voir avec la fonction de l’objet, comme par exemple une odeur de citron. Voyez pour quelle raison précise le produit est supérieur. Souvent cette raison n’existe pas.
“Seul notre téléviseur est un splendocolor”, dira peut-être une réclame. Sans aucun doute. Personne d’autre ne peut se servir de la même marque de fabrique. Mais la plupart des téléviseurs couleur ont des dispositifs identiques portant des noms différents. Cet air de mystère et d’exclusivité atteint son but. Cependant, les termes mystérieux ou étrangers n’apportent aucune information ; le petit enfant à qui l’on dit qu’il pleut parce que le ciel contient de l’H2O est mieux renseigné. Ne tenez pas compte de ces termes s’ils ne vous donnent aucune indication sensée.
Naturel, la fraîcheur du citron, clair, pur et d’autres expressions semblables affirment un retour à la “nature”. Voilà des termes imagés, mais qui ne disent pas grand-chose. Une réclame pour des cigarettes prétend, sans plaisanter, qu’elles ‘rafraîchissent de façon naturelle ! Elles ont un goût de tabac riche et naturel’. Pouvez-vous imaginer quelque chose de plus éloigné de la nature que le fait de respirer de la fumée ? Les pompiers portent un masque pour s’en protéger et les non-fumeurs souhaiteraient souvent en avoir un quand ils se trouvent parmi des fumeurs.
David Ogilvy, directeur d’une agence de publicité, a reconnu qu’on emploie la tromperie dans ce genre de réclame. Il fit le commentaire suivant à la télévision :
‘Je vois le beau jeune homme athlétique tirant sur sa cigarette et avalant une pleine bouffée de fumée qui lui descend jusqu’aux poumons. Je suis consterné à la pensée que j’appartiens à une profession qui peut commettre pareille vilenie. Je vois d’autres réclames pour des cigarettes écrites par ce que nous appelons dans notre profession “des marchands d’ambiguïté”. Ces réclames sont des malhonnêtetés, et ceux qui les écrivent comme ceux qui les paient le savent bien.’
La publicité vraie
Les exemples précités ne montrent que quelques-unes des méthodes employées pour tromper par des mots. On aura compris combien il est nécessaire d’être vigilant pour faire la distinction entre les faits et les opinions ou l’appel aux sentiments. Toutefois, toutes les réclames ne sont pas trompeuses. Il existe de la publicité vraie. Voyez la différence :
Une réclame faite par un industriel explique à la fois les mérites et les inconvénients des moteurs diesel qu’il fabrique, afin de dissiper les conceptions erronées du public. Ces moteurs, dit la réclame, “polluent beaucoup moins que les moteurs à essence, même sans dispositif spécial”, et ils permettent l’emploi de carburants moins chers et en moindre quantité. Par contre, “la fabrication est plus coûteuse. S’ils ne sont pas entretenus de façon adéquate, ils fument quand ils sont en charge. En outre, certaines personnes se plaignent de l’odeur et du bruit”.
Les réclames qui indiquent la consommation des automobiles sont certainement utiles en ces jours de pénurie.
Ce sont les faits qui caractérisent la publicité honnête. Celle-ci ne recourt que très peu aux adjectifs ronflants et ne joue guère sur les sentiments. Elle consiste principalement à donner des renseignements sur le produit. Une telle réclame n’est peut-être pas aussi sensationnelle, mais est-ce là ce que vous voulez ? Stevens, l’agent de publicité précité, dit : “Voilà ce qui permet de juger la publicité. Le nombre d’adjectifs est en raison inverse du nombre des faits. Disons succinctement que plus nous employons d’adjectifs, moins nous avons de choses à dire.”
Pour éviter de se laisser manœuvrer par la publicité, il suggère de “la dépouiller de ses insinuations et de vérifier les faits, s’il y en a, (...) et aussi de se poser les questions suivantes : Comment ? Pourquoi ? Combien ?” Voici d’autres questions appropriées : Ai-je vraiment besoin de cet article ? Est-il vraiment meilleur qu’un autre moins cher et pour lequel on fait moins de réclame ?
Mais la publicité possède encore une autre arme qu’il ne faut pas négliger.
La mise en scène
Imaginez que vous conduisiez sur une route à grande circulation à une heure de pointe et que votre voiture ait des ratés quand vous accélérez. Ce genre d’incident est utilisé comme cadre d’une réclame pour une marque d’essence à la télévision. Voyez-vous comment elle est présentée pour vous influencer ? Il y a deux facteurs : VOUS et le sentiment de PANIQUE. En quoi consiste vraiment le problème ? Si vous oubliez la mise en scène et que vous vous souveniez de ce que nous avons vu quant au choix des termes, la réclame elle-même vous le dit. Il s’agit des “ratés” de votre voiture. Ils ‘peuvent se produire [non pas “ils se produiront”] si l’essence ne parvient pas convenablement à tous les cylindres’. Notre essence, poursuit l’annonceur, ‘peut vous permettre d’éviter CE GENRE de ratés’.
Si votre voiture a des ratés, est-ce bien CE GENRE-là ? Votre problème a peut-être une autre cause, plus courante : la pompe à essence défectueuse, une saleté dans le carburateur, un mauvais réglage. Mais la réclame, elle, vous dit qu’un mystérieux additif ‘peut vous permettre d’éviter’ seulement ‘CE GENRE de ratés’. Il ‘contribue à une plus grande régularité dans le flux de l’essence’. La mise en scène donne à beaucoup de spectateurs plus de confiance dans le produit que n’en a manifestement le publicitaire lui-même !
Une autre réclame télévisée montre un chaton déluré allant et venant autour d’une voiture et se faufilant à l’intérieur, tandis que l’annonceur affirme que ‘cette voiture est unique’, qu’elle ne ‘ressemble à aucune autre’. Voyez-vous l’astuce dans cette réclame ? Outre l’appel manifeste à votre orgueil, quel rapport un chat a-t-il avec une voiture ? On pourrait se poser la même question pour le fameux ‘tigre dans votre moteur’. La publicité se sert simplement de l’attrait naturel qu’exercent ces animaux, afin de vous séduire.
Mais c’est surtout au sexe que la publicité fait appel. Newsweek du 16 avril 1973 fit remarquer “que toutes les réclames de nos jours se servent du sexe de façon éhontée”. De séduisantes personnes vous offrent à peu près tout, depuis des bonbons jusqu’à du ciment. Ou bien on a recourt à un athlète célèbre ou à une vedette de cinéma pour créer un lien entre le produit et le plaisir qu’on éprouve à la mise en scène.
Vous éviterez d’être victime de ces manœuvres en ignorant tout simplement la mise en scène, à moins qu’elle n’ait un rapport direct avec le produit. Rappelez-vous que le gentil chaton et le mignon koala, la jolie fille et le jeune homme athlétique, la mère et son bébé ne sont là que pour attirer votre attention et vous émouvoir. De même on essaiera de faire appel à votre orgueil, à votre patriotisme ou à votre esprit de famille.
Économisez de l’argent en déjouant ces œuvres
La publicité a amené beaucoup de gens à croire que les produits pour lesquels on ne fait pas de réclame sont moins bons. Comme nous l’avons vu, ce n’est pas toujours vrai.
Un produit vanté par la publicité peut être bon, et cette publicité peut représenter une protection pour le consommateur. Mais le prix de ce produit reflète souvent le coût élevé de la réclame. Certaines marques appartenant à la même “maison” et pour lesquelles on ne fait pas de réclame sont pour cette raison moins chères tout en étant aussi bonnes. Une ménagère américaine, qui a découvert cette vérité, écrivit :
“Nous avons été vraiment surpris. Nous étions tellement habitués à acheter des marques vantées par la publicité (...). Nous avons fait de grandes économies, et les autres marques étaient excellentes.”
Une autre considération encore vous aidera à ménager votre portefeuille. Il est normal que vous donniez à vos enfants des choses qu’ils aiment, mais ne les laissez pas manœuvrer votre esprit au profit des commerçants. Vous en arriveriez à remplacer les aliments nécessaires et nutritifs par des sucreries, des céréales et des boissons fantaisies vantées par la publicité, donc coûteuses.
Il est utile de comprendre comment la publicité essaie de vous influencer. Cela vous aidera à distinguer entre les informations loyales et les réclames qui exagèrent les différences entre les produits ou qui cherchent, à vos dépens, à vous donner le désir d’acheter des articles inutiles.
La publicité peut vous dominer ou vous servir. C’est à vous d’en décider.
[Note]
a La Bible, dans Proverbes 14:15.