DOUCEUR
Plusieurs mots grecs peuvent être traduits par “douceur” pour désigner une qualité morale proche de l’humilité, du caractère raisonnable. Voici ce qu’on lit dans un lexique grec-anglais (A New Testament Word Book de William Barclay) au sujet du nom prautês: “Dans le grec classique (...), à propos des choses, il signifie ‘doux’. Il est utilisé, par exemple, pour parler d’une brise ou d’une voix douce. En rapport avec une personne, il signifie ‘doux’ ou ‘aimable’.” Le même ouvrage dit au sujet de l’adjectif praus: “Dans praus il y a une idée de douceur, mais qui dissimule la force de l’acier, (...) ce n’est ni la douceur veule, ni l’indulgence sentimentale, ni le calme passif.” W. Vine (dans son Expository Dictionary of New Testament Words) note: “PRAUTÊS (...) ne qualifie pas une personne ‘dans son attitude extérieure seulement; ni dans ses relations avec ses semblables; ce n’est pas une question de disposition naturelle. C’est plutôt une qualité de l’âme; elle se manifeste d’abord et surtout par rapport à Dieu. Grâce à cette disposition d’esprit, nous acceptons ses manières d’agir envers nous, les jugeant bonnes, sans les contester ni leur résister; ce mot est très proche de tapeinophrosunê [humilité]’.”
La douceur est également le contraire de la rudesse ou de la brutalité. Un homme doux n’élève pas la voix; il n’est ni bruyant ni extravagant. Dans le texte grec de Westcott et Hort, le mot nepioi (pluriel de nepios) apparaît en I Thessaloniciens 2:7 où il est traduit par “doux”. (MN.) Ailleurs il est rendu par “tout-petits”, comme en Matthieu 21:16. Dans d’autres textes grecs, c’est le mot epioi qui figure en I Thessaloniciens 2:7. Ce terme, synonyme de nepioi, emporte l’idée de douceur, d’amabilité. Il est également traduit par “doux”. (II Tim. 2:24.) Vine dit que ce mot “était fréquemment utilisé par les auteurs grecs pour parler de l’attitude d’une nourrice envers des enfants difficiles, d’un professeur envers des élèves indisciplinés, ou de parents envers leurs enfants.”
LA DOUCEUR N’EST PAS DE LA FAIBLESSE
La douceur de caractère n’est pas la marque des faibles. Jésus Christ déclara: “Je suis doux de caractère et humble de cœur.” (Mat. 11:29; II Cor. 10:1). Cependant, il bénéficiait de la force que lui donnait le soutien de son Père; il était fermement attaché au bien, et il parlait et agissait avec une grande franchise lorsque cela était nécessaire. — Mat. 23:13-39; comparez avec 21:5.
Un homme est doux de caractère grâce à sa foi et à la force dont il dispose. Il ne perd pas facilement son équilibre ou son bon sens. Si quelqu’un manque de douceur, c’est à cause d’un sentiment d’u-insécurité ou de frustration, parce qu’il n’a ni foi ni espérance, ou encore par désespoir. Voici comment le livre des Proverbes décrit un tel homme: “Comme une ville forcée, sans muraille, tel est l’homme qui ne contient pas son esprit.” (Prov. 25:28). Il est ouvert ou vulnérable à toutes sortes de mauvaises pensées qui peuvent l’inciter à faire le mal.
C’est son amour paternel qui incita David, pourtant un homme de guerre, à ordonner à Joab de traiter avec douceur Absalom, son fils rebelle (II Sam. 18:5; on trouve là le mot hébreu ʼat qui signifie “aller lentement ou doucement”). Pour parler de ses compagnons et de lui-même dans l’exercice de leur ministère en faveur des nouveaux convertis de Thessalonique, l’apôtre Paul emploie le mot nepioi, “tout-petits”, disant: “Nous sommes devenus doux au milieu de vous, comme lorsqu’une mère entoure de soins les enfants qu’elle nourrit.” C’était parce qu’ils éprouvaient pour eux une affection sincère et qu’ils avaient à cœur de ne pas nuire à leur croissance spirituelle (I Thess. 2:7, 8). Paul n’était pas faible; il était capable d’user de paroles très puissantes, comme dans les deux lettres canoniques qu’il écrivit aux chrétiens de la congrégation de Corinthe. Il montra également que la douceur est une qualité requise d’un serviteur de Dieu, notamment quand il assume la responsabilité de surveillant. — II Tim. 2:24.
UN FRUIT DE L’ESPRIT
La douceur est un fruit de l’esprit de Dieu, sa force active (Gal. 5:22, 23). Jéhovah est donc la Source de la douceur; il faut lui demander son esprit et cultiver ce fruit pour devenir vraiment doux de caractère. Il ne suffit pas de faire preuve de volonté pour acquérir la douceur; encore faut-il entretenir des relations étroites avec Dieu.
Celui qui parle et agit avec douceur est agréable et favorise la paix. Il est abordable et non revêche, et son attitude contribue à l’édification spirituelle des autres. Un homme dur, brutal, tapageur et vulgaire créé des divisions et repousse les autres. La douceur, par contre, attire et unit (Éph. 4:1-3). L’Écriture décrit Jéhovah comme un Berger qui rassemble ses agneaux et les porte dans son sein (allusion aux plis très amples de la partie supérieure de leur vêtement dans lequel les berger portaient parfois les agneaux). — És. 40:11.
Dans la Bible, le mot “douceur” est fréquemment associé au mot “esprit”, comme, par exemple, dans “esprit de douceur” ou “esprit doux”. La véritable douceur est donc plus qu’une qualité tout extérieure qui se manifeste épisodiquement; elle fait partie de la personnalité, du caractère de l’individu. — I Pierre 3:3, 4.
L’apôtre Pierre écrit: “Revêtez-vous donc (...) de douceur.” Lu superficiellement, ce texte semblerait vouloir dire qu’il s’agit d’un simple vernis pour se donner une certaine apparence. Mais, dans ce même passage, Paul nous exhorte en ces termes: “Revêtez la personnalité nouvelle qui, par la connaissance exacte, se renouvelle à l’image de Celui qui l’a créée.” (Col. 3:10, 12; Éph. 4:22-24). Ainsi, la douceur est bien un trait de la personnalité, que l’on n’hérite pas naturellement au départ; c’est une qualité qui s’acquiert, comme les autres fruits de l’esprit, grâce à la connaissance exacte et à la mise en pratique de celle-ci.
INDISPENSABLE POUR LES SURVEILLANTS
Dans la lettre qu’il adressa au jeune Timothée pour lui montrer comment bien prendre soin de la congrégation, Paul lui donna des instructions sur la façon de régler certaines questions difficiles; il lui dit: “Un esclave du Seigneur ne doit pas entrer en lutte, mais il doit être doux envers tous, capable d’enseigner, se dominant sous le mal, instruisant avec douceur ceux qui ne sont pas animés de bonnes dispositions: il se peut que Dieu leur donne la repentance.” (II Tim. 2:24, 25). Nous notons ici une certaine similitude entre la douceur et la longanimité: le surveillant comprend pourquoi il doit régler la difficulté, que Dieu l’a permise et que lui, en tant que surveillant, doit la résoudre au mieux des intérêts de la ou des personnes concernées. Il doit supporter la situation difficile jusqu’à ce qu’elle soit réglée, et cela sans s’énerver. — Voir aussi Tite 3:1-7.
Paul s’adresse encore aux chrétiens spirituellement mûrs de la congrégation en précisant leur responsabilité; il dit: “Même si un homme fait un faux pas avant qu’il s’en soit aperçu, vous qui avez les qualités spirituelles requises, essayez de redresser un tel homme dans un esprit de douceur, tout en te surveillant toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté.” (Gal. 6:1). Ils ne doivent pas oublier la façon dont Dieu a agi envers eux. Ce faisant, ils ne réprimanderont pas durement celui qui s’égare, mais ils s’efforceront de le rétablir dans un esprit de douceur. Pareille attitude se révélera beaucoup plus efficace et bénéfique pour tous.
LA DOUCEUR APAISE LA COLÈRE
La douceur a d’heureux effets face à une situation difficile ou à une personne en colère; elle met fin aux difficultés, alors que la dureté les aggraverait. Le livre des Proverbes déclare: “Une réponse, quand elle est douce, détourne la fureur, mais une parole qui cause la douleur fait monter la colère.” (Prov. 15:1). La douceur peut avoir une grande force. “Par la patience on persuade un commandant, et la langue douce peut briser un os.” — Prov. 25:15.
INDISPENSABLE EN CAS DE DISCIPLINE
Salomon énonça un autre principe excellent en rapport avec la douceur ou le calme. Il concerne une tendance qui se manifeste parfois lorsque quelqu’un, qui en a le droit, nous corrige. Nous pouvons nous rebeller et nous indigner au point de ne pas rester à notre place, de ne pas nous soumettre. Salomon nous donne donc cet avertissement: “Si l’esprit d’un chef s’élève contre toi, ne quitte pas ton lieu, car le calme apaise de grands péchés.” (Eccl. 10:4; comparez avec Tite 3:2). Non seulement cette bonne attitude, calme et douce, nous évitera de devoir subir d’autres accès de colère de la part d’une autorité, mais elle nous permettra d’améliorer notre personnalité parce que nous maîtriserons notre caractère, nous garderons notre place et nous mettrons en pratique la discipline.
Cela est particulièrement vrai quand l’autorité en question est Jéhovah Dieu et que la discipline nous est donnée par des hommes à qui il confère une certaine autorité (Héb. 12:7-11; 13:17). Il en va de même dans nos relations avec les autorités gouvernementales du monde que Dieu tolère (Rom. 13:1-7). Même quand l’une d’elles demande durement à un chrétien la raison de son espérance, celui-ci devrait tout en accordant fermement la première place à l’obéissance à Dieu, répondre “avec douceur et un profond respect”. — I Pierre 3:15.
LA DOUCEUR HYPOCRITE
Le ton de la voix ou des manières douces ne sont pas toujours un gage de douceur sincère. Celle-ci doit venir du cœur, comme chez les tout-petits (ainsi qu’est généralement traduit le mot nepioi). Alors que Job, serviteur de Dieu de l’Antiquité dont l’intégrité était mise à l’épreuve, endurait de grandes souffrances de la part de Satan, il subit en plus les attaques verbales de trois compagnons. Ceux-ci l’accusèrent d’avoir commis en secret des péchés et d’avoir agi avec méchanceté et obstination. Ils laissaient entendre que Job était un apostat et que ses fils avaient été mis à mort par Dieu à cause de leur méchanceté. Cependant, un des trois, Éliphaz, dit à Job: “Les consolations de Dieu ne te suffisent-elles pas, ou une parole qu’on t’adresse avec douceur?” (Job 15:11). Ces hommes ont peut-être prononcé quelques-unes de leurs paroles au moins avec douceur, mais leur contenu était dur. Leur douceur était hypocrite.