ARCHÉOLOGIE
(gr. arkhaiologia, science des choses anciennes).
L’archéologie biblique étudie les peuples et les événements dont parle la Bible à partir de documents et autres vestiges enfouis dans le sol. L’archéologue met au jour et examine des pierres, des murailles ou des édifices en ruine ainsi que des villes détruites. Il découvre des poteries, des tablettes d’argile, des inscriptions, des tombeaux ou d’autres vestiges anciens dont il tire certains renseignements. Cette étude permet bien souvent de mieux connaître les circonstances dans lesquelles la Bible a été écrite, de savoir comment vivaient les fidèles du passé et d’acquérir une meilleure intelligence de leur langue et de celle des peuples voisins. Grâce au travail des archéologues, nous avons pu enrichir notre connaissance de tous les pays bibliques, c’est-à-dire la Palestine, l’Égypte, la Perse, l’Assyrie, Babylone, l’Asie Mineure, la Grèce et Rome.
On a recueillit beaucoup de renseignements sur le passé qui nous permettent de mieux comprendre la Bible quand elle parle des choses de la vie, telles que la famille, les enfants, les vêtements, la maison, le climat, la végétation, les animaux, les récoltes, les relations commerciales, les groupements nationaux et les coutumes religieuses. L’identification des sites de villes et d’autres lieux historiques dont parle la Bible s’est révélée extrêmement utile. L’archéologie nous apprend aussi beaucoup de choses sur la religion corrompue des peuples cananéens. Elle illustre de façon vivante leur croyance en l’immortalité de l’âme humaine et elle confirme la Bible quand celle-ci nous présente la Palestine antique comme un pays dominé par de nombreux rois locaux qui étaient constamment en guerre entre eux. Grâce à la découverte de reliefs assyriens, nous connaissons le genre de vêtements que portaient les Sémites. L’archéologie nous a également permis de nous faire une idée exacte sur la vie des hommes à l’époque de Jacob, d’Élisée, et au temps où Jésus Christ était sur la terre.
Les découvertes archéologiques ont aussi réfuté les affirmations de nombreux détracteurs de la Bible qui prétendaient, par exemple, que Moïse ignorait l’écriture, que Belschazzar était une figure de légende (Dan., chap. 5) ou que le récit biblique relatif aux patriarches hébreux était ‘une fiction tirée de la vie des bédouins dans l’Israël du huitième ou du neuvième siècle’. Alors que les détracteurs affirmaient que la religion pratiquée en Israël n’était que le développement des idées qui avaient cours chez les peuples voisins, l’archéologie a démontré que le culte d’inspiration divine des Israélites était franchement différent de celui des nations d’alentour.
TECHNIQUE DE L’ARCHÉOLOGIE
les découvertes archéologiques sont le résultat de patients travaux de terrassement. Les ruines d’anciens royaumes ou nations ne sont parfois qu’à quelques mètres sous terre. Les vieilles villes du Moyen-Orient furent reconstruites de très nombreuses fois au-dessus de murailles écroulées, de vestiges plus anciens ou de fondations de vieux bâtiments, jusqu’à ce que ces villes successives forment d’imposants tertres. Dans ces tertres ou “tells”, chaque nouveau niveau scellait l’histoire des époques précédentes. Les archéologues modernes n’ont donc souvent qu’à commencer à creuser sur le sommet d’un tertre, puis à continuer de plus en plus profondément pour passer d’une ville à l’autre et remonter ainsi dans le temps jusqu’à la cité la plus ancienne, vieille parfois de plusieurs milliers d’années.
Une fois le tell choisi, on creuse une première tranchée qui permettra de délimiter les différentes couches superposées, chacune d’elles correspondant à une époque dans la vie de la cité. Chaque niveau que les habitants de la ville ont foulé pendant une certaine période ou chaque couche de débris se distingue des autres par la consistance, la couleur et la texture du sol. Cela se remarque nettement quand on observe la tranchée creusée sur le flanc d’un tertre (voir le dessin ci-dessus). Les niveaux successifs ressemblent un peu aux pages d’un livre. Pour autant qu’on puisse comprendre ce qu’ils offrent à notre vue, ils nous racontent l’histoire de la ville au cours des siècles, voire des millénaires. Comme les pages d’un livre, les différentes couches doivent être examinées dans un ordre logique. En un endroit donné les archéologues ne dégagent donc qu’une couche à la fois, afin de ne pas mélanger les différentes époques. Ils analysent et répertorient soigneusement tout ce qu’ils trouvent, allant parfois jusqu’à passer la terre au crible pour découvrir de menus objets. Plus important encore, ils notent les circonstances exactes dans lesquelles ils ont trouvé chaque objet, afin de pouvoir le classer dans la bonne époque.
INTERPRÉTATION
Elle dépend beaucoup de l’observation de l’archéologue. Ainsi, à partir du diamètre d’une colonne, il tentera d’estimer la hauteur que pouvait avoir une certaine pièce. De même, la forme d’un édifice indique de façon à peu près évidente à quoi il servait. Des fragments de poterie peuvent permettre à l’archéologue de déterminer à quelle civilisation appartenaient les habitants de l’endroit. On considère que l’apparition soudaine d’outils en cuivre bien finis du même genre que d’autres trouvés ailleurs est la preuve qu’il y avait des échanges commerciaux entre ces deux régions. Un changement brusque dans le style de la poterie (laquelle était surtout une industrie locale) peut correspondre à une conquête étrangère. Si le nouveau style de la poterie est connu, il permettra d’identifier les conquérants. Des cendres répandues sur un site et des traces de feu sur les murs peuvent signifier que la ville a été incendiée. Une couche de sable amassé par le vent indiquera probablement que l’endroit a été privé d’habitants pendant un certain temps. En Palestine, on a constaté de tels changements à des époques qui correspondraient aux conquêtes égyptiennes et à celle du pays par les Israélites.
La présence, loin de leur lieu d’origine, d’ornements faits de pierres précieuses peut indiquer l’étendue des relations commerciales à telle époque ancienne. En observant les ossements trouvés dans des ruines, il est possible de savoir quels animaux domestiques étaient élevés par tel peuple et quels animaux sauvages il chassait. Grâce au contenu desséché de jarres anciennes, on peut connaître le genre de céréales ou de fruits dont se nourrissaient les habitants d’un certain endroit. Cependant, il faut bien dire à propos de toutes ces méthodes d’interprétation que les conclusions varient selon les archéologues et qu’un point de vue accepté aujourd’hui sera peut-être rejeté demain.
DATATION
On détermine l’époque d’un édifice à partir des objets qu’on trouve à l’intérieur de ses murs ou immédiatement au-dessous de ses fondations. On a découvert de nombreuses pièces de monnaie à partir du niveau qui correspond au cinquième siècle avant notre ère, et plus encore à partir de la couche qui correspond au troisième siècle. C’est là un fait très utile pour dater l’époque des édifices dans lesquels on trouve ces pièces de monnaie. Il est possible de déterminer la date de construction des temples de Mésopotamie à partir de briques qui, bien souvent, portent non seulement le nom du temple et du dieu à qui il était dédié, mais aussi celui du roi qu’on a voulu honorer. En Égypte, les pierres d’angle et de fondement d’un édifice peuvent indiquer le nom du pharaon qui régnait au moment de la construction.
Une méthode de datation plus ingénieuse fut découverte en 1890 par Flinders Petrie, célèbre archéologue. Dans la vieille cité biblique de Lachis, il étudia attentivement des objets très communs, tels que des coupes, des timbales, des cruches et des jarres dans lesquelles des générations d’habitants avaient mangé et bu. Ces ustensiles étaient rapidement mis au rebut dès qu’ils étaient brisés. Petrie découvrit que le style de ces poteries était différent selon la stratification dans laquelle on les avait trouvées. Il établit donc un tableau des différentes périodes historiques et plaça chaque type d’ustensile dans la période correspondante. On trouve des quantités de tessons d’ustensiles très communs dans n’importe quelle excavation, parfois entre cinquante et cent paniers en une seule journée. Quand on découvre dans une ville voisine un type de poterie qui est classé à une certaine époque dans le tableau de Petrie, on présume qu’il date à peu près de cette époque-là.
DÉCOUVERTES ET SITES IMPORTANTS
L’archéologie a permis de confirmer de nombreux événements historiques relatifs aux pays bibliques et rapportés dans les Écritures, et de prouver l’authenticité de faits que les critiques modernes mettaient en doute.
Babylonie
Les fouilles effectuées à Babylone et à proximité de l’ancienne ville ont mis au jour les sites de plusieurs ziggourats ou temples, des tours en forme de pyramide à étages, notamment les ruines du temple d’Étemenanki à l’intérieur des murailles de Babylone. Les récits et les inscriptions concernant ces temples renferment souvent ces mots: “Son sommet atteindra les cieux.” Selon une autre inscription, Nébucadnezzar aurait dit: “J’ai élevé le sommet de la Tour à étages à Étemenanki de sorte que son sommet rivalise avec les cieux.” Une autre encore, trouvée au nord du temple de Marduk, à Babylone, rapporte en ces termes la chute d’une ziggourat de ce genre: “La construction de ce temple offensa les dieux. Au cours d’une nuit, ils abattirent ce qui avait été construit. Ils entravèrent et rendirent leur langage étranger. Ils entravèrent la progression [de l’ouvrage].” On constata que la ziggourat d’Uruk (l’Érech de la Bible) avait été construite avec de l’argile, des briques et du bitume. — Comparez avec Genèse 11:1-9.
On découvrit près de la porte d’Ishtar, à Babylone, quelque trois cents tablettes cunéiformes qui se rapportaient à l’époque du roi Nébucadnezzar. Parmi les noms des ouvriers et des captifs qui étaient à Babylone et qu’il fallait nourrir, on trouve celui de “Yaukin, roi de Yahud”, c’est-à-dire “Jéhoïakin, roi de Juda”, qui fut emmené captif à Babylone quand Nébucadnezzar prit Jérusalem en 618-617. Plus tard, Évil-Mérodac, successeur de Nébucadnezzar, le fit sortir de sa maison de détention et lui procura la nourriture de chaque jour jusqu’à la fin de sa vie (II Rois 25:27-30). Cinq de ses fils sont également mentionnés sur ces tablettes. — I Chron. 3:17, 18.
Dans le seconde moitié du dix-neuvième siècle, on découvrit, près de la ville moderne de Bagdad, de nombreux cylindres et tablettes cunéiformes, dont la chronique maintenant célèbre de Nabonide. Toutes les objections soulevées contre le récit de Daniel chapitre 5 selon lequel Belschazzar régnait à Babylone au moment de la chute de cette ville, furent balayées par ce document qui prouve que ce Belschazzar, fils aîné de Nabonide, était corégent avec son père qui, à la fin de son règne, lui confia le gouvernement de Babylone.
On découvrit de la même manière qu’Ur, l’ancien lieu de résidence d’Abraham (Gen. 11:28-31), avait été une métropole importante et très civilisée. Cette ville sumérienne était située sur l’Euphrate, non loin du golfe Persique. Les fouilles entreprises par Sir Leonard Woolley révélèrent qu’elle était à l’apogée de sa puissance et de sa gloire quand Abraham la quitta pour se rendre en Canaan (avant 1943 av. n. è.) De toutes les ziggourats qui ont été découvertes, celle d’Ur est la mieux conservée. On a trouvé dans les tombes royales de nombreux objets en or et des bijoux d’une grande valeur artistique, des instruments de musique, notamment des harpes (comparez avec Genèse 4:21), ainsi qu’une petite hache en acier (et non pas seulement en fer) (comparez avec Genèse 4:22). Toujours en cet endroit, on a trouvé des milliers de tablettes d’argile qui révèlent une foule de détails sur la vie des habitants de cette région, il y a presque quatre mille ans. À la suite de ces découvertes, Woolley déclara: “Nous devons changer radicalement notre point de vue sur le patriarche hébreu [Abraham] quand nous voyons qu’il a passé les premières années de sa vie dans un milieu aussi évolué.”
On a trouvé un cylindre d’argile parlant de Cyrus, le conquérant de Babylone, sur le site de l’ancienne Sippar, à une trentaine de kilomètres de Bagdad. Il raconte avec quelle facilité Cyrus prit Babylone et parle de sa politique qui consistait à renvoyer dans leur pays les captifs de cette ville. Cela confirme le texte de la Bible qui annonçait prophétiquement que Cyrus s’emparerait de Babylone et que, sous son règne, les Juifs retourneraient en Palestine. — És. 44:28; 45:1; II Chron. 36:23.
Assyrie
En 1843, on découvrit le palais de Sargon II, roi assyrien, à Khorsabad, sur un affluent du Tigre. La mise au jour de ce palais d’une surface de dix hectares et les découvertes archéologiques qui en résultèrent donnèrent à ce roi une place importante, alors qu’il avait été confiné jusque-là dans les ténèbres de l’Histoire. Dans une de ses annales, Sargon II parle de la prise de Samarie (740) comme d’un des événements marquants de son règne. Il relate aussi la prise d’Aschdod qui est rapportée en Ésaïe 20:1. Alors qu’il était considéré comme un personnage imaginaire par d’éminents savants, Sargon II est aujourd’hui un des rois d’Assyrie les mieux connus.
Sur le site de Ninive, la capitale assyrienne, des fouilles ont mis au jour l’immense palais de Sennachérib, qui ne comptait pas moins de soixante et onze chambres dont les murs étaient décorés par 3 011 mètres de dalles sculptées. L’une d’elles représente des prisonniers judéens que l’on mène en captivité après la chute de Lachis en 732 (II Rois 18:13-17; II Chron. 32:9). À Ninive (aujourd’hui Kouyoundjik) on a fait une autre découverte d’un plus grand intérêt encore: les annales de Sennachérib écrites sur des prismes d’argile. Sur l’un d’eux, Sennachérib raconte sa campagne en Palestine sous le règne d’Ézéchias (732). Fait remarquable, l’orgueilleux monarque ne prétend pas s’être emparé de Jérusalem, ce qui confirme le récit biblique (voir SENNACHÉRIB). Le meurtre de Sennachérib par ses fils est rapporté dans une inscription d’Ésar-Haddon, son successeur. Il en est également question dans une autre inscription, celle d’Assurbanipal, le roi suivant (II Rois 19:37). Outre la mention du roi Ézéchias par Sennachérib, on trouve aussi dans les inscriptions en caractères cunéiformes des empereurs assyriens les noms d’Achaz et de Manassé, rois de Juda, ceux d’Omri, de Jéhu, de Ménahem et d’Osée, rois d’Israël, et celui d’Hazaël, roi de Damas.
Perse
Près de Behistoun, en Iran (l’ancienne Perse), le roi Darius Ier (521-485 av. n. è.; Esdras 6:1-15) fit graver une inscription monumentale sur un rocher calcaire. Darius relate l’unification de l’Empire perse et attribue le succès de son entreprise à Ahura-Mazdâ, son dieu. Cette inscription a une grande valeur parce qu’elle est rédigée en trois langues: en babylonien (akkadien), en “élamite” et en vieux perse, ce qui fournit la clé permettant de déchiffrer l’écriture cunéiforme assyro-babylonienne qui, jusque-là, ne l’avait pas été. À la suite de ce travail, on peut maintenant lire des milliers d’inscriptions et de tablettes d’argile dans la langue des Babyloniens.
Suse, où eurent lieu les événements rapportés dans le livre d’Esther, fut mise au jour par des archéologues français entre 1880 et 1890. Quand on dégagea le palais royal de Xerxès, qui couvre une surface d’un hectare environ, on découvrit la splendeur des rois perses. Les découvertes confirmèrent aussi l’exactitude des détails que donne le rédacteur du livre d’Esther concernant l’administration de la Perse et la construction du palais. Ira Price fait ce commentaire: “Dans l’Ancien Testament, aucun événement n’a un cadre qu’on puisse, à partir de fouilles, restaurer de manière aussi vivante et exacte que ‘Suse le Palais’.” — The Monuments and the Old Testament, 1925, p. 408.
Égypte
C’est à propos de la venue de Joseph en Égypte et de l’arrivée et du séjour de toute la famille de Jacob dans ce pays que la Bible fournit les renseignements les plus détaillés sur l’Égypte. Les découvertes archéologiques ont démontré que l’image qu’en donnent les Écritures est tout à fait exacte et qu’elle n’aurait raisonnablement pas pu être présentée par un rédacteur qui aurait vécu longtemps après les événements relatés (comme certains critiques l’ont affirmé à propos du rédacteur de cette partie de la Genèse). Aussi Garrow Duncan (dans son livre New Light on Hebrew Origins, p. 174) écrit-il à propos de l’auteur du récit concernant Joseph: “Il fait un emploi exact des titres en usage à l’époque dont il parle, et là où il n’y a pas de terme hébreu équivalent, il adapte tout simplement le mot égyptien et le transcrit en hébreu.” Les noms égyptiens, l’intendance de la maison de Potiphar confiée à Joseph, les maisons d’arrêt, les titres de “chef des échansons” et de “chef des panetiers”, l’importance que les Égyptiens accordaient aux rêves, l’habitude des boulangers égyptiens de porter les corbeilles de pain sur la tête (Gen. 40:1, 2, 16, 17), la fonction de premier ministre et de préposé à la nourriture que le pharaon attribua à Joseph, la façon dont il l’investit à cette fonction, l’horreur que les gardiens de moutons inspiraient aux Égyptiens, la très grande influence des magiciens à la cour égyptienne, l’installation des Israélites dans le pays de Goschen, les coutumes funéraires des Égyptiens, tout cela et bien d’autres renseignements donnés dans la Bible sont clairement établis par les preuves archéologiques découvertes en Égypte. — Gen. 39:1 à 47:27; 50:1-3.
À Karnak (l’ancienne Thèbes), à plusieurs centaines de kilomètres au sud de l’embouchure du Nil, une inscription gravée sur le mur méridional d’un immense temple égyptien confirme que Schischac (Sheshonq Ier) mena une campagne militaire en Palestine, comme cela est rapporté en I Rois 14:25, 26 et II Chroniques 12:1-9. Le relief géant qui décrit ses victoires montre 156 prisonniers palestiniens enchaînés, chacun d’eux représentant une ville dont le nom est indiqué en hiéroglyphes. Parmi ces noms, on a identifié Rabbith (Josué 19:20), Taanach, Beth-Schéan et Méguiddo (où on a découvert un fragment d’une stèle ou d’une colonne portant une inscription dans laquelle figure le nom de Schischac) (Josué 17:11), Sunem (Josué 19:18), Réhob (Josué 19:28), Hapharaïm (Josué 19:19), Guibéon (Josué 18:25), Beth-Horon (Josué 21:22), Aijalon (Josué 21:24), Socoh (Josué 15:35) et Arad (Josué 12:14). Dans cette liste des conquêtes du roi figure même le “champ d’Abram”, ce qui constitue la plus ancienne référence à Abraham dans les textes égyptiens. Dans cette région on a découvert également une stèle de Merneptah, fils de Ramsès II. Il s’agit d’un poème dans lequel on trouve le nom “Israël”. C’est d’ailleurs la seule et unique fois où ce nom apparaît dans les textes égyptiens.
À Tell el-Amarna, à environ 500 kilomètres au nord de Karnak, sur le Nil, une paysanne trouva par hasard des tablettes d’argile, découverte qui amena la mise au jour de quelque 377 documents en akkadien des archives royales d’Aménophis III et d’Akhénaton, son fils. Il s’agit, entre autres choses, de lettres adressées au pharaon par des princes vassaux de nombreuses cités-États en Syrie et en Palestine, dont quelques-uns du gouverneur d’Urusalim (Jérusalem). Ces documents font part d’intrigues et de guerres, ce qui correspond tout à fait à ce que les Écritures rapportent sur cette époque. Certains ont voulu identifier aux Hébreux les “Habiru”, qui sont l’objet de nombreuses plaintes dans ces lettres, mais les faits tendent plutôt à démontrer qu’il s’agissait simplement de plusieurs peuples nomades qui occupaient un des rangs les moins élevés dans la Société de l’époque.
Éléphantine est le nom grec d’une île sur le Nil, à l’extrême sud de l’Égypte (près d’Assouan), où s’établit une colonie juive après la chute de Jérusalem en 607 avant notre ère. C’est là qu’en 1903 furent découverts de nombreux documents, notamment des papyrus, qui datent du cinquième siècle avant notre ère, époque de l’Empire médo-perse. Ces documents écrits en araméen font allusion à Sanballat, gouverneur de Samarie (Néh. 4:1). Cependant, leur intérêt réside surtout dans le fait qu’ils ont été écrits à peu près à la même époque que les lettres consignées dans le chapitre quatre du livre d’Esdras, correspondance échangée vers 522 entre le roi perse et les ennemis des Juifs. Avant cette découverte, d’éminents savants prétendaient que ces lettres, incluses dans le récit biblique, n’étaient pas authentiques, qu’elles étaient anachroniques. Or, les papyrus d’Éléphantine confirment la Bible en montrant que l’araméen utilisé dans le livre d’Esdras est particulier à cette époque et que les lettres qui y sont incluses sont écrites dans le même style et la même langue que ces papyrus.
Incontestablement, les plus précieuses de toutes les découvertes faites en Égypte ont été celles de fragments de papyrus et de portions de livres bibliques, tant des Écritures hébraïques que des Écritures grecques, qui remontent aux second et troisième siècles de notre ère. Le climat très sec et le terrain sablonneux de l’Égypte firent de ce pays un magasin unique pour la préservation de ces documents sur papyrus.
Palestine et Syrie
On a entrepris des fouilles sur quelque six cents sites de ces deux régions du monde, sites auxquels on peut attribuer des dates. Cependant, la plupart des renseignements obtenus sont d’ordre général. Ils confirment le récit biblique dans son ensemble, mais ne se rapportent pas à des détails ou à des événements en particulier. Par exemple, dans le passé, certains s’efforcèrent de discréditer le récit biblique selon lequel Juda avait été complètement désolé durant l’exil à Babylone. Or, les fouilles dans leur ensemble ont confirmé la Bible. C’est ainsi que W. Albright écrit: “On ne connaît pas un seul cas où une ville de Judée proprement dite ait été occupée sans interruption pendant toute la période de l’Exil. Notons simplement, pour faire ressortir le contraste, que Béthel, située de l’autre côté de la frontière nord de Judée d’avant l’Exil, ne fut pas détruite à cette époque-là, mais qu’elle fut occupée sans interruption jusqu’à la deuxième moitié du VIe siècle.” — L’archéologie de la Palestine, W. Albright, p. 154.
Beth-Schan (Beth-Schéan), ancienne ville fortifiée qui défendait l’accès à la vallée d’Esdrelon par l’est, a été l’objet d’importantes fouilles qui ont mis au jour dix huit niveaux d’habitation. Pour cela il fallut creuser à plus de vingt mètres de profondeur. D’après le récit biblique, Beth-Schan n’était pas au nombre des villes qui furent occupées par les Israélites dès le début de la conquête. Aux jours de Saül, elle était encore habitée par les Philistins (Josué 17:11; Juges 1:27; I Sam. 31:8-12). C’est ce que confirment les fouilles en général, qui indiquent par ailleurs que cette ville fut détruite quelque temps après la défaite des Israélites près de Siloh (Jér. 7:12). La découverte de temples cananéens à Beth-Schan présente un intérêt tout à fait particulier. En effet, en I Samuel 31:10, nous lisons que les Philistins placèrent les armes du roi Saül “dans la maison des Aschtoreths, et [qu’]ils attachèrent son corps à la muraille de Beth-Schan”, et en I Chroniques 10:10, il est dit qu’“ils placèrent ses armes dans la maison de leur dieu, et [qu’]ils attachèrent son crâne à la maison de Dagon”. Deux des temples mis au jour datent de la même époque. Les faits démontrent que l’un des deux était dédié à Aschtoreth, et l’on pense que l’autre serait celui de Dagon, ce qui s’harmonise avec les textes cités plus haut qui parlent de deux temples à Beth-Schan.
À Debir (Tell Beit Mirsim), au sud de Juda, les archéologues ont effectué des fouilles sur une superficie de près de trois hectares et dégagé dix niveaux différents. Le site présente des signes d’une terrible destruction, puis des vestiges qui, pense-t-on, correspondent à l’occupation israélite. Une couche supérieure révèle une destruction partielle qui remonte à l’époque de Sennachérib. On a trouvé également des traces de deux invasions par Nébucadnezzar, la seconde ayant provoqué une destruction complète, après quoi le site demeura inhabité (II Rois, chaps 24, 25). Les fouilles révèlent aussi que Debir avait été un centre important de tissage et de teinture où l’on utilisait au moins vingt plantes colorantes. On a également mis au jour une colonne sur laquelle est représentée une déesse cananéenne en forme de serpent.
Dans les années 1937-1940, on a dégagé le site d’Ézion-Guéber, ville portuaire du golfe d’Aqaba de l’époque de Salomon. On a trouvé des scories et des morceaux de minerai de cuivre sur une butte peu élevée de cette région, ce qui indique qu’il y avait là une fonderie de cuivre. Toutefois, l’archéologue Nelson Glueck a complètement révisé ses premières conclusions dans un article paru dans The Biblical Archaeologist (vol. XXVIII, septembre 1965). Son opinion selon laquelle il y avait là des hauts fourneaux pour fondre le minerai était basée sur la découverte de ce qu’il croyait être des “cheminées” dans le plus important des bâtiments mis au jour. Il est maintenant arrivé à la conclusion que les trous dans les murs de ce bâtiment sont le résultat du “délabrement et (ou) de la destruction par le feu des poutres de bois placées en travers des murs en guise d’appareillage ou d’ancrage”. Le bâtiment qu’il avait d’abord pris pour une fonderie lui semble être maintenant un entrepôt, un grenier à céréales. Bien que l’on pense toujours qu’une forme de métallurgie était pratiquée en ce lieu, on ne lui attribue plus l’importance qu’on lui accordait auparavant. Cela montre bien que les informations fournies par les archéologues dépendent essentiellement de leur interprétation, laquelle n’est en aucun cas infaillible. La Bible elle-même ne parle pas d’une industrie du cuivre à Ézion-Guéber. Elle dit simplement que des ustensiles de cuivre furent faits quelque part dans la vallée du Jourdain. — I Rois 7:45, 46.
En 1867, on découvrit à Jérusalem un ancien tunnel d’eau qui, partant de la source de Guihon, traversait la colline derrière et aboutissait au fond d’un puits vertical creusé depuis l’ancienne ville de Jébus, en haut. Ce tunnel est peut-être celui dont parle II Samuel 5:6-10 où il est question de la prise de la ville. En 1909-1911, tout le système des tunnels reliés à la source de Guihon fut dégagé. Un tunnel connu sous le nom de tunnel de Siloam, dont la hauteur moyenne est de 1,80 mètre, fut creusé dans le rocher sur une longueur de 533 mètres entre Guihon et l’étang de Siloam, dans la vallée du Tyropœon (à l’intérieur de la ville). Ce canal semble correspondre au projet du roi Ézéchias qui est rapporté en II Rois 20:20 et II Chroniques 32:30. L’inscription en hébreu archaïque, trouvée sur le mur intérieur du tunnel, qui relate le percement du canal et qui indique sa longueur, est du plus haut intérêt. Elle sert de modèle de comparaison pour dater les autres inscriptions en hébreu que l’on peut trouver.
À Lachis, on a découvert une empreinte de sceau sur argile qui se réfère à “Guédaliah, celui qui est sur la maison”. Beaucoup pensent qu’il s’agit probablement du Guédaliah que Nébucadnezzar établit sur Juda après la chute de Jérusalem. — II Rois 25:22; comparez avec Ésaïe 22:15; 36:3.
Méguiddo était une ville fortifiée d’une grande importance stratégique qui commandait la vallée d’Esdrelon. Rebâtie par Salomon, elle figure parmi les villes à entrepôts et les villes de chars de son règne (I Rois 9:15-19). Les fouilles entreprises sur son site (Tell el-Mutesellim), un tertre d’une superficie de plus de cinq hectares, ont mis ce qui paraît être un ensemble d’écuries, avec des bornes auxquelles on attachait les animaux et avec des mangeoires. Ces écuries pouvaient abriter 450 chevaux et environ 150 chars. Le niveau auquel certains de ces vestiges ont été trouvés date de l’époque de Salomon.
Samarie, capitale puissamment fortifiée du royaume septentrional d’Israël, était bâtie sur une colline qui surplombait la vallée de plus de 90 mètres. Les vestiges des doubles murailles, qui formaient par endroits un rempart de près de dix mètres de large, sont une preuve de sa capacité à résister à de longs sièges, tels que ceux des Syriens (II Rois 6:24-30) et des puissantes armées assyriennes (II Rois 17:5). Les ouvrages en pierre qu’on a découverts sur ce site et que l’on fait généralement remonter à l’époque des rois Omri, Achab et Jéhu, sont très bien exécutés. Ce qui semble être le soubassement du palais mesure 96 mètres du nord au sud. On a trouvé dans ce palais quantité d’objets, de plaques et de frises en ivoire, ce qui fait penser à la maison d’ivoire d’Achab dont il est question en I Rois 22:39 (comparez avec Amos 6:4). À l’angle nord-ouest de la butte, on a mis au jour un grand réservoir cimenté de dix mètres de long sur cinq mètres de large. Peut-être s’agit-il de “l’étang de Samarie” dans lequel fut lavé le char taché par le sang d’Achab. — I Rois 22:38.
On accorde aussi un grand intérêt à une soixantaine de fragments de poterie (ostraca) couverts d’inscriptions à l’encre qui dateraient du huitième siècle avant notre ère. Des bulletins d’expédition pour des chargements de vin et d’huile arrivés à Samarie, en provenance d’autres villes, nous révèlent comment les Israélites écrivaient les chiffres au moyen de traits horizontaux, verticaux et inclinés. Voici ce qu’on peut lire sur un de ces bulletins (d’après H. Michaud, Sur la pierre et l’argile, p. 58):
En l’an di-
x, pour Gaddiyô [probablement l’intendant au trésor] (provenant) de Aza [peut-être le village ou le district qui envoie le vin ou l’huile]
Abibaal 2
Achaz 2
Shèba 1
Meribaa[l 1]
Ces Bulletins révèlent aussi la présence fréquente du mot “Baal” dans les noms propres, soit environ sept noms portant la racine “Baal” pour onze noms contenant une forme ou une autre de “Jéhovah”. Cela est probablement la preuve que, comme le dit la Bible, le culte de Baal s’était infiltré parmi les Israélites.
L’archéologie et les Écritures grecques chrétiennes
Nombreux sont ceux qui mettaient en doute l’exactitude du récit de Luc (2:1-3) à propos du recensement qui obligea Joseph et Marie à se rendre à Bethléhem. Ils doutaient même qu’il y ait eu un tel recensement, que Quirinius fût gouverneur de Syrie à cette époque-là et que, pour les besoins de la cause, tous ceux qui allaient se faire inscrire aient dû se rendre dans la ville de leurs ancêtres. Or, on a trouvé des textes sur papyrus qui confirment que de tels recensements avaient bien lieu périodiquement, que Quirinius fut gouverneur de Syrie non pas une fois, mais à deux reprises et qu’un décret du même genre fut promulgué en 104 de notre ère par le gouverneur romain d’Égypte, décret qui ordonnait aux habitants d’aller se faire recenser dans la ville de leurs ancêtres.
La Bible (Marc 12:15-17) dit que Jésus utilisa un denier à l’effigie de César (Tibère César). Cela a été confirmé par la découverte d’un denier d’argent sur lequel était gravé la tête de Tibère et qui fut mis en circulation vers l’an 15 de notre ère (comparez avec Luc 3:1, 2). La découverte à Césarée d’une dalle de pierre portant les noms latins Pontius Pilatus et Tiberius confirme que Ponce Pilate était gouverneur de Judée à cette époque-là.
Le livre des Actes des Apôtres, qui offre des preuves évidentes que Luc en est le rédacteur, contient de nombreuses références à des villes et aux provinces auxquelles elles appartenaient, ainsi qu’à des fonctionnaires de toutes sortes qui portaient des titres divers et qui assumaient leur fonction à des époques bien précises. En donnant de tels renseignements, le rédacteur de ce livre risquait de se tromper (voir aussi Luc 3:1, 2). Eh bien, les découvertes archéologiques ont démontré de façon remarquable l’exactitude du livre écrit par Luc. Ainsi, en Actes 14:1-6, celui-ci situe Lystres et Derbé en Lycaonie et laisse entendre qu’Iconium se trouvait dans un autre territoire, alors que des auteurs romains, dont Cicéron, placent Iconium en Lycaonie. Or, un monument découvert en 1910 indique qu’Iconium était bel et bien considérée comme une ville de Phrygie et non pas de Lycaonie.
De même, à Soli, sur la côte septentrionale de l’île de Chypre, on a trouvé une inscription qui porte “Paulus proconsul”. (Actes 13:7.) Une autre inscription mise au jour à Delphes confirme que Gallion était bien proconsul d’Achaïe en 52 (Actes 18:12). Quelque dix-neuf inscriptions, qui remontent à la période allant du deuxième siècle avant notre ère au troisième siècle de notre ère, prouvent que Luc a raison d’utiliser l’expression “chefs de la ville” (singulier politarkhês) à propos des magistrats de Thessalonique (Actes 17:6, 8). Cinq de ces inscriptions se rapportent d’ailleurs précisément à cette ville. Pareillement, l’allusion à Publius en tant que “principal personnage (protos) de Malte (Actes 28:7) est tout à fait exacte. C’était là son titre, comme le confirment deux inscriptions trouvées à Malte, l’une en latin et l’autre en grec. À Éphèse, on a trouvé des textes de magie et dégagé le temple d’Artémis (Actes 19:19, 27). Des fouilles entreprises sur ce site ont également mis au jour un théâtre qui pouvait accueillir vingt-cinq mille personnes et des inscriptions qui parlent de “commissaires des fêtes et des jeux”, comme ceux qui intervinrent auprès de Paul pour son bien, ainsi que du “premier magistrat”, comme celui qui apaisa la foule en cette circonstance. — Actes 19:29-31, 35, 41.
Certaines de ces découvertes incitèrent Charles Gore à écrire ce qui suit (dans le New Commentary on Holy Scripture) à propos de l’exactitude du récit de Luc: “Il faut évidemment dire que l’archéologie moderne a pratiquement forcé les critiques de saint Luc à reconnaître l’exactitude remarquable de toutes ses références aux faits et aux événements profanes.”
VALEUR RELATIVE DE L’ARCHÉOLOGIE
L’archéologie a fourni des renseignements très utiles qui ont aidé à l’identification (souvent incertaine) des sites bibliques. Elle a permis la découverte de documents écrits qui ont contribué à une meilleure intelligence des langues originales dans lesquelles les Écritures ont été rédigées et elle a jeté une lumière accrue sur la vie et les activités des peuples et des monarques dont il est question dans la Bible. Toutefois, pour ce qui est de l’authenticité et de l’exactitude de la Bible, de la foi en ce livre, de son enseignement et de ce qu’il nous révèle sur les desseins et les promesses de Dieu, il faut dire que l’archéologie n’est pas un complément indispensable à la Parole de Dieu ni une confirmation nécessaire de celle-ci. L’apôtre Paul écrit en effet: “La foi est la ferme attente de choses qu’on espère, la claire démonstration de réalités que pourtant l’on ne voit pas. Par la foi, nous comprenons que les systèmes de choses ont été disposés par la parole de Dieu, de sorte que ce qui se voit est venu de choses qui ne paraissent pas.” (Héb. 11:1, 3). “Nous marchons par la foi, non par la vue.” — II Cor. 5:7.
Cela ne veut pas dire que la foi chrétienne ne repose sur aucune base visible ou ne se rapporte qu’à des choses intangibles. Non; il est vrai qu’à toutes les époques les hommes ont pu constater, autour d’eux, en eux et dans ce qu’ils ont vécu, de nombreuses preuves que la Bible est la véritable révélation divine et qu’elle ne contient rien qui soit contraire aux faits démontrables (Rom. 1:18-23). La connaissance du passé éclairée par les découvertes archéologiques est intéressante et appréciée, mais elle n’est pas absolument nécessaire. Seule la connaissance du passé éclairée par la Bible est indispensable et tout à fait digne de foi. Avec ou sans l’archéologie, la Bible donne la signification véritable du présent et jette une lumière sur l’avenir (Ps. 119:105; II Pierre 1:19-21). En réalité, seule une foi faible a besoin de s’appuyer sur une béquille, de se fonder sur des briques qui tombent en poussière, sur des vases brisés et sur des murs croulants.
Des conclusions incertaines
Les découvertes archéologiques ont parfois apporté une réponse commode à ceux qui discutaient certains récits bibliques ou qui mettaient en doute l’historicité de certains événements. Elles ont également contribué à dégager l’esprit de gens sincères qui se laissaient impressionner par les arguments de ces détracteurs. Cependant, l’archéologie n’a pas pour autant réduit au silence ceux qui critiquent la Bible et elle n’est pas non plus un fondement absolument sûr sur lequel on puisse baser sa croyance dans le récit biblique. Les conclusions qui ont été tirées de la majorité des fouilles sont essentiellement fonction des raisonnements déductifs et inductifs des chercheurs qui, un peu comme des policiers, réunissent des indices. Aujourd’hui encore, même quand des policiers découvrent et réunissent une liste impressionnante de preuves matérielles ou indirectes concernant une affaire qui passe en justice, s’ils ne disposent pas de témoins dignes de foi et directement impliqués dans l’affaire, celle-ci sera jugée bien contestable. De graves erreurs et des injustices ont été commises parce que des jugements ont été prononcés d’après ces seules preuves. À plus forte raison risque-t-on de se tromper quand deux ou trois mille ans se sont écoulés entre l’événement lui-même et les recherches entreprises par les archéologues.
Pour illustrer à quel point peuvent être différentes les opinions ou les interprétations formulées par plusieurs autorités à partir de découvertes archéologiques, considérons les vestiges de grands bâtiments à colonnes et d’une cour dallée que l’on a dégagés à Méguiddo ainsi qu’à Hazor. La plupart des ouvrages de référence affirment qu’il s’agissait d’écuries, probablement de celles des chevaux que Salomon attelait à ses chars. Cependant, D. Wiseman, professeur d’assyriologie à l’université de Londres, laisse entendre, dans un article écrit pour un dictionnaire (The New Bible Dictionary, rédacteur responsable: J. Douglas, p. 77), qu’il “peut très bien s’agir de chancelleries et d’autres bâtiments publics plutôt que de casernes”.
L’incapacité des archéologues à mettre en lumière le passé autrement qu’avec une exactitude approximative n’est pas le seul problèmes. Bien qu’ils s’efforcent de garder un point de vue objectif sur les vestiges qu’ils mettent au jour, les archéologues, comme les savants en général, sont néanmoins influencés par leurs faiblesses, leurs tendances et leurs ambitions personnelles, ce qui peut les inciter à tenir un raisonnement erroné. Attirant l’attention sur ce problème, le professeur W. Albright écrit: “D’autre part, il y a le risque de vouloir aboutir à de nouvelles découvertes et formuler un point de vue original aux dépens de travaux antérieurs plus solides. C’est particulièrement le cas dans des domaines comme la géographie et l’archéologie bibliques, dans lesquels il est si difficile de maîtriser les instruments et les méthodes d’investigation qu’on est toujours tenté de négliger les saines méthodes, c’est-à-dire de substituer les combinaisons habiles et les hypothèses brillantes au travail plus systématique et plus lent.” — The Westminster Historical Atlas to the Bible, éd. rév., p. 9.
Différences dans les dates
Il est important de garder cela présent à l’esprit quand on considère les dates que les archéologues avancent à propos de leurs découvertes. H. Rowley, autorité en la matière, déclare: “Il ne faut pas accorder une valeur excessive aux dates avancées par les archéologues, car, dans tous les cas, elles dépendent en partie de facteurs subjectifs, ce que prouvent assez les différences entre les dates avancées par les uns et les autres.” (Archæology and the Old Testament, Unger, p. 152). Illustrant cela, Merrill Unger écrit (p. 164, note 15): “Par exemple, Garstang situe la chute de Jéricho à environ 1400 av. n. è. (...); Albright est d’accord avec environ 1290 (...); Hugues Vincent, l’éminent archéologue de la Palestine, s’en tient à 1250 (...); alors que pour H. Rowley, Ramsès II est le pharaon de l’oppression et l’exode a eu lieu sous le règne de son successeur, Marniptah [Merneptah], vers 1225.” Tout en défendant la crédibilité des méthodes et des analyses de l’archéologie moderne, le professeur Albright reconnaît qu’“il reste difficile à un non-spécialiste de se frayer un chemin à travers les dates et les conclusions contradictoires des archéologues”. — L’archéologie de la Palestine, p. 274.
On a bien utilisé “l’horloge au radiocarbone” et d’autres méthodes modernes pour dater les objets mis au jour. Toutefois, elles ne sont pas parfaitement exactes, comme le montre ce commentaire de Ernest Wright (The Biblical Archæologist [vol. XVIII, 1955, p. 46]): “On peut constater que la nouvelle méthode au carbone 14 utilisée pour dater les vestiges anciens ne s’est pas révélée aussi infaillible qu’on l’avait espéré (...). Certaines mesures ont, de toute évidence, donné des résultats erronés, sans doute pour plusieurs raisons. Actuellement, on ne peut se fier entièrement aux résultats donnés que lorsque plusieurs mesures ont fourni des résultats pratiquement identiques et que la date indiquée paraît exacte d’après d’autres méthodes de calcul [c’est nous qui soulignons].” Le désaccord persistant entre les différentes opinions avancées par les archéologues montre bien que cette méthode n’a pas résolu le problème de la datation.
La valeur relative des inscriptions
Des milliers d’inscriptions anciennes ont été trouvées et traduites. Albright dit: “Les documents écrits constituent de loin la plus importante catégorie d’objets découverts par les archéologues. Il est donc important de se faire une idée exacte de leurs caractéristiques et de notre aptitude à les déchiffrer.” (The Westminster Historical Atlas to the Bible, éd. rév., p. 11). Il peut s’agir de textes écrits sur des fragments de poterie, sur des tablettes d’argile ou sur des papyrus, ou encore d’inscriptions gravées sur le granit. Quel que soit le matériau utilisé, il faut examiner les renseignements qu’offrent ces inscriptions pour en éprouver la valeur et pour savoir s’ils sont dignes de foi. Des textes gravés sur de la pierre ou écrits sur du papier peuvent être erronés ou franchement mensongers. Ce fut d’ailleurs fréquemment le cas.
Prenons un exemple. La Bible rapporte que Sennachérib, roi d’Assyrie, fut assassiné par deux de ses fils, Adrammélech et Scharézer, et qu’un autre, Ésar-Haddon, lui succéda sur le trône (II Rois 19:36, 37). La chronique babylonienne découverte par les archéologues déclare, quant à elle, que le vingtième jour de Tébeth, Sennachérib fut tué par son fils qui s’était révolté contre lui. Bérose, prêtre babylonien du troisième siècle avant notre ère, comme Nabonide, roi babylonien du sixième siècle avant notre ère, rapportent eux aussi dans leurs écrits que Sennachérib a été assassiné par un seul de ses fils. Cependant, Ésar-Haddon, qui succéda à son père, Sennachérib, déclare nettement sur un fragment découvert plus récemment du prisme qui porte son nom, que ses frères (au pluriel) se révoltèrent contre leur père et le tuèrent, après quoi ils s’enfuirent. Philip Biberfeld (dans Universal Jewish History, 1948, p. 27) fait ce commentaire: “La chronique babylonienne, Nabonide et Bérose se trompaient; seul le récit biblique se révèle exact. Il a été confirmé dans tous ses détails par l’inscription d’Ésar-Haddon et, concernant cet événement de l’histoire assyro-babylonienne, il s’est révélé plus exact que les sources babyloniennes elles-mêmes. C’est là un fait d’une extrême importance pour apprécier la valeur de sources pourtant contemporaines aux événements qu’elles relatent quand elles sont en désaccord avec la tradition biblique.”
Problèmes de déchiffrement et de traduction
Le chrétien doit également se montrer avisé en n’acceptant pas automatiquement l’interprétation avancée de nombreuses inscriptions en langue anciennes découvertes par les archéologues. Dans certains cas, tels que la pierre de Rosette et l’inscription de Behistoun, les savants qui ont déchiffré les langues en question ont fait de grands progrès dans l’intelligence d’une langue auparavant inconnue, cela parce que le texte écrit en cette langue l’était aussi, sur la même inscription, en une ou plusieurs autres langues connues. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à ce que de tels apports résolvent tous les problèmes ou permettent de comprendre parfaitement une langue ancienne avec toutes ses nuances et ses expressions idiomatiques. Ces derniers temps, on a encore fait des progrès considérables dans la connaissance des langues bibliques fondamentales que son l’hébreu, l’araméen et le grec, et on ne cesse de les étudier. Pour ce qui est de la Bible, la Parole divine inspirée, nous pouvons à bon droit nous attendre à ce que son Auteur nous permette d’obtenir la bonne intelligence de son message grâce aux traductions de ce livre disponibles dans les langues modernes.
Pour illustrer la nécessité d’être prudent en ce domaine et apporter un témoignage supplémentaire au fait que les problèmes que pose le déchiffrement des inscriptions anciennes sont bien souvent abordés avec moins d’objectivité qu’on pourrait le penser, nous citerons le livre Le secret des Hittites (pp. 108-111), de C. Ceram. Il dit à propos d’un assyriologue éminent qui travailla au déchiffrement de la langue hittite: “Son œuvre fourmille d’erreurs et contient nombre de révélations capitales (...). L’argumentation (...) est si convaincante qu’il fallut plusieurs dizaines d’années pour s’apercevoir qu’elle était erronée. (...) Son érudition philologique était prodigieuse.” L’auteur décrit ensuite l’obstination avec laquelle ce savant s’opposa à toute modification de ses découvertes. Après bien des années, il consentit enfin à opérer quelques changements, mais les leçons qu’il modifia étaient justement celles qui se révélèrent exactes quelque temps plus tard. Tout en relatant la violente querelle, émaillée de récrimination personnelles, qui éclata entre cet homme et un autre savant occupé lui aussi à déchiffrer les caractères cunéiformes hittites, l’auteur laisse cependant entendre que le fanatisme qui provoque de telles querelles est un stimulant nécessaire si l’on veut que les savants fassent des découvertes. Ainsi, bien que le temps et les recherches aient permis d’éliminer de nombreuses erreurs dans l’interprétation des inscriptions anciennes, nous ferons bien de reconnaître que d’autres études peuvent encore amener de nouvelles corrections.
Toute cela confirme la supériorité de la Bible en tant que source de connaissance digne de foi et de renseignements authentiques, et comme guide sûr. Ce recueil de documents écrits, qui nous donne l’image la plus nette du passé de l’homme, est parvenu jusqu’à nous, non pas grâce aux fouilles archéologiques, mais parce qu’il a été préservé par son Auteur, Jéhovah Dieu. La Bible “est vivante et fait sentir son action”. (Héb. 4:12.) Elle est “la parole du Dieu vivant et permanent”. “Toute chair est comme l’herbe; l’herbe se dessèche et la fleur tombe, mais la parole de Jéhovah demeure pour toujours.” — I Pierre 1:23-25.
[Schéma, page 106]
Schéma de fouilles archéologiques. Les tertres sur lesquels sont situées certaines villes résultent de reconstructions successives sur les ruines des villes précédentes.
PÉRIODE DÉTERMINÉE
Maccabées
Exil
EXCAVATION PAR COUCHES
Juda
Royaume divisé
De Saül à Salomon
TRANCHÉE EN GRADINS
Juges
Patriarches
SONDAGE
Premiers Cananéens
DÉBLAIS
NIVEAU DU SOL
SOL VIERGE
[Illustration, page 107]
Chronique de Nabonide
[Illustration, page 108]
Prisme de Sennachérib
[Illustration, page 110]
Partie de l’inscription de Siloam qui date probablement du temps du roi Ézéchias.
[Illustration, page 111]
Empreinte de sceau sur argile trouvée à Lachis et qui se réfère à “Guédaliah, celui qui est sur la maison”.