Le simulacre de procès des chrétiens : la honte du Portugal !
VERS la fin de juin et le début de juillet 1966 s’est ouvert à Lisbonne un procès qui a retenu l’attention de tout le Portugal. Quarante-neuf personnes, des témoins de Jéhovah ainsi que quelques sympathisants, allaient être jugées. Bien que la salle d’audience ne pût recevoir qu’un nombre restreint de personnes, c’est par milliers que, chaque jour, les gens s’y pressaient pour assister aux sessions. Jamais on n’avait vu chose pareille au Portugal ! Même dans les autres pays, les débats ont pu être suivis attentivement grâce aux reportages des correspondants étrangers qui assistaient aux débats.
Nombreux sont les citoyens du Portugal qui pensent être au courant de ce qui s’est passé durant ce procès. En effet, en l’espace de deux jours seulement, les journaux de Lisbonne ont consacré quatre mètres cinquante de colonnes à faire de la publicité autour des témoins de Jéhovah et du procès qui allait s’ouvrir. Les informations furent données avec beaucoup de partialité et elles contenaient souvent de grossiers mensonges. Seule la propagande de ceux qui voulaient absolument la condamnation des inculpés fut publiée ; la défense présentée par les témoins de Jéhovah ne l’a jamais été. Un journal, auprès duquel certains cherchaient à se renseigner, révéla que lorsqu’un récit fidèle avait été préparé et composé, la censure gouvernementale s’était opposée à son impression.
Toutefois, les fonctionnaires se sont vite aperçus que même une publicité malveillante n’avait d’autre effet que d’exciter l’intérêt des lecteurs pour les témoins de Jéhovah et leur activité. C’est pourquoi cette publicité a été considérablement réduite. Les personnes qui savent ce qui s’est réellement passé durant le procès sont donc relativement peu nombreuses. Nous vous présentons le rapport des faits que vous suivrez avec intérêt.
ARRESTATION ET EMPRISONNEMENT
Dans la soirée du 10 juin 1965, la congrégation des témoins de Jéhovah de Feijó était tranquillement réunie dans une maison particulière d’un faubourg de Lisbonne. Là, près de soixante-dix personnes étudiaient ensemble la Bible comme les témoins de Jéhovah ont coutume de le faire régulièrement. Vers 22 heures, la réunion fut brusquement interrompue par l’intervention de la police conduite par le lieutenant Jorge Manuel Natividade Jacob, et quarante-neuf des assistants ont été arrêtés.
Bien qu’aucune accusation officielle n’ait été portée contre eux, deux des ministres, Arriaga Cardoso et José Fernandes Lourenço, ont été emmenés à la prison de Fort Caxias. Leur détention s’est prolongée durant quatre mois et dix-neuf jours, soit jusqu’au 29 octobre ; durant cette période, toute lecture, y compris celle de la Bible, leur fut interdite pendant deux mois. M. Cardoso et M. Lourenço ont été gardés onze jours au secret, dans le but évident de les démoraliser.
Alors qu’ils se trouvaient en prison, le gouvernement a réuni un dossier de 416 pages comprenant principalement les questions posées aux prisonniers et aux quarante-sept autres inculpés, ainsi que leurs réponses. L’acte d’accusation détaillé, dressé par le Ministère public, disait entre autres :
“Je déclare tous les accusés coupables d’atteinte à la sûreté de l’État, d’incitation à la désobéissance collective, crimes prévus et punissables aux termes de l’article 174 du code pénal (...). Ils constituent un mouvement politique tirant son origine de divers pays et ayant pour but l’incitation des masses, de la jeunesse en particulier, à l’agitation et à la subversion.”
Cependant, ce dossier de 416 pages ne contenait aucune preuve que les quarante-neuf inculpés avaient commis les crimes dont ils étaient accusés. Pas une seule déposition de témoin n’a été présentée à l’appui de ces accusations ! Celles-ci n’étaient que de simples assertions, dénuées de toute preuve. Voici les faits : Quarante-neuf chrétiens ont été arrêtés alors qu’ils étudiaient ensemble ; ils ne discutaient d’aucune question politique, et pas une seule preuve n’a été fournie pour démontrer qu’ils formaient un “mouvement politique”. Dans l’établissement du dossier, aucun effort n’a été fait pour essayer de prouver que ces personnes avaient prêché quoi que ce soit, sans parler du fait qu’elles auraient incité autrui à désobéir au gouvernement portugais ou semé l’agitation et la révolte parmi les masses populaires. Toute personne honnête sera frappée par l’absence totale de preuves dans ce dossier. Pourtant l’affaire fut portée devant la justice.
Qu’allait-il se passer à l’audience ? Le Ministère public présenterait-il des preuves établissant que les défendeurs avaient commis les crimes dont on les accusait ? Les parties de la défense auraient-elles toute liberté de présenter devant la cour les preuves de leur innocence ? Les juges entendraient-ils leur déposition avec un esprit non prévenu afin d’arriver à une décision juste ?
OUVERTURE DU PROCÈS ET AJOURNEMENT
Finalement, le 14 juin 1966, le procès commença ; les accusés comparurent au Palais de justice de Lisbonne, à Largo da Boa Hora, et des témoins de Jéhovah de toutes les parties du pays accoururent vers la capitale, non pour cerner le Palais de justice, mais pour apporter leur appui moral à leurs frères et sœurs chrétiens qu’on allait juger. Jamais les agents de police n’avaient vu autant de personnes rassemblées en cet endroit. Au début, comme ils ne s’attendaient pas à une foule aussi nombreuse, ils étaient désorientés. L’un d’eux, tout excité, s’exclama : “Qu’allons-nous faire de tout ce monde ? Il faut que l’entrée principale reste libre !” Un témoin de Jéhovah qui avait entendu cette réflexion, la répéta et quelques minutes plus tard, l’entrée était dégagée. L’agent était stupéfait de voir la rapidité et le calme avec lesquels ces gens avaient coopéré. Jamais encore Lisbonne n’avait vu une foule aussi facile à discipliner, aussi l’accusation de “désobéissance aux lois et règlements qui régissent l’ordre public” portée contre les inculpés semblait-elle tout à fait impropre.
Le lendemain, un journal de Lisbonne, O Seculo, publiait les remarques suivantes : “Tous ceux qui seraient arrivés hier à Largo da Boa Hora, auraient vu un spectacle surprenant (...). Les fenêtres des premier et second étages ainsi que les couloirs étaient garnis de monde. Le patio était littéralement bondé (...). L’ordre n’était pas troublé (...). On estime à plus de 2 000 le nombre de ceux qui se trouvaient dans l’enceinte du Palais et au dehors. C’était la première fois qu’on voyait tant de monde rassemblé en cet endroit. Et c’étaient, pour la plupart, des sympathisants des accusés et de leur religion.”
Cependant, le jour de l’ouverture du procès, les débats n’ont pas été longs, l’un des accusés, malade, n’ayant pu y assister. Une motion sur l’ajournement du procès présentée par le Ministère public ayant été adoptée, le jugement fut reporté au 23 juin.
PREMIÈRE SESSION DU TRIBUNAL
Le procès s’est ouvert le jeudi 23 juin à 14 heures 30 et il s’est poursuivi jusqu’à 19 heures 30. Sur les lieux, la foule s’était massée, plus nombreuse encore que la première fois. On a estimé le nombre de ces gens à 5 000 environ. La plupart d’entre eux sont restés dehors, dans la rue, pendant plus de cinq heures, attendant impatiemment des nouvelles des débats.
Les trois juges désignés pour entendre la cause étaient le juge António de Almeida Moura, le président, et les juges Saudade e Silva et Bernardino de Sousa, ses assesseurs. Le procureur du gouvernement était le Dr Lopes de Melo, et l’avocat de la défense, représentant les accusés, le Dr Vasco Almeida e Silva.
Le premier défendeur appelé à témoigner fut Arriaga Cardoso, l’un des deux ministres qui avaient été emprisonnés pendant plus de quatre mois sans qu’aucune accusation n’ait été portée contre eux.
Au début, le président cherchait à faire croire que la liberté religieuse existait au Portugal. “Vous n’êtes pas accusé d’association illégale, dit-il à Cardoso. Vous n’êtes pas jugé pour avoir adoré Jéhovah. Il vous est permis d’adorer Jéhovah au même titre que Mahomet ou Bouddha. La religion de chacun est respectée, j’entends quand elle ne sort pas des strictes limites qui lui sont fixées. La constitution portugaise garantit la liberté du culte.”
Toutefois, le juge s’est ensuite efforcé de démontrer que les garanties constitutionnelles qui protègent la liberté du culte ne s’appliquaient pas à des religions comme celle des témoins de Jéhovah. Dans le Diário Popular de Lisbonne on a pu lire les remarques qu’il a faites à Cardoso : “La liberté n’existe pas pour quiconque établit une nouvelle religion et fait ce qu’il veut au nom de Dieu ou quelque autre chose. On doit se soumettre aux hommes qui dirigent les choses sur la terre (...). C’est la désobéissance, d’une manière générale aux lois de la nation, qui est la base de l’accusation portée contre vous.”
À ce moment, Cardoso, un homme de 54 ans, citoyen portugais, prit un exemplaire de la Bible. Son intention était de démontrer que, conformément à l’ordre biblique d’être soumis aux “autorités supérieures” terrestres, les témoins de Jéhovah obéissent aux lois de tous les pays (Rom. 13:1). Ils se soumettent aux lois de tout gouvernement aussi longtemps qu’elles ne sont pas en désaccord avec celles de Dieu (Actes 5:29). Les témoins de Jéhovah ne sont pas non plus des agitateurs politiques puisque, obéissant à Jésus-Christ qui a dit que ses disciples ne “font pas partie du monde”, ils ne participent à aucune sorte d’activité politique (Jean 17:16). Mais le président l’a aussitôt interrompu, comme le relate le Diário Popular :
“‘Inutile de sortir votre Bible ! Pour vous, c’est la Bible qui compte, pour la cour, c’est la loi. La Bible ne régit pas la vie civile. N’invoquez pas son témoignage, car chacun l’interprète à son gré et selon ses intérêts. Ce n’est pas la constitution de l’État. Le tribunal n’est pas obligé de l’accepter comme constitution politique de la République portugaise quand elle est interprétée par quelque Américain.’”
Le défendeur était un citoyen portugais et non un Américain. Et quoi que le juge ait pu laisser entendre, il voulait présenter, non pas les idées d’un Américain, mais ses propres croyances basées sur la Bible. Cependant le juge ne l’a pas laissé parler. Il ne voulait pas entendre le témoignage de la Bible !
PRIORITÉ À LA LOI DE DIEU
Néanmoins, on ne peut écarter la Bible quand la question de l’obéissance à la loi des hommes est discutée. En effet, les lois bibliques sont le fondement même des lois justes des gouvernements humains, et l’obéissance à ces lois divines revêt même un caractère plus impératif que la soumission aux lois humaines. Telle a d’ailleurs été l’opinion de célèbres juristes des siècles passés et de notre époque.
L’un de ces juristes, William Blackstone, a fort bien exprimé cette pensée quand il a dit que la loi divine “impose évidemment des obligations supérieures à toute autre loi. Elle est exécutoire sur toute la terre, dans tous les pays et en tout temps ; aucune loi humaine n’est valide si elle est contraire à ces lois supérieures. Celles qui sont valides tirent leur force et toute leur autorité médiatement ou immédiatement de cette loi originale”. (Commentaires de Blackstone sur les lois de l’Angleterre [angl.], Chase, New York, Baker, Voorhis and Company, 1938, p. 5, 6.) Il n’est donc pas déplacé d’invoquer le témoignage du livre divin de droit, la sainte Bible. Les témoins de Jéhovah ne peuvent l’écarter de leur vie.
“Nous devons, a déclaré le président, adapter la loi divine aux lois terrestres. Il nous faut interpréter les choses avec logique. Parfois les lois divines sont aberrantes.” Mais les témoins de Jéhovah ne sont pas de cet avis ; ils ne croient pas que les lois de Dieu sont parfois “aberrantes”, c’est-à-dire qu’elles s’écartent de la vérité, qu’elles sont erronées. Ils croient que Dieu et sa Parole sont véridiques, et ils s’efforcent de tout leur cœur et de toute leur énergie de vivre en harmonie avec la Bible. Est-ce mal ? Est-ce immoral ou peu chrétien de mettre la loi de Dieu à la première place quand la loi des hommes s’oppose à elle ?
Les apôtres chrétiens n’étaient pas de cet avis. Quand ils comparurent devant un tribunal juif, et qu’ils reçurent l’ordre de mettre fin à leur prédication, Pierre et les autres apôtres répondirent : “Nous devons obéir à Dieu comme chef plutôt qu’aux hommes.” Oui, Dieu leur avait donné l’ordre de prêcher, et ils allaient continuer de lui obéir, peu importe ce que les hommes diraient et feraient. C’est pourquoi, plus loin dans la Bible, nous lisons : “Et chaque jour dans le temple et de maison en maison ils continuaient sans relâche d’enseigner et de déclarer la bonne nouvelle sur le Christ, Jésus.” — Actes 5:27-29, 42.
À notre époque les témoins de Jéhovah ne sont pas les seuls à faire cette réponse. Dans un livre portugais récemment publié et intitulé “Notre divine histoire”, de A. Amaral, édité par le Secrétariat national de la catéchèse et portant l’imprimatur de l’Église catholique romaine, la question suivante est posée à la page 230 : “Quand peut-on ne pas obéir aux autorités ?” Voici la réponse donnée : “Nous avons le droit de ne pas obéir aux autorités quand elles nous ordonnent de faire quelque chose qui est contraire à la volonté de Dieu (Actes 5:29 ; Mat. 10:37).” Ainsi donc, si les témoins de Jéhovah sont reconnus coupables du crime de désobéissance parce qu’ils publient le point de vue biblique sur cette question, les catholiques du Portugal devraient également comparaître devant la justice sous la même inculpation. Rien de ce que les témoins de Jéhovah ont publié à ce sujet n’est plus explicitement exprimé que ce point de vue catholique fondé sur la Bible. Les témoins de Jéhovah du Portugal étant aujourd’hui victimes de la persécution officielle pour ce motif, on peut se demander ce que l’avenir réserve à leurs compatriotes catholiques.
Que le peuple portugais reconnaisse en général que l’obéissance à Dieu doit occuper la première place, c’est ce qu’exprime clairement sa devise : “Dieu, la Patrie et la famille.” Dieu est fort justement mis à la première place. Quand l’État veut ignorer ce fait, et que les justes lois de Dieu sont bafouées et écartées, ce qui fut le cas en Allemagne nazie, il en résulte des crimes abominables contre Dieu et l’humanité.
LA PRÉVENTION DES JUGES
Dès l’ouverture du procès, il fut manifeste que les juges ne s’intéressaient en aucune façon aux dépositions des accusés. Ils ne se souciaient pas de recueillir des preuves sur lesquelles ils auraient fondé un jugement impartial, car ils interrompaient régulièrement les accusés, leur coupant la parole afin de les empêcher de présenter leur témoignage. De toute évidence leur décision était arrêtée d’avance, avant même l’ouverture du procès. Une telle forme de justice est une honte pour le Portugal !
La prévention des juges à l’encontre des témoins de Jéhovah a été évidente durant les trois jours que durèrent les débats. Les juges ignorèrent même les règles qu’il convient d’observer dans un tribunal. Selon la déclaration d’un avocat portugais, le jugement a été “un simulacre, une honte et une monstrueuse démonstration du degré d’abaissement auquel la jurisprudence portugaise était tombée”. Un autre avocat de Lisbonne a appelé le procès entier “une honte”.
Les juges ont renoncé à leur fonction honorable de magistrats d’une cour supérieure pour assumer le rôle d’interrogateurs, d’accusateurs et de moqueurs à l’égard des défendeurs et de leurs croyances. Souvent, s’il ne trouvait pas la réponse à son goût, le juge même qui interrogeait un défendeur lui coupait la parole avant qu’il ne puisse en dire davantage. À plusieurs reprises, l’avocat de la défense a dû intervenir et protester énergiquement contre la façon outrageante dont les juges parlaient. Il leur rappela que ce n’était pas à eux de soutenir l’accusation, mais qu’il leur appartenait par contre, sur la base des témoignages présentés, de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence des inculpés en ce qui concerne les crimes dont ils étaient accusés.
Quand, vers la fin du premier jour d’audience, le défendeur Afonso Costo Mendes, âgé de 54 ans, s’est présenté à la barre des témoins, le juge Bernardino de Sousa a laissé échapper un flot de paroles incohérentes et pitoyables à entendre. Afin de prouver que l’activité de prédication des témoins de Jéhovah engendrait l’hostilité, il rapporta la déclaration qu’un homme lui avait faite : “J’aurais aimé donner un coup de pied dans le ventre du témoin qui s’est présenté à ma porte.” Selon ce juge, la religion des témoins de Jéhovah engendre la violence et sème la division au sein des familles, en dressant leurs membres les uns contre les autres. L’avocat de la défense a tenté de protester contre ces accusations, mais le juge l’interrompit en appelant le défendeur suivant.
Cependant, l’interrogatoire de ce dernier a prouvé que le juge, prévenu, se trompait. L’avocat de la défense interrogea cette personne :
— Êtes-vous mariée ?
— Oui.
— Votre mari est-il témoin de Jéhovah ?
— Non.
— Quel genre de relations entre votre mari et vous existent dans votre foyer ?
— Depuis que je suis devenue témoin de Jéhovah, je me suis efforcée d’être une bonne épouse, et cela a contribué au bonheur de notre union.
Se tournant alors vers le juge, l’avocat lui a fait remarquer que cette réponse prouvait qu’il avait porté contre les témoins de Jéhovah une accusation gratuite.
Au défendeur suivant, le juge demanda s’il avait déjà comparu devant un tribunal.
— Oui, répondit-il.
— Sous quelle inculpation, reprit le juge.
— De viol.
Saisissant l’occasion, le juge s’est alors écrié : “Voyez quelle sorte de religion pratiquent les témoins de Jéhovah !”
Se tournant vers l’accusé, l’avocat de la défense lui a demandé s’il était déjà témoin de Jéhovah quand il avait violé une jeune fille.
— Oh non ! a-t-il répliqué. Si j’avais été témoin de Jéhovah, jamais je n’aurais fait une chose pareille. À ce moment-là, j’étais catholique pratiquant.
Le second jour des débats, les juges se sont évertués à salir les accusés, affirmant que leurs croyances venaient d’Amérique. Cependant, les témoins de la défense ont prouvé qu’il n’en était rien ; ils ont fourni la preuve qu’elles étaient fondées sur la Bible en langue portugaise. Mais quand le témoignage des Écritures leur était présenté, les juges changeaient de sujet, interrompant le défendeur, et finalement l’un des juges s’est écrié à travers la salle d’audience : “Allons-nous transformer ce lieu en Salle du Royaume ? Une seule chose nous intéresse ici : parler de la loi !”
Au cours de cette séance, lorsque le témoin de la défense, Armando Monteiro, a expliqué d’une façon frappante la position de neutralité adoptée par les témoins de Jéhovah, le juge a manifesté un vif mécontentement et a déclaré que cela n’intéressait pas le tribunal, empêchant ainsi Monteiro de terminer sa déposition. L’avocat de la défense s’est élevé contre cette façon arbitraire de traiter le témoin. Une discussion a suivi. Le résultat de cette session a été l’interdiction pour la défense de produire d’autres témoins au cours du procès. La cour allait désormais se borner à entendre les déposants. Le témoignage de ceux-ci pouvait être à tout moment légalement interrompu, et l’avocat de la défense n’avait le droit de les interroger que par l’intermédiaire du juge. Les magistrats s’efforçaient ainsi de museler la défense.
En dépit des témoignages produits d’un bout à l’autre du procès pour prouver que les accusés étaient des citoyens indiscutablement respectueux des lois, les juges ont observé une attitude hostile et partiale. Le second jour, l’avocat de la défense ayant fait remarquer au juge que la déclaration qu’il venait de faire contredisait une de ses précédentes déclarations, le juge lui a dit d’un air méprisant : “Vous êtes vieux, et vous devriez vous appliquer à mieux entendre.” La requête pour obtenir qu’une feuille d’audience paraisse avec le compte rendu des débats a été rejetée. De toute évidence, ces magistrats ne tenaient pas à ce que les débats soient publiés ! Pourquoi ?
Pour cette raison bien simple : toute personne honnête, à la lecture des preuves avancées, n’aurait pu qu’être consternée devant cette grossière erreur judiciaire. Aucun esprit non prévenu n’aurait pu imaginer que des juges aient pu en arriver à la décision qui a été prise sur la base des témoignages fournis. Il n’est guère étonnant qu’on n’ait pas permis qu’un rapport officiel sur les débats fût rédigé !
ERREUR JUDICIAIRE
Le Ministère public n’a produit aucun témoin durant les trois jours du procès ! De plus, il ne fit aucun effort pour interroger d’une manière contradictoire l’un quelconque des défendeurs ou des témoins de la défense. Aucune réfutation ! Pas le moindre argument ! Pendant tout le procès, pas un seul fait ou témoignage n’a été produit pour prouver que les témoins de Jéhovah étaient coupables des crimes dont on les accusait. En fait le procureur de la République n’a guère ouvert la bouche !
L’illégalité de la procédure et la nature arbitraire des condamnations à des peines de prison infligées aux inculpés sont évidentes si l’on se réfère à l’article 359 du Code pénal du Portugal qui, concernant l’instruction préparatoire, déclare au numéro 3 :
“[La plainte doit exposer :] ‘Le récit précis et judicieux des faits qui constituent l’infraction indiquée, et si possible, le lieu et l’heure du crime, la raison pour laquelle il a été commis, le degré de culpabilité des inculpés, et les circonstances qui ont précédé, accompagné ou suivi l’infraction et qui pourraient aggraver ou atténuer leur participation au crime !’”
Toutefois, les seuls faits prouvés concernant les accusés et énoncés dans le dossier de 416 pages et au cours du procès se résument à ceci : on les a trouvés étudiant ensemble la Bible à une certaine heure et en un certain lieu. Il n’y a aucune preuve indiquant que les accusés auraient prêché à autrui, sans parler de la nature de ce qu’ils auraient prêché. Il n’a même pas été précisé ce qui s’était dit durant cette réunion ! Il est donc évident que la justice portugaise, qui exige un “récit précis des faits qui constituent l’infraction indiquée” et “le lieu et l’heure du crime”, n’a pas été satisfaite. Il n’est donc pas étonnant que les avocats portugais aient qualifié le procès de “simulacre”, de “honte” et d’“erreur judiciaire”.
Les témoignages des défendeurs, des témoins et “déposants” à décharge ont pratiquement occupé les trois jours entiers du procès, les 23 et 30 juin et le 7 juillet. Le dernier jour, l’avocat de la défense a résumé brièvement les faits, montrant que les défendeurs n’avaient commis aucun crime. Ils étaient des chrétiens, accomplissant la même œuvre que Jésus et ses premiers disciples. Il a fortement attiré l’attention du tribunal sur le fait qu’aucune preuve n’avait été apportée pour démontrer que les accusés “constituent un mouvement politique”, incitent “les masses populaires à l’agitation et à la subversion” en prêchant la désobéissance aux lois et ordonnances qui régissent l’ordre public. C’était maintenant au procureur du Gouvernement de parler. Il s’est levé, mais à la vive stupéfaction de tous les assistants, tout ce qu’il a dit a été ceci : “Je demande justice.”
Mais il est clair que justice n’a pas été rendue. Le procès a été réellement un simulacre ! Deux jours plus tard, les quarante-neuf inculpés étaient condamnés à la prison. Ils se sont pourvus en appel devant la Cour suprême du Portugal.
DES ENSEIGNEMENTS NON SUBVERSIFS
En même temps qu’il intensifiait son action militaire en Afrique, le Portugal a récemment exploité le refus de certains jeunes gens de prendre les armes et de tuer leurs semblables, pour présenter les témoins de Jéhovah comme un groupe d’agitateurs subversifs bravant la loi. Il a été cependant impossible au cours du procès d’étayer ces accusations par des faits. En réalité, sur les quarante-neuf accusés, il y avait trente-cinq femmes, et un seul homme avait personnellement refusé d’accomplir son service militaire, mais aucun d’entre eux n’avait jamais encouragé d’autres personnes à refuser de porter les armes.
La défense a présenté des preuves montrant que les témoins de Jéhovah ne conseillent et n’encouragent personne à violer la loi d’un gouvernement quel qu’il soit. En fait, leurs publications expliquent qu’il est mal d’enseigner quelqu’un à refuser de faire son service militaire, de saluer le drapeau ou de remplir tout autre devoir que peut imposer le gouvernement. Le lendemain de l’ouverture du procès, Jose Maria Lanca, témoin de la défense, a été à même d’en fournir la preuve par une citation de l’organe officiel des témoins de Jéhovah, La Tour de Garde, dans son édition anglaise du 15 décembre 1957. On y lit ceci à la page 756 :
“Ainsi dans la sagesse de Jéhovah Dieu les saintes Écritures s’abstiennent de donner des conseils directs. Les Écritures énoncent simplement les principes théocratiques qui devraient régir les chrétiens et laissent aux chrétiens voués (...) le soin de les appliquer d’une façon logique à leur cas personnel, prenant leur propre responsabilité, afin de maintenir leur intégrité envers Dieu. À part l’explication des vrais principes renfermés dans la Parole de Dieu, aucun chrétien ou groupe de chrétiens n’a la mission ou la responsabilité de dire de façon directe à un autre chrétien ce qu’il doit faire en cette affaire. Chacun doit se déterminer lui-même dans ce cas.”
“Que Dieu soit reconnu pour vrai !”, le livre d’étude de la Bible le plus répandu par les témoins de Jéhovah, déclare explicitement ceci aux pages 265 et 266 : “Si un citoyen désire saluer un drapeau ou s’engager dans les forces armées d’une nation c’est son droit, et les témoins de Jéhovah considèrent que ce ne serait pas bien de leur part de s’opposer aux efforts de cette personne ou de la blâmer. Ils ne s’efforcent pas de convertir le monde ni de l’amener à refuser de saluer les drapeaux et de porter les armes.”
En conséquence, si l’une des quarante-neuf personnes inculpées s’était rendue coupable de l’accusation portée contre elle, savoir la prédication de la désobéissance aux lois du gouvernement et aux prescriptions relatives au port des armes ou au salut du drapeau, elle aurait du même coup transgressé les enseignements de la congrégation des témoins de Jéhovah. Il n’est donc pas étonnant que le tribunal ait été dans l’incapacité de prouver que les inculpés avaient commis les crimes dont on les accusait !
Le gouvernement portugais peut avoir l’assurance qu’il ne verra jamais les témoins de Jéhovah prendre part à des activités subversives, car ils ont adopté une position de complète neutralité à l’égard des gouvernements de ce monde. La démonstration en a été faite au tribunal en dépit des efforts incessants des juges pour interrompre les témoins au cours de leur déposition. Le Portugal ayant interdit la publication des raisons sur lesquelles se fonde cette neutralité, et puisqu’il n’a été fait aucun rapport des audiences, il n’est que juste de vous faire connaître les faits du procès qui ont été supprimés.
DÉFENSE EN FAVEUR DE LA NEUTRALITÉ
Comme les défendeurs n’ont cessé de l’expliquer au cours du procès, Jésus et ses disciples ont établi des principes destinés à permettre à chaque chrétien de régler sa conduite dans ses relations avec les gouvernements du monde. Par exemple, Jésus ne prit pas position dans les controverses politiques qui opposaient Rome à certains Juifs nationalistes. À ceux qui le questionnaient sur le problème du paiement des impôts, il fit la réponse suivante : “‘Montrez-moi un denier. De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription ?’ Ils dirent : ‘De César.’ Il leur dit : ‘Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.’” — Luc 20:24, 25, La Sainte Bible, nouvelle édition publiée sous la direction du cardinal Liénart.
Le paiement des impôts est de toute évidence un devoir à rendre aux gouvernements de ce monde, représentés par César, et les témoins de Jéhovah s’en acquittent sans murmure ; mais qu’en est-il des choses de Dieu ? Quelles sont les choses que nous lui devons ? Les défendeurs ont la conviction qu’après un examen honnête de la question, on ne peut qu’admettre le fait que le chrétien ne reçoit la vie ni d’un individu ni d’aucun gouvernement terrestre. Elle est un don de Dieu ! Ils soulèvent donc la question suivante : N’est-il donc pas raisonnable de penser que le chrétien a le droit de décider que son culte et sa vie doivent être réservés et rendus à Dieu ? Si un chrétien sacrifiait sa vie dans les conflits militaires de quelque gouvernement politique, que lui resterait-il à rendre à Dieu ?
Il a été montré au tribunal que pour les témoins de Jéhovah du monde entier la décision de porter ou de refuser de porter les armes est d’ordre personnel. Cette prise de position ne résulte en aucune façon d’instructions directes formulées par leur organisation. Des membres d’autres organisations religieuses ont adopté une position semblable, tel le jeune catholique romain Franz Jägerstätter. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce jeune homme refusa de combattre dans les forces armées d’Hitler, et il accepta d’être décapité à cause de sa décision inébranlable. Certains catholiques le considèrent comme un saint à cause de la force de ses convictions religieuses.
Qu’en est-il en ce cas des catholiques qui, au Portugal, s’opposent par motif de conscience à la guerre et au fait de tuer ? Il y a toujours eu quelques membres de cette Église pour penser que les deux principes bibliques qu’elle enseigne : “Tu ne tueras point” et : “Aime ton prochain comme toi-même”, signifient qu’il est mal de tuer (Ex. 20:13 ; Mat. 22:39). La police va-t-elle se mettre à dévaster des congrégations entières de catholiques et à jeter en prison ses membres parce que certains catholiques possédant de fortes convictions religieuses refusent par motif de conscience de faire la guerre ? Fera-t-on des procès à des mères de jeunes enfants et à des vieillards ? Va-t-on les condamner et les jeter en prison parce qu’un membre de leur Église refuse d’accomplir son service militaire ? C’est pourtant ce qui arrive aux témoins de Jéhovah ! Bientôt ce sera peut-être le tour des membres d’une autre confession religieuse. Approuvez-vous cela ?
AMBASSADEURS DU ROYAUME DE DIEU
Les témoins de Jéhovah s’efforcent de tout cœur d’imiter Jésus-Christ et ses disciples du premier siècle. Il a été montré au tribunal que la Bible identifie ces chrétiens aux ambassadeurs du gouvernement céleste de Dieu. L’apôtre Paul expliqua que “nous sommes des ambassadeurs remplaçant Christ”. Plus tard, alors qu’il était emprisonné à Rome, il parla de lui-même comme d’un “ambassadeur dans les chaînes”. — II Cor. 5:20 ; Éph. 6:20.
Un ambassadeur est dans l’obligation de ne prendre aucune part aux activités politiques du pays dans lequel il exerce ses fonctions. On s’est efforcé d’expliquer au tribunal qu’il en était de même pour un ambassadeur chrétien. Logiquement, un véritable chrétien ne peut pas se mêler des affaires politiques ou militaires d’un gouvernement autre que le sien. Il ne peut pas non plus s’engager dans une entreprise nationale destinée à remplacer le service militaire.
Le témoignage de Jésus-Christ constitue la base de cette conclusion. En expliquant à ses disciples le principe de la séparation d’avec le monde, il leur dit : “Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui eût été à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et qu’au contraire je vous ai choisis et retirés du monde, à cause de cela le monde vous hait.” On voit donc clairement qu’ils devaient se tenir séparés du monde. Les témoins de Jéhovah s’efforcent seulement d’imiter cet exemple. — Jean 15:17-19 ; Jacq. 4:4 ; I Jean 2:15-17, La Sainte Bible publiée sous la direction du cardinal Liénart.
Mais le Portugal permettra-t-il aux chrétiens de suivre les pas de Jésus et de ses premiers disciples sans être maltraités ? Ou bien va-t-il se montrer un ennemi moderne de Dieu en continuant de persécuter les témoins de Jéhovah ? Les autorités portugaises feraient bien de tenir compte du sage conseil que Gamaliel, un enseignant de la Loi, donna au premier siècle de notre ère. Il déclara : “Et dans les circonstances présentes, je vous dis donc : Ne vous mêlez pas de ces hommes, mais laissez-les ; (parce que, si ce projet ou cette œuvre vient des hommes, il sera renversé ; mais s’il vient de Dieu, vous ne pourrez les renverser ;) sinon, vous serez peut-être trouvés comme combattants contre Dieu.” — Actes 5:38, 39.
ILS DÉMONTRENT UN AMOUR SEMBLABLE À CELUI DU CHRIST
La défense attira l’attention de la cour sur le fait que la pratique de l’amour semblable à celui du Christ était également une raison de la position de neutralité adoptée par les accusés. Jésus communiqua à ses disciples l’enseignement suivant : “Aimez-vous les uns les autres, oui, comme je vous ai aimés (...). À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres.” (Jean 13:34, 35, Bible catholique de Jérusalem). Cet amour manifesté par Jésus ne s’adresse pas seulement aux hommes de certaines nationalités — Allemands, Français, Portugais, Japonais ou Américains —, il concerne tous ceux dont le cœur aspire à la justice, indépendamment de leur nationalité ou de leur origine.
Ceci étant véridique, les défendeurs posent alors cette question : Si le Christ se trouvait actuellement sur la terre, à quelle armée se rallierait-il ? Irait-il faire la guerre et tuer des hommes d’une race ou d’une nation autres que la sienne ? Quelle que soit l’opinion de la justice portugaise, ces témoins de Jéhovah ne croient pas que Jésus prendrait le fusil pour abattre une personne dont la race ou la nationalité seraient différentes de la sienne, ou une baïonnette pour l’éventrer. Il leur est impossible d’harmoniser une activité semblable avec les paroles du Messie ordonnant aux disciples de s’aimer les uns les autres. Ils posent donc la question : Comment un chrétien véritable peut-il soutenir une disposition qui l’obligerait à aller sur un champ de bataille tuer ses frères chrétiens appartenant à une autre nation ?
Ils obéissent aux lois de leur pays, mais, lorsque les exigences de celui-ci entrent directement en conflit avec les justes principes de la Parole de Dieu, ils adoptent la position des apôtres, c’est-à-dire : “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.” L’Église catholique romaine au Portugal soutient également, comme nous l’avons vu, que c’est là une attitude chrétienne. Les témoins de Jéhovah étant persécutés pour avoir adopté cette attitude, avons-nous alors la certitude que d’autres personnes, enseignant la même chose, ne seront pas persécutées à leur tour ? — Actes 5:29, Bible catholique de Liénart.
LE POINT DE VUE DES PREMIERS CHRÉTIENS
Cette position enseignée par les catholiques et adoptée par les témoins de Jéhovah n’a-t-elle pas eu de précédent ? Quel était le point de vue des premiers chrétiens quant à la participation aux affaires politiques ? Servaient-ils dans les armées des nations du monde ? Que révèlent les faits établis de l’Histoire ?
L’examen de certains ouvrages historiques exacts sur le christianisme primitif révèle que les premiers chrétiens gardaient une stricte neutralité à l’égard des affaires politiques de la nation. Lisez avec attention les commentaires de quelques-uns de ces ouvrages :
“Les chrétiens zélés ne servaient pas dans les forces armées ni n’acceptaient de pouvoirs politiques.” — Histoire du monde, le récit des accomplissements humains (angl.) (River Forest, 1962), Habberton, Roth and Spears, page 117.
“Les chrétiens étaient des étrangers et des pèlerins dans le monde qui les entourait. Leur cité était dans le ciel ; le royaume qu’ils espéraient n’était pas de ce monde. C’est ainsi que dès le début, le christianisme se caractérisait par l’indifférence de ses adeptes envers les affaires publiques.” — Le christianisme et le gouvernement romain (angl.) (Londres ; 1925), E. G. Hardy, Directeur de Jesus College, Oxford, page 39.
L’historien britannique C. J. Cadoux a fort bien défini, en la résumant, la position inflexible des chrétiens, dans les pages 245 et 246 de son livre (en langue anglaise) La position des premiers chrétiens à l’égard de la guerre. Nous y lisons :
“Les premiers chrétiens prenaient à la lettre les paroles de Jésus et ils comprenaient ses enseignements relatifs à la bienveillance et à la non-résistance dans leur sens littéral. Ils établissaient une identité étroite entre leur religion et la paix ; ils condamnaient avec force la guerre en raison de l’effusion de sang qu’elle provoque ; ils s’appliquaient la prophétie de l’Ancien Testament sur la transformation des armes de guerre en instruments aratoires [És. 2:4] (...). Jusqu’à l’époque de Marc Aurèle (161-180 de notre ère), à une ou deux exceptions près peut-être, pas un soldat qui se joignait à l’Église ne demeurait dans l’armée. Et même le refus de servir était connu comme l’attitude normale des chrétiens — comme en témoignent les reproches de Celse (177-180 de notre ère). (...) L’application de l’enseignement de Jésus relatif à la question du service militaire était en un sens sans équivoque.”
Il est vrai que cette attitude qui tenait les chrétiens séparés des affaires du monde n’était pas appréciée par les dirigeants païens qui ne comprenaient pas les enseignements de Jésus-Christ, mais cela ne devrait pas être le cas pour les autorités d’une nation qui fait profession d’être chrétienne.
De toute évidence, la position adoptée par les témoins de Jéhovah n’est pas sans précédent. Jésus a établi des principes que ses disciples doivent suivre, et les premiers chrétiens leur étaient fidèles, comme l’indiquent les faits historiques. Les témoins de Jéhovah du Portugal n’ont que le désir de suivre cet exemple ; leur seule volonté est de pratiquer le véritable christianisme. Ils font appel aux autorités portugaises afin qu’elles leur permettent de le faire sans avoir à subir de persécution. Si ces autorités accordent à leur pays une telle liberté de culte, il n’en résultera pour elles aucun préjudice, mais seulement de bonnes choses.
ATTITUDE ADOPTÉE PAR D’AUTRES PAYS
Les témoins de Jéhovah sont actifs dans quelque 199 pays de la terre et comptent plus d’un million de proclamateurs du Royaume de Dieu. Tout autour du monde, il y a donc des pays dans lesquels leur position de neutralité est bien connue. Nombre de ces nations ont pris d’une façon ou d’une autre des dispositions pour les exempter du service militaire, car elles reconnaissent en eux d’excellents citoyens et un exemple pour la communauté. Récemment, le parlement suédois examina l’attitude à adopter à l’égard des témoins de Jéhovah. Quelle fut sa décision ?
Après plusieurs heures de discussion, il adopta une loi importante concernant les témoins de Jéhovah. Le quotidien suédois Freden du 10 juin 1966 consacra un article à cette question, déclarant : “Ainsi, à l’avenir, les témoins de Jéhovah seront, après enquête pour chaque cas, dispensés du service militaire, et cela d’une façon très simple, c’est-à-dire en ne recevant pas de convocation sous les drapeaux. Il faut féliciter le Riksdag de Suède pour avoir pris cette décision qui résout un problème tenu jusqu’à ce jour pour insoluble. Sous ce rapport la Suède peut servir d’exemple à d’autres pays.”
Que va faire le Portugal ? La décision appartient aux autorités gouvernementales de ce pays. Le monde attend l’issue de ces événements avec intérêt, mais c’est surtout à Dieu lui-même que ces autorités devront répondre de leur attitude à l’égard de ses serviteurs.
UN PEUPLE INOFFENSIF ET PAISIBLE
Si le Portugal agit avec équité envers les témoins de Jéhovah, cela ne contribuera qu’à sa bonne réputation et à son bien-être, car ces serviteurs chrétiens de Dieu ont une excellente renommée dans le monde entier où ils sont connus pour leur honnêteté, leur ardeur au travail et leur attitude paisible. Il est bien connu qu’ils ne sont jamais impliqués dans les émeutes, les manifestations ou autres désordres. Ils ne pratiquent ni l’ivrognerie, ni la fornication ou l’adultère, ni le vol, et ils ne commettent pas d’actions immorales ou criminelles. C’est ce que cet accusé qui avait violé une jeune fille avant de devenir témoin de Jéhovah expliqua au tribunal, disant : “Si j’avais été témoin de Jéhovah, jamais je n’aurais fait une chose pareille.” Leur adhérence étroite aux principes de la Bible a fait d’eux un peuple droit et bon ; ils contribuent réellement au bien-être de la société.
Le tribunal accusa les témoins de Jéhovah d’être des “antisociaux”, mais au Portugal, on les regarde au contraire comme d’agréables voisins, disposés à tendre une main secourable à ceux qui sont dans le besoin. On remarque également leurs efforts sincères pour aider les gens à mieux comprendre la Bible. Leur œuvre charitable a exercé un effet salutaire sur la vie de nombreuses personnes, et cela s’avère être le cas aussi bien au Portugal que dans d’autres pays du monde.
Le commentaire du journal africain The Northern News (Ndola) sur l’activité des témoins de Jéhovah en Afrique du Sud est à cet égard d’un intérêt particulier. Il dit : “De toute évidence, on observe moins de troubles dans les régions où l’on compte le plus de témoins de Jéhovah que dans les autres. Ils ont certainement déployé une activité contre l’agitation, la sorcellerie, l’ivresse et la violence sous toutes ses formes.” Il est donc clair que le Portugal agit contre ses intérêts en persécutant de tels chrétiens.
LA PERSÉCUTION CONTINUE
Pourquoi alors cette persécution ? La responsabilité en incombe principalement à certains représentants de l’Église catholique. Ils ont répandu une propagande mensongère sur les témoins de Jéhovah. Nous avons l’exemple du prêtre catholique João de Sousa qui, pendant l’été de 1963, a fait une série d’émissions à la télévision, afin de présenter les témoins de Jéhovah sous un faux jour. Il publia ensuite un livre dans lequel il multipliait encore ses mensonges. Il en résulta immédiatement une vague de rafles de la police contre les témoins. Le 27 novembre dernier, la radio danoise parla des arrestations en masse dont les témoins étaient les victimes et elle souligna le rôle joué par l’Église dans ces événements. Le commentateur déclara qu’“au Portugal comme en Espagne, les témoins de Jéhovah ont été depuis longtemps persécutés parce que l’Église catholique réprouve l’activité de leur secte”.
Soulevant les masses de fidèles et les autorités par des excitations répétées, ces membres du clergé catholique ont provoqué une persécution analogue à celle de l’Inquisition, dirigée contre les témoins de Jéhovah. D’un bout à l’autre du pays et dans les provinces d’outre-mer, on est entré de force dans les maisons et dans les lieux de réunion, on a confisqué des biens, on a arrêté et jeté en prison des chrétiens. On les a détenus des jours, des semaines et même des mois sans formuler d’accusation. Cela a eu lieu à Lisbonne, Luanda, Aveiro, Porto, Sétubal, Caldas da Rainha, oui pratiquement dans toutes les villes et provinces du Portugal.
Au lieu d’aller en s’atténuant, ce genre de persécution infligée par les autorités portugaises s’intensifie. Le 9 juillet, le jour même de la condamnation des quarante-neuf accusés dont nous avons parlé, la police effectua des rafles au domicile de plusieurs témoins de Jéhovah et confisqua leurs publications bibliques. Quelques jours plus, tard, alors que des centaines de ces témoins se préparaient à quitter le Portugal pour se rendre en France et assister à un congrès organisé pour étudier la Bible, cent cinquante d’entre eux se virent refuser leur passeport. Aucune explication ne leur fut donnée. Le Portugal a-t-il l’intention d’ôter toute liberté à ses citoyens et en particulier la liberté de se déplacer ?
Cette situation est dangereuse. Lorsque les autorités pratiquent l’oppression et commencent à priver de liberté un certain groupe, il suffit d’un pas de plus pour qu’elles suppriment aussi les droits des autres personnes. Les fausses accusations, les arrestations en masse et l’incarcération des témoins de Jéhovah sont un avertissement : il se peut que, non seulement la liberté religieuse, mais d’autres libertés dont les citoyens portugais sont épris soient encore menacées.
QUE POUVEZ-VOUS FAIRE ?
Vous avez là une occasion d’exprimer vos sentiments à propos de cette flagrante erreur judiciaire. Au moment de la rédaction de cet article, les quarante-neuf personnes accusées étaient en liberté, car elles ont fait appel. Mais elles risquent toutes de se voir condamner à des peines d’emprisonnement et infliger des amendes que leurs moyens ne leur permettent pas de payer. Si ces sentences sont mises à exécution, il en résultera de terribles tribulations. Si des hommes mariés, pères de famille, sont jetés en prison, leurs familles seront privées de leur soutien matériel indispensable ; si des mères sont emprisonnées, des enfants mineurs seront privés des soins et de l’attention dont ils ont besoin.
Il se peut que les autorités portugaises estiment que l’attitude de leur pays à l’égard des chrétiens soit une affaire d’ordre intérieur. Ce n’est pas notre opinion, et nous sommes persuadés qu’au Portugal, comme dans le monde entier, il y a des millions de personnes au cœur droit qui sont profondément touchées par ce qui arrive à ces chrétiens sincères du Portugal. Ces personnes ont en horreur la persécution des minorités religieuses, et elles désirent faire entendre leur protestation. Si vous êtes de ces personnes, nous vous encourageons vivement à écrire aux autorités portugaises à ce sujet et à leur faire connaître vos sentiments.
Vous pouvez adresser votre lettre de protestation au Premier Ministre :
Exmo. Sr.
Prof. Doutor António de Oliveira Salazar
Rua da Imprensa, 8
Lisbonne, Portugal
Ou bien au Président de la République :
Exmo. Sr.
Contra-Almirante Américo Deus Rodrigues Tomás
Rua Almirante António Saldanha, lote 402
Lisbonne, Portugal
Ou bien au Ministre de l’Intérieur :
Exmo. Sr.
Dr Alfredo Rodrigues dos Santos Júnior
Rua General Sinel de Cordes, 11-2
Lisbonne 1, Portugal
Ou bien au Ministre de la Justice :
Exmo. Sr.
Prof. Doutor João de Matos Antunes Varela
Avenida António Augusto Aguiar, 27-4 Dt.
Lisbonne 1, Portugal
Ou bien au Ministre des Affaires étrangères :
Exmo. Sr.
Dr Alberto Marciano Gorjão Franco Nogueira
Largo do Rilvas
Palácio das Necessidades
Lisbonne, Portugal
Ou bien au Ministre d’État :
Exmo. Sr.
Dr António Jorge Martins da Mota Veiga
Rua Castilho, 71-4 Dt.
Lisbonne 2, Portugal
Ou bien au Directeur de la Police internationale et de la Défense de l’État :
Exmo. Sr.
Fernando Eduardo da Silva Pais
Rua António Maria Cardoso, 8
Lisbonne 2, Portugal
Ou bien à l’ambassadeur ou au Consul du Portugal, dans votre pays.