Allemagne (3e partie)
LA NOURRITURE SPIRITUELLE DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION
Pendant les années où les frères se trouvaient “isolés”, surtout ceux qui étaient dans les camps de concentration, ils pouvaient difficilement se procurer une bible ou un de nos imprimés. C’est pourquoi, lorsqu’ils durent rester debout pendant des heures dans la cour, ou bien le soir, lorsqu’ils retrouvaient un peu de tranquillité dans leurs baraquements, ils fournissaient d’autant plus d’efforts pour se rappeler le contenu des articles les plus importants de La Tour de Garde. Ils étaient particulièrement heureux lorsque, d’une manière ou d’une autre, ils parvenaient à se procurer une bible.
Parfois Jéhovah se servait de moyens intéressants pour faire parvenir une bible à ses serviteurs. Franz Birk, de Renchen (en Forêt-Noire), se souvient qu’un jour à Buchenwald, un détenu non chrétien lui a demandé s’il aimerait avoir une bible. Il en avait trouvé une dans la papeterie où il travaillait. Naturellement, frère Birk accepta son offre avec reconnaissance.
De même, frère Franke se rappelle qu’en 1943 un homme âgé, devenu SS uniquement à cause des pressions de l’époque, passa son jour de congé à visiter des ecclésiastiques pour leur demander une bible. Tous dirent avec regret qu’ils n’en possédaient plus un exemplaire. Enfin, le soir, il trouva un pasteur qui avait encore une petite bible de Luther qu’il avait gardée pour des raisons spéciales. Mais il était tellement heureux de voir qu’un SS s’intéresse à la bible, qu’il lui en fit cadeau. Le lendemain matin, cet SS aux cheveux gris remit la bible à frère Franke, en manifestant sa joie de pouvoir ainsi aider l’un des prisonniers qu’il gardait.
Avec le temps, il devenait possible d’introduire dans les camps de concentration de nouveaux articles de La Tour de Garde. Voici comment cela se passait au camp de Birkenfeld : Parmi les prisonniers il y avait un frère qui, à cause de ses connaissances en architecture, travaillait avec un homme bien disposé envers les témoins de Jéhovah. Grâce à cet homme amical, le frère a pu se mettre en rapport avec les frères en dehors du camp, qui ne tardèrent pas à lui transmettre les dernières Tours de Garde.
Nos frères incarcérés dans le camp de Neuengamme ont eu des occasions semblables. La plupart des quelque soixante-dix frères dans le camp furent employés pour déblayer les débris des bombardements de Hambourg. Cela leur permit de trouver des bibles. Une fois, ils en trouvèrent trois en quelques minutes. Willi Karger relate le fait suivant, qu’il a vécu personnellement : “J’aimerais vous expliquer comment nous avons reçu des aliments spirituels supplémentaires grâce à une sœur de Döbeln. Que ceci ne soit jamais oublié ! Son frère, Hans Jäger, faisait partie de notre groupe qui travaillait à Bergedorf, près de Hambourg, dans la fonderie de Glunz. Nous devions travailler dur et nous étions surveillés de près. Néanmoins, frère Jäger réussit à faire parvenir une lettre à sa sœur, l’informant où il se trouverait pendant l’arrêt de midi. Sa sœur se rendit en train à Hambourg et, avec ‘mille précautions’, trouva l’endroit où nous travaillions. Elle réussit à nous remettre les périodiques que nous avions demandés. Ainsi, au nez et à la barbe des SS, mais grâce à la protection de Jéhovah, ces précieux périodiques furent introduits dans le camp.”
Tous les frères détenus cherchaient des moyens pour se procurer une bible, si bien qu’au bout d’un certain temps il y en avait un certain nombre dans le camp. Un frère a écrit à sa femme à Dantzig en disant qu’il avait vraiment envie de manger du “pain d’épice d’Elberfeld”. Effectivement, dans son prochain colis (que les frères détenus dans ce camp pouvaient recevoir à cette époque-là) il a reçu une bible Elberfeld soigneusement cachée au milieu d’un grand pain d’épice. Certains frères avaient des contacts avec des prisonniers qui travaillaient au four crématoire. Ces détenus racontaient que de nombreux livres et périodiques y étaient brûlés. Aussi, en échange d’une partie de leur nourriture, les frères recevaient en cachette des bibles et des périodiques.
À Sachsenhausen, même les frères détenus dans les “blocs d’isolement” réussirent à se procurer des bibles. Paradoxalement, en l’occurrence l’isolement s’avéra être une protection, puisque la porte donnant accès aux baraques d’isolement était gardée par un frère qui en détenait la clé. Dans une pièce où pouvaient prendre place cinquante-six frères, il y avait sept grandes tables. Au cours d’une période assez longue, un frère a pu faire un commentaire sur le texte qui a duré quinze minutes, pendant que les autres frères prenaient leur petit déjeuner. Ce devoir incombait à tour de rôle aux différentes tables et aux frères assis à chacune d’entre elles. Ces commentaires faisaient l’objet des conversations lorsque les frères étaient obligés de se tenir debout pendant des heures dans la cour.
Durant l’hiver rigoureux de 1939-1940, les témoins détenus prièrent Jéhovah pour qu’il leur envoie des publications, et, ô miracle ! Jéhovah plaça sa main protectrice sur un frère unijambiste, qui a pu introduire dans les “blocs d’isolement” trois Tours de Garde cachées dans sa jambe de bois ! Pourtant, on l’avait examiné sous toutes les coutures ! Certes, les frères durent se mettre sous les lits et lire à l’aide d’une lampe de poche pendant que d’autres montaient la garde à droite et à gauche, mais cette nourriture était une preuve pour eux que Jéhovah les dirigeait merveilleusement. Tel un bon Berger, il n’abandonne pas son peuple.
En hiver 1941-1942, alors que les frères étaient sortis des “blocs d’isolement”, sept Tours de Garde expliquant Daniel, chapitres 11 et 12, et la première de la série expliquant Michée, un livre intitulé Kreuzzug gegen das Christentum (Croisade contre le christianisme) ainsi qu’un Bulletin (auj. Notre ministère du Royaume), arrivèrent tous en même temps. Ce fut là vraiment un don du ciel, car, ensemble avec leurs frères des autres pays, les détenus pouvaient obtenir une bonne intelligence du “roi du Midi” et du “roi du Nord”.
Étant donné que les prisonniers qui n’étaient pas “isolés” disposaient de leur dimanche après-midi et que le chef du bloc des prisonniers politiques visitait cet après-midi-là ses amis dans d’autres baraques, chaque dimanche, pendant plusieurs mois, les frères ont pu tenir une étude de La Tour de Garde. En moyenne, de 220 à 250 frères participaient à cette étude, tandis que 60 ou 70 d’entre eux montaient la garde jusqu’à l’entrée du camp, en faisant un certain signe chaque fois qu’un danger se présentait. Ainsi, jamais un SS ne les a surpris pendant l’étude. Ces réunions tenues en 1942 restent inoubliables pour ceux qui y ont participé. Les frères étaient tellement impressionnés par l’explication magnifique de la prophétie de Daniel, chapitres 11 et 12, que, pour conclure, ils chantaient joyeusement des cantiques du Royaume entremêlés de chants folkloriques, ce qui trompa la vigilance de la sentinelle postée sur un mirador à quelques mètres de là. Bien loin de soupçonner quelque chose, il écouta avec plaisir les beaux chants. Songez un peu ! Les voix de 250 hommes qui, bien qu’emprisonnés, étaient en réalité libres, en train de chanter de toute leur âme des cantiques à la louange de Jéhovah ! Quel cadre ! Se peut-il que les anges des cieux les aient accompagnés ?
LES PRESSIONS SONT ATTÉNUÉES DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION
Bien que le sang de fidèles témoins de Jéhovah ait continué de couler dans les centres d’extermination nazis jusqu’à l’effondrement total du régime, au bout d’un certain temps ceux qui avaient juré maintes et maintes fois que les témoins de Jéhovah ne quitteraient les camps de concentration que par les cheminées des fours crématoires commencèrent à mettre bas les armes. Par ailleurs, la guerre elle-même posait des problèmes. Ainsi, surtout à partir de 1942-1943, les témoins de Jéhovah ont connu des périodes relativement paisibles.
La guerre, devenue totale, en était arrivée à mobiliser toutes les forces disponibles. C’est pourquoi, en 1942, les nazis se mirent à se servir autant que possible de prisonniers pour réaliser des projets économiques. À ce sujet, il est intéressant de lire un rapport que le chef SS Pohl fit à son patron Himmler concernant l’“état des camps de concentration”. Nous lisons :
“La guerre a amené un changement visible dans la structure des camps de concentration et a modifié fondamentalement leur fonction en ce qui concerne l’emploi des prisonniers.
“L’incarcération de gens uniquement pour des raisons de sécurité, d’éducation ou de prévention ne prédomine plus [les exterminations ne sont même pas mentionnées]. L’accent est maintenant mis sur l’aspect économique de la question. La mobilisation de tous les prisonniers, premièrement pour des emplois liés à la guerre (accroissement de la production des armes) et, deuxièmement, pour des emplois liés à la paix, prédomine de plus en plus.
“Les mesures nécessaires qui ont été prises résultent de cette constatation, ce qui a exigé la transformation graduelle des camps de concentration dont, jusque-là, le but était uniquement politique, pour qu’ils soient organisés en fonction des besoins économiques.”
Naturellement, cette transformation a exigé que les détenus soient mieux nourris, puisqu’ils devaient travailler davantage. Cela a soulagé aussi les souffrances des frères. À quelques exceptions près, les fonctionnaires ont été assez judicieux pour ne pas essayer de placer les frères dans les usines d’armes ; ils les ont employés selon leurs capacités professionnelles dans divers ateliers.
Entre-temps, Jéhovah agissait de son côté, car il peut diriger le cœur des hommes, — même celui de ses ennemis, — comme il dirige les cours d’eau. À cet égard, Himmler fournit un exemple frappant. Pendant des années, il a cru que lui seul pouvait disposer de la vie des fidèles serviteurs de Jéhovah, mais tout à coup il a changé d’avis au sujet des “Étudiants de la Bible”. Son médecin personnel, un Finlandais nommé Kersten, y a joué un rôle important.
Le masseur Kersten ne tarda pas à exercer une puissante influence sur Himmler, qui était souvent malade. Kersten apprit que les témoins de Jéhovah étaient cruellement persécutés et un jour il demanda à Himmler de lui donner quelques femmes témoins pour qu’elles travaillent dans sa propriété à Harzwalde, à environ soixante-dix kilomètres au nord de Berlin. Après un moment d’hésitation, Himmler donna son accord, et plus tard il accepta de libérer une sœur d’un camp de concentration, pour qu’elle puisse travailler dans la résidence secondaire de Kersten, en Suède. Ces sœurs apprirent à Kersten la vérité concernant les conditions qui régnaient dans les camps de concentration et sur les souffrances indescriptibles infligées depuis des années surtout aux témoins de Jéhovah. Il était très choqué, d’autant plus qu’il savait que ses massages répétés permettaient à ce monstre de maintenir sa santé et ainsi de poursuivre sa besogne meurtrière. Aussi Kersten décida-t-il d’user de son influence pour soulager au moins dans une certaine mesure les souffrances de tous ces prisonniers. On peut donc attribuer à son influence le fait que, particulièrement vers la fin de la guerre, plusieurs dizaines de milliers de détenus ne furent pas exterminés. Son influence s’avéra particulièrement salutaire pour les témoins de Jéhovah. Cela ressort d’une lettre que Himmler écrivit à deux de ses plus proches collaborateurs, les chefs SS Pohl et Müller. Cette lettre, marquée “Secret”, déclarait entre autres :
“Vous trouverez ci-joint un rapport sur dix Étudiants de la Bible qui travaillent à la ferme de mon médecin. J’ai eu l’occasion d’étudier sous tous les angles l’affaire des Étudiants sincères de la Bible. Mme Kersten m’a fait une très bonne suggestion. Elle a dit qu’elle n’a jamais eu des domestiques aussi bons, serviables, fidèles et obéissants que ces dix femmes. Ces gens font beaucoup par amour et bonté. (...) Une fois, un invité donna à une des femmes un pourboire de 5 Reichsmarks. Ne voulant pas déshonorer la maison, elle accepta l’argent mais le remit aussitôt à Mme Kersten, puisque l’argent était interdit dans les camps. Ces femmes accomplissaient de bon cœur n’importe quelle tâche. Le soir, elles tricotaient, et le dimanche elles s’occupaient autrement. En été, elles ne laissaient pas passer l’occasion de se lever deux heures plus tôt pour aller ramasser des paniers de champignons, en plus de leur journée de travail de dix, onze ou douze heures. Ces faits complètent l’image que je me fais des Étudiants de la Bible. Ce sont des fanatiques incroyablement serviables et prêts à tous les sacrifices. Si nous pouvions faire travailler leur fanatisme pour l’Allemagne ou l’inculquer à nos hommes, nous serions plus forts que nous ne le sommes aujourd’hui. Bien entendu, puisqu’ils rejettent la guerre, leur doctrine est tellement néfaste que nous ne pouvons la tolérer, sous peine de faire le plus grand tort à l’Allemagne. (...)
“Il ne sert à rien de les punir, car ils en parlent après avec enthousiasme. (...) Chaque châtiment leur procure des mérites pour l’autre monde. C’est pourquoi chaque vrai Étudiant de la Bible n’hésitera pas à se faire exécuter. (...) Chaque détention au cachot, chaque tiraillement d’un estomac affamé, chaque épreuve par le froid, chaque châtiment ou chaque coup constitue un mérite auprès de Jéhovah.
“Si, à l’avenir, des problèmes se développent dans le camp à propos des Étudiants de la Bible, j’interdis au commandant du camp de leur infliger un châtiment. De tels cas devraient m’être rapportés, avec une courte description des circonstances. Désormais, j’ai l’intention de faire le contraire et de dire à chacun d’eux : ‘Il vous est interdit de travailler. Vous êtes mieux nourris que les autres, et vous ne devez rien faire.’
“Car, d’après les croyances de ces fous aimables, ils n’auraient alors plus de mérite ; au contraire, leurs mérites précédents seraient annulés par Jéhovah.
“Ma suggestion actuelle est qu’on donne du travail à tous les Étudiants de la Bible, — par exemple, du travail agricole, qui n’a rien à faire avec la guerre et toutes ses folies. À condition qu’on leur donne une bonne affectation, on n’a pas besoin de les surveiller ; ils ne se sauveront pas. On peut leur assigner des tâches non contrôlées, et ils se montreront les meilleurs administrateurs et les meilleurs ouvriers.
“Voici une autre suggestion de Mme Kersten : Nous pouvons employer les Étudiants de la Bible dans nos ‘Lebensbornheime’ (Maison fondée pour élever les enfants engendrés par des SS pour produire une race de seigneurs), non comme infirmières, mais plutôt comme cuisinières, femmes de ménage ou pour travailler à la buanderie ou à d’autres tâches semblables. Là où le nettoyage est encore assuré par des hommes, nous pourrons employer des femmes robustes parmi les Étudiants de la Bible. Je suis convaincu que, dans la plupart des cas, elles nous causeront peu de difficultés.
“J’accepte également la suggestion que des Étudiants de la Bible soient mis dans des familles nombreuses. Il faut trouver des Étudiants de la Bible capables et me le signaler. Alors, je les affecterai personnellement à des familles nombreuses. Dans ces maisons, ils ne porteront pas les habits de prison mais des vêtements civils, et leur séjour sera organisé de la même façon que pour les Étudiants de la Bible libres et ceux qui sont internés à Harzwalde.
“Dans tous ces cas où des prisonniers sont partiellement libres et assignés à de tels travaux, nous voudrions éviter des accords par écrit et des signatures ; les accords seront scellés par une simple poignée de mains.
“Veuillez m’envoyer vos recommandations en vue de l’inauguration de cette action, ainsi qu’un rapport sur les résultats obtenus.”
Les choses se passèrent ainsi. Bientôt, bon nombre de sœurs furent envoyées travailler dans des maisons des SS, dans des jardins maraîchers, des domaines et des “Lebensbornheime”.
Il y avait toutefois une autre raison pour laquelle les SS étaient disposés à recevoir des témoins de Jéhovah chez eux. Ils sentaient la haine dissimulée qui croissait parmi la population. Ils se rendaient compte qu’on se moquait d’eux non plus simplement en cachette. Beaucoup d’entre eux n’avaient même plus confiance en leur femme de ménage, craignant qu’elle ne les empoisonne ou ne les tue d’une autre manière. Avec le temps, les officiers supérieurs des SS n’osaient plus aller chez n’importe quel barbier, de peur d’avoir la gorge tranchée. Max Schröer et Paul Wauer devaient régulièrement raser des chefs SS, car ces derniers savaient qu’un témoin de Jéhovah ne se vengerait jamais en tuant ses ennemis humains.
Ces frères et sœurs qui travaillaient en dehors des camps furent autorisés à être visités par leurs parents et même à leur rendre visite chez eux. Certains reçurent plusieurs semaines de vacances à cet effet. Naturellement, ces frères et sœurs étaient mieux nourris et leur santé s’améliora rapidement, ce qui réduisit le nombre de décès attribuables à la malnutrition et aux mauvais traitements.
Le grand changement d’attitude à l’égard des témoins de Jéhovah dans les camps de concentration se voit dans le cas de Reinhold Lühring. En février 1944, pendant qu’il travaillait, il a été convoqué inopinément au bureau du camp. C’était l’endroit où bien des frères avaient été maltraités et où l’on avait essayé de les persuader de renoncer à leur foi en Jéhovah. Imaginez la surprise de frère Lühring lorsque les officiers, assis en face de lui, lui ont demandé s’il accepterait de gérer une propriété, en dirigeant bien les travaux et les ouvriers ! Ayant répondu par l’affirmative, il a été conduit en Tchécoslovaquie avec quinze autres frères, pour s’occuper de la propriété de Mme Heydrich.
Une autre équipe composée de quarante-deux frères, tous d’habiles artisans, a été transférée au lac Wolfgang, en Autriche, afin de construire une maison pour un officier supérieur SS. Certes, les travaux à flanc de montagne étaient difficiles, mais les frères étaient bien plus heureux. Par exemple, Erich Frost, qui faisait partie de ce groupe, a été autorisé à faire venir de chez lui son accordéon. Souvent, le soir, on lui permit ainsi qu’aux autres frères d’aller sur le lac, où il jouait des chants folkloriques et des pièces de concert, appréciés non seulement par les frères, mais encore par les gens qui habitaient au bord du lac, y compris les SS qui surveillaient les frères.
Il devenait également plus facile d’approvisionner de nourriture spirituelle les frères détenus dans les camps de concentration. Le Dr Kersten a joué un rôle important à cet égard, puisqu’il voyageait souvent entre sa maison en Suède et sa propriété à Harzwalde. Il permettait toujours aux sœurs que Himmler lui avait données comme domestiques dans ses maisons en Allemagne et en Suède de préparer ses valises. Par un accord tacite, la sœur en Suède mettait un certain nombre de Tours de Garde dans la valise de Kersten. Arrivé à Harzwalde, celui-ci demandait à une sœur de défaire sa valise, en la laissant seule pour le faire. Les sœurs étudiaient attentivement ces Tours de Garde, puis elles les transmettaient au camp de concentration tout proche.
La propriété du Dr Kersten à Harzwalde était bien située, à environ trente-cinq kilomètres au sud du camp pour femmes à Ravensbrück, et à une trentaine de kilomètres au nord du camp pour hommes à Sachsenhausen. Puisqu’il y avait un va-et-vient continuel entre Harzwalde et les deux camps, il n’était pas difficile de faire parvenir de la nourriture spirituelle aux frères et sœurs détenus.
Ainsi, des rapports de plus en plus étroits existaient entre les différents camps et les maisons où nos sœurs devaient travailler pour les familles des SS. Ilse Unterdörfer nous relate ces faits intéressants :
“Étant donné que nous jouissions d’une liberté considérable là où nous travaillions, nous avons réussi à envoyer des lettres à nos parents sans qu’elles soient censurées. Nous avons pu également écrire à nos frères travaillant au dehors ou à qui les SS avaient attribué des postes de confiance et qui, par conséquent, avaient une plus grande liberté. Oui, nous sommes même parvenus à nous mettre en relations avec des frères entièrement libres et à nous procurer des Tours de Garde. Après avoir passé plusieurs années à nous remémorer les choses apprises auparavant et à apprendre les nouvelles vérités uniquement de la bouche des nouveaux détenus, il était merveilleux de pouvoir lire de nouveau La Tour de Garde. J’étais affectée à une ferme SS près de Ravensbrück, administrée par l’officier SS Pohl. En tant que surveillante, j’étais responsable du travail de nos sœurs. Certaines d’entre nous dormaient même sur place, si bien que nous ne voyions plus l’intérieur du camp. C’est ainsi que, conformément à une lettre qu’une sœur m’a apportée, j’ai pu entrer en contact avec Franz Fritsche, de Berlin, que j’ai rencontré un soir dans un bois appartenant à la ferme. Ce frère m’a constamment fourni un certain nombre d’exemplaires de La Tour de Garde. Mais nous avons reçu de la nourriture spirituelle d’une autre manière encore. Deux sœurs travaillaient dans une usine, et elles aussi ont introduit des Tours de Garde dans le camp. Voilà comment Jéhovah prit soin de nous avec amour à un moment où nous en avions grandement besoin.”
Un fait rapporté par Frank Birk montre comment Jéhovah a béni les frères qui avaient accès à la nourriture spirituelle et qui s’efforçaient de la communiquer à d’autres. Frère Birk se trouvait parmi ceux qui avaient été amenés à la propriété de Harzwalde. Un jour ils ont appris que d’autres frères prisonniers, travaillant sous la surveillance d’un soldat, construisaient un bâtiment dans la forêt, à quelque dix kilomètres de là. Puisque les frères travaillant à Harzwalde jouissaient d’une certaine liberté, ils ont cherché l’occasion de rencontrer ces autres frères dans la forêt.
Frère Birk écrit : “Un dimanche matin, frère Krämer et moi sommes partis en vélo pour chercher nos frères. Bientôt, nous avons remarqué une clairière dans la forêt et un bâtiment en voie de construction. Voyant un prisonnier, nous lui avons fait signe, et il s’est approché de nous. Dès que nous avons aperçu le triangle violet sur son vêtement, nous avons su que c’était un frère. Nous lui avons dit que nous faisions partie de l’équipe travaillant à Harzwalde, et il nous a fait entrer dans le nouveau bâtiment. Puisque nous avions sur nous quelques nouvelles Tours de Garde, nous nous sommes assis et nous avons étudié ensemble. Par la suite, nous avons visité nos frères tous les dimanches. Ils travaillaient sous la surveillance d’un sergent-major de Fribourg-en-Brisgau, qui était bien disposé envers les frères. Peu avant Noël, je lui ai demandé : ‘Ne serait-ce pas une bonne idée si vous et nos frères nous rendiez visite à Harzwalde pendant la fête ?’ Après avoir réfléchi, il a répondu qu’il cherchait justement un endroit où ses hommes pouvaient se faire couper les cheveux. Lorsqu’il a appris que nous avions un coiffeur à Harzwalde, il a aussitôt donné son accord. Ainsi, tôt le matin de Noël, nos frères nous ont rendu visite à la ferme, accompagnés de ce militaire. Sœur Schulze, de Berlin, qui travaillait à la cuisine, s’est occupée tout spécialement de ce soldat, pour que les frères puissent se parler sans entrave. Ce soir-là, nos visiteurs sont rentrés dans la forêt, remplis de joie par cette réunion bénie qu’ils avaient pu tenir avec leurs frères. Songez un peu, cette rencontre a eu lieu en plein milieu de nos ennemis !”
Avec le temps, il y avait d’autres possibilités d’introduire la nourriture spirituelle dans tous les camps de concentration. Gertrud Ott et dix-huit autres sœurs incarcérées à Auschwitz ont été envoyées travailler dans un hôtel où logeaient des familles de soldats SS. Puisque d’autres personnes venaient manger ou boire à l’hôtel, bientôt des sœurs encore en liberté ont remarqué que les femmes qui lavaient les carreaux étaient des témoins. En passant près d’elles, elles ont chuchoté, sans lever la tête : “Nous aussi, nous sommes sœurs.” Trois semaines plus tard, elles se sont arrangées pour se rencontrer aux toilettes. Désormais, les sœurs du dehors apportaient régulièrement aux détenues travaillant à l’hôtel des Tours de Garde et d’autres publications, qui ont été introduites dans le camp de Ravensbrück.
Au début de décembre 1942, une quarantaine de frères laissés à Wewelsburg pour s’occuper d’une tâche spéciale, ont reçu un privilège particulièrement merveilleux. Bien que toujours traités comme détenus, ils jouissaient d’une certaine liberté, car il n’y avait plus de fil de fer barbelé et électrifié ni de sentinelles pour les empêcher de quitter le camp.
Frère Engelhardt, qui était encore en liberté à l’époque, avait demandé aux frères locaux de trouver un moyen d’introduire des Tours de Garde dans le camp. Après avoir résolu plusieurs problèmes, Sandor Beier, de Herford, et Martha Tünker, de Lemgo, ont décidé d’aller voir sur place, en se promenant tout simplement comme n’importe quel couple. Ils n’ont pas tardé à établir des contacts avec les frères, et par la suite ils ont pu leur fournir régulièrement des Tours de Garde. La première fois, ils ont rencontré les frères dans un cimetière devant un certain tombeau. La fois suivante, ils ont caché les périodiques dans une meule de foin. Une autre fois, ils les ont remis personnellement aux frères, à un rendez-vous fixé pour minuit. Ils changeaient continuellement les lieux de rendez-vous. Après que frère Engelhardt et les sœurs qui avaient produit et distribué les périodiques eurent été arrêtés, le problème était de savoir comment les frères encore en liberté allaient recevoir la nourriture spirituelle.
Alors, les frères dans le camp de Wewelsburg ont décidé de trouver la solution eux-mêmes. Ils ont pu se procurer une machine à écrire, que l’un des frères a utilisée pour taper les stencils. Un autre frère a fabriqué avec du bois une machine à polycopier primitive. Des sœurs en dehors du camp, avec qui ils entretenaient toujours des rapports, leur procuraient les fournitures nécessaires. Ils ont pu polycopier un si grand nombre d’exemplaires de La Tour de Garde que finalement ils approvisionnaient toute une région au nord de l’Allemagne. Elisabeth Ernsting se souvient qu’elle recevait continuellement cinquante exemplaires du périodique, assez pour les besoins de son territoire. Ainsi, pendant presque deux années, jusqu’à l’effondrement du régime en 1945, il a été possible de fournir La Tour de Garde aux frères habitant en Westphalie et dans d’autres provinces.
La nourriture spirituelle fournie aux frères et sœurs dans les camps de concentration devenait si abondante qu’en 1942, à Sachsenhausen, on a pu la comparer à un véritable ruisseau. Bien que condamné à mort avant l’effondrement du régime nazi, frère Fritsche, de Berlin, a pu, pendant une période d’un an et demi, fournir aux frères non seulement tous les nouveaux périodiques, mais encore des numéros plus anciens, ainsi que tous les livres et toutes les brochures publiés entre-temps. C’était comme si les frères avaient été conduits à de verts pâturages, car chaque frère possédait un exemplaire d’une des publications de la Société qu’il pouvait étudier le soir. Quel changement ! Mais ce n’est pas tout. Les choses étaient tellement bien organisées que frère Fritsche a pu faire parvenir des lettres aux parents des frères, et même en envoyer à d’autres camps ou à des filiales à l’étranger. Ainsi, en l’espace d’un an et demi, il a été possible de faire sortir clandestinement du camp 150 lettres, et presque autant y sont entrées. Les lettres envoyées du camp témoignaient de l’excellente condition spirituelle des frères détenus. Naturellement, ces lettres ont été copiées à de nombreux exemplaires. Certaines d’entre elles ont même été polycopiées et envoyées aux frères du dehors pour les encourager, surtout aux parents des détenus.
L’UNITÉ THÉOCRATIQUE AFFIRMÉE COURAGEUSEMENT DANS LES CAMPS
Tout s’est bien passé pendant dix-huit mois environ, jusqu’à l’automne de 1943, quand frère Fritsche a été arrêté. En perquisitionnant dans les maisons, la police avait trouvé des rapports sur Sachsenhausen qui mettaient ce frère en cause. La police a trouvé sur lui non seulement des Tours de Garde et d’autres imprimés, mais encore des lettres qu’il devait remettre à des frères. Ayant découvert que des échanges de correspondance se faisaient à l’échelle pour ainsi dire internationale, la police a commencé à douter des capacités ou de la bonne volonté des chefs des camps. C’est pourquoi Himmler a ordonné que tous les camps de concentration mis en cause soient immédiatement fouillés.
Cette campagne a commencé à la fin d’avril. Un matin, des agents de la police secrète sont arrivés à Sachsenhausen. L’attaque surprise sur les frères avait été bien organisée. Ceux qui travaillaient à l’intérieur du camp ont été appelés de leur lieu de travail et rassemblés dans la cour, où ils ont été fouillés et interrogés au sujet des textes du jour. Les agents ont trouvé quelques publications. Tout cela a été accompagné des coups d’usage. Mais la Gestapo n’a pas réussi à faire renier leur foi aux frères, car Jéhovah les avait nourris abondamment au milieu de leurs ennemis. Ils comprenaient bien leur mission et ne craignaient pas de prendre position ensemble pour le gouvernement théocratique.
Ernst Seliger, connu comme agent de liaison collaborant avec frère Fritsche, a fait l’objet d’une “attention” spéciale. Il s’était efforcé de panser non seulement les plaies charnelles, mais encore les blessures spirituelles, et sa manière humble et paternelle avait grandement contribué à l’unité des frères détenus dans ce camp. Il était extrêmement troublé après son premier interrogatoire et il a prié Jéhovah pour que celui-ci transforme sa “défaite”, comme il l’appelait, en victoire. Mais cette épreuve ne touchait pas qu’une seule personne. Wilhelm Röger, de Hilden, décrit la situation en ces termes : “À présent, c’était ‘tous pour un et un pour tous’ !” Tous les frères ont attesté que frère Seliger avait dit la vérité en avouant qu’il leur avait passé des textes du jour pour les encourager. Ils ont confirmé qu’ils avaient lu les imprimés que frère Seliger avait introduits dans le camp et qu’ils continueraient à s’encourager les uns les autres et à parler au sujet de leur espérance.
Quatre jours se sont écoulés. Le dimanche matin, frère Seliger a dû comparaître devant les administrateurs du camp, pour qu’ils rédigent le procès-verbal. Voici son récit : “Auparavant, j’ai rendu témoignage dans trois salles d’infirmerie [où il travaillait comme assistant] (...) puis, tout joyeux, je suis entré dans la fosse aux lions. Un médecin et un chimiste étaient en train d’examiner des lettres sorties illégalement du camp. Ensuite, il y a eu deux heures de discussions orageuses. Une fois le procès-verbal achevé, l’officier qui m’interrogeait a déclaré : ‘Seliger, qu’allez-vous faire maintenant ? Avez-vous l’intention de continuer de rédiger des textes du jour et d’encourager vos frères ? Allez-vous continuer d’annoncer votre message parmi les détenus du camp ?’ ‘Oui, ce sont très exactement mes intentions, et non seulement les miennes, mais aussi celles de mes frères !’ (...) À 14 heures, l’interrogatoire était terminé et j’ai pu présenter à tous les frères la déclaration que j’avais faite en leur nom. Remplis de joie, ils sont tous partis prêcher”, — dans les baraques du camp.
Les frères se sont rappelé que presque dix années s’étaient passées depuis le 7 octobre 1934, date à laquelle Hitler avait été informé que malgré toutes ses menaces, les témoins de Jéhovah ne cesseraient ni de se réunir ni de prêcher. À présent, une dizaine d’années plus tard, la Gestapo se rendait compte que l’esprit de combat du peuple de Dieu n’avait pas encore été brisé, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des camps de concentration. Les lettres saisies le prouvaient.
Ensuite, la Gestapo a contrôlé les autres camps de concentration, pour voir si l’“unité théocratique” tant vantée existait là aussi. Le camp de Berlin-Lichterfelde dépendait de celui de Sachsenhausen. Frère Paul Grossmann, qui servait d’agent de liaison entre Sachsenhausen et Lichterfelde, a fait le rapport suivant sur l’enquête :
“Le 26 avril 1944, la Gestapo a porté un nouveau coup contre nous. À 10 heures du matin, deux officiers de la Gestapo sont venus à Lichterfelde pour m’interroger à fond sur mes activités d’agent de liaison entre Sachsenhausen et Lichterfelde. Ils m’ont montré deux lettres illégales que j’avais écrites à des frères de Berlin. Ces lettres expliquaient clairement nos méthodes d’organisation. [On voit combien il est peu sage de mettre de tels renseignements dans une lettre, car il faut s’attendre à ce que tôt ou tard elle tombe entre les mains de la police, à l’occasion d’une arrestation ou d’une perquisition.] Ainsi, la police connaissait tous les détails de notre organisation et savait que nous avions reçu régulièrement de la nourriture de notre ‘mère’.
“Ils m’ont fouillé de la tête aux pieds, mais ils n’ont trouvé qu’une Tour de Garde. J’ai dû me tenir debout devant la porte du camp pendant qu’on cherchait les autres frères là où ils travaillaient. Eux aussi ont été fouillés et ont dû se tenir à côté de moi. Cette enquête a vraiment fait sensation dans le camp, car cela faisait longtemps que la police n’y avait pas monté une grande opération. Pendant les interrogatoires, les coups et les insultes pleuvaient, et la police a trouvé quelques Tours de Garde et textes du jour. Cependant, un rapport détaillé sur des faits de prédication à Sachsenhausen, une bible et d’autres papiers n’ont pas été découverts. Les frères n’ont pas caché le fait qu’ils avaient travaillé activement pour les intérêts de la Théocratie, ni qu’ils avaient lu La Tour de Garde. Nous avons dû rester debout devant la porte jusqu’à 23 heures. Entre-temps, un camion de la police était arrivé pour transférer les douze ‘meneurs’ à Sachsenhausen. Cela voulait dire qu’ils allaient être pendus. Ils ont dû rendre leur cuillère, leur assiette, etc. Mais le transfert ne s’est jamais effectué, ni cette nuit-là, ni le jour suivant, bien que les avis d’exécution à l’intention des parents aient déjà été rédigés. Le troisième jour nous réservait une surprise. Bien loin d’être exécutés, les douze frères ont dû reprendre leur travail.”
Les frères détenus à Lichterfelde ont dû signer la déclaration suivante : “Moi, ————, témoin de Jéhovah, détenu dans le camp depuis ———, professe l’‘unité théocratique’ qui existe dans le camp de concentration de Sachsenhausen. J’ai reçu des textes du jour et des imprimés que j’ai lus et transmis à d’autres.” Tous les frères étaient très heureux de signer cette déclaration.
Des actions policières analogues ont donné les mêmes résultats dans d’autres camps. Par exemple, le 4 mai 1944, la police est passée à l’action à Ravensbrück, car les lettres saisies montraient à l’évidence qu’il y avait un échange de correspondance entre Sachsenhausen et Ravensbrück. Des mesures sévères ont été prises à l’encontre des “meneuses”, mais ces sœurs n’ont pas tardé à retrouver leurs anciens emplois, puisque leurs chefs de service en ont fait la demande. C’était là une nouvelle preuve que le pouvoir du tyran commençait à baisser.
En 1944, les armées allemandes combattant à l’est ont subi tant de défaites et perdu tant d’hommes que non seulement des vieillards et la Jeunesse hitlérienne étaient mobilisés, mais les prisonniers aussi ont reçu l’occasion de se racheter en combattant à l’est. À cet effet, des comités venaient aux camps pour donner aux prisonniers politiques la possibilité de servir dans la division du général en disgrâce Dirlewanger. S’ils faisaient leurs preuves sur ce front, ils seraient considérés comme des Allemands libres. Il est cependant intéressant de signaler que tous les détenus portant le triangle violet étaient renvoyés dans leurs baraques avant que cette offre ne soit faite. Les autorités savaient quelle serait la réponse des témoins de Jéhovah, et s’abstenaient donc de leur poser la question.
LES CAMPS ÉVACUÉS PRÉCIPITAMMENT
En 1945, les bombardements incessants jour et nuit par l’aviation américaine et britannique, et la retraite de l’armée allemande, qui a finalement dégénéré en déroute, prouvaient à tous que la fin de la Seconde Guerre mondiale était proche. Les SS avaient cessé de se comporter en seigneurs. Leur position n’était pas enviable, car il faut se rappeler que des centaines de milliers de détenus dans les camps de concentration attendaient fébrilement leur libération. Ces masses aux réactions imprévisibles créaient une situation explosive, si bien que beaucoup de SS avaient peur des prisonniers. Mais Himmler continuait de suivre les ordres du Führer et il envoya le télégramme suivant aux commandants de Dachau et de Flossenbürg : “Reddition impensable. Évacuez le camp immédiatement. Aucun détenu ne doit tomber vivant entre les mains de l’ennemi. (Signé : Heinrich Himmler).” Des instructions analogues furent envoyées aux autres camps.
C’était là le dernier plan diabolique destiné à menacer de nouveau la vie des fidèles serviteurs de Dieu détenus dans les camps. Mais les frères ne s’inquiétaient pas outre mesure. Ils mettaient leur confiance en Jéhovah, peu importait l’issue immédiate sur le plan personnel.
Les officiers SS à qui incombait la tâche de liquider les prisonniers se trouvaient devant un problème insoluble. Frère Walter Hamann, qui travaillait au réfectoire des SS, a surpris une conversation intéressante entre officiers SS. Il écrit : “Les officiers ont parlé de gazer les prisonniers, mais les installations étaient bien trop petites, et ils ne disposaient pas d’assez de gaz. Puis j’ai entendu une conversation téléphonique à propos d’une livraison de mazout pour les fours, mais la livraison n’a pas pu se faire. Ensuite, ils ont dit qu’ils feraient sauter les camps avec les détenus. Des caisses de dynamite avaient déjà été placées dans les baraques, surtout dans celle qui abritait l’infirmerie. Mais ce projet a été abandonné à son tour. Finalement, ils ont décidé d’évacuer les 30 000 prisonniers. Ils ont informé ces derniers qu’ils allaient être transférés dans un camp plus grand, — qui n’existait pas, — mais en réalité ils avaient l’intention de nous envoyer au fond de la baie de Lübeck. Cette méthode n’exigeait ni gaz, ni mazout, ni dynamite.”
Entre-temps, les armées alliées avançaient de plus en plus vite à l’est et à l’ouest. Les SS, s’inquiétant maintenant de leur propre sort, montraient toujours davantage leur désarroi, particulièrement après que le gouvernement eut décidé de liquider les camps. Se trouvant devant un problème insoluble, ils ont tout simplement chassé les détenus des camps, en les faisant marcher le long des routes pratiquement sans nourriture. Toutes ces colonnes de détenus, qualifiées à juste titre de “marche de la mort”, s’orientaient vers la même destination. Le but des SS était de les faire parvenir à la baie de Lübeck ou à la côte septentrionale, où ils voulaient les entasser dans des navires qu’ils feraient couler avant l’arrivée des forces ennemies.
Bientôt, il n’y avait plus de nourriture et parfois plus une goutte d’eau. Les prisonniers affamés devaient néanmoins marcher pendant des journées entières sous une pluie battante et avec une température ambiante de 4 degrés. La nuit, on leur permettait de s’allonger dans les bois à même le sol trempé. Ceux qui ne parvenaient pas à suivre l’allure imposée ont été impitoyablement abattus par l’arrière-garde SS. Les pertes en vies humaines provoquées par ces marches peuvent se mesurer d’après l’exemple de Sachsenhausen. Des 26 000 détenus encore vivants au moment de l’évacuation, 10 700 ont été abattus et laissés le long de la route reliant Sachsenhausen à Schwerin.
Les quelques frères laissés à Mauthausen se trouvaient eux aussi dans une position dangereuse. De grands tunnels avaient été creusés dans la montagne, et on y fabriquait les fusées “V2” si redoutables. Un jour, l’un des tunnels a été miné et fermé. L’idée était de simuler une alerte aérienne, d’enfermer les 18 000 prisonniers dans le tunnel, puis de tout faire sauter. Mais les administrateurs du camp ont été surpris par l’avance rapide des blindés russes, et les SS ont préféré laisser les détenus à leur sort et essayer de sauver leur propre peau. Mais ils ne sont pas allés bien loin. Quelques jours plus tard, le commandant du camp, celui qui avait dit : “Tout ce que je veux, c’est de voir des actes de décès”, a été reconnu par les prisonniers et piétiné à mort. Les prisonniers politiques cherchaient à se venger des codétenus qui, en tant qu’anciens du camp, chefs de bloc et surveillants, avaient été responsables de beaucoup d’effusion de sang.
La “marche de la mort” des détenus de Dachau les a conduits à travers des forêts, et ceux qui ne pouvaient suivre l’allure ont été fusillés par les SS. Leur destination était l’Ötztal, dans les Alpes, où, de toute façon, ils devaient être fusillés. Les frères sont restés ensemble pour s’entraider, ce qui a sauvé la vie à certains d’entre eux. Finalement, ils sont arrivés à Bad Tölz, où ils ont été libérés. Frère Ropelius se souvient qu’ils ont passé la dernière nuit sous une couche de neige dans la forêt de Waakirchen. À l’aube, des agents de la Police d’État bavaroise sont venus les informer qu’ils étaient libres et que les SS s’étaient enfuis. En poursuivant leur marche, ils ont découvert des armes posées contre les arbres, mais aucun SS.
Les SS ont pris très au sérieux les ordres du gouvernement leur disant de liquider tous les prisonniers. Quelques jours à peine avant la capitulation, ils ont formé des groupes à Neuengamme et les ont fait monter à bord d’un cargo, qui devait les amener au “Cap Arcona”, paquebot de luxe mouillé dans la baie de Neustadt. Quelque 7 000 prisonniers se trouvaient déjà sur ce navire long de 200 mètres. Les SS avaient l’intention de faire partir le “Cap Arcona” en pleine mer, puis de le faire couler avec tous les prisonniers. Mais comme le paquebot battait pavillon allemand, il a été reconnu par des avions anglais et coulé le 3 mai 1945. Le cargo “Thielbeck”, transportant de 2 000 à 3 000 prisonniers, a subi le même sort. Quelque 9 000 prisonniers sont morts au fond de la baie de Neustadt. On comprend pourquoi, aujourd’hui encore, les survivants ont des frissons lorsqu’ils y pensent. Même de nos jours, entre douze et dix-sept squelettes sont découverts chaque année sur la plage de Neustadt ou au cours de travaux de dragage.
Le même sort était réservé aux détenus de Sachsenhausen, y compris 220 frères. Lors d’une “marche de la mort”, ils ont couvert à peu près 200 kilomètres en deux semaines.
Les témoins avaient très vite compris le danger qui les menaçait, si bien qu’ils avaient réparé leurs chaussures et réuni quelques charrettes pour transporter les frères les plus faibles perchés sur leurs maigres bagages. En effet, si ces frères avaient dû parcourir à pied toute cette distance, ils auraient figuré parmi les plus de 10 000 morts. Mais grâce à ce moyen, les frères moins affaiblis physiquement pouvaient tirer les charrettes. Lorsque d’autres se sont épuisés au cours de la marche, on les a mis sur les charrettes. Après s’être reposés pendant quelques jours, et dès qu’ils avaient retrouvé leurs forces, ils tiraient les charrettes à leur tour. Ainsi, même pendant cette “marche de la mort”, tous les frères sont restés ensemble comme une grande famille, jouissant de la protection de Jéhovah jusqu’à la fin.
Un après-midi, alors que le groupe de prisonniers ne se trouvait qu’à trois jours de marche de Lübeck, les SS leur ont ordonné de bivouaquer dans une forêt près de Schwerin. Durant la marche, les frères avaient formé de petits groupes et s’étaient confectionnés des tentes avec leurs couvertures. Ils mettaient des branchages par terre pour s’isoler du sol froid. Cette nuit-là, ils ont entendu des balles siffler au-dessus de leurs têtes. Les Russes étaient arrivés, et les Américains continuaient d’avancer. Cette partie du front allemand s’était effondrée. Quel moment inoubliable lorsque soudain un cri, puis des milliers de cris, fendirent le silence de la nuit, disant : “NOUS SOMMES LIBRES !” Les SS, au nombre d’environ 2 000, qui jusque-là avaient gardé les prisonniers, ont ôté en cachette leurs uniformes et ont revêtu des habits civils, certains d’entre eux allant même jusqu’à endosser l’uniforme des détenus, afin de cacher leur identité. Cependant, quelques heures plus tard, certains ont été reconnus et massacrés impitoyablement.
Les officiers américains qui se trouvaient maintenant sur les lieux ont dit aux frères qu’ils pouvaient lever le camp immédiatement, en plein milieu de la nuit. Que faire ? Après avoir réfléchi et prié Dieu, les frères ont décidé d’attendre le lever du soleil. Même alors, ils sont restés quelques heures de plus, car un cultivateur parmi les réfugiés leur avait donné cent kilos de pois. Ils ont préparé et mangé un repas merveilleux. Comme les frères étaient reconnaissants ! Depuis presque deux semaines, ils n’avaient pratiquement rien absorbé, sinon un peu de tisane faite avec des plantes qu’ils avaient ramassées le long du chemin et fait bouillir le soir dans les bois où ils bivouaquaient, quand ils arrivaient à trouver de l’eau.
Comme ils étaient heureux de constater que pas un seul d’entre eux ne manquait ! Ils devaient apprendre plus tard qu’ils avaient une autre raison encore d’être reconnaissants à Jéhovah. En effet, pendant leur marche vers le nord, les SS les avaient fait attendre plusieurs jours dans une forêt, puisqu’ils ne savaient pas exactement où se trouvait le front. Ces quelques jours auraient suffi pour que la colonne atteigne Lübeck avant l’effondrement du front.
À présent, ils n’étaient pas pressés de poursuivre leur route. C’est donc là, dans une forêt près de Schwerin, qu’ils se sont mis à rédiger un rapport qu’ils ont pu dactylographier sur une machine à écrire abandonnée par des militaires travaillant dans un bureau mobile. Ce rapport comprenait une résolution écrite avec toute l’émotion qu’ils pouvaient sentir quelques heures à peine après avoir été libérés, mais également avec reconnaissance envers Jéhovah pour la protection qu’il leur avait accordée durant les nombreuses années qu’ils avaient passées dans la “fosse aux lions”. Voici le texte de cette résolution :
UNE RÉSOLUTION
“Le 3 mai 1945
“Résolution adoptée par 230 témoins de Jéhovah représentant six nationalités et réunis dans une forêt près de Schwerin, en Mecklembourg.
“Nous, témoins de Jéhovah réunis ici, envoyons nos salutations chaleureuses au fidèle peuple de l’alliance de Jéhovah et à ses compagnons dans le monde entier, en reprenant les termes des Psaumes 33:1-4 et 37:9. Que l’on sache que notre grand Dieu, dont le nom est Jéhovah, a accompli sa parole sur son peuple, particulièrement dans le territoire du roi du Nord. Une longue période de rudes épreuves est maintenant derrière nous, et ceux qui ont été préservés, arrachés en quelque sorte de la fournaise ardente, n’ont même pas sur eux l’odeur du feu (voir Daniel 3:27). Au contraire, ils sont remplis de la force et de la puissance de Jéhovah et ils attendent impatiemment des ordres nouveaux du Roi, en vue de servir les intérêts théocratiques. Notre détermination et notre désir de travailler sont exprimés dans Ésaïe 6:8 et Jérémie 20:11 (Bible de Menge). Grâce à l’aide du Seigneur et à son soutien bienveillant, les desseins de l’ennemi, qui voulait nous faire abandonner notre intégrité, ont échoué, bien qu’il ait recouru à d’innombrables méthodes violentes et diaboliques et à des milliers de pratiques dignes de l’Inquisition du Moyen Âge, en nous torturant physiquement et mentalement, ou bien en nous flattant et en nous tendant des pièges. La description de toutes ces différentes souffrances remplirait des volumes, mais on en trouve une description concise dans les paroles de l’apôtre Paul consignées dans II Corinthiens 6:4-10 et 11:26, 27, et, surtout, dans le Psaume 124 (Bible d’Elberfeld). Satan et ses agents démoniaques se sont une fois de plus révélés menteurs (Jean 8:44). La grande question a de nouveau été tranchée en faveur de Jéhovah et à son honneur. — Job 1:9-11.
“Pour notre plus grande joie, et la vôtre aussi, sachez que le Seigneur Jéhovah nous a bénis en nous accordant un butin précieux, à savoir trente-six hommes de bonne volonté qui, lorsque nous avons quitté Sachsenhausen (...) ont déclaré volontairement : ‘Nous irons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous.’ Ainsi, Zacharie 8:23 a eu un accomplissement ! Nous sommes partis tellement vite que bien des amis de la Théocratie n’ont pu se joindre à nous, mais Jéhovah dirigera les choses pour qu’ils nous retrouvent rapidement.
“Nous, témoins de Jéhovah, déclarons de nouveau notre foi complète en Jéhovah et notre attachement sans partage à sa Théocratie.
“Nous déclarons solennellement que nous n’avons qu’un seul désir : étant donné notre profonde gratitude pour les innombrables preuves de la façon merveilleuse dont nous avons été préservés et délivrés de mille difficultés, conflits et afflictions pendant notre séjour dans la fosse aux lions, nous désirons qu’il nous soit permis de servir Jéhovah et son grand Roi, Jésus Christ, avec un cœur bien disposé et joyeux pendant toute l’éternité. Cela serait déjà notre plus grande récompense.
“Nous terminons notre résolution par les paroles du Psaume 48, avec la conviction joyeuse que bientôt nous serons tous réunis.
“Vos compagnons de service attachés au saint nom de Jéhovah.”
Ainsi, après avoir d’abord exprimé leur reconnaissance à Jéhovah pour sa faveur imméritée, sa protection et maintenant pour leur liberté retrouvée, les frères ont levé le camp. De 900 à 1 000 prisonniers avaient trouvé la mort pendant cette première nuit de liberté, mais les frères sont tous arrivés à Schwerin sains et saufs. Cependant, étant donné que les ponts de l’Elbe étaient détruits, ils ont dû rester là pendant deux ou trois mois encore. Ils se sont logés dans les écuries d’une caserne militaire, où ils ont pu polycopier La Tour de Garde et, chaque matin, tenir une étude de ce périodique pour se préparer spirituellement en vue de l’œuvre future. En même temps, ils ont participé de nouveau au ministère du champ, bien qu’obligés par les circonstances à prêcher dans leur tenue de prisonnier. Finalement, ils ont pu poursuivre leur voyage vers l’ouest, pour retrouver leurs parents et réorganiser l’œuvre du Royaume.
UN RÉCIT D’INTÉGRITÉ
Le présent rapport s’est efforcé de reconstituer une page importante dans l’histoire moderne du peuple de Jéhovah. Certes, une petite partie seulement des faits intéressants que les frères et sœurs ont vécus en Allemagne pendant le règne de terreur du national-socialisme a pu être relatée. Il faudrait de très nombreux livres pour raconter tout ce qui est arrivé aux témoins parce qu’ils sont restés fidèles au culte pur et au nom de Jéhovah. Puissent les cas rapportés rendre cependant témoignage aux innombrables autres cas qui auraient mérité d’être mentionnés, non pas pour glorifier des hommes, mais pour honorer plutôt Jéhovah ! C’est lui qui, au moment voulu, a pris des mesures pour délivrer son peuple en tant que groupe, tout en permettant à bon nombre de ses serviteurs d’offrir leurs vies pour son saint nom.
Quiconque s’est entretenu avec ceux qui ont été délivrés de la tyrannie en 1945 se souviendra qu’ils ont souvent loué Jéhovah en citant les paroles du Psaume 124. Ils ont parlé des articles merveilleux publiés dans La Tour de Garde au début des persécutions, au moyen desquels Jéhovah les avait préparés pour faire face à cette période difficile. À présent, ils comprenaient ce que Jésus voulait dire lorsqu’il déclara qu’il ne faut pas craindre ceux qui peuvent détruire le corps. Ils savaient maintenant ce que signifie être jeté dans une fournaise ardente ou, comme Daniel, dans la fosse aux lions. Ils se rendaient compte que Jéhovah est le plus fort, et qu’il avait rendu leurs fronts plus durs que ceux de leurs ennemis. Même les gens du dehors reconnaissent ce fait. Les historiens profanes le soulignent souvent en relatant cette partie de l’histoire de l’Allemagne. Par exemple, dans son Zeitgeschichte (Trimestriel de l’Histoire, 1969, brochure 2), Michael H. Kater écrit :
“Le ‘Troisième Reich’ ne savait vaincre la résistance intérieure que par la force brutale. Même alors, il n’a pu surmonter les forces de rébellion parmi le peuple allemand, ni résoudre le problème que lui ont posé les Étudiants sincères de la Bible de 1933 à 1945. Les témoins de Jéhovah sont sortis de leur période de persécution en 1945, certes affaiblis, mais non abattus.”
De même, une critique du livre Kirchenkampf in Deutschland (Le combat des Églises en Allemagne), de Friedrich Zipfel, déclare :
“Il est difficile de trouver une analyse ou un livre de mémoires au sujet des camps de concentration qui ne renferme aucune description de la foi robuste, du zèle, de l’amabilité et de l’esprit de martyr fanatique des Étudiants sincères de la Bible. Quel contraste avec les écrits contre les témoins de Jéhovah rédigés avant leur lutte et leur incarcération et qui passent sous silence leur qualités ou ne les mentionnent qu’accessoirement ! Pourtant, l’activité et la persécution des Étudiants de la Bible constituent un cas tout à fait singulier. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des membres de ce petit groupe religieux étaient victimes des persécutions du national-socialisme. Un tiers d’entre eux sont morts exécutés ou victimes de sévices, de la faim, de maladies ou des travaux forcés. La sévérité de ces contraintes sans précédent était la conséquence d’une foi intransigeante qui heurtait l’idéologie national-socialiste.”
Quelle humiliation pour le Führer du Reich allemand vaincu ! Le 31 décembre 1944, Goebbels avait dit à son sujet : “Si les habitants du monde savaient vraiment ce qu’il voudrait leur dire et leur donner, et combien il aime son peuple et tous les hommes, alors ils abandonneraient immédiatement leurs faux dieux et le loueraient (...), lui, un homme dont le but a été de délivrer son peuple. (...) Ses lèvres n’ont jamais prononcé une parole mensongère ni exprimé une idée vile. Il est la vérité personnifiée.” Pourtant, cet homme qui cherchait à se faire dieu s’est suicidé.
Quelle humiliation aussi pour ceux qui avaient mis leur confiance en lui, par exemple Himmler, pour qui Hitler était une divinité et qui exécutait ses ordres sans scrupules ! C’était Himmler qui, pendant tant d’années, avait rendu si difficile la vie des fidèles serviteurs de Jéhovah. De combien de sang versé doit-il assumer la responsabilité ? En 1937, il avait dit orgueilleusement à nos sœurs détenues à Lichtenburg : “Vous aussi, vous capitulerez. Nous vous humilierons ; nous résisterons plus longtemps que vous !” Comme il était déprimé lorsque, en fuite après l’effondrement du régime nazi, il rencontra frère Lübke à Harzwalde et lui dit : “Eh bien, Étudiant de la Bible, que se passera-t-il maintenant ?” Frère Lübke lui rendit un bon témoignage et lui expliqua que les témoins de Jéhovah avaient toujours attendu l’effondrement du régime nazi et leur propre délivrance. Himmler se retourna sans dire un mot, et peu de temps après, il se donna la mort en absorbant du poison.
En revanche, comme ceux qui adoraient Jéhovah se réjouissaient, malgré les conditions difficiles ! Ils avaient eu le privilège de démontrer leur intégrité envers le Souverain de l’univers. Au cours du règne de Hitler, 1 687 d’entre eux furent mis en chômage, 284 perdirent leur commerce, 735 furent expulsés de leur logement et 457 se virent interdire l’exercice de leur métier. La propriété de 129 frères fut confisquée, la pension de 826 frères retraités fut arrêtée, et 329 autres frères perdirent leurs biens. Un total de 860 enfants furent enlevés à leurs parents. Trente mariages furent dissous par décision administrative, et 108 divorces furent accordés à des conjoints opposés à la vérité. En tout, 6 019 témoins furent arrêtés, dont bon nombre deux ou trois fois ou même davantage, si bien qu’il y a eu un total de 8 917 arrestations. Les frères furent condamnés à 13 924 années et deux mois de prison, soit deux fois un quart plus que le nombre d’années depuis la création d’Adam. Deux mille frères et sœurs furent incarcérés dans les camps de concentration, où ils passèrent un total de 8 078 années et six mois, soit une moyenne de quatre années par personne. Enfin, 635 témoins moururent pendant leur incarcération, dont 253 avaient été condamnés à mort et 203 furent effectivement exécutés. Quel récit d’intégrité !
LA RECONSTRUCTION COMMENCE
Immédiatement après la guerre, les frères du Béthel de Suisse étaient les seuls à être en rapport avec les frères allemands. Ayant entendu parler de certaines tendances indésirables qui existaient dans bien des congrégations même après la libération des frères des camps de concentration, ce Béthel a envoyé la circulaire suivante aux congrégations :
“À nos chers compagnons de service en Allemagne
“Chers frères en Christ,
“Enfin vous êtes libérés du joug nazi ! Certains d’entre vous ont souffert pendant des années, en prison, dans les camps de concentration ou par d’autres types de persécutions. (...)
“Cependant, aucun frère qui a été considéré digne de souffrir spécialement pour le nom du Seigneur ne devrait s’enorgueillir, se donner des airs de martyr ni s’élever au-dessus de ceux qui n’ont pas été en prison ou dans un camp de concentration. Personne ne devrait se vanter de ses souffrances. N’oubliez pas que bon nombre de frères restés chez eux ont eu beaucoup de problèmes à résoudre et ont subi de fortes pressions. Un chrétien ne peut choisir ses souffrances. Le Seigneur les détermine, ou plutôt les permet.
“Aussi, chers frères, ne soyons pas injustes et évitons de condamner celui qui, à notre avis, a fait une compromission ou qui s’est montré prêt à transiger. Le Seigneur juge notre cœur. Devant lui, nous sommes comme un livre ouvert. (...)
“Frère Erich Frost, de Leipzig, est autorisé à diriger l’œuvre dans votre territoire. Cependant, d’après les instructions du président, cette disposition est provisoire. Autant que possible, frère Frost enverra régulièrement des rapports au président concernant les progrès de l’œuvre.
“L’œuvre de prédication sous la direction du nouveau président de la Société, frère Nathan Homer Knorr, est mieux organisée que jamais et progresse merveilleusement ! (...)
“Famille de la Maison de la Bible à Berne signé : Fr. Zürcher”
Aussitôt après leur libération, frères Frost, Schwafert, Wauer, Seliger, Heinicke et d’autres se sont efforcés de reprendre possession de l’immeuble de la Société, dans l’espoir de réorganiser l’œuvre depuis ce bâtiment. Mais cela s’est avéré impossible, à cause de l’attitude hostile des autorités russes.
Frère Frost, qui entre-temps avait été nommé surveillant de filiale, demanda à Willi Macco, de Sarrebruck, à Hermann Schlömer et à Albert Wandres, de Wiesbaden, et à frère Franke, de Mayence, de s’occuper des congrégations dans les régions de l’Allemagne de l’Ouest où ils avaient servi comme directeurs de service régionaux pendant que l’œuvre était interdite.
En même temps, dans la région de Stuttgart, frère Franke essayait d’acheter du papier pour imprimer une édition réduite de La Tour de Garde. Des discours commencèrent à être radiodiffusés à Stuttgart, à Francfort et à Sarrebruck, afin d’attirer l’attention du public sur le message du Royaume. Frère Franke finit par louer deux bureaux à Wiesbaden, et une semaine plus tard, il put louer une petite pièce dans le même immeuble, qui lui servirait de logement.
À la fin de 1945, frère Frost se rendit de Magdebourg à Stuttgart pour s’entretenir de questions d’organisation avec des frères fidèles disposés à entreprendre le service à plein temps comme serviteurs itinérants ou au Béthel. Puisque le siège social de la Société était situé à Magdebourg, en Allemagne de l’Est il semblait judicieux de transférer la filiale à Stuttgart, en Allemagne de l’Ouest.
Bientôt frère Frost se rendit aux Pays-Bas, pour y rencontrer frère Knorr et lui parler personnellement pour la première fois. En route, il s’arrêta à Wiesbaden, et quand frère Franke lui eut montré les deux bureaux qu’il avait loués, il décida sur-le-champ d’abandonner ses projets relatifs à Stuttgart et d’ouvrir un bureau à Wiesbaden. C’est ainsi que peu de temps après, les deux bureaux et le petit logement de frère Franke devinrent le Béthel, où bientôt vingt frères et sœurs travaillaient et prenaient leurs repas.
À peu près un an plus tard, frère Franke, en raison de sa détention pendant l’interdiction de l’œuvre, se vit offrir par la ville de Wiesbaden un appartement de deux pièces situé au 42 Wilhelminen Strasse. Cela entraîna le déménagement non seulement de frère Franke, mais aussi du Béthel. Celui-ci occupa la plus grande des deux pièces, et grâce à la faveur imméritée de Jéhovah, il fut possible de louer une autre pièce dans le même immeuble, qui appartenait à une sœur. Cette pièce servit de bureau. Ce fut là que frère Knorr visita pour la première fois les frères d’Allemagne.
Les frères n’avaient cessé de visiter le maire, et bien qu’il leur ait promis des pièces, voire toute une maison, ses promesses ne s’étaient pas concrétisées. Ils décidèrent donc de profiter de la visite du président de la Société Watch Tower pour annoncer énergiquement à tous les fonctionnaires intéressés, mais surtout au maire, que le président de la Société, un Américain, allait venir et qu’il demanderait où ils en étaient dans leurs efforts pour louer des bureaux nécessaires à l’accomplissement de leur tâche. Ils invoquèrent l’interdiction de l’œuvre par Hitler et les nombreuses années qu’ils avaient passées en prison, en rappelant aux fonctionnaires que ces derniers s’étaient volontairement engagés à réparer les injustices que les témoins avaient subies. Quelle surprise lorsqu’ils entendirent le maire déclarer : “Pourquoi ne prenez-vous pas l’aile ouest du bâtiment à Kohleck ?” Cet édifice avait été construit comme caserne pour l’armée de l’air, mais sa construction n’était pas achevée à la fin de la guerre. C’était justement le bâtiment qu’ils désiraient et qu’ils avaient essayé de se procurer à plusieurs reprises, sans succès.
Heureux de cette aubaine, ils attendaient avec joie la visite de frère Knorr, au cours de laquelle il pourrait signer le contrat en tant que président de la Watch Tower Bible and Tract Society.
CONGRÈS À NUREMBERG
Tandis que les frères s’occupaient à réorganiser les congrégations et à leur fournir la nourriture spirituelle malgré le manque de papier, leur désir de tenir une grande assemblée ne cessait de croître. Mais l’organisation d’une telle assemblée à cette époque-là soulevait bien des problèmes, non seulement à cause de la pénurie de denrées alimentaires et de logements, mais encore parce que l’Allemagne était divisée en quatre zones militaires et qu’il était extrêmement difficile de passer d’une zone à l’autre. Malgré cela, frère Frost demanda à frère Franke de prévoir au moins une assemblée de district dans chaque zone d’occupation et, si possible, d’en tenir une à Nuremberg, en zone américaine.
Après l’échec des premières tentatives, un frère visita les hauts fonctionnaires de Nuremberg et découvrit qu’en fin de compte il était possible de tenir une assemblée dans cette ville. Le congrès était prévu pour les 28 et 29 septembre 1946. Les frères devinrent encore plus impatients quand ils apprirent que le gouvernement militaire avait finalement mis à leur disposition le Zeppelinwiese de Nuremberg.
Le procès des “criminels de guerre” était alors en cours à Nuremberg, et les jugements devaient être prononcés le 23 septembre. Cette date avait été fixée des semaines à l’avance, et le monde entier en avait été informé.
Maintenant qu’il devenait possible de tenir une assemblée à Nuremberg, les frères décidèrent à la dernière minute de la prolonger d’un jour, de manière à la clôturer le lundi 30 septembre. Après qu’ils eurent réorganisés les trains spéciaux et pris toutes les autres dispositions nécessaires pour ce troisième jour d’assemblée, la radio et les journaux annoncèrent soudain au monde que les jugements rendus au procès de Nuremberg ne seraient annoncés que le 30 septembre. Cela créait des problèmes, car le gouvernement militaire américain craignait des démonstrations et décida d’imposer un couvre-feu à Nuremberg. De ce fait, les habitants de la ville ne pourraient assister au discours public prévu pour ce lundi. Le programme fut modifié en conséquence, et le dimanche soir, à 19 h 30, frère Frost parla sur le sujet “Les chrétiens dans le creuset de l’épreuve”. La joie des 6 000 frères présents était inexprimable lorsqu’ils apprirent que 3 000 personnes de Nuremberg étaient là pour écouter ce discours.
Au début, le gouvernement militaire américain essaya de nous empêcher de tenir notre assemblée le troisième jour, sous prétexte qu’il coïncidait avec celui où les criminels de guerre allaient être condamnés. Mais finalement, les frères eurent gain de cause. Après de longues négociations, les administrateurs militaires cessèrent de s’y opposer. Comment pouvaient-ils empêcher les témoins de Jéhovah de clôturer leur assemblée en paix et en toute tranquillité, alors que pendant tant d’années ils avaient résisté aux hommes jugés ce jour-là ?
Ainsi, le lundi matin, les frères réunis à l’assemblée ayant pour thème “Vaillants en face de l’après-guerre” connurent un autre point culminant lorsqu’ils entendirent le discours intitulé “Sans crainte malgré la conspiration mondiale”.
Il serait impossible de décrire les sentiments des 6 000 frères réunis lorsqu’ils comprirent comment Jéhovah avait manœuvré la situation. Songez un peu ! Après l’effondrement du régime nazi, les témoins de Jéhovah, qui annoncent aux hommes un message véridique de paix, étaient les premiers à être autorisés à se réunir sur ce terrain que Hitler avait utilisé pour ses manifestations ! Imaginez l’émotion qu’ils ont dû ressentir en pensant qu’en ce troisième jour de leur assemblée, les représentants principaux de ce système meurtrier qui avaient essayé d’anéantir les témoins de Jéhovah, étaient condamnés à mort ! Le président de l’assemblée déclara : “Rien que pour vivre ce jour, qui n’est qu’un avant-goût du triomphe du peuple de Dieu sur ses ennemis à la bataille d’Harmaguédon, cela valait la peine de passer neuf ans dans un camp de concentration.” Cette déclaration a été reproduite par la presse dans le monde entier.
DU SECOURS ENVOYÉ DE L’ÉTRANGER
En 1947, frères Knorr, Henschel et Covington ont pu visiter les frères d’Allemagne. Une assemblée a été organisée pour coïncider avec leur visite. Elle a été tenue à Stuttgart, les samedi et dimanche, 31 mai et 1er juin. Toute la ville étant en ruines par suite des bombardements, l’assemblée a eu lieu dans une banlieue. Il y a eu environ 7 000 assistants.
Pendant sa visite, frère Knorr s’est aperçu que la Société devait continuer d’envoyer en Allemagne des secours sous forme de denrées alimentaires et de vêtements. Les frères suisses avaient manifesté leur amour fraternel pour leurs frères allemands, en leur envoyant gratuitement des aliments et des habits. Mais frère Knorr était tellement touché par la situation des frères d’Allemagne qu’il a décidé d’en informer les témoins qui allaient se réunir dans quelques semaines au congrès de Los Angeles, et de les encourager à faire des dons de nourriture et de vêtements. Il faut dire, cependant, que les frères allemands n’étaient pas particulièrement conscients de leur situation, tant ils étaient heureux et reconnaissants que Jéhovah leur ait préparé ce festin spirituel et que frère Knorr soit au milieu d’eux.
Dès que le président eut fait part aux frères américains de ce qu’il avait vu en Allemagne et les eut encouragés à faire des dons, les témoins ont aussitôt réuni 140 000 dollars, somme utilisée pour acheter 22 000 grands colis alimentaires envoyés en Allemagne par l’organisation CARE. En outre, les frères ont donné 220 tonnes de vêtements : complets, robes, sous-vêtements et chaussures, pour hommes, femmes et enfants.
Aussitôt que le Béthel de Wiesbaden eut apprit que ces secours étaient en route, les frères ont fait des préparatifs en vue d’une distribution rapide et bien organisée. Ils ont loué un local dans une auberge de la banlieue de Wiesbaden, pour y trier et expédier les vêtements. Chaque proclamateur actif dans le ministère du champ depuis six mois, — autrement dit, qui n’avait pas remis un rapport simplement pour recevoir un colis CARE, — a été enregistré et a reçu un grand colis de provisions.
À peine la distribution avait-elle commencé que la filiale a reçu des monceaux de lettres exprimant la gratitude des frères. Il était touchant de voir que les frères bénéficiant de ces dons se sont sentis poussés à rendre grâce à Jéhovah et à remercier leurs frères américains. Il n’était pas rare de voir un membre du bureau essuyer des larmes pendant qu’il lisait une de ces lettres. Par exemple, l’une d’elles a relaté comment un père de famille, après avoir ouvert le colis et vu son contenu, s’est agenouillé avec son fils âgé de douze ans pour remercier Jéhovah de ce don offert avec amour par ses frères.
Frère Knorr a également fait le nécessaire pour que presque un million et demi d’exemplaires des livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai !”, Le monde nouveau et “La vérité vous affranchira” soient envoyés gratuitement en Allemagne. Avec l’argent reçu grâce à la distribution de ces livres, la filiale a commencé à avoir les fonds nécessaires pour fonctionner. Ainsi, Jéhovah a fait en sorte que l’œuvre puisse repartir du bon pied en Allemagne.
EN AVANT MALGRÉ LES DIFFICULTÉS DE L’APRÈS-GUERRE
L’année 1948 a commencé dans le sud de l’Allemagne et dans la Ruhr par une série de grèves protestant contre la pénurie de vivres. Les rations de viande et de matières grasses venaient d’être réduites. L’ONU avait affirmé que 2 620 calories étaient nécessaires chaque jour, mais dans certaines régions d’Allemagne, les gens n’absorbaient que 1 000, et parfois même seulement 700 calories. Presque tout le monde avait faim, et la situation empirait, ce qui a créé l’amertume du public.
Néanmoins, le peuple de Jéhovah a commencé la nouvelle année plein de zèle et d’enthousiasme. Le 1er janvier 1948, chaque congrégation a organisé une réunion spéciale. L’assistance totale a été de 38 682 personnes, et ce même mois, il y a eu 27 056 proclamateurs, soit 2 183 de plus que le mois précédent. La campagne annuelle d’abonnements à La Tour de Garde devait normalement commencer, mais en Allemagne les frères n’avaient pas tous un exemplaire personnel de ce journal. C’était un problème, car en plus de toutes les autres difficultés, il y avait une pénurie de papier. Frère Knorr a demandé à la filiale suisse d’imprimer et d’envoyer en Allemagne un nombre suffisant d’exemplaires de La Tour de Garde pour qu’au mois de janvier non seulement chaque proclamateur puisse avoir son exemplaire, mais encore pour qu’il y ait dans chaque congrégation quelques exemplaires supplémentaires à l’intention des gens qui assistaient régulièrement à l’étude de La Tour de Garde. Il y avait donc assez de nourriture spirituelle.
À cette époque-là, la plupart des villes allemandes n’étaient que des monceaux de décombres. C’était le cas de Kassel. Cette ville avait été presque complètement détruite, et d’après les premières estimations de la commission d’urbanisme, créée en vue de la reconstruction de la ville, il faudrait vingt-trois ans simplement pour déblayer le terrain. Or, nous voulions tenir une assemblée dans cette ville. Les autorités municipales n’avaient rien d’autre à nous offrir que le Karlswiese, un grand pré parsemé de plus de cinquante grands cratères creusés par des bombes. Mais les frères, forts de l’expérience qu’ils avaient acquise dans les camps de concentration, se sont mis joyeusement au travail malgré les commentaires sceptiques des fonctionnaires. Avec des méthodes primitives, ils ont déplacé quelque 10 000 mètres cubes de pierres et de gravats restant des maisons détruites, pour remplir les cratères. Cela a demandé presque quatre semaines de travail.
Ces semaines étaient vraiment pénibles, car à peine les frères avaient-ils commencé les travaux que la pluie s’est mise à tomber, et cela sans arrêt jusqu’au début de l’assemblée. Bien que trempés, ils n’ont permis ni au dur travail ni à la pluie de refroidir leur zèle. Lorsque les gens leur disaient qu’avec un temps pareil, il serait impossible de tenir une assemblée au Karlswiese, ils répondaient avec optimisme que le beau temps reviendrait pour l’assemblée.
En plein milieu des préparatifs, qui progressaient rapidement, une réforme monétaire a été annoncée. Cela promettait bien des désagréments. Le 21 juin, la nouvelle monnaie a été mise en circulation, chaque habitant des trois zones occidentales recevant quarante nouveaux deutsche marks contre soixante anciens Reichsmarks. Un mois plus tard chacun a reçu vingt deutsche marks supplémentaires. Le montant des Reichsmarks déposés dans les banques a été réduit de neuf dixièmes et la plupart des comptes ont été provisoirement bloqués.
Bientôt, la valeur de la nouvelle monnaie devenait évidente. Soudain, les stocks de marchandises cachées étaient mis en vente, et l’on pouvait acheter bien des articles dont on se passait depuis des années. Mais nos frères étaient conscients de leurs besoins spirituels et ils étaient prêts à dépenser leurs deutsche marks pour assister à l’assemblée. Nombre d’entre eux ont vendu des biens de valeur, tels que des appareils photographiques, etc., pour couvrir leurs frais. La main de Jéhovah n’a pas été trop courte pour aider ceux qui mettaient les intérêts du Royaume à la première place. Par exemple, sœur Neupert, de Munich, écrit : “Ma colonie d’abeilles se trouvait menacée, car je n’avais ni sucre ni argent pour en acheter, mais pour moi Kassel passait avant tout. Et je n’ai pas été déçue. De retour chez moi, j’ai découvert que mes abeilles avaient travaillé avec zèle. En effet, cette année-là, j’ai pu récolter quelque 1 000 kilos de miel.”
Lorsque les frères responsables de la filiale sont arrivés à Kassel, on les a accueillis avec ces paroles d’Ésaïe 12:3: “Vous puiserez de l’eau avec joie.” Les frères avaient peint ces mots sur un calicot qu’ils avaient étendu au-dessus de l’entrée du terrain. Des frères encore en train de vider l’eau des cratères qui restaient, pour assécher le terrain plus rapidement, les ont accueillis avec leur version de ce texte, à savoir : “Vous puiserez de l’eau... avec des seaux !”
Dix-sept trains spéciaux ont convergé vers Kassel, et le vendredi matin, après plusieurs semaines d’une pluie battante, le soleil a brillé dans un ciel bleu, réchauffant les plus de 15 000 congressistes. Le deuxième jour, l’assistance s’est élevée à 17 000 personnes, atteignant, lors du discours public, un chiffre de pointe de 23 150 assistants, sans compter les nombreux habitants de Kassel debout dans les rues autour du terrain de l’assemblée. Les journaux de Kassel ont parlé de “25 000 ou 30 000 personnes réunies au Karlswiese”.
Même le maire de la ville était présent. Il s’est adressé brièvement aux frères, dont les efforts l’avait grandement impressionné. Le beau temps s’est maintenu, si bien que, le deuxième jour, le chef de police, — un catholique, — a dit aux frères pendant qu’il visitait le lieu de l’assemblée : “Vous semblez jouir de la faveur de celui d’en haut !” Puis, après une pause, il a ajouté: “Plus que nous !”
L’un des nombreux moments inoubliables de cette assemblée est arrivé lorsque tous les assistants ont reçu un exemplaire gratuit du livre “La vérité vous affranchira” et deux exemplaires de la brochure La joie pour tous les hommes. Le service du champ était un autre trait caractéristique de cette assemblée. Des trains spéciaux ont amené les frères dans toutes les villes des alentours, jusqu’à Paderborn, si bien que cette ville épiscopale a été entièrement visitée en un seul jour. Mille deux cents nouveaux frères et sœurs ont été baptisés à cette assemblée.
Puisque le peuple de Jéhovah s’est montré prêt à mettre les intérêts spirituels à la première place, il a été béni avec la paix, l’unité et l’accroissement. Pendant le mois de juillet, celui du congrès, il y a eu 33 741 proclamateurs, et ce nombre est passé à 36 526 en août. L’année de service s’est achevée avec un accroissement de 83 pour cent. Le nombre des congrégations a augmenté, si bien que le 15 octobre, les circonscriptions ont été réorganisées et leur nombre est passé à soixante-dix.
C’était également en 1948 que le Béthel de Wiesbaden a installé ses premières presses. Puisque Brooklyn venait de lui envoyer gratuitement une grande quantité de papier, il était possible de commencer de forts tirages. Pendant longtemps, deux presses ont fonctionné jour et nuit. Bien des gens du dehors étaient curieux de savoir comment nous avions pu nous procurer ces deux machines, puisque aucune nouvelle presse n’était fabriquée à l’époque. Ces deux presses avaient appartenu à un ancien millionnaire, mais elles avaient été sérieusement endommagées lors du bombardement de la ville de Darmstadt. Après 1945, cet homme et son directeur ont sorti ces presses des décombres de l’imprimerie et les ont transportées à l’usine de Johannisberg, sur le Rhin, où elles avaient été fabriquées. Heureux d’avoir du travail, les ouvriers les ont complètement remises à neuf. Entre-temps, la secrétaire de cet imprimeur prospère, devenue sa femme, a appris la vérité et a influencé son mari pour qu’il vende ses presses à la Société. C’est ce qu’il a fait, à un prix incroyablement bas.
Même avant cela, pendant presque un an et demi, les frères avaient pu produire mensuellement entre quatre et six mille périodiques dans une petite imprimerie de Karlsruhe. Cet établissement, qui avait appartenu aux nationaux-socialistes, avait été réquisitionné par l’armée d’occupation américaine et mis à la disposition de personnes qui avaient été persécutées par le régime nazi. Étant donné que certains membres du Béthel tombaient dans cette catégorie, cette petite imprimerie a été mise à leur disposition, à condition qu’ils en assument entièrement la gérance. Erwin Schwafert a été chargé de la direction de cette imprimerie, qui devait imprimer La Tour de Garde, en attendant que nous ayons nos propres presses.
La répartition des périodiques a posé des problèmes. Le nombre des proclamateurs augmentait chaque mois, mais le gouvernement militaire ne pouvait augmenter la quantité de papier allouée. Nous devions donc modifier la distribution des périodiques chaque mois, de manière à mettre un exemplaire de La Tour de Garde à la disposition de six ou sept proclamateurs. C’était également l’une des raisons pour lesquelles frère Knorr a fait tout son possible pour que la Société soit établie légalement à Wiesbaden comme filiale de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania. Cela nous permettrait de recevoir du papier de l’étranger, afin de satisfaire les besoins croissants des frères en imprimés pour l’étude. Par ailleurs, ils avaient besoin de publications pour prêcher de maison en maison. Jusqu’en 1948, les frères n’avaient disposé que de quelques imprimés, principalement des brochures, qu’ils devaient prêter aux gens pour une ou deux semaines.
En 1949, les livraisons de papier s’étant accrues, nous avons pu augmenter considérablement notre tirage de La Tour de Garde. Le numéro du 1er janvier 1949 a été tiré à 40 000 exemplaires, et le tirage est passé à 80 000 exemplaires pour le numéro du 15 avril, à 100 000 pour le numéro du 1er mai, et à 150 000 pour celui du 15 mai.
Alors qu’en 1947, il n’y a eu que 35 840 assistants à la Commémoration célébrée dans les quatre zones d’Allemagne, un an plus tard il y en a eu 48 120, et en 1949, l’assistance s’est élevée à 64 537 personnes. Là aussi, il y avait parfois des problèmes. Par exemple, à Holzheim, près de Göppingen, la Commémoration a été célébrée en 1948 avec la “protection” de la police. Pourquoi ? Frère Eugen Mühleis l’explique en ces termes : “À cause d’une épidémie de typhus dans la ville, on avait interdit au pasteur de célébrer la Communion à l’église Évangélique. Maintenant, le directeur de l’école où nous devions célébrer la Commémoration essayait de nous en empêcher. Le Service de la santé nous en avait donné l’autorisation, mais en nous imposant plusieurs restrictions, afin d’empêcher l’extension de cette maladie contagieuse. C’est ainsi qu’un agent de police a dû assister à notre Commémoration, pour s’assurer que ces restrictions étaient respectées.”
Au début de 1949, l’imprimerie de Wiesbaden a été agrandie. Huit presses y fonctionnaient, dont deux marchaient jour et nuit. Au cours de l’année, environ un million et demi de livres ont été envoyés de Brooklyn, et leur diffusion nous a fourni de meilleures occasions de faire de nouvelles visites et de conduire des études bibliques. Le nombre des proclamateurs a augmenté de mois en mois, s’élevant à 43 820 en août 1949. Pendant cette année de service-là, il y a eu un accroissement de 33 pour cent dans le nombre des proclamateurs.
OPPOSITION EN ALLEMAGNE DE L’EST COMMUNISTE
L’œuvre se développait d’une tout autre manière en Allemagne de l’Est et à Berlin-Est, qui depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale étaient occupés par la Russie soviétique et gouvernés par l’administration militaire soviétique. Bon nombre d’officiers ne connaissaient pas grand-chose au sujet des témoins de Jéhovah, excepté qu’ils avaient enduré une persécution cruelle de la part des nazis. Au début, ils ne s’occupèrent pratiquement pas de notre activité ; toutefois, à mesure que croissaient les congrégations et que beaucoup de personnes manifestaient de l’intérêt pour le message du Royaume, l’administration militaire soviétique devint méfiante à l’égard de notre œuvre qui échappait à son contrôle. Souvent, l’assistance à nos réunions publiques était plus nombreuse qu’aux réunions politiques du parti communiste, qui étaient soutenues par le gouvernement militaire.
Les officiers soviétiques locaux se mirent à restreindre ouvertement les activités des congrégations et des proclamateurs en particulier. Certains membres du clergé de la chrétienté virent là une occasion de se montrer bons amis des communistes. Ils calomnièrent odieusement les frères, disant qu’ils s’opposaient aux autorités et engageaient les gens à manifester une sorte de résistance passive aux efforts déployés par le gouvernement militaire pour relever l’économie en crise, et cela en prêchant le Royaume de Dieu comme la seule espérance pour l’humanité.
Ces interventions incitèrent les frères servant au bureau de la filiale de la Société à Magdebourg à s’adresser au siège de l’administration militaire soviétique situé à Berlin-Est. Tout d’abord, leur requête fut examinée sur la base du principe général selon lequel “rien n’est interdit, rien n’est permis”. Mais les frères réussirent finalement dans leur entreprise et on leur remit un certificat attestant que les témoins de Jéhovah déploient une activité légale. Lorsqu’il y avait contestation, la présentation de ce document les aida dans certains cas, mais dans d’autres, il est arrivé que les autorités locales agissent en seigneurs, estimant que le siège administratif était bien loin pour faire autorité.
Après la guerre, Berlin, ancienne capitale du Reich allemand, fut divisé en quatre secteurs répartis entre les quatre alliés victorieux. Ces secteurs étaient administrés par une commission de contrôle quadripartite, jouissant ainsi d’une indépendance partielle. La dissension s’accentua lorsque les Russes imposèrent un blocus aux secteurs occidentaux de Berlin après la réforme économique instituée en 1948. Les alliés occidentaux forcèrent le blocus en se servant de leur droit d’utiliser les couloirs aériens non soumis à un contrôle, pourvoyant ainsi aux besoins de la population des trois secteurs au moyen d’un “pont aérien”. Quand un accord fut conclu et que les Russes levèrent le blocus, Berlin était définitivement divisé, Berlin-Est étant placé sous la domination communiste et Berlin-Ouest gardant certaines attaches avec la République fédérale allemande.
Une assemblée de district devait avoir lieu à Leipzig, en 1948, mais les autorités militaires russes refusèrent de donner leur accord. On prit donc des dispositions pour se réunir dans le magnifique Waldbühne (théâtre de la forêt) situé dans le secteur britannique de Berlin. Les problèmes étaient sans nombre. Outre la réforme monétaire et le mauvais temps, la question la plus importante était la suivante : Comment les milliers de personnes habitant l’Allemagne de l’Est pénétreraient-elles dans la ville bloquée de Berlin ? Finalement, on nous autorisa à faire entrer des trains spéciaux dans la ville, et en dépit de la situation politique critique, presque 14 000 personnes s’assemblèrent le premier jour. Le troisième jour, il y eut plus de 16 000 congressistes et le discours public du dimanche après-midi réunit une assistance de plus de 25 000 personnes. Les nouveaux proclamateurs qui symbolisèrent l’offrande de leur personne par le baptême furent au nombre de 1 069. Jéhovah fut un hôte remarquable qui prépara un festin de mets gras pour son peuple, au cœur même de la lutte entre deux blocs de nations.
Mais qu’était devenu l’immeuble de la Société à Magdebourg, en Allemagne de l’Est communiste ? Les immeubles situés aux 17-19 Wachtturmstrasse lui avaient été rendus en 1945, juste après la fin de la guerre, et ils étaient déjà restaurés à 95 pour cent, tandis que celui du 16 Leipziger Strasse était réparé. à 90 pour cent. Nos frères avaient reconstruit les bâtiments détruits, offrant gratuitement leurs services. Conformément à la décision prise le 24 juin 1949 par le gouvernement de l’État de Saxe, les immeubles se trouvant aux 5-7 Fuchsberg et aux 1-3 Wachtturmstrasse furent rendus à la Société. Ce mois-là, le nombre total des proclamateurs de l’Allemagne de l’Est placés sous la direction du bureau de la filiale de Magdebourg s’élevait à 16 960.
Un vif intérêt s’était développé pour la vérité biblique. Des surveillants itinérants rapportent que des congrégations de 30 à 40 proclamateurs réunissaient souvent 100 à 150 personnes lors des réunions publiques. Dans les grandes villes il était fréquent de réunir plus d’un millier de personnes aux conférences. On commença de nombreuses études bibliques ; dans une congrégation la moyenne était de 3,8 études par proclamateur. La tâche de surveillant itinérant n’était pas toujours facile en ce temps-là. Plusieurs d’entre eux se déplaçaient à l’aide de vieilles bicyclettes qui leur avaient été prêtées, certaines ne possédant pas de pneus mais uniquement des jantes métalliques. Ils avaient de longues distances à parcourir. Il y avait en outre le problème des cartes de rationnement. Un surveillant de circonscription rapporte que son certificat de “prédicateur” délivré par le bureau du travail ne fut pas renouvelé ; il n’avait donc pas de carte alimentaire.
Un autre surveillant de circonscription rapporte ce qui suit : “À chaque discours, il y avait plusieurs espions dans la salle. En une certaine occasion, un homme habillé en civil intriguait les frères. Avant que le discours ne commence, je me suis approché, pour lui demander : ‘Pardon, inspecteur, avez-vous l’heure exacte ?’ Il me renseigna, et parce qu’il ne parut pas surpris que je l’appelle ‘inspecteur’, nous avons su qu’il s’agissait d’un policier en civil.”
L’inimitié des Russes et des autorités communistes allemandes à notre égard ne cessa de croître. On envisagea de nouveau de tenir une assemblée de district au Waldbühne de Berlin, du 29 au 31 juillet 1949, à l’intention des frères d’Allemagne de l’Est. Cette assemblée se tint sous l’ombre menaçante de la persécution, mais elle rendit manifeste la détermination de nos frères à continuer de servir Jéhovah d’un cœur complet. Les préparatifs se firent aussi discrètement que possible. Il y avait déjà eu un certain nombre d’attaques communistes contre la liberté religieuse en Allemagne de l’Est. Par exemple, en Saxe, on annula une assemblée de circonscription à la dernière minute, et quelques frères furent blessés à la suite d’actes de violence.
En prévision de cette assemblée, il nous fut possible de retenir huit trains spéciaux. Quelque 8 000 personnes avaient déjà versé plus de 100 000 deutsche marks pour les billets, lorsque quelques heures seulement avant le départ, les trains furent annulés. La compagnie des chemins de fer refusa de rembourser les billets avant deux semaines. Dans les gares, des milliers de témoins attendant les trains spéciaux apprirent que ceux-ci avaient été supprimés. La police établit des barrages sur toutes les routes menant à Berlin, et fouilla tous les véhicules : voitures, autocars et camions, recherchant ceux qui se rendaient à l’assemblée. Malgré cela, le soir du premier jour de l’assemblée, l’assistance comptait au moins 16 000 personnes. Quant au discours public du dimanche, il rassembla plus de 33 000 personnes ! Ainsi, les efforts et les attaques malveillantes de l’ennemi se révélèrent être un témoignage retentissant contre lui.
Les mesures dictatoriales prises contre nous ne tardèrent pas à être connues, et bien que la presse n’ait pas été invitée, de nombreux journalistes se proposèrent pour écrire des reportages poignants à propos des efforts déployés par les communistes pour empêcher les témoins de se rendre à Berlin. Le samedi soir, le surveillant de filiale, Erich Frost, lut une résolution devant les milliers de personnes rassemblées, résolution qui fut retransmise le soir même sur la RIAS, station de radio américaine de Berlin. Frère Frost souligna la prise de position courageuse des frères en disant : “Le bolchevisme est-il supérieur aux autres systèmes ? Les communistes se croient-ils forcés d’achever ce que Hitler a commencé ? Nous n’avons pas craint les nazis et nous ne craignons pas davantage les communistes !”
La résolution fut donc proposée à l’assemblée de district de Berlin ; elle comprenait aussi une protestation énergique contre les interdictions antidémocratiques et anticonstitutionnelles, la limitation des services religieux en Saxe et la confiscation des lieux réservés à ces services. Cette résolution, accompagnée d’une lettre datée du 3 août, fut envoyée aux chefs de l’administration militaire soviétique d’Allemagne, à Berlin. On en envoya également un exemplaire aux 4 176 hauts fonctionnaires et aux responsables de quotidiens, de stations de radio, d’agences de presse, etc., tant à Berlin qu’en Allemagne de l’Ouest et de l’Est. Ainsi, l’attention de tous a été attirée sur les attaques communistes et sur la fermeté des vrais chrétiens. En août, soit un mois après le congrès, les témoins de Jéhovah de l’Allemagne de l’Est ont atteint un nouveau maximum dans le nombre des proclamateurs, celui-ci étant supérieur de 568 à tous les chiffres rapportés jusque-là.
À peine déclenchée, la campagne dirigée contre les témoins de Jéhovah prit une ampleur croissante. La liberté religieuse fut de plus en plus restreinte. On interdit les études bibliques ; des policiers interrompirent des services religieux et des frères fonctionnaires furent licenciés à cause de leur religion. Le 18 février 1950, une pétition demandant que soit garantie la véritable liberté religieuse fut présentée au gouvernement de la République démocratique allemande. Quelles en furent les conséquences ? Agissant à l’encontre de la constitution, les autorités interrompirent un plus grand nombre de services religieux, confisquèrent davantage de publications et arrêtèrent plusieurs ministres responsables. Le 27 juin 1950, les témoins de Jéhovah de l’Allemagne de l’Est adressèrent une nouvelle pétition au gouvernement, dirigé par le ministre-président Otto Grotewohl. Alors la main cruelle des communistes frappa lourdement.
Tôt le matin du 30 août 1950, les forces de police communistes placées sous le commandement de deux officiers russes firent irruption dans le Béthel de Magdebourg. Elles arrêtèrent tous les frères à l’exception d’un seul, laissé comme “gardien”. À la date du 31 août, le ministère de l’Intérieur rédigea une lettre informant la Société Watch Tower à Magdebourg qu’elle était frappée d’interdit ; toutefois, la police attendit le 3 septembre pour présenter cette lettre au seul frère demeuré dans le Béthel à titre de “gardien”.
Une sœur du Béthel, qui fut témoin oculaire, rapporte ce qui se passa le 30 août au matin : “Vers cinq heures du matin, le signal d’alarme retentit. Je me suis rapidement habillée. (...) Tandis que j’ouvrais la porte pour me précipiter en bas, je me trouvais nez à nez avec deux agents qui m’ont dit de demeurer dans ma chambre. Puis, l’un des officiers est entré et m’a ordonné d’ouvrir l’armoire. J’ai refusé aussi longtemps qu’il ne m’a pas montré sa carte d’identification. Ils ont tout déchiré. (...)” Comment les policiers avaient-ils pénétré dans le Béthel ? Une autre sœur nous dit : “J’ai regardé par la fenêtre de la chambre 23, et j’ai vu un agent escalader la porte. D’autres étaient déjà à l’intérieur. Le veilleur de nuit avait refusé de leur ouvrir la porte. À mon avis, il y avait au moins 25 à 30 agents, et aucun d’eux n’était en uniforme.”
Sœur Bender, qui servait au Béthel de Magdebourg à cette époque-là et qui travaille toujours fidèlement au Béthel de Wiesbaden, rapporte sa propre expérience. “Le 30 août 1950, entre quatre et cinq heures du matin, la police de l’Allemagne de l’Est entra dans le Béthel. Chacun devait rester dans sa chambre. Vers dix heures, je me suis glissée hors du Béthel sans me faire remarquer des agents, en empruntant l’escalier de secours par le balcon du premier étage et en franchissant la clôture séparant notre immeuble de celui du voisin. Bien que j’aie vu des agents dans la rue, je suis sortie tranquillement de chez le voisin, et je me suis rendue chez un frère où étaient gardés des documents de la Société. Je les ai pris et un autre frère m’a conduite à Berlin.” Il fut ainsi possible de sauver certaines archives.
Toutes les publications furent confisquées et enlevées ainsi que le camion de la Société. Il en fut de même des provisions stockées dans la cuisine. Seules les sœurs reçurent l’autorisation de garder leurs cartes de rationnement. Un témoin oculaire rapporte : “Comme nous l’avons remarqué, entre-temps, ils avaient emmené discrètement les frères, deux par deux. (...)”
Une vague de persécution avait commencé à déferler sur nous. Lorsque les agents vinrent arrêter un frère, celui-ci les accueillit dans la “tenue zébrée” qu’il avait été obligé de porter dans un camp de concentration nazi ! Il y eut des parodies de jugement et de nouveau l’œuvre des témoins de Jéhovah entra dans la clandestinité.
Lothar Wagner fut l’un des frères condamnés à une longue peine d’emprisonnement en 1950. Il décrit d’une manière vivante comment il maintint son intégrité durant les sept années qu’il passa au secret :
“Le 30 août 1950, j’ai été arrêté à Plau, dans le Mecklembourg, et le 4 octobre 1950, la haute cour de la RDA à Berlin m’a condamné à quinze ans de réclusion. En raison des événements survenus en Hongrie en 1956, ma peine a été ramenée à dix ans.
“Ces dix années (et six semaines de détention préventive durant l’enquête, qui n’ont pas été comptées dans ma condamnation), je les ai passées à la prison de Brandebourg-Görden. J’en suis sorti le 3 octobre 1960.
“J’ai passé sept années au secret. Au cours des trois premières années le seul contact que j’ai eu avec le monde extérieur était une lettre par mois, de la grandeur d’une demi-feuille de papier machine, sur laquelle je pouvais écrire ou recevoir quinze lignes, à condition que le texte soit approuvé par la police. Jusqu’en 1958, le travail était considéré comme un privilège — en conséquence je n’étais pas autorisé à travailler. En revanche, en 1958, il a été considéré comme une punition ; j’ai donc dû travailler.
“Quand on est mis au secret pendant si longtemps, entre autres vexations, le principal ennemi à combattre est le temps. Il faut vaincre le temps.
“Voici comment j’ai résolu ce problème. Je me suis fortifié en choisissant une unité de temps. Si l’on considère la peine d’emprisonnement, en l’occurrence quinze ans, comme une unité, on se sent littéralement écrasé, tout simplement parce que cela dépasse notre imagination et que tout ce temps prend figure de monstre. Il faut donc se maîtriser et asservir le temps. Lorsque les chefs du présent monde tentent de gouverner une grande multitude de personnes dont ils ne sont pas maîtres, ils observent souvent ce principe : divisons pour régner !
“C’est ce que j’ai fait relativement au temps ; je l’ai divisé. Je n’ai pas basé mes calculs sur les années ou les mois, ni même sur les semaines ou les jours, mais tout au plus sur les heures. Par exemple, à 7 heures du matin je ne disais pas : Qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? mais : Que vais-je faire jusqu’à 9 heures ?
“Soudain tout devenait différent. Une ou deux heures n’inspirent pas de la crainte ; je pouvais aisément maîtriser ce temps. Mais un autre problème se posait : Que faire pendant ce temps ? Il n’était pas possible de se procurer un crayon et du papier. La seule occupation consistait à nettoyer la cellule et à manger. Même en faisant ces deux choses consciencieusement et aussi lentement que possible, elles ne suffisaient pas à remplir toute une journée. Évidemment, je passais mentalement en revue toutes les formes du service théocratique, de l’étude individuelle aux assemblées internationales et du service de maison en maison aux discours publics. Mais malgré cela, il restait toujours une ou deux heures creuses dans la journée, et c’étaient les plus dangereuses ; en effet, par négligence, découragement ou dépression, il aurait été facile de détruire tout ce que l’on avait laborieusement édifié durant la journée.
“Un jour, j’ai découvert une ‘montre’, qui m’a aidé pendant de nombreuses années à utiliser d’une manière utile ce laps de temps dangereusement improductif. J’ai remarqué qu’il restait encore deux heures avant le dîner. J’allais et venais dans ma cellule, cinq pas dans un sens et cinq pas dans l’autre, tout en chantant des cantiques du Royaume. Je terminais le trentième, quand la porte s’est ouverte, le dîner était servi. Je m’étais concentré sur le texte des cantiques, sans même me rendre compte du temps qui passait. Cette découverte me préserva pendant des années de la monotonie et du découragement. Durant plusieurs semaines je me suis appliqué à compléter mon recueil mental de cantiques du Royaume. Lorsque je ne connaissais pas le texte exact, je composais tout simplement une ou deux strophes. Je me servais de mélodies de chansons du monde que j’aimais, sur lesquelles j’adaptais un texte théocratique pour en faire un cantique du Royaume. Ainsi, mon recueil se composait de cent cantiques du Royaume, tous numérotés, que je pouvais chanter. Chaque cantique durant exactement quatre minutes, cela me permettait de savoir combien de cantiques je devais chanter pour que s’écoule un certain temps. Au fil des années, je chantais au moins pendant deux heures chaque jour, c’est-à-dire trente cantiques du Royaume. Ainsi, un jour où je n’avais pas envie de faire autre chose, j’ai eu l’occasion de chanter durant toute la journée, du matin au soir. Nos cantiques du Royaume sont vraiment une source d’encouragement et une mine de pensées édifiantes ! Sur la base du texte de chaque cantique on peut facilement développer un discours, ce qui constitue une autre façon d’occuper le temps sans souffrir spirituellement. En vérité, nos cantiques du Royaume sont de la nourriture en temps voulu.
“Je remercie sincèrement Jéhovah de m’avoir aidé de son esprit à rester spirituellement fort durant ces dix années au cours desquelles j’ai été coupé de son organisation. Je voudrais encourager les frères à apprécier pleinement toute la nourriture spirituelle qui nous est donnée, car nous ignorons de quelle valeur elle sera pour nous un jour. Si nous absorbons régulièrement la nourriture spirituelle en temps voulu, elle nous soutiendra dans les temps particulièrement difficiles, où nous serons seuls, et nous aidera à nous confier en Jéhovah et à endurer fermement à son côté.”
Du 1er septembre 1955 au 31 août 1961, la Société a conservé à Berlin-Ouest un magnifique bâtiment qui servait de bureau de la filiale, grâce auquel il a été possible de mieux faire face aux circonstances spéciales de cette ville divisée. C’était également une excellente disposition permettant d’entretenir des relations étroites sur le plan de l’organisation entre Berlin-Ouest et l’Allemagne de l’Est.
Ces relations que les témoins de Jéhovah de l’Allemagne de l’Est et de Berlin-Est pouvaient entretenir avec l’Ouest furent sérieusement compromises par un événement survenu en 1961, et contre lequel les témoins n’ont rien pu faire. Peu après la guerre, un flot sans cesse grossissant de réfugiés quittèrent l’Allemagne de l’Est pour se rendre à Berlin-Ouest et en Allemagne de l’Ouest, en règle générale, parce qu’ils étaient mécontents du régime. Les autorités de l’Allemagne de l’Est interdisant à leurs citoyens de sortir du pays, ceux-ci traversaient clandestinement la “frontière verte”, comme réfugiés. Les autorités tentèrent donc d’endiguer ce flot de réfugiés en multipliant les contrôles à la frontière, en vérifiant l’identité des gens dans les trains et dans les rues, et au moyen de lois plus strictes contre la “fuite hors de la république”. Un moyen relativement facile de se rendre à l’Ouest consistait à passer par le secteur Est de Berlin. Dans la première moitié de 1961, le flot des réfugiés s’élevait à 20 000 personnes par mois ; en juillet il dépassait 30 000. Au total, plus de trois millions d’Allemands de l’Est, soit un sixième de la population, avaient abandonné leur maison et leurs biens en Allemagne de l’Est pour se réfugier à Berlin-Ouest et en Allemagne de l’Ouest.
Pour empêcher de nouvelles fuites hors de leur territoire, les autorités communistes prirent des mesures draconiennes. Le 13 août 1961, tôt le matin, les communistes commencèrent à construire un mur de béton et de fils barbelés en dégageant un terrain appelé “couloir de la mort” ; ils installèrent des systèmes d’alarme automatiques et postèrent des gardes, prêts à tirer, tout au long des cinquante kilomètres séparant les secteurs Est et Ouest de la ville ainsi que sur les cent vingt kilomètres de frontière entre les trois secteurs occidentaux et l’Allemagne de l’Est. L’étau se resserra donc autour de Berlin-Ouest, et arrêta d’un seul coup l’importante circulation qui, en dépit des contrôles, se faisait entre les deux secteurs de la ville. Désormais, les témoins de Jéhovah de l’Allemagne de l’Est ne pourraient plus se procurer des publications en allant à Berlin-Ouest ou en communiquant avec le bureau de la filiale établi dans ce secteur ; ils ne pourraient pas davantage assister aux assemblées organisées en Allemagne de l’Ouest.
Bien sûr, auparavant il n’était pas facile de se procurer des publications. Les autorités communistes avaient interdit de faire entrer des imprimés en Allemagne de l’Est et toute infraction était sanctionnée. Lorsque au poste frontière des frères étaient pris en possession des publications bibliques de la Société, ils étaient condamnés à de longues peines de prison. En conséquence, de tels voyages nécessitaient une foi forte et une entière confiance en Jéhovah.
Depuis le début de la persécution en 1950 jusqu’au “mur de Berlin” construit en 1961, les autorités de l’Allemagne de l’Est arrêtèrent 2 897 témoins de Jéhovah, 2 202 d’entre eux, y compris 674 sœurs, furent traduits devant les tribunaux et condamnés au total à 12 013 ans de prison, soit en moyenne 5 ans et demi par personne. Au cours de leur emprisonnement, trente-sept frères et treize sœurs moururent à la suite de mauvais traitements, de maladie, de malnutrition ou de vieillesse. Douze frères condamnés originellement à la prison à vie ont eu leur peine commuée en quinze ans de réclusion.
Les frères d’Allemagne de l’Est s’adaptèrent très vite à la nouvelle situation provoquée par le “mur de Berlin”. On employa d’autres moyens pour leur procurer la nourriture spirituelle dont ils avaient besoin, et ils poursuivirent leur ministère chrétien avec beaucoup de zèle. De toute évidence, les autorités communistes ne s’attendaient pas à cela. Elles s’efforcèrent d’introduire des espions dans l’organisation, qui visitaient les personnes connues comme témoins de Jéhovah et prétendaient être des frères envoyés par la Société pour organiser l’œuvre en fonction des circonstances nouvelles. Mais les frères avaient reçu une bonne formation ; ils reconnurent immédiatement ces espions.
Au fil des années, le nombre des frères arrêtés et emprisonnés diminua nettement. En 1963, il n’y eut que quinze nouvelles arrestations et neuf en 1964; dans le même temps, quatre-vingt-seize frères, puis quarante-huit, furent relâchés après avoir purgé de longues peines d’emprisonnement. En été 1964, quatre frères qui se trouvaient en prison depuis de nombreuses années eurent une grande surprise. Condamnés originellement à la prison à vie, ils furent soudain libérés et envoyés en Allemagne de l’Ouest. Ils y arrivèrent juste à temps pour assister à une assemblée. Ils croyaient rêver. Seulement quelques jours auparavant, ils étaient encore dans les froides prisons de l’Allemagne de l’Est, où s’assembler librement avec les frères n’était qu’un rêve. Et voilà que se réalisait tout à coup ce désir caché dans leur cœur. Deux de ces frères, Friedrich Adler et Wilhelm Engel, étaient membres de la famille du Béthel de Magdebourg. Friedrich Adler avait été arrêté et emprisonné en 1950, deux mois avant l’interdiction de l’œuvre, tandis que Wilhelm Engel avait été arrêté avec d’autres frères lorsque le Béthel avait été saisi le 30 août 1950. En raison de sa santé chancelante, les autorités confièrent frère Engel aux services de la Croix-Rouge, à la frontière du secteur de Berlin. Il fut immédiatement admis dans un hôpital où il mourut quelques semaines plus tard. Ces frères avaient déjà été internés pendant neuf ans sous le régime hitlérien ; ainsi, ils avaient passé au total vingt-trois années en prison à cause de leur foi. Friedrich Adler revint servir au Béthel, mais à Wiesbaden cette fois. Il a pu se remémorer une longue vie, fertile en événements, passée dans le service à plein temps, puisqu’il avait déjà servi comme pèlerin dans les années 1920. Affaibli par sa longue captivité, il acheva sa course terrestre en décembre 1970.
En novembre 1964, les autorités communistes assenèrent un nouveau coup aux frères de l’Allemagne de l’Est. Quelque temps auparavant, le service militaire avait été rendu obligatoire pour tous les citoyens. Les jeunes frères avaient refusé d’être soldats, mais on les traitait généralement avec considération, respectant leur position. Mais un matin, avant le lever du jour, on arrêta 142 frères. Ce changement d’attitude inattendu constituait une épreuve de foi pour ces jeunes témoins. On les mit dans un camp de travail. On tenta d’abord de les amener à travailler comme “soldats aux travaux publics”, une sorte de service civil, mais tous refusèrent unanimement. Malgré la punition qui s’ensuivit, ils demeurèrent fermes, et les autorités cessèrent leurs pressions coercitives. Elles exigèrent des frères un dur travail à la construction de lignes de chemin de fer ; leur tâche commençait à quatre heures du matin et ne se terminait pas avant neuf heures le soir. Quand ils ne travaillaient pas, on leur faisait un cours dans l’intention de les convaincre que les responsables parmi les témoins de Jéhovah étaient des agents de l’Ouest. La plupart des jeunes frères avaient connu la vérité après l’interdiction de l’œuvre ; aussi les autorités étaient-elles étonnées de voir des jeunes gens défendre sans crainte les principes du vrai christianisme, en dépit de l’endoctrinement massif de la jeunesse aux idéologies communistes athées.
Au cours de 1965, les espions et les agents secrets du ministère de la Sécurité de l’État surveillèrent et molestèrent nos frères d’une manière plus intensive. On perquisitionna à un grand nombre de foyers et on arrêta les frères dans les rues pour les interroger. On installa des appareils “mouchards” dans les automobiles, dans les maisons et même dans les chambres à coucher des frères. Les autorités s’efforcèrent de leur donner l’impression qu’elles étaient au courant de tous leurs mouvements.
Évidemment, les autorités réussirent à glaner de nombreux détails en “écoutant” les conversations franches des frères. Lors des interrogatoires, la police secrète laissait entendre que les informations qu’elle avait rassemblées au sujet de l’œuvre venaient du “monde capitaliste”, donnant ainsi à penser que les frères occidentaux montraient une certaine insouciance. Elle essayait donc de semer le doute et le manque de confiance à l’égard du Collège central et des frères travaillant dans les bureaux de la Société. Mais les frères de l’Allemagne de l’Est ne se laissèrent pas troubler par ces manœuvres, et avec le temps ils commencèrent à mieux réaliser à quel point les espions avaient resserré leur filet autour d’eux.
Cela devint particulièrement manifeste en novembre 1965. Un certain jour, tôt le matin, des groupes de huit policiers occupèrent et fouillèrent pendant plusieurs heures les foyers des frères dans tout le pays. Ils arrêtèrent quinze frères considérés comme “meneurs” et les gardèrent en prison de neuf à treize mois, jusqu’à ce qu’on puisse porter une accusation contre eux et les juger. En 1966, ils furent condamnés à des peines allant jusqu’à douze ans de prison, la moyenne étant supérieure à sept ans.
Tandis que ces frères étaient traités comme des criminels irréductibles, la police secrète traquait les autres témoins qui prêchaient la bonne nouvelle et se rassemblaient en petits groupes pour adorer Jéhovah, à l’exemple des frères que l’on venait de condamner. La police leur proposa d’établir un rapport de leur activité et de lui soumettre les noms de ceux qui participent au ministère — ceci bien entendu pour la sécurité de l’État — après quoi ils pourraient continuer à se réunir par petits groupes, à recevoir des publications bibliques et garder le contact avec leurs frères des autres pays. Mais les frères rejetèrent l’offre malhonnête des autorités. L’un des officiers se plaignit en disant : “Nous pensions avoir éliminé vos chefs, mais en fait votre œuvre échappe à notre surveillance.”
Au cours de l’année 1969, quatorze des quinze frères arrêtés pendant la campagne de 1965 furent soudain relâchés, après avoir passé environ quatre années en prison. La majorité d’entre eux furent envoyés en Allemagne de l’Ouest. Le dernier du groupe a été arbitrairement maintenu en prison pendant un an encore, jusqu’en septembre 1970.
Depuis lors, la police secrète a changé de tactique ; elle se sert actuellement des forces de police régulières et d’autres agents de l’État pour tracasser les frères. Dans certains endroits, la police a condamné les frères à payer de fortes amendes parce qu’ils troublaient soi-disant la paix par leur prédication ou leurs réunions. Un certain nombre de frères réussirent à faire suspendre ces amendes en faisant appel à la liberté religieuse garantie par la constitution et en demandant à être confrontés avec les témoins dont la paix avait été troublée. Comme vous vous en doutez, ces témoins n’existaient pas.
Dans d’autres localités, les autorités ont tenté de faire pression d’une autre manière sur les frères. Elles les ont chassés de leur maison, leur attribuant des logements sans confort, les ont fait travailler pour un salaire de misère et ont refusé aux jeunes frères la formation spéciale qui leur aurait procuré un métier.
Depuis que l’œuvre en Allemagne de l’Est a été coupée du monde extérieur par la construction du “mur de Berlin” en 1961, des milliers de personnes ont entendu la bonne nouvelle, appris la vérité, se sont vouées à Dieu et se sont fait baptiser. Elles constituent la preuve vivante que l’opération de l’esprit de Jéhovah ne peut être entravée, même par des murs et des forteresses construits par les hommes. Ainsi, les témoins de Jéhovah de l’Allemagne de l’Est, qui, depuis plus de vingt-trois ans maintenant, travaillent dans la clandestinité et au sein de grandes difficultés, peuvent dire avec le roi David : “Avec mon Dieu je franchis une muraille.” — Ps. 18:30 18:29, MN.
DES CAMPAGNES DE PRÉDICATION FRUCTUEUSES
Pendant ce temps, en Allemagne de l’Ouest, l’attention des gens était sans cesse attirée sur le message du Royaume. La campagne de 1949 avec La Tour de Garde a permis à des dizaines de milliers de personnes de recevoir régulièrement chez elles de la nourriture spirituelle. Il fallait proposer l’abonnement à La Tour de Garde à toute personne assistant à l’étude faite sur la base de ce périodique ainsi qu’à toutes les personnes bien disposées. Avons-nous atteint notre but ? Jugez-en vous-même : Au cours de l’année de service 1949, nous avons obtenu 59 475 abonnements ! Un chiffre que nous n’avons jamais atteint depuis lors.
L’activité dans les rues avec les périodiques fut un autre moyen de diriger l’attention du public sur le message vital du Royaume de Dieu. Cette activité fut également une écharde dans la chair des membres du clergé. Dans la Bavière catholique, on essaya d’empêcher la diffusion des périodiques dans les rues en promulguant des lois et des règlements sur la circulation. On prétendit que certains groupes religieux s’étaient sentis attaqués. Toutefois, leurs protestations furent réduites au silence lorsqu’en 1954 les États de Bavière et de la Hesse envoyèrent un arrêté à tous les officiers de police, spécifiant que le ministère tel qu’il est accompli par les témoins de Jéhovah ne doit pas faire l’objet de restrictions légales.
Une campagne spéciale destinée à porter le message du Royaume dans tous les territoires isolés fut organisée pour les mois d’été (juillet et août) 1956. Les frères travaillèrent avec un enthousiasme sans précédent, couvrant au moins 80 pour cent de tous les territoires isolés. Cette année-là très peu de personnes en Allemagne de l’Ouest ne furent pas visitées par un ministre de la bonne nouvelle. Mais les témoins rencontrèrent souvent de l’opposition, comme l’atteste le rapport suivant : “Le village tout entier était sens dessus dessous. Les enfants nous suivaient de maison en maison et nous présentaient de sorte que la personne nous ferme immédiatement la porte au nez. Il fut impossible de placer ne serait-ce qu’un seul livre dans le village.”
Une semaine plus tard, la même congrégation visita un autre village dans le même territoire. Les proclamateurs se réunirent à la gare pour examiner le texte du jour et revoir quelques présentations du message, quand un homme se joignit aux proclamateurs pour les écouter. Il reçut le témoignage exactement comme si un témoin de Jéhovah s’était présenté à sa porte. Lorsque le frère eut fini, l’étranger sortit son portefeuille et dit : “J’aimerais avoir ces livres.” Les frères apprirent ensuite que cet homme habitait le village visité la semaine précédente, où aucun livre n’avait été placé. Malgré l’opposition manifestée dans les territoires ruraux où le clergé exerçait encore une influence sur les habitants, au cours de ces deux mois les proclamateurs ont placé 166 pour cent de livres et 60 pour cent de périodiques de plus que pendant les mêmes mois de l’année précédente.
Outre ces campagnes, il y en eut d’autres avec des tracts et des brochures. Lors de l’assemblée internationale de “La volonté divine” qui se déroula en 1958 à New York, une importante résolution fut adoptée. On prit des dispositions pour la diffuser dans le monde entier en décembre, et soixante-dix millions d’exemplaires furent imprimés en cinquante langues, dont sept millions en allemand. Ces tracts furent remis personnellement aux occupants des foyers visités, après quelques brèves paroles d’introduction. Lorsque les prêtres des régions catholiques se rendaient compte du contenu des tracts diffusés, ils mettaient en garde les villageois. Mais après quatre semaines d’activité zélée, nous avions tout lieu de nous réjouir, car cette campagne ayant fourni une bonne occasion de faire débuter les nouveaux dans le ministère du champ, la plupart des congrégations ont pu rapporter un accroissement en proclamateurs de 10 à 50 pour cent, soit 11,6 pour cent d’accroissement dans le pays tout entier.
DIEU DONNE À SES SERVITEURS “UNE LANGUE EXERCÉE”
Comme un certain nombre “d’ouvriers” continuaient de se joindre volontairement à l’organisation de Jéhovah, celui-ci, par l’entremise de la classe de son “esclave fidèle”, prit des dispositions pour que tous, jeunes et vieux, reçoivent la formation nécessaire. Ainsi, ses serviteurs ont acquis “une langue exercée”. (És. 50:4.) Cela a été une cause d’accroissement. Le monde a également remarqué les effets que cette formation a produits sur les témoins. Par exemple, un journal rapporta que le jeune Ingo Rücker, âgé de onze ans, avait gagné un concours de lecture, à Recklinghausen. “Seuls les étrangers seraient surpris, car dans le fond sa victoire était assurée. En fait, le jeune Ingo Rücker, âgé de onze ans, s’exerçait à la lecture depuis trois ans, ... à l’École du ministère des témoins de Jéhovah (...). Il était le meilleur lecteur de l’école Josef, bien que la lutte ait été serrée jusqu’à la fin ... entre lui et une fillette qui assistait également à l’École du ministère.” Un surveillant de circonscription écrivit ce qui suit après avoir visité la congrégation de Lörrach : “Une chose peu courante se produisit mardi soir. Dans le cadre des devoirs présentés par les sœurs, on vit tout à coup une sœur âgée monter sur l’estrade. Non seulement elle développa son sujet d’une manière vivante, sans notes et uniquement à l’aide de la Bible, mais elle observa aussi toutes les règles de l’art oratoire. Quand on lui demanda son âge, elle nous répondit qu’elle avait eu quatre-vingt-dix ans quelques semaines auparavant.”
Une étape importante dans cette formation progressive a été franchie le 13 novembre 1960, lorsque l’École du ministère du Royaume accueillit sa première classe. Cette école a pour but de donner une formation poussée aux surveillants de congrégation. Nous avons actuellement trois écoles en activité, à Wiesbaden, à Hambourg et à Munich.
1948 — ET VINGT ANS APRÈS
Pendant certaines années, le nombre de proclamateurs de la bonne nouvelle a augmenté de façon considérable, mais nous avons également connu des années sans aucun accroissement. L’année de service 1948 s’est terminée avec un accroissement de 83 pour cent. La moyenne mensuelle en heures s’élevait à 16 par proclamateur. Voici l’accroissement obtenu au cours des années suivantes : en 1949, 33 pour cent d’accroissement ; en 1950, 23 pour cent, et en 1951, 26 pour cent.
Pendant ce temps-là, les difficultés économiques et autres n’ont pas cessé et le nombre de chômeurs a dépassé les deux millions vers la mi-février de l’année 1950. À la fin du mois de septembre 1952, le nombre de chômeurs restait encore de 1 249 000. À partir de ce moment-là, ce nombre a commencé à baisser, lentement d’abord, puis plus vite.
Il y a eu également un autre changement. Le nombre de proclamateurs actifs dans les congrégations ne cessait d’augmenter tous les ans, mais le nombre de proclamateurs de la bonne nouvelle à plein temps n’augmentait pas au même rythme. Au contraire, alors qu’en 1955 il y avait 21 641 proclamateurs de plus qu’en 1950, c’est-à-dire presque deux fois plus que cette année-là, on enregistrait 200 pionniers de moins qu’en 1950. Le minimum a été atteint en 1956: la proportion de proclamateurs dans le service à plein temps était tombée à 1,6 pour cent, alors qu’en 1950, elle s’élevait à 4,4 pour cent.
L’Allemagne devenait un pays prospère. Le chômage avait disparu et on connaissait ce que tout le monde appelait le “miracle économique”. Cela a influencé le point de vue de certaines personnes qui fréquentaient les témoins de Jéhovah. À partir du mois d’avril jusqu’en juillet 1963, on a enregistré une baisse dans le nombre de proclamateurs et dans le nombre d’heures consacrées au ministère du champ. En juillet, il y a eu 6 000 proclamateurs actifs de moins qu’en avril et 40 000 heures de moins ont été consacrées à l’œuvre de prédication.
Bien sûr, la majorité des frères ont persévéré dans le ministère et leur travail a été béni. De 1965 à 1967, 9 325 personnes se sont fait baptiser. Cependant, la moyenne du nombre de témoins actifs en 1967 ne dépassait celle de 1965 que de 400 proclamateurs, tandis que par rapport au maximum, il y avait une baisse de 437 proclamateurs ! Il était évident que certains frères s’étaient relâchés en cultivant le désir d’acquérir des biens matériels et que leur zèle s’était refroidi, car ils avaient cédé au désir de ce que le monde offre. D’autres sont même devenus inactifs. En outre, dans l’année de service 1964, par exemple, 569 personnes ont été exclues, la plupart pour immoralité. Seulement 95 d’entre elles ont demandé à être réintégrées.
Une amélioration s’est fait sentir à partir de l’année de service 1968. Le dur combat engagé contre le matérialisme évitait des pertes aussi lourdes qu’auparavant. On enregistrait d’excellents progrès sur tous les fronts. Nous avions désormais 466 pionniers spéciaux, le nombre de pionniers ordinaires s’élevait à 2 651, et au cours de l’année, nous avons atteint un maximum de 7 163 ministres à plein temps. Après trois années sans obtenir aucune progression, l’année de service s’est terminée avec 3 pour cent d’accroissement. Les choses prenaient un nouveau départ.
Du 4 juillet au 11 août 1968, nous avons tenu onze assemblées de district. Le livre intitulé La vérité qui conduit à la vie éternelle a été publié. Grâce au bureau de Brooklyn, nous avons pu disposer par proclamateur d’un livre personnel plus cinq exemplaires supplémentaires en vue de leur diffusion. Pendant la campagne du mois d’août, nous avons placé 139 471 livres, ce qui représentait un nouveau maximum. La demande était grande. Jusqu’à la fin du mois de mars 1973, nous en avons imprimé sur nos presses de Wiesbaden 2 900 115 exemplaires en allemand, et 1 715 338 exemplaires en quatre autres langues. Étant donné l’effet qu’il produisait et sa couverture bleue, ce livre n’a pas tardé à être surnommé “la bombe bleue”.
Lors des assemblées de circonscription suivantes, nous avons pu entendre d’intéressants faits de prédication en rapport avec l’efficacité de ce livre. Une sœur raconte : “Quand nous avons reçu le livre Vérité, j’étais loin de me douter de la valeur de l’auxiliaire biblique que nous avions entre les mains. Pendant mon service de maison en maison, j’ai commencé aussitôt à demander aux gens de la ville où j’habite s’ils aimeraient apprendre les principes de la Bible en peu de temps à l’aide de ce livre. J’ai été fort surprise de voir une femme très religieuse, dont je savais qu’elle et sa sœur dirigeaient le chœur à l’église, me déclarer : ‘J’ai toujours eu le désir de connaître la Bible. Je n’ai jamais eu l’occasion de le faire et je suis heureuse que vous m’aidiez.’ J’avais du mal à le croire. Elle étudie maintenant régulièrement depuis deux mois et elle fait d’excellents progrès. (...) Une femme influente et aisée a accepté d’étudier la Bible en ma compagnie. La semaine dernière, elle m’a déclaré : ‘Ce livre parle vraiment de lui-même. Je n’ai jamais lu un ouvrage aussi clair.’ Cela a déclenché une réaction en chaîne. Pleine de zèle, je suis allée trouver ma voisine pour l’aider également. Ce mois-ci, une femme a commencé d’étudier et pas moins de quatre personnes attendent un prochain envoi de livres pour étudier et sont prêtes à prendre les dispositions pour trouver un moment approprié. (...) Je peux vous dire que dans notre ville le bruit court qu’aujourd’hui la chose à la mode, c’est d’étudier la Bible avec les témoins de Jéhovah.”
C’est devenu plus facile de commencer des études bibliques avec ce nouveau livre. On le constate au fait que le nombre d’études bibliques en 1969 a été de 47 691. Au cours de l’année, 6 678 personnes se sont fait baptiser. C’était le meilleur chiffre depuis 1955. En mai 1970, nous avons atteint 86 222 proclamateurs. C’était non seulement le cinquième maximum consécutif, mais aussi la première fois que nous avions plus de proclamateurs pendant le mois de mai qu’en avril. Au mois d’octobre de la même année, nous avons atteint un autre maximum, cette fois-ci de 86 489 proclamateurs. Si l’on compare avec le chiffre de proclamateurs obtenu en 1968, cela représente un accroissement de 7 718 proclamateurs. Cet accroissement rapide reflétait la bénédiction de Jéhovah sur ses serviteurs terrestres. Sans aucun doute, le livre Vérité a joué un rôle important dans cet accroissement.
LES ASSEMBLÉES RENDENT ÉGALEMENT TÉMOIGNAGE
Les assemblées ont été très utiles pour faire connaître le nom de Jéhovah et accroître le nombre de proclamateurs du Royaume en Allemagne. Depuis la première assemblée d’après-guerre, qui s’est tenue à Nuremberg et rassemblait 9 000 assistants, et l’assemblée de Kassel en 1948, jusqu’aux dernières assemblées qui comptaient plus de 100 000 assistants, un grand nombre de changements ont été apportés dans le domaine de l’organisation, des problèmes ont été résolus et de nouvelles idées se sont développées.
Du 24 au 26 août 1951, des délégués venus de vingt-quatre nations se sont réunis à Francfort-sur-le-Main lors de l’assemblée de “L’adoration pure”. Mais avant de pouvoir réunir ces 34 542 délégués le vendredi matin, il a fallu passer bien des heures angoissantes à résoudre des problèmes. De quel ordre ? Un important traiteur de la ville avait promis de cuire nos repas, mais au fur et à mesure que le moment de tenir l’assemblée approchait, il était de moins en moins désireux de tenir parole. Que faire ? La Société a acheté 51 grosses marmites autoclaves fonctionnant au gaz, au charbon et à la vapeur, d’une contenance de 300 litres chacune, et elle a construit ses propres cuisines. Le matériel indispensable pour convertir tous les autoclaves au gaz n’étant pas disponible, il a donc fallu les convertir à la vapeur. Il a fallu passer des journées entières à souder des tuyaux, qui avaient été achetés avec pas mal de difficultés auprès de marchands de ferraille. Certaines parois des autoclaves avaient l’épaisseur du papier et devaient être renforcées. Le problème suivant était d’obtenir la vapeur nécessaire. Nous avons traité avec la compagnie de chemin de fer de Francfort et nous avons eu le droit de nous servir d’une locomotive qui était rangée sur une voie de garage inutilisée. Cette locomotive n’arrivait pas à produire de la vapeur à basse pression. Nous avons donc dû trouver un moyen de réduire la pression au vingt-quatrième. Le problème a enfin été résolu, on a ouvert la vapeur, et en l’espace de quinze minutes les marmites autoclaves à vapeur étaient prêtes à servir. Les journalistes étaient étonnés de notre travail. Ils ont ajouté à notre actif l’activité de prédication zélée de nos frères qui a contribué à réunir 47 432 personnes pour écouter la conférence publique de frère Knorr intitulée “La religion résoudra-t-elle la crise mondiale ?”
Sans aucun doute, l’événement marquant de 1953 a été l’assemblée de “La société du monde nouveau” tenue à New York. Les 284 frères d’Allemagne qui ont pu y assister étaient débordants d’enthousiasme. Deux assemblées analogues à celle de New York se sont tenues en Allemagne, l’une à Nuremberg pour l’Allemagne de l’Ouest, et l’autre à Berlin, une semaine plus tard, pour les frères de la capitale et d’Allemagne de l’Est. Dans la ville de Nuremberg, trente-huit tentes ont été montées pour des dortoirs collectifs et plus d’un millier de tentes particulières. Des efforts ont également été déployés pour obtenir des chambres chez des particuliers, ce qui a créé des problèmes pour les ecclésiastiques de cette ville. Le journal Nürnberger Evangelischen Gemeindeblatt a publié un article intitulé “Attention à l’assemblée des témoins de Jéhovah”. On y lisait entre autres : “Une difficulté particulière vient de surgir, car certains membres de l’Église évangélique ont fourni de bonne foi aux témoins de Jéhovah un logement gratuit. Les ecclésiastiques ont demandé dans la plupart des cas à ceux qui avaient agi ainsi d’annuler leur invitation.” Mais cette action s’est retournée contre eux. Davantage de personnes ont ensuite accepté de nous offrir une chambre. Le clergé se trouvait vraiment devant un problème !
Deux années plus tard, l’assemblée internationale du “Royaume triomphant” s’est tenue sur les mêmes lieux de cette ville, dans le stade Zeppelin. Cette assemblée était très impressionnante ; soixante-deux nations y étaient représentées. Une estrade spectaculaire dominait le formidable stade Zeppelin. La tribune en pierre mesurait 300 mètres de long et, sur toute cette longueur, un escalier de 75 marches montait jusqu’à une colonnade comportant 144 colonnes.
En plus des chambres retenues dans les hôtels et dans les maisons particulières, une immense ville de toile pouvait contenir 37 000 personnes. De vastes tentes, servant chacune de dortoir pour 600 personnes, ont été montées. Les matelas étaient des sacs remplis de paille.
La cérémonie du baptême s’est déroulée le vendredi matin. Un total de 4 333 personnes ont symbolisé leur offrande de soi par le baptême d’eau. Certains de ces nouveaux frères étaient d’Allemagne de l’Est, car plus de 4 000 assistants venaient de ce pays. Le vendredi soir, les assistants ont entendu une émission d’une station de radio contrôlée par les communistes ; elle menaçait les témoins de Jéhovah venus de l’Est pour assister aux assemblées de Nuremberg ou de Berlin d’être arrêtés à leur retour. Des milliers ont refusé de se laisser intimider.
Combien y a-t-il eu d’assistants au discours de frère Knorr, qui avait fait l’objet d’une vaste campagne publicitaire ? Le périodique Neue Illustrierte, en date du 20 août, a écrit : “Le ‘Stade Zeppelin’, dans lequel Hitler avait naguère déclaré qu’il exterminerait les ‘témoins de Jéhovah’, était archicomble.” Effectivement, puisque 107 423 personnes ont écouté attentivement le sujet “Conquête prochaine du monde par le Royaume de Dieu”. Plus de vingt mille habitants de Nuremberg étaient venus. Au moment où le président commençait ses paroles de clôture, il s’est mis à pleuvoir — à verse — mais les assistants sont restés assis, et quand frère Knorr eut fini, la pluie avait cessé. Il s’est alors passé quelque chose que nous n’oublierons jamais. Un magnifique arc-en-ciel apparut dans les cieux. C’était une vue émouvante. En signe d’adieu, frère Knorr agita son mouchoir, et en retour le stade entier a été transformé en ce qui paraissait être un champ de fleurs blanches ondulant sous la brise. Beaucoup avaient les larmes aux yeux. Les milliers d’assistants ont pris le chemin du retour, fortifiés dans la foi et mieux équipés pour leur service à venir.
En 1961, l’assemblée internationale suivante s’est tenue à Hambourg, le plus grand port d’Allemagne. Nous avons eu beaucoup de problèmes. Le plus important concernait le terrain de l’assemblée, qui était une vaste pelouse (de 80 000 mètres carrés) située dans le plus vaste parc de la ville de Hambourg. L’assemblée a commencé avec la pluie et la pelouse n’a pas tardé à devenir un champ boueux. Du premier au dernier jour, la pluie n’a pas cessé de tomber ! Il était encourageant de voir des dizaines de milliers de personnes entrer à flots chaque jour sur les lieux de l’assemblée pour écouter le programme, protégées sous un ciel de parapluies. Les journalistes et les photographes présents étaient stupéfaits de voir que l’assemblée n’était pas affectée par la pluie et la boue. Le journal Hamburger Morgenpost a écrit : “On est obligé de reconnaître que ces personnes sont heureuses, même dans la boue et sous la pluie. Elles forment une foule bariolée. Il est étonnant de voir le grand nombre de jeunes gens parmi ces personnes. (...)” Un officier de police a déclaré à un représentant du bureau du congrès : “C’est la plus grande assemblée qui ait jamais eu lieu à Hambourg, et pourtant nous ne nous inquiétons pas, car tout se déroule calmement. Nous savons que vous pourriez y arriver sans notre aide, mais nous pensons que c’est une bonne formation pour nos agents et nous espérons que vous ne voyez pas d’inconvénient à ce qu’ils soient présents parmi vous.”
C’est ainsi que plusieurs milliers de frères d’Allemagne de l’Est ont eu pour la dernière fois l’occasion d’assister à une assemblée. Quelques jours plus tard, le “mur de Berlin” a été construit et le rideau de fer était fermé plus hermétiquement.
La pluie a provoqué de grands dégâts sur la pelouse du parc. Mais après la fin de l’assemblée, les frères ont recouvert l’ensemble d’un nouveau terreau et replanté la pelouse. Le parc était même encore plus joli qu’auparavant, et cela au profit des fonctionnaires et des habitants de Hambourg. La façon dont la pelouse du parc a été replantée et dont nos frères ont persévéré sous la pluie a fait une profonde impression sur la population de Hambourg.
En 1963, l’assemblée de “La bonne nouvelle éternelle”, tenue autour du monde, a eu lieu pour l’Allemagne à Munich, capitale de la Bavière. Le stade de Thérèse nous a servi de “Salle du Royaume”.
Les travaux de préparation, ainsi que l’assemblée elle-même, ont fait une vive impression sur les habitants de Munich, y compris les hommes d’affaires et les fonctionnaires. Un agent de police désigné pour travailler sur les terrains de l’assemblée a déclaré à un frère : “Vous savez, je suis content d’être ici. Je suis plus à l’aise. J’aime la sincérité et la droiture de ces personnes. C’est exactement l’opposé de l’assemblée eucharistique qui s’est tenue ici il y a deux ans.” Des observateurs honnêtes et francs faisaient souvent ce genre de comparaison. De telles impressions étaient durables. Trois années plus tard, un homme d’affaires de Munich déclara à un frère que ses compagnons de travail dans un grand magasin de la ville avaient remarqué que lors de chaque grand rassemblement à Munich, le nombre de vols à l’étalage augmentait toujours. Pendant notre assemblée, ils s’attendaient à cette augmentation et ils ont été très surpris de voir que ce n’était pas le cas du tout pendant l’assemblée. Ils en étaient sidérés. Ainsi, l’assemblée de “La bonne nouvelle éternelle”, comme toutes les assemblées précédentes, a contribué à faire connaître le nom de Jéhovah, ses desseins et son peuple.
LA BONNE NOUVELLE DOIT ÊTRE PRÊCHÉE AUX GENS DE TOUTES LES NATIONS
L’Allemagne n’est qu’une partie du champ mondial dans lequel la bonne nouvelle doit être prêchée (Marc 13:10). L’École biblique de Galaad a obtenu d’excellents résultats en formant des missionnaires et en les envoyant à différents endroits de ce champ mondial. Filip Hoffman, le premier diplômé de Galaad envoyé en Allemagne, est arrivé en 1949.
En 1951, il a été suivi par quatre autres missionnaires. En parlant du passé, ces derniers s’amusent souvent de la réaction que frère Frost a dû avoir quand ils se sont présentés au Béthel. Ce frère avait demandé à frère Knorr d’envoyer quelques diplômés en Allemagne afin qu’ils aident à accomplir l’œuvre. Mais quand il les a vus arriver tous les quatre, il a dû se dire qu’ils étaient bien jeunes, étant donné qu’ils avaient à peine plus de vingt ans. Au cours des années suivantes, treize missionnaires étrangers ont reçu une affectation en Allemagne. Onze d’entre eux sont toujours dans le ministère à plein temps dans différents pays (l’une est morte dans son territoire en 1972, après vingt années de service fidèle) et sur ces onze, neuf s’occupent toujours de l’œuvre en Allemagne, soit au Béthel, soit dans le service itinérant. En 1956, trois d’entre eux sont venus de Suisse quand le service de la traduction a été déplacé de Berne à Wiesbaden, et ils occupent toujours cette charge.
Alice Berner appartient à ce groupe de serviteurs de longue date. Écoutons-la raconter brièvement son intéressante carrière : “Au cours du mois de janvier 1924, j’ai commencé mon service de pionnier à plein temps en Suisse. Environ six mois plus tard, j’ai été appelée au Béthel à Zurich. Peu de temps après, nous avons été transférés au nouveau Béthel à Berne. Au fil des ans, j’ai travaillé dans un grand nombre de services différents. En 1932, j’ai été affectée à Paris, où j’ai effectué un service intermittent, car je devais parfois quitter le pays et faire pendant quelque temps le service de pionnier en Belgique parce que les autorités françaises ne m’accordaient pas de visa permanent. Je suis restée ainsi environ trois années à Paris. En 1935, la Société a participé à l’exposition internationale de Bruxelles pendant laquelle j’ai eu le privilège de servir au stand des publications. J’ai ensuite été rappelée à Berne, où j’ai travaillé pendant dix ans jusqu’à ce que je sois appelée en 1946 pour assister à la huitième classe de Galaad. Ensuite, je suis revenue en Suisse où j’ai de nouveau passé dix années d’un service joyeux, après quoi trois d’entre nous ont reçu une nouvelle affectation en Allemagne. Je remercie Jéhovah de toute la bonté qu’il m’a témoignée, en me permettant de connaître une vie riche et heureuse, remplie des merveilleuses occasions que procure son service.” Sœur Berner est toujours un exemple encourageant pour les membres de la famille du Béthel, car elle continue chaque jour d’assumer son travail de traduction.
Pour un grand nombre de frères allemands, l’arrivée de missionnaires en Allemagne s’est avérée un encouragement à suivre les cours de l’École de Galaad et à entreprendre l’œuvre missionnaire. Jusqu’à présent, l’Allemagne a fourni 183 diplômés de Galaad. Vingt-neuf d’entre eux sont revenus dans leur pays natal en tant que pionniers spéciaux, ministres itinérants ou membres de la famille du Béthel, tandis que les autres ont été envoyés dans d’autres pays un peu partout dans le monde.
Une disposition spéciale a été prise pour aider ceux qui désiraient assister à l’École de Galaad à améliorer leur anglais. Au printemps de l’année 1973, il y avait seize congrégations d’expression anglaise en Allemagne, totalisant 450 proclamateurs et 130 serviteurs à plein temps. Ceux qui se préparent pour aller à Galaad sont envoyés dans ces congrégations où ils participent aux réunions et au ministère du champ dans un territoire d’expression anglaise. Depuis 1967, date de la formation de la première congrégation d’expression anglaise à Wiesbaden, environ 250 personnes ont été baptisées.
Au cours des dernières années, environ quatre-vingt-quinze pionniers spéciaux d’Allemagne ont été envoyés dans les pays européens ou africains afin d’y poursuivre leur activité de pionnier spécial. Sans avoir aucune notion de la langue étrangère dont ils auraient besoin, certains étaient disposés à servir à l’étranger. Ils acceptaient cependant de déployer des efforts particuliers pour apprendre une nouvelle langue afin de pouvoir servir dans les pays où ils seraient utiles. Par exemple, quatre pionniers spéciaux ont reçu un cours de français accéléré en une semaine au Béthel de Wiesbaden avant d’être envoyés au Tchad, en Afrique. Bien sûr, ils ont dû continuer d’étudier la langue sur place, mais ils n’ont pas tardé à se faire comprendre et ils ont poursuivi leur ministère sous l’éclatant soleil d’Afrique.
Depuis quelques années, un grand nombre de personnes venues d’autres pays se sont également installées en Allemagne. Étant donné l’économie en expansion, le gouvernement a décidé de faire entrer dans le pays des travailleurs étrangers. Ils ont été attirés par les bons salaires proposés. Dès 1962, il y avait 700 000 personnes venues d’Italie, de Yougoslavie, de Grèce, de Turquie, d’Espagne et du Portugal qui travaillaient ici. Elles venaient pour la plupart de pays dans lesquels l’œuvre de prédication ne s’effectuait qu’avec de grandes difficultés. Pour nous, cela représentait un nouveau champ d’activité et il n’a cessé de s’étendre. Les statistiques du mois de septembre 1972 indiquaient que 2 352 392 étrangers travaillaient en Allemagne. Sur ce total, 474 934 personnes étaient originaires de Yougoslavie et 511 104 de Turquie.
De nombreux frères désiraient apprendre une nouvelle langue afin de pouvoir aider ces personnes à entendre et à comprendre le message du Royaume. Nous avons connu un grand nombre de faits de prédication intéressants parmi ces “hôtes travailleurs” qui éprouvaient vraiment une très grande soif de vérité. Un surveillant de circonscription qui s’était procuré des publications en espagnol a expliqué dans son rapport qu’il avait placé plus de cent brochures et six livres en relativement peu de temps. Il a déclaré : “La plupart des Espagnols à qui j’ai proposé les brochures se sont procuré la série des quinze titres différents dont je disposais.”
Très vite, des congrégations d’expression étrangère ont été formées. La première, datant du 1er mai 1962, était la congrégation grecque de Munich. Au cours du mois de mai 1973, il y avait 1 560 proclamateurs d’expression grecque, répartis dans deux circonscriptions. La première congrégation espagnole a été formée à Francfort en 1964, et la première congrégation italienne à Cologne. Pendant l’été 1973, la circonscription espagnole comprenait 660 proclamateurs tandis que la circonscription italienne rapportait 1 000 proclamateurs et 45 serviteurs à plein temps. Nous avons également des groupes turcs et yougoslaves. Pour un grand nombre de gens, le “paradis économique” qu’ils recherchaient en Allemagne s’est transformé en un “paradis spirituel”, de bien plus grande valeur.
Après avoir appris la vérité, un grand nombre de ces nouveaux frères sont repartis dans leurs pays d’origine, en étant remplis du désir de transmettre la vérité à leur famille et à leurs voisins. Par exemple, un frère originaire de Sicile, qui avait été baptisé, au cours du mois d’octobre 1965 à Cologne, est parti rendre visite aux membres de sa famille en décembre de la même année. Bien sûr, il leur a parlé de la vérité ainsi qu’à sa famille et à ses connaissances. Il a dû revenir en Allemagne à la fin du mois d’avril 1966 pour obtenir un tampon sur son passeport. Cependant, il avait trouvé quatre personnes si vivement intéressées par la vérité qu’il s’est vu obligé de repartir aussitôt pour poursuivre l’étude avec elles. Son but était de commencer une étude de livre dans ce village, qui n’avait jamais été visité. Le témoin de Jéhovah le plus proche vivait à environ cent kilomètres de là.
L’EXPANSION — VUE DU COTÉ DE LA FAMILLE DU BÉTHEL
La filiale de la Société Watch Tower à Wiesbaden a été très occupée par l’œuvre accomplie par les témoins de Jéhovah dans toute l’Allemagne. Étant donné que les publications sont fournies aux frères à partir de ce bâtiment, les frères s’y intéressent vivement et ils sont venus en grand nombre visiter le Béthel et l’imprimerie. Le frère qui travaille au service de la réception peut vous dire que, surtout les jours fériés, des milliers de visiteurs viennent voir le Béthel et l’imprimerie. Une fois, ils étaient plus de 4 000! Cinquante et un autocars étaient garés devant l’entrée ! Les frères des pays étrangers aiment également s’arrêter pour nous voir. Il y a quelques années, un monsieur était venu visiter le Béthel et on l’avait ensuite encouragé à entreprendre une étude de la Bible. Il y a eu un échange de correspondance entre un frère du Béthel et cet homme, qui, par la suite, a accepté la vérité, a été baptisé, a entrepris le service à plein temps et est aujourd’hui surveillant de circonscription.
Ceux qui vivent et travaillent au Béthel ont connu un grand nombre de bénédictions au fil des ans. Ils ont vu s’agrandir les installations de la Société. Ils ont constaté qu’un nouveau travail était entrepris, que des activités spéciales étaient mises sur pied — et ils ont partagé le privilège d’être au centre de toute cette activité. Parfois, on demandait à d’autres proclamateurs de venir aider.
Au cours de l’hiver 1951-1952, par exemple, la construction d’un nouveau bâtiment qui permettait d’agrandir les installations de la filiale a commencé. Les frères y travaillaient toute la journée et parfois tard dans la nuit, sous la neige, la pluie et le vent. Environ vingt frères ont été appelés au Béthel pour participer à ce travail particulier. Lors des soirées, après leurs heures de travail normales, un grand nombre de membres de la famille du Béthel ont également participé aux travaux de construction.
Ce furent de véritables réjouissances quand une presse rotative est arrivée de Berne, de la filiale de Suisse. Mais il ne s’agissait pas de n’importe quelle rotative ! C’était la première qui avait servi à imprimer des livres dès 1928, dans la filiale installée à Magdebourg. Après l’interdiction nazie, elle avait d’abord été transportée à Prague, en Tchécoslovaquie, puis quelques années plus tard à Berne afin de ne pas tomber entre les mains des nazis. Elle était désormais de retour dans la filiale d’Allemagne et aujourd’hui, malgré sa vieillesse, elle imprime toujours des livres ou des périodiques, jusqu’à 7 000 par heure.
La parution du périodique Réveillez-vous ! en allemand dans son édition de 32 pages, à partir du 8 janvier 1953, a été une autre cause de joie. La diffusion de ce périodique a commencé en Allemagne à partir de ce numéro. Elle a beaucoup contribué à accroître le zèle des frères pour l’activité au moyen des périodiques.
Le Béthel de Wiesbaden n’a cessé de s’agrandir. En 1956, nous avons atteint un maximum de 50 530 proclamateurs qui diffusaient environ 1 300 000 publications. Au cours de l’année de service suivante, le maximum était de 56 883. À la fin du mois de novembre 1956, frère Knorr est venu à Wiesbaden lors d’une visite éclair de moins de vingt-quatre heures. Pour quelle raison ? Il l’explique dans le rapport publié dans La Tour de Garde anglaise du 1er mai 1957. “Là aussi, le but de ma visite est de résoudre le problème de l’expansion. Le Béthel et l’imprimerie actuels sont trop petits et nous avons eu recours à un architecte, un frère. Nous avons travaillé avec lui toute la journée sur les plans d’une imprimerie et d’un Béthel plus vastes. La Société a pu acquérir des terrains auprès de la ville de Wiesbaden, et après de nombreuses discussions, les autorités de la ville ont accepté de changer l’emplacement d’une rue pour nous permettre d’installer notre nouveau bâtiment juste à côté du bâtiment actuel, déplaçant ainsi la rue au-delà de la nouvelle construction. (...) Le bâtiment sera suffisamment vaste pour contenir de nouvelles presses, qui sont en train d’être montées, le plafond étant largement assez haut.”
Au lieu d’organiser une inauguration traditionnelle avec force boissons (ce qui se pratique d’ordinaire quand le gros œuvre d’une construction est achevé), un excellent repas a été préparé pour les ouvriers et les employés du bâtiment. Il a été servi dans la salle à manger du Béthel. Ce sont les frères qui ont servi ces ouvriers, tandis qu’ils étaient assis à des tables recouvertes d’une nappe blanche. Ils ont écouté un discours expliquant le but du bâtiment, l’activité générale des témoins de Jéhovah et la façon dont le projet final de construction avait été soutenu sur le plan pécuniaire. Les membres de la famille du Béthel ont présenté ensuite une séance musicale. La plupart des invités ont eu une opinion tout à fait différente des témoins de Jéhovah et de leur activité. L’excellent repas qui leur a été servi et le pied d’égalité sur lequel tout le monde était traité est resté pendant des années un sujet de conversation parmi les ouvriers du bâtiment à Wiesbaden. À la fin, on a offert en cadeau à chacun d’eux un livre et une brochure. Certains travailleurs qui n’avaient pas assisté au repas à cause de leurs préjugés sont venus le lendemain pour demander s’ils pouvaient au moins obtenir le livre. Ils n’avaient qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils avaient manqué le repas ; désormais, c’était à eux d’assimiler la nourriture spirituelle à l’aide de la publication offerte.
Au cours du mois de janvier 1959, les différents services ont commencé à être transférés dans le nouveau bâtiment.
Pendant ce temps-là, comme Günter Künz, le surveillant de l’imprimerie l’explique, “nous avons continué de recevoir un meilleur matériel pour produire des livres, des périodiques, et d’autres imprimés. En 1958, nous avons reçu les chaînes de reliure qui fonctionnaient auparavant à Berne, en Suisse. Il était possible de relier 5 000 livres par jour. Au cours des années suivantes, frère Knorr nous a donné l’autorisation de remplacer la plupart de ces machines, qui avaient déjà fonctionné pendant à peu près quarante ans”. En 1973, nous avons donc pu augmenter énormément la production de livres.
Un jour, les frères du bureau de production ont calculé que si l’on posait l’un sur l’autre les 61 622 livres Babylone, les 500 796 exemplaires du livre “Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir” et les 98 885 Annuaires imprimés dans les derniers mois de l’année 1966, cela ferait une tour de 15 000 mètres de haut. C’était vraiment un résultat sensationnel. Les machines tournaient souvent à plein régime pour fournir les publications indispensables aux congrégations. Au printemps de l’année 1968, vingt-deux travailleurs supplémentaires ont été appelés au Béthel pour aider temporairement à terminer le travail sur le livre L’homme est-il le produit de l’évolution ou de la création ? Deux équipes travaillaient sur la reliure et la production était de 10 000 livres par jour. Ils ont aussitôt été envoyés aux congrégations afin que ce nouvel ouvrage soit employé pendant la campagne du mois de mai pour faire connaître aux gens la vérité sur ce sujet. Notre dur travail a été récompensé, puisque nous avons placé 136 525 livres, le chiffre le plus élevé depuis 1963.
Frère Knorr est venu deux fois à Wiesbaden pendant l’année 1968. Sa première visite a eu lieu en juin. À la joie de toute la famille, il a annoncé que l’imprimerie allait acheter une nouvelle rotative et trois nouvelles machines pour la chaîne de reliure. Peu de temps après, deux de ces machines ont été montées et mises en marche. Lors de sa visite au cours du mois de novembre, frère Knorr a pris d’autres dispositions pour augmenter le travail effectué à l’imprimerie. Les frères ont commencé à travailler en équipes, dont celle de nuit comptait de quinze à vingt membres. Frère Knorr a attiré notre attention sur l’importance de rester éveillé sur le plan spirituel. Une congrégation a donc été formée spécialement pour les frères travaillant dans l’équipe de nuit. Sinon, ils n’auraient pas pu assister aux réunions. Ils tenaient leurs réunions pendant la journée. La production de livres augmentait et nous avons pu nous charger d’imprimer ceux des frères des Pays-Bas, du Danemark, de Norvège et de Suède. Grâce à de nouvelles machines, les deux équipes ont pu produire chaque jour environ 20 000 livres. L’année 1969 s’est avérée également active et productive. La production a dépassé tous les records précédents.
Le numéro spécial du périodique Réveillez-vous ! en allemand daté du 8 avril 1969 portait le titre “Est-il plus tard que vous ne le croyez ?” Les commandes des congrégations pleuvaient sans cesse, et il fallait imprimer de plus en plus de périodiques. En réalité, 10 241 250 exemplaires sont sortis des presses de l’imprimerie. Les frères des deux équipes ont accepté de faire des heures supplémentaires, car en plus des périodiques, il fallait toujours imprimer un grand nombre de livres (3 343 304 livres à la fin de l’année de service 1969, soit six fois plus qu’en 1966). Les machines tournaient presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pendant plusieurs mois, nous avons travaillé, mangé, dormi en deux équipes. C’était une époque d’activité intense mais également réjouissante et heureuse.
Le frère qui s’occupe des pionniers a été très heureux de constater qu’il y avait 11 454 pionniers temporaires au cours du mois d’avril, en plus des 1 959 pionniers ordinaires.
Environ quarante millions d’imprimés — périodiques, livres et brochures — ont été publiés au cours de l’année de service 1969. Bien sûr, expédier environ 2 000 tonnes de périodiques et de livres, ainsi que d’autres publications, revenait très cher. Afin de réduire ces frais, nous avons commencé à partir du 3 décembre 1959 à transporter les imprimés avec nos propres camions. Albert Kamm, qui faisait partie de ce service dès le début, déclare : “La police, le personnel des postes d’essence, les douaniers, même les gens à qui nous demandons notre direction, tout le monde veut savoir ce que nous transportons dans nos camions. Ils sont toujours étonnés de s’entendre répondre que le camion est rempli de périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous ! Il faut voir la stupeur qui se lit sur leurs visages quand vous glissez, au cours de la conversation, que nous possédons cinq gros camions semblables à celui-là et deux autres plus petits, tous remplis de périodiques. On peut souvent rendre un bon témoignage. Quand on repasse, deux semaines plus tard, un grand nombre de personnes n’arrivent pas tout à fait à saisir que La Tour de Garde est déjà de retour.”
Nos camions partent de Wiesbaden, ville située à peu près au centre de l’Allemagne. Ils empruntent onze itinéraires, longs de 1 100 à 1 500 kilomètres. Au bout d’une année, chaque camion a parcouru 70 000 à 80 000 kilomètres environ. Les livres imprimés à Wiesbaden sont également envoyés au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et en Autriche.
Pendant que l’imprimerie tournait à plein régime, un travail de construction supplémentaire a été entrepris au cours de l’année 1969. La partie sous les combles du vieux bâtiment a été aménagée en treize chambres. Ce travail a été accompli par des frères heureux de consacrer leur temps, leurs forces et leurs possibilités au Béthel d’une façon temporaire. Les meubles, tels que les lits, les commodes et d’autres ont été fabriqués dans notre atelier de menuiserie.
Malgré cette construction, le Béthel restait encore trop petit. Au cours du mois de mai 1970, frère Knorr et frère Larson, le surveillant de l’imprimerie de Brooklyn, nous ont rendu visite pendant environ une semaine. En examinant le Béthel et l’imprimerie, frère Knorr a décidé que dans l’intérêt de l’œuvre, il faudrait agrandir. Cela représentait un monceau de travail pour Richard Kelsey, nouveau surveillant de filiale depuis l’automne 1969. Pour le gros œuvre de la construction, un contrat a été passé auprès d’une entreprise, tandis que les frères se chargeraient des travaux de finition intérieure. À la menuiserie, Ferdinand Reiter préparait tout ce qu’il fallait pour fabriquer les meubles des nouvelles pièces. Cela n’était pas quelque chose de nouveau pour lui, car naguère, en 1947, il avait déjà aidé à poser des fenêtres et des portes sur la charpente du vieux bâtiment. Entre-temps, il avait quelque peu vieilli, mais malgré ses quatre-vingts ans (le second membre le plus âgé de la famille du Béthel), il reste vigoureux et travaille chaque jour, donnant ainsi un excellent exemple. Des jeunes frères déclarent même : “C’est dur de suivre Ferdinand.”
Cette expansion était vraiment indispensable. Au mois d’avril 1971, nous avons atteint un nouveau maximum de 89 706 proclamateurs tandis que 145 419 personnes ont assisté à la Commémoration. Au cours du mois de juin, nous avons atteint les meilleures moyennes en heures depuis 1954. À la fin de l’année de service 1971, nous avions placé dix-neuf millions de Bibles, de livres, de brochures et de périodiques. Cela signifiait qu’en moyenne, chaque famille d’Allemagne de l’Ouest et de Berlin-Ouest possédait un guide biblique.
Le 11 février 1972 reste une journée remarquable. Pour quelle raison ? Les premiers exemplaires de l’édition allemande des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau sont arrivés de Brooklyn à dix heures du matin. Nous avons éprouvé une joie immense. Aussitôt, nous avons pris des dispositions pour qu’une campagne de diffusion de la Bible soit entreprise au cours des mois de mai et de juin. Les congrégations ont transmis un communiqué aux journaux dans leur territoire respectif. Ces articles ont aidé à attirer l’attention des gens sur la Traduction du monde nouveau. Certaines manchettes de journaux déclaraient : “Course pour obtenir une nouvelle traduction de la Bible”, “96 000 ministres entreprennent une ‘Campagne de la Bible’”, “Les témoins de Jéhovah apportent une Bible dans chaque famille.” Même les journaux et les périodiques religieux ont réagi et ont aidé, à leur manière, à attirer l’attention de leurs ouailles vers cette bible. Par exemple, l’Evangelische Gemeindeblatt de Wurtemberg a écrit : “La première édition de cette traduction en allemand a été tirée à un million d’exemplaires, ce qui est une quantité inhabituelle. La demande de Bibles de Luther en Allemagne n’est que d’environ 500 000 exemplaires par an. Il est clair que les témoins de Jéhovah n’ont pas projeté de s’occuper de leurs besoins en bibles pour les années à venir. Étant donné leur zèle habituel, on s’attend à ce qu’ils se servent de cette nouvelle publication lors d’une campagne intensive de diffusion. En plus de la bible, qui ne coûte que cinq deutsche marks, les acheteurs sont encouragés à suivre une étude de la Bible et les vendeurs proposent de conduire une telle étude dans le foyer de l’acheteur.” Le Katholische Sonntagsblatt a publié le même article. La parution de la Traduction du monde nouveau et sa diffusion ont vraiment été un des points culminants de l’année de service 1972.
Au début de l’année de service 1973, il y avait en Allemagne de l’Ouest et à Berlin-Ouest 95 975 proclamateurs de la bonne nouvelle. Pour les approvisionner, la production d’imprimés avait atteint de nouveaux records. Au cours de cette année-là, dix-sept nouveaux livres ont été imprimés et reliés dans l’imprimerie de Wiesbaden ; certains étaient destinés à l’Allemagne, d’autres aux pays scandinaves et aux Pays-Bas. Vous imaginez sans peine la joie de la famille du Béthel quand la production a été donnée — elle dépassait 3 500 000 livres en une année seulement !
On a constaté d’excellents résultats dans la vie de ceux qui avaient reçu ces publications. Par exemple, un garçon de douze ans a été tellement touché par ce qu’il a appris qu’il a demandé au témoin qui étudie avec sa mère et lui de l’emmener dans le ministère du champ. Bien sûr, le témoin a expliqué qu’il devait d’abord sortir de Babylone la Grande, et faire radier son nom du registre de l’Église. Dès le lendemain, qui était un jour de congé scolaire, comprenant l’importance de cette affaire, le garçon est allé à la mairie pour remplir les formalités nécessaires. Le fonctionnaire lui a dit qu’il ne pouvait pas s’occuper de cela maintenant et qu’il devrait revenir une autre fois. C’est ce qu’il a fait dans l’après-midi. Le fonctionnaire a de nouveau essayé de se débarrasser de lui, en disant que sa mère devait signer la formule et qu’il lui faudrait donc revenir une autre fois. Le garçon a donc instamment demandé au fonctionnaire d’appeler sa mère au téléphone pour lui demander de venir. Il a téléphoné, mais il s’est contenté de suggérer qu’elle vienne à un moment approprié avec son garçon pour s’occuper de cette question. Là-dessus, le garçon a protesté énergiquement au téléphone en disant : “Non, maman, viens tout de suite !” C’est ce qu’elle a fait, en amenant son plus jeune fils. Les formules ont été remplies et signées. Elle a ensuite déclaré à l’autre fils : “Puisque nous sommes là, autant en profiter pour nous faire radier, nous aussi.”
Au bureau de la Société, les frères ont examiné avec beaucoup d’intérêt les rapports qui sont arrivés au cours de l’année. Lors de la Commémoration, il y avait 150 313 assistants en Allemagne de l’Ouest et 7 911 à Berlin-Ouest. Mois après mois, l’accroissement du nombre de baptisés était de plus en plus net. Au cours du mois de juillet, il y en avait 5 209, au lieu de 3 812 à la même époque de l’année précédente. Au terme de l’année de service 1973, un total de 6 472 personnes avaient pris position pour Jéhovah. À cette époque, 98 551 personnes en Allemagne de l’Ouest et à Berlin-Ouest participaient publiquement à la proclamation du Royaume de Dieu comme étant la seule espérance de l’humanité.
PAIX SUR LA TERRE — MAIS SEULEMENT GRÂCE AU ROYAUME DE DIEU
En 1939, la “Paix” était le slogan choisi par Adolf Hitler pour la journée annuelle de réunion du Reich. En souvenir de cette “Journée de paix du Reich”, des pièces de monnaie et des timbres spéciaux ont été mis en circulation. Mais à cause de la déclaration de guerre, cette fête a été annulée. Trente ans plus tard, au cours du mois d’août 1969, sur le stade Zeppelin de Nuremberg, c’est-à-dire sur les mêmes terrains où la “Journée de paix du Reich” devait être célébrée trente années auparavant, les témoins de Jéhovah ont tenu leur assemblée internationale “Paix sur la terre”.
Au total, 130 000 congressistes ont pu être logés lors de cette assemblée. Pour cela, les témoins ont loué une année à l’avance plus de 60 000 mètres carrés de toile, afin d’installer quarante-huit vastes tentes. Environ dix-huit mois auparavant, ils avaient également demandé à la ville de Nuremberg de bien vouloir leur louer toutes les écoles et les gymnases de la ville pour qu’ils puissent s’en servir comme dortoirs. Dès les premiers jours d’automne de l’année précédente, on a également entrepris les travaux préparatoires pour la cafétéria.
Pendant l’assemblée, nous avons accueilli des délégués venus de soixante-dix-huit pays différents. Le programme de l’assemblée a non seulement été présenté en allemand, mais aussi en grec, en croate, en hollandais, en slovène et en turc. Des personnes venues de toutes les parties du globe s’étaient réunies et elles habitaient ensemble dans la paix, en jouissant des liens chaleureux de la fraternité chrétienne.
Du haut de la gigantesque tribune en pierre, sur laquelle les dirigeants du parti nazi avaient naguère rêvé d’un “règne millénaire”, frère Knorr a donné, le discours “Une paix de mille ans est proche”, devant 150 645 assistants. Mais il n’encourageait pas ces derniers à rêver sur ce que les hommes prétendent réaliser. Il dirigeait l’attention vers le seul moyen qui permettra d’instaurer une paix durable au sein de l’humanité, à savoir le Royaume de Dieu remis entre les mains de son Fils Jésus Christ. En tirant ses arguments des Écritures, il montra que la venue de cette ère de paix est proche.
PRÉPARATIFS POUR LA VICTOIRE DIVINE
Fermement convaincus que le moment où Dieu remportera la victoire sur tous ses ennemis est imminent, les témoins de Jéhovah ont organisé une série d’assemblées internationales en 1973 ayant pour thème “La victoire divine”. Deux de ces assemblées ont été tenues en Allemagne, et des délégués d’au moins soixante-quinze pays y ont assisté. Le dernier jour, on a compté 67 950 assistants au discours “La victoire divine — ses conséquences pour l’humanité affligée” donné au stade du Rhin à Düsseldorf. Lors du même discours présenté au parc Olympique de Munich, à la fin de l’assemblée de cinq jours, il y avait 78 792 auditeurs. L’assistance totale était donc de 146 742 personnes !
Cinquante ans auparavant, Hitler avait tenté un coup de force à Munich, lors du “putsch de la brasserie”. Son régime nazi et lui ont désormais disparu, mais les témoins de Jéhovah, dont le nombre croit sans cesse, continuent d’indiquer avec confiance le triomphe du Royaume de Dieu.
C’est également à Munich que des athlètes venus d’un grand nombre de pays ont participé aux Jeux olympiques de 1972. Cet événement était appelé la “Fête de la paix”. Mais pour beaucoup de gens, le souvenir le plus vif reste l’effusion de sang qui s’y est produite, reflétant l’état d’esprit nationaliste du monde. Rappelant cela, un journaliste a écrit dans le Münchner Anzeiger : “Un jour avant le commencement de l’assemblée ‘La victoire divine’, j’étais assis sur les gradins vides du stade. L’empressement des volontaires travaillant ici (environ 7 000 en tout) m’a fait une forte impression et j’ai instinctivement pensé au 5 septembre 1972. À cette époque, la violence et le meurtre s’étaient introduits sur le stade. Aujourd’hui, ce sont des hommes de foi, qui s’efforcent, selon leur croyance, de développer ce qui est bon et noble chez leurs semblables, qui ont envahi les lieux.” Les témoins de Jéhovah ne s’étaient pas réunis au parc Olympique pour se faire concurrence, en essayant de prouver que l’un d’entre eux ou la nation qu’il représentait était meilleur que les autres. Bien au contraire, ils “marchaient au nom de Jéhovah”, le “Dieu qui donne la paix”. Par amour pour lui, ils étaient venus d’un grand nombre de pays pour assister à cette assemblée et le même amour les poussait à louer le nom de Dieu, en attendant le jour où il serait lavé de tout opprobre. — Michée 4:5; Rom. 15:33.
Lors de ces assemblées, on a souligné qu’il était capital de ‘garder près de votre pensée la présence du jour de Jéhovah’, le “jour” où Dieu exécutera son jugement sur les méchants et récompensera ses serviteurs, le “jour” de la victoire divine (II Pierre 3:11, 12). On leur a rappelé qu’à l’exemple de Jésus Christ, ils doivent individuellement être vainqueurs du monde s’ils veulent profiter de la faveur divine quand ce “jour de Jéhovah” arrivera (Jean 16:33). Ils ne peuvent se permettre de se laisser façonner par le présent monde, d’agir selon ses voies, ni de laisser l’indifférence ou la crainte du monde les retenir d’accomplir la volonté de Dieu.
Les témoins de Jéhovah ne sont pas partis de l’assemblée en pensant que c’était le moment de ralentir la prédication, puisque la victoire divine était désormais si proche. Bien au contraire, ils ont été encouragés à employer au maximum le temps qui reste et ils ont reçu de nouveaux instruments de travail. Un programme a été prévu pour faire une diffusion internationale et intensive d’un tract intitulé “Le temps se fait-il court pour l’humanité ?” Il leur a été fourni un nouveau livre portant le titre émouvant “Le Royaume millénaire de Dieu s’est approché”. Ils ont également reçu le livre La paix et la sécurité véritables — d’où viendront-elles ?, qui dirige l’attention sur la grande question de la souveraineté universelle, qui concerne toutes les créatures intelligentes. Ils partagent déjà ces renseignements avec d’autres personnes. Quelles que soient les conditions qui puissent se développer dans ce monde troublé avant que la fin n’arrive, les témoins de Jéhovah ont résolu de se hâter d’accomplir l’œuvre que Dieu leur a donnée, à savoir, prêcher la bonne nouvelle de son Royaume.
Au fil des ans, les témoins de Jéhovah en Allemagne comme ailleurs, ont été mis à l’épreuve. Cela ne les a pas surpris. Ils savaient que leur Seigneur et Maître Jésus Christ avait subi la persécution entre les mains d’hommes méchants et ils s’y attendent aussi (Jean 15:20). Les témoins de Jéhovah comprennent clairement la question en suspens. Ils savent que Satan le Diable a mis en doute la légitimité de la souveraineté de Jéhovah. Il a ouvertement accusé ceux qui servent Jéhovah de le faire, non par amour pour Dieu, mais par égoïsme, par intérêt personnel. Satan a prétendu que nul ne resterait un fidèle partisan de la souveraineté de Jéhovah s’il subissait des pressions, et l’adversaire de Dieu et de l’homme se sert des humains qui se soumettent à lui pour essayer de prouver son défi. — Luc 22:31.
Mais bien au contraire, les témoins de Jéhovah sont conscients que tout ce qu’ils possèdent et tous les espoirs qu’ils nourrissent quant à l’avenir n’existent que par la bonté imméritée de Jéhovah. Poussés par l’amour véritable qu’ils portent à leur Créateur, ils considèrent comme un privilège de lui prouver leur intégrité, quel qu’en soit le prix. Ayant refusé de faire des compromis avec un monde impie, un grand nombre d’entre eux ont perdu leur emploi et leur maison. Certains ont souffert de la perte de leurs enfants et de leur conjoint. D’autres ont été battus avec des lanières d’acier au point de sombrer dans l’inconscience, d’autres encore, sont morts de faim ou ont été fusillés par des pelotons d’exécution.
Mais finalement, qui a remporté la victoire ? Ce n’est pas le Diable ni le monde qui gît en son pouvoir. Ce sont plutôt les témoins chrétiens de Jéhovah qui ont exercé la foi dans le seul vrai Dieu et dans son Fils. L’apôtre Jean écrivit : “Tout ce qui est né de Dieu est victorieux du monde ; et c’est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi. Qui est celui qui est victorieux du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?” (I Jean 5:4, 5, Darby). Il est vrai que certains sont morts aux mains des ennemis de Dieu, mais étant donné qu’ils nourrissaient l’espérance d’être héritiers avec Christ dans son Royaume céleste et qu’ils vivaient au temps de sa présence, ils ont été ressuscités pour la vie céleste immortelle “en un moment, en un clin d’œil” — vainqueurs du monde (I Cor. 15:51, 52). D’autres, dont l’espoir était de vivre sur la terre dans l’ordre nouveau de Dieu, se sont endormis provisoirement dans la mort, convaincus que Dieu, qui ne peut mentir, leur redonnera la vie sous l’administration juste de son Royaume. Grâce à Dieu, des milliers d’autres ont survécu aux cruels assauts de Satan et de ses agents visibles. Un grand nombre d’entre eux sont encore en vie. Ils prêchent toujours la bonne nouvelle et prouvent leur fidélité à Jéhovah. Ils sont déterminés à poursuivre leur course fidèle quelles que soient les épreuves qu’ils puissent affronter dans les jours à venir.
Nous espérons que tous ceux qui liront ce rapport seront encouragés à manifester la même endurance fidèle. Gardez présentes à l’esprit ces paroles inspirées de l’apôtre Paul : “Exultons tandis que nous sommes dans les tribulations, sachant que la tribulation produit l’endurance ; l’endurance, de son côté, une condition d’approbation ; la condition d’approbation, de son côté, l’espérance, et l’espérance ne conduit pas à la déception ; parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’esprit saint qui nous a été donné.” (Rom. 5:3-5). Que votre réaction à l’amour de Dieu vous incite à faire de l’accomplissement de sa volonté la chose la plus importante de votre vie, en étant pleinement confiant dans la victoire divine désormais si proche !
[Illustration, page 192]
Camp de concentration de Sachsenhausen
Quartiers SS
Place d’appel
Prison cellulaire
Blocs d’isolement
[Illustration, page 193]
Chambre à gaz
Lieu d’exécution
Poste d’épouillage
[Illustration, page 213]
Le bâtiment obtenu par la Société Watch Tower à Wiesbaden.
[Illustration, page 243]
Le Béthel et l’imprimerie de la Société Watch Tower à Wiesbaden en 1973.
[Illustration, page 252]
Ci-dessus : Assemblée “La victoire divine” à Düsseldorf (67 950 assistants) ; ci-dessous : Munich (78 792 assistants).