Choisissons une traduction de la Bible en langage moderne
POURQUOI a-t-on besoin de traductions de la Bible en langage moderne ? Les anciennes versions, telles la version du roi Jacques et la Bible de Douay, en anglais, la Bible de Saci, en français, ne sont-elles pas assez bonnes ? Si, elles le sont, et elles ont aidé d’innombrables personnes à acquérir la foi en Dieu et en sa Parole, la Bible. Mais pourrait-on avoir de meilleures traductions que celles-là ?
Effectivement, non seulement cela serait possible, mais il existe actuellement des traductions d’une valeur supérieure à celle des versions précitées, et cela pour un grand nombre de raisons. De l’aveu général, il serait difficile de trouver, parmi les versions anglaises de la Bible, un plus beau chef-d’œuvre littéraire que la version du roi Jacques. Néanmoins, comme on l’a très justement fait remarquer, “la première tâche d’un traducteur consiste à faire comprendre le plus clairement possible la pensée de l’auteur. Il ne devrait pas chercher à introduire une qualité rhétorique (...) qui, en réalité, appartient plus à l’époque d’Élisabeth Ire d’Angleterre qu’aux originaux hébreux (...). Il serait dangereux de faire primer la forme de la traduction sur le sens”.
Une des raisons expliquant la supériorité des traductions en langage moderne sur les anciennes versions, telles la version du roi Jacques (en anglais) ou la Bible de Saci (en français), est l’évolution de la langue au cours des années. Le sens de certains mots a parfois varié au point qu’il est peut-être aujourd’hui tout à fait différent de ce qu’il était autrefois.
D’autre part, les progrès réalisés dans la connaissance du grec, dans lequel furent rédigées les Écritures chrétiennes, ont permis de faire des traductions plus fidèles. La découverte d’anciens manuscrits sur papyrus a révélé le sens de certains mots d’usage courant qui n’était pas bien compris auparavant. Ainsi, on croyait que le mot “Raca” voulait simplement dire “tête vide”, mais ce sens ne s’accordait pas avec la sévère condamnation prononcée par Jésus quand il employa ce terme (Mat. 5:22, Jé n. m.). Aujourd’hui, néanmoins, à la suite de la découverte d’une lettre sur papyrus, l’érudit E. Goodspeed a déclaré que “Raca” était un mot grossier “qui venait parfois aux lèvres des gens au langage vulgaire, mais qu’on ne voyait jamais écrit”. La Traduction du monde nouveau le rend par l’expression “un inqualifiable mot de mépris”.
Examinons maintenant le cas du verbe apékhô, traduit par “avoir” dans des versions plus anciennes, mais qui signifie “avoir la pleine mesure”, car il est employé comme “expression technique dans la rédaction d’un reçu”, ainsi que le fait remarquer Vine dans son Dictionnaire interprétatif des mots du Nouveau Testament (angl.). C’est pourquoi Jésus, en condamnant les hypocrites qui pratiquent leur charité d’une manière ostensible, déclara qu’ils “ont leur pleine récompense”. Ces gens hypocrites ne gagneraient que la louange des hommes, ce qui est leur seul désir. — Mat. 6:2.
Les traductions en langage moderne éclaircissent souvent le sens des métaphores employées par les Hébreux ou les Grecs, qui ne nous sont pas familières. Ainsi, nous lisons dans I Pierre 1:13 (Sg) : “Ceignez les reins de votre entendement.” Toutefois, les lecteurs de notre époque comprendront beaucoup mieux ce passage traduit de la façon suivante : “Tendez votre esprit pour l’activité.” — MN.
C’est surtout grâce à la découverte de manuscrits plus anciens qu’il a été possible d’améliorer les traductions de la Bible. À l’époque de la rédaction de la version du roi Jacques, les traducteurs ne disposaient que de quelques manuscrits grecs dont l’origine était assez récente. Mais depuis lors, de nombreux et excellents manuscrits sur vélin, contenant le recueil des Écritures, ont été mis au jour ; certains d’entre eux datent du quatrième siècle de notre ère. D’autre part, on a découvert des manuscrits sur papyrus, entiers ou fragmentaires, datant du troisième et même du deuxième siècle de notre ère. D’ordinaire, plus la copie est ancienne, moins elle a de chances d’avoir subi des changements de la part des copistes.
En outre, il ne faut pas oublier que nous bénéficions d’une meilleure intelligence de la Parole de Dieu, ainsi que cela avait été prédit : “Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi.” (Prov. 4:18, Da). La traduction de la Parole de Dieu sera d’autant plus exacte que les desseins divins seront mieux compris.
Elle doit être exacte
À propos du traducteur de la Bible en anglais, il a été dit fort justement que sa principale responsabilité consiste à rendre dans sa langue le sens biblique des mots aussi exactement que possible.
On peut difficilement s’opposer à ce point de vue. Cependant, peu nombreux sont ceux qui l’ont adopté à propos du nom distinctif de Dieu, Jéhovah. Dans les Écritures hébraïques, ce nom se présente sous la forme du Tétragramme, c’est-à-dire “un mot de quatre lettres : YHWH. L’importance de ce nom ne fait aucun doute, car non seulement il se rencontre plus de 6 900 fois dans les Écritures, mais il est utilisé plus que tout autre nom pour désigner le Créateur.
L’importance du nom de Jéhovah a été mise en relief dans la préface de l’American Standard Version (1901), qui déclara entre autres : “Ce nom commémoratif, expliqué dans Ex. iii. 14, 15, et maintes et maintes fois souligné dans le texte original de l’Ancien Testament, désigne Dieu en tant que Dieu personnel (...), l’Ami de son peuple ; (...) l’Assistant toujours vivant (...). Ce nom personnel, avec sa richesse d’associations sacrées, a maintenant retrouvé dans le texte sacré la place à laquelle il avait incontestablement droit.”
Cette opinion, quoique établie il y a environ soixante-dix ans, a été soutenue par la Bible de Jérusalem (édition anglaise), une des plus récentes traductions érudites de la Bible. Bien qu’un grand nombre de notes en bas de page de cette version sentent la “haute critique”, le nom divin y est néanmoins remis à sa place légitime, mais sous la forme “Yahvé”. Dans la préface de cette édition anglaise, nous pouvons, entre autres, lire ceci : “Ce n’est pas sans hésitation que cette forme exacte a été employée et, sans doute, ceux qui désirent utiliser cette traduction des Psaumes peuvent lui substituer le traditionnel ‘Seigneur’. Mais ce serait perdre beaucoup de la saveur et de la signification des originaux. Par exemple, l’expression ‘le Seigneur est Dieu’ est certainement une tautologie [une répétition ou un pléonasme inutile], ce qui n’est pas le cas de l’expression ‘Yahvé est Dieu’.” En fait, parmi les nombreuses traductions de la Bible en anglais moderne, rares sont celles qui soient exactes sous ce rapport ; citons l’Emphasized Bible de Rotherham qui emploie la forme “Yahweh” ; la Young’s Literal Translation of the Holy Bible ; l’American Standard Version et la Traduction du monde nouveau, qui utilisent la forme “Jéhovah”. En français, citons la Bible de Crampon (1905) et les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau, qui emploient la forme “Jéhovah” ; la Bible de Crampon-Tricot et la Bible du cardinal Liénart qui mettent “Yahweh” ; et la Bible de Jérusalem qui emploie la forme “Yahvé”.
La valeur d’une traduction fidèle
Bien qu’on ne puisse toujours employer un seul et même mot pour chaque terme original, il est manifeste que nombre de traducteurs ont négligé à l’excès cette question ou se sont laissé influencer par leurs préjugés religieux. On a fait à ce propos la remarque très pertinente suivante : “Il faut être fidèle dans la traduction des mots techniques dont le sens précis reste pour ainsi dire inchangé ; il ne faut pas que la traduction estompe les nuances marquées par les différents mots employés dans le texte original. Dans le Nouveau Testament, les mots ‘Hadès’ et ‘géhenne’ n’ont pas le même sens. Le premier est l’équivalent grec du mot hébreu ‘schéol’, le monde des morts ; le second désigne le lieu de châtiment où iront finalement les méchants.” — Why So Many Bibles, American Bible Society.
Toutefois, certaines traductions, telles que la Bible de Saci, sont doublement illogiques en ce sens qu’elles rendent par plusieurs mots, dont “enfer”, “tombeau” et “tombe”, le mot schéol ; d’autre part, elles traduisent les mots géénna et hadès par le même mot “enfer”. Parmi les traductions qui se montrent logiques sous ce rapport, citons la Bible de Darby et la Traduction du monde nouveau. — Mat. 5:22 ; 10:28 ; 11:23 ; 16:18.
En outre, de nombreux traducteurs font preuve d’un manque de logique en ne faisant pas de distinction entre doulos, esclave, et diakonos, serviteur ou ministre. Dans les Écritures, les chrétiens sont désignés sous le nom d’esclaves parce qu’ils ont été achetés à un prix ; ils sont donc esclaves de Jéhovah et de Jésus-Christ, leurs Maîtres. Ce ne sont pas des domestiques loués, libres de s’en aller quand bon leur semble. Il est visible que le mot “esclave” ne plaît guère à bien des traducteurs, mais les rédacteurs de la Bible avaient de bonnes raisons de l’utiliser au lieu de “serviteur”. Parmi les rares traductions qui l’emploient de façon uniforme, citons la Traduction du monde nouveau. — Rom. 1:1 ; I Cor. 7:23.
Ce sont là seulement quelques-uns des nombreux exemples que nous pourrions citer pour illustrer le manque de logique que trahissent parfois les traducteurs de la Bible. Ces exemples prouvent en outre combien la fidélité dans la traduction est importante si l’on veut que le lecteur saisisse le sens du texte original.
Une traduction honnête
La traduction de la Bible est loin d’être une tâche facile. Dans de nombreux cas, le bien-fondé d’une façon de traduire est relatif. Nous voulons dire que les témoignages ne sont pas toujours sans équivoque. Ainsi un grand nombre de manuscrits, parmi les plus anciens et les meilleurs, peuvent rendre un passage d’une certaine manière et d’autres, beaucoup moins nombreux, différemment tout en étant néanmoins très estimés.
Cependant, les traducteurs trahissent parfois leur infidélité à l’original. Par exemple, d’après la version anglaise de la Catholic Confraternity, Jésus aurait dit à sa mère, aux noces de Cana : “Femme, que veux-tu que je fasse ?” La version catholique de monseigneur Knox dit exactement le contraire : “Non, femme, pourquoi m’importunes-tu à ce sujet ?” En français, la Bible du cardinal Liénart montre que Jésus s’adressait à sa mère dans un esprit tout à fait différent : “Qu’avons-nous affaire ensemble, femme ?” Il est évident que la Confraternity s’est laissé influencer par des préjugés religieux. — Jean 2:4.
À propos de Phillips, traducteur de la Bible, on nous apprend qu’il ne tient compte ni “de la première, ni de la deuxième, ni de la dernière règles que le traducteur se doit de suivre : la fidélité à l’original. Par exemple, pourquoi a-t-il jugé nécessaire de traduire Luc 24:49 de la façon suivante : ‘Maintenant je vous donne le [commandement] de [mon] Père’, alors que le texte dit clairement : ‘Et voici, j’envoie sur vous ce qui est promis par mon Père’ ? Dans II Timothée 4:8, l’allusion faite à la venue future du Seigneur : ‘À tous ceux qui ont aimé sa manifestation’ est perdue dans ce passage, traduit de la façon suivante : ‘Tous [ceux-là] qui ont aimé ce qu’ils ont vu de lui.’” Après avoir énuméré d’autres exemples, cette critique dit encore : “On pourrait citer d’autres exemples, mais ceux-là sont suffisants.” — Why So Many Bibles.
Une autre traduction de la Bible en langage moderne à qui on peut reprocher son manque de fidélité par rapport à l’original est la New Translation of the Bible de Moffatt. À maintes reprises, ce traducteur modifie à son gré l’ordre des chapitres et des versets, tant dans les Écritures hébraïques que dans les Écritures grecques chrétiennes. En particulier, dans le livre d’Ésaïe, il donne prise à la critique, car il bouleverse comme il lui plaît l’arrangement des chapitres et des versets. La découverte du rouleau de la mer Morte, remontant à environ mille ans avant le texte massorétique, ne fournit au Dr Moffatt aucun moyen de justifier un tel procédé qui rend difficile la recherche de certains textes bibliques.
Est-ce une traduction utile ?
Parfois, le traducteur consciencieux se croit autorisé à ajouter un mot ou deux pour rendre le sens plus intelligible. Cependant, en agissant ainsi, il risque d’induire en erreur le lecteur. Par exemple, la Bible de Saci a remplacé “il” par “Christ” dans I Jean 3:2, afin d’aider le lecteur. C’est une faute, car il n’est pas question ici de Jésus-Christ, mais de Jéhovah Dieu, comme l’indique le verset précédent 1Jn 3:1. Pareillement, dans I Timothée 6:15, la Today’s English Version a ajouté “Dieu” au texte, égarant ainsi le lecteur, car l’apôtre Paul parlait ici du Christ, “l’heureux et unique Potentat (...), le Roi de ceux qui règnent en rois et le Seigneur de ceux qui règnent en seigneurs”. — Comparer avec le 1Ti 6 verset 14.
Les traductions en langage moderne peuvent être utiles quand elles tiennent compte du contexte et sont affranchies de préjugés religieux. Ainsi lisons-nous dans Matthieu 26:26 (MN) : “Ceci signifie mon corps”, car c’est évidemment cela que Jésus voulait dire, puisqu’il avait encore son corps et que le pain ne pouvait donc pas être son corps au sens littéral. De même, quand le mot koïmaomaï, servant à désigner le sommeil, est employé pour parler de la mort, la Traduction du monde nouveau dit généralement : “il s’endormit [dans la mort]”, comme dans Actes 7:60. Les crochets indiquent que les mots “dans la mort” ne figurent pas dans l’original.
D’autre part, cette traduction est très utile quand elle rend le mot kurios, signifiant “Seigneur” ou “maître”. Chaque fois qu’il est question de Jéhovah Dieu dans le contexte, elle rend le terme kurios par “Jéhovah”. Est-ce une manière d’agir trop radicale ? Non, car c’est ainsi que de nombreuses versions hébraïques ont rendu kurios dans tous les cas, à l’exception d’un seul (Mat. 1:20, 22). L’emploi du nom Jéhovah est particulièrement approprié dans les Écritures grecques chrétiennes lorsqu’il s’agit de citations des Écritures hébraïques où figure le nom “Jéhovah”. — Mat. 3:3 ; 4:7, 10.
De nos jours, l’étudiant de la Bible dispose de nombreuses traductions de la Bible en langage moderne, parmi lesquelles il peut choisir. Toutefois, le plus grand nombre d’entre elles ne renferment que les Écritures grecques chrétiennes. Certaines sont très appréciées du public pour leur élocution facile et les nombreux idiotismes heureux ou expressions bien choisies qu’elles renferment. Cependant, ces traductions s’exposent à faire des erreurs en prenant trop de libertés, soit à cause d’une mauvaise interprétation soit par suite de préjugés religieux. Étant donné que l’exactitude et la confiance qu’elle inspire sont les conditions premières requises d’une traduction en langage moderne, une traduction très littérale est, semble-t-il, préférable à toute autre, surtout pour les lecteurs convaincus que la Bible est la Parole inspirée de Dieu. À votre avis, quelle est la traduction la plus désirable ?