Le Salvador
La scène se passe le 24 février 1945 sur la piste de l’aéroport de Mexico. Le missionnaire angoissé tire avec effort sur les accoudoirs de son siège alors que le petit avion à hélices s’apprête à décoller. Le président de la Société Watch Tower, Nathan H. Knorr, et le vice-président, Frederick W. Franz, sont assis de l’autre côté de l’allée. Frère Knorr suggère au missionnaire de tirer encore plus fort pour hâter le décollage. L’appareil prend de l’altitude et le missionnaire tire toujours; frère Knorr lui conseille alors de s’arrêter, car ses efforts ont été récompensés.
Le missionnaire en question s’appelait Roscoe Stone. Sa femme Hilda et lui se rendaient sur les lieux de leur affectation, dans un petit pays d’Amérique centrale à la forme allongée: le Salvador. Le couple devait y entreprendre l’œuvre de prédication de la bonne nouvelle du Royaume aux 1 500 000 habitants (la population d’alors) répartis sur les 20 700 kilomètres carrés de terre tropicale baignée par le soleil.
Les Stone accompagnèrent frères Knorr et Franz jusqu’au Guatemala seulement. Quatre jours plus tard, ils prirent un avion à destination du Salvador. Là, ils découvrirent un pays aux lacs volcaniques semblables à des joyaux, des volcans éteints et d’autres en activité, des plantations de café, des kilomètres de plages immaculées au bord du Pacifique et des marchés à ciel ouvert regorgeant de fruits exotiques comme les mangues, les papayes, les “mamey” et les nèfles.
L’INSTALLATION
Le surveillant de la filiale de la Société Watch Tower à Mexico avait demandé à deux personnes bien disposées habitant San Salvador, la capitale, d’accueillir les Stone à l’aéroport. Pour être reconnues, ces personnes devaient tenir à la main l’édition espagnole de La Tour de Garde. Mais voilà que les Stone arrivèrent trois jours avant la date prévue; il n’y avait donc personne à l’aéroport pour les accueillir. Le Salvador était en état de siège et la liberté de la presse n’existait pas. On avait porté au pouvoir le président Osmín Aguirre, et il y avait des grèves dans de nombreux ministères.
Comme l’aéroport de San Salvador était situé à 10 kilomètres de la capitale, les Stone prirent un taxi. Au moment où le chauffeur allait s’arrêter pour un contrôle aux abords de la ville, on entendit une forte explosion. Les policiers coururent vers le taxi, leurs fusils pointés sur la tête des Stone. Tout agité, le chauffeur dit à la police de ne pas s’alarmer, car un pneu avait dû éclater.
Cet instant d’émotion passé, le taxi se fraya un chemin jusqu’au centre de la ville au milieu des chars à bœufs, des enfants et des marchands. Près du Palais national, il y avait des mitrailleuses dans toutes les rues. Quand les Stone présentèrent leurs papiers d’identité à l’employé du service de l’immigration, ils l’entendirent grommeler au sujet des missionnaires protestants qui arrivaient dans ce pays catholique. Néanmoins, ils furent autorisés à y séjourner six mois.
Les Stone louèrent une petite maison de deux pièces avec un patio. Il n’y avait rien pour faire la cuisine, excepté un petit fourneau à charbon. L’eau et l’électricité n’étaient disponibles qu’à certaines heures. Les vautours, qui hantaient la ville, se chargeaient d’éliminer les ordures. Ils se perchaient sur les murs du patio et restaient là, aux aguets. À vrai dire, leur présence était pour le moins déprimante.
L’HISTOIRE DE LA RELIGION AU SALVADOR
Quand les Stone arrivèrent au Salvador, ils ne connaissaient pas grand-chose de l’histoire religieuse de leur nouveau pays. À l’époque, tous les habitants étaient pour ainsi dire catholiques de nom. Mais les catholiques du Salvador pratiquaient un culte différent de celui des catholiques d’Amérique du Nord. Pourquoi cela? Parce que les Salvadoriens observaient les coutumes de leurs ancêtres indiens, coutumes qu’ils associaient aux rites de l’Église catholique romaine. Voici comment un historien a décrit la situation religieuse en Amérique centrale:
“Particulièrement dans les villes indiennes, les cérémonies de l’Église paraissaient indissociables des vieilles formes païennes du culte des idoles. On peut dire, sans crainte de se tromper, que dans beaucoup de villes des colonies [espagnoles], la religion catholique romaine s’était effondrée; elle avait perdu la signification qu’elle revêt en Europe à cause de l’adjonction d’un grand nombre de pratiques non chrétiennes.” — “Esquisse de l’histoire de l’Amérique latine” (angl.), Wilgus et d’Éca.
Il est intéressant de noter que dans son ouvrage intitulé Histoire ancienne de la conquête du Salvador, l’historien Santiago Barbarena déclara que les Indiens avaient déjà un grand prêtre ou pape appelé Papahuaquín à l’époque où les Espagnols arrivèrent en Amérique. Les conquistadores s’expliquèrent mal cela, ainsi que bien d’autres ressemblances avec leur propre religion. Par la suite, les chroniqueurs évitèrent soigneusement d’utiliser ce terme afin de ne pas créer de confusion entre le pape indien et le pontife romain.
Rapidement les Stone se rendirent compte que les gens en général connaissaient peu la Bible, voire pas du tout. Peu d’entre eux avaient vu une Bible et ceux qui l’avaient lue étaient encore moins nombreux. Faute d’avoir été enseignés, la plupart ignoraient ce que Dieu demande des chrétiens. Ainsi, selon les rapports officiels, près de 50 pour cent des naissances au Salvador sont illégitimes.
Les prêtres catholiques eux-mêmes pratiquaient l’immoralité. Rubén Rosales, dirigeant du Salvador, a déclaré: “À Cojutepeque, où j’ai habité, il y avait un prêtre qui vivait avec une femme. Tout le monde le savait. Elle lui a même donné des fils. J’excuserai donc ma conduite en disant: ‘Pourquoi devrions-nous être différents des prêtres?’” Voilà vraiment un pays qui avait besoin d’entendre le message du Royaume!
LA PRÉDICATION DU ROYAUME COMMENCE
Ayant atterri avec trois jours d’avance, Roscoe et Hilda Stone retournèrent à l’aéroport le jour normalement prévu de leur arrivée. Là, ils trouvèrent un homme et une femme, côte à côte, l’homme tenant bien haut un exemplaire du périodique adventiste La Sentinela et la femme une Tour de Garde. Par la suite, les Stone commencèrent à étudier la Bible avec eux. L’homme ne fit aucun progrès; par contre, après quelques semaines d’étude, la femme commença à accompagner Hilda dans le service du champ. Toutefois, au bout de deux jours, elle demanda un salaire à sœur Stone. Quand elle apprit comment Jéhovah rémunère ceux qui le servent, elle arrêta d’étudier et de prêcher. On ne la revit plus jamais.
En fait, les Stone étaient les premiers Témoins au Salvador, bien que quatre ou cinq autres Témoins aient auparavant diffusé des publications de la Société. Le 28 mars, juste un mois après leur arrivée, les Stone se réunissaient avec d’autres personnes pour la célébration du Mémorial. Puis, le 9 avril 1945, quand frères Knorr et Franz passèrent au Salvador à leur retour d’Amérique du Sud, une dizaine de Salvadoriens étaient à l’aéroport pour les rencontrer. À la fin de 1945, il y avait six missionnaires en plus: Marion et Cordelia Barger, Gladys Wilson, Marguerite Stover, Ruth Price et Dorothy Thompson.
LES PREMIERS BAPTÊMES
Comme les diplômés de Galaad se mirent à diffuser activement le message de Jéhovah, beaucoup de personnes commencèrent à venir aux réunions. Quelques-uns des premiers missionnaires ont une photo d’un homme âgé le jour de son baptême. Il s’appelait Antonio Molina Choto. Frère Stone étudiait avec Antonio qui, à l’époque, était âgé de 69 ans. Cette même année 1945, Antonio fut la première personne qui se voua et se fit baptiser au Salvador.
Parmi les premiers Salvadoriens qui devinrent Témoins, il y eut aussi Herminio Ramírez et sa femme. Tous les trois jours, les Stone étudiaient avec eux, et au bout d’une quinzaine de jours, frère Stone initia Herminio à la prédication. Compagnons fidèles, ils parcouraient la ville d’un bout à l’autre, diffusant des publications et visitant les personnes bien disposées. Frère Ramírez, qui est aujourd’hui ancien, se souvient encore avec beaucoup de tendresse de cette époque qui remonte à 35 ans environ.
Marguerite Stover trouva Joaquin Sarmiento qui enseignait la fabrication des chaussures dans une maison de redressement pour garçons. Presque immédiatement, il commença à assister aux réunions. Lors de sa première réunion, il entendit parler des dispositions prises pour le service du champ le dimanche suivant. Il se présenta ce jour-là, prêt à participer au service. Après cela, Joaquin et frère Stone sortirent souvent ensemble dans la prédication.
UNE FILIALE EST ÉTABLIE
Le 30 avril 1946, Raymond et Della Maples, Winona Firth et Evelyn Hill arrivèrent au Salvador pour commencer leur activité missionnaire. Un peu plus d’un an s’était écoulé depuis l’arrivée des Stone, et il y avait maintenant 10 diplômés de Galaad actifs au Salvador, les Barger étant partis pour raison de santé. Ce groupe de pionniers spéciaux attendait impatiemment la visite des frères Knorr et Franz, visite qui allait être marquée par la création d’une filiale au Salvador (mai 1946), dont Roscoe Stone serait le premier serviteur.
Pour le point culminant de la visite, 66 personnes étaient rassemblées dans le patio de la maison des missionnaires pour écouter frère Knorr prononcer le discours “Nations, réjouissez-vous!”. Il y eut quatre baptêmes. Ainsi, en mai 1946, 24 personnes chantaient des louanges à Jéhovah, soit 14 proclamateurs et 10 missionnaires.
L’ACTIVITÉ MISSIONNAIRE À SANTA ANA
En juin 1946, Leo Mahan et sa femme Esther arrivèrent. Puis ce fut le tour de Mildred Olson et Evelyn Trabert. Ils étaient nommés dans la deuxième ville du Salvador, Santa Ana, située au cœur de la ‘zone du café’, dans la partie ouest du pays. Cette ville fut la première où se développa l’activité missionnaire en dehors de San Salvador. Une maison appropriée fut louée le premier jour pour les missionnaires.
L’analphabétisme prédominait. Ainsi, les missionnaires devaient fréquemment lire, dans leur mauvais espagnol, le message imprimé sur la “carte de témoignage”. Bien souvent, il s’ensuivait une expression de confusion sur le visage du maître de maison. Il était facile de placer des publications, mais la méconnaissance de la langue rendait difficile la conduite des études bibliques. Les choses commencèrent à s’arranger quand les sœurs Wilson et Stover furent envoyées à Santa Ana pour aider les nouveaux missionnaires à se familiariser avec la langue. En prêchant avec ténacité, ils commencèrent à trouver des personnes assoiffées de vérités bibliques.
L’une d’elles était Leonor Escobar. Elle se mit à étudier et, au bout d’environ quatre mois, elle commença à sortir dans le service du champ. Il y a quelques années, bien qu’elle fût âgée de 91 ans, elle conduisait encore quatre études bibliques et passait 30 heures par mois dans l’œuvre de prédication. Aujourd’hui, elle est presque centenaire, mais elle n’en demeure pas moins un serviteur fidèle de Jéhovah. Elle est convaincue que le fait d’être active dans le service l’a aidée à jouir d’une bonne santé et à se sentir même plus forte qu’avant de connaître la vérité.
Rosa Ascencio, qui était baptiste, apprit que les missionnaires de Santa Ana vendaient un livre sur la Bible. Elle manifesta de l’intérêt et en acheta un. Peu de temps après, une de ses amies amenait Mildred Olson chez Rosa, munie du livre La vérité vous affranchira. La semaine suivante, Mildred commençait à étudier avec elle. Après seulement quatre études, Rosa était invitée à accompagner Mildred dans le service du champ. Elle progressa rapidement et elle se fit baptiser le 6 juin 1947. L’année suivante, Rosa devint le premier pionnier ordinaire de Santa Ana.
Le deuxième mois de l’activité de prédication à Santa Ana, des nouveaux commencèrent à assister aux réunions avec les missionnaires. Une congrégation ne tarda pas à être établie. En janvier 1947, Evelyn Hill et sa compagne Winona Firth quittaient San Salvador pour apporter de l’aide à Santa Ana. À la même époque, trois diplômés de la sixième classe de Galaad, Walter et Ione Wissman, ainsi que Mary Taciak, s’installèrent à San Salvador.
UNE NOUVELLE MAISON DE MISSIONNAIRES
Au début de 1947, on faisait l’acquisition d’une nouvelle demeure située au nord de la 12e avenue et à l’angle du parc du Centenaire. Cette maison allait abriter les bureaux de la filiale et servir de logement pour les missionnaires de San Salvador. Elle comportait cinq chambres qui donnaient sur un patio où poussaient des manguiers, des citronniers, des orangers, des figuiers et aussi quelques palmiers. Quelle joie c’était de cueillir ces fruits exotiques!
Les réunions de la congrégation se tenaient dans le couloir sur lequel donnaient certaines chambres. Il n’était pas rare que ceux qui arrivaient en avance aux réunions tirent les rideaux qui cachaient les fenêtres des chambres et bavardent joyeusement avec une sœur missionnaire, tandis qu’elle finissait de se maquiller ou de se préparer. Nous avons eu du mal à nous habituer à ce manque d’intimité, mais petit à petit nous nous y sommes adaptés.
Dans la maison, il y avait un grand four à bois dont les côtés étaient en argile réfractaire. On achetait du bois vert que l’on stockait jusqu’à ce qu’il soit assez sec pour brûler. Imaginez les cris lorsqu’une grosse araignée ou un insecte tropical, introduit dans la maison avec le bois, allait chercher refuge dans une chaussure ou un vêtement! De tels incidents étaient fréquents, mais les piqûres étaient rares et sans gravité.
Chauffer l’eau et cuisiner sur ce fourneau de fortune étaient des opérations délicates. La sœur qui devait cuisiner pour la journée se levait vers cinq heures du matin; elle allumait le feu et préparait le petit déjeuner et l’eau chaude pour sept heures. Pour le bain, on disposait d’un grand bac en ciment rempli d’eau. Il fallait prendre de l’eau avec un récipient de grande contenance et se la verser ensuite sur le corps.
En revanche, chaque jour on s’encourageait en racontant des faits de prédication. Les premiers missionnaires gardèrent ainsi un cœur joyeux et accordèrent moins d’importance aux désagréments. Une grande quantité de graines de vérité semées ont produit des proclamateurs de la bonne nouvelle, qui servent toujours fidèlement Jéhovah.
L’OPPOSITION À SANTA ANA
Evelyn Hill et Winona Firth furent nommées à Santa Ana juste à temps pour participer aux préparatifs de la première assemblée de circonscription qui se tint du 21 au 23 mars 1947. Une foule de 475 personnes s’assembla pour écouter le discours public “Heureux les pacifiques”. En cette occasion, les prêtres catholiques prirent conscience de notre présence et de notre activité.
Le dimanche 30 mars, les prêtres organisèrent contre nous une manifestation. Ils distribuèrent des tracts partout dans la ville. Sur l’un d’eux on pouvait lire:
“Oh! amis de Santa Ana, prions ensemble saint Michel pour qu’il nous défende contre les suppôts du Diable que sont les Témoins de notre ville de Santa Ana. Ces ‘Atalaya’ (Tour de Garde) rusés se sont installés au Salvador afin de faire des prosélytes et il n’y a rien de surprenant à cela, puisque l’oncle Sam et le Diable marchent la main dans la main.”
Ce dimanche-là, tandis qu’un petit groupe était réuni dans la maison des missionnaires pour l’étude hebdomadaire de La Tour de Garde, des jeunes garçons passèrent en courant et lancèrent de grosses pierres par la porte ouverte. Ils ratèrent de peu certains frères. Puis arriva la procession conduite par les prêtres; beaucoup portaient des cierges et quelques-uns des images pieuses. On ferma promptement la porte de la maison, qui fut criblée de pierres pendant deux heures. Couvrant le bruit des jets de pierres, la foule répétait inlassablement: “Longue vie à la Vierge!” et: “Que Jéhovah périsse!” Vers 23 heures, les frères purent retourner chez eux sans encombre.
Cet incident eut un grand retentissement pour l’œuvre de témoignage et incita les gens à mieux connaître les Témoins. Signalons en passant que les prêtres avaient donné aux gens la consigne de crier “Atalaya” chaque fois qu’ils apercevaient un Témoin. Inutile de dire que la présence des frères ne passait pas inaperçue. On fit aussi pression sur les enfants de ceux qui se réunissaient avec les Témoins, pour qu’ils aillent à l’église, même s’ils fréquentaient l’école laïque.
La fermeté des Témoins fit grande impression sur les gens de Santa Ana. Ceux-ci s’attendaient à ce qu’ils quittent la ville, dès qu’ils auraient vendu toutes leurs publications. Quelle ne fut pas leur surprise de les voir revisiter ceux qui avaient manifesté de l’intérêt, afin de leur montrer comment utiliser leurs publications! Parmi ceux qui acceptèrent la vérité, il y avait trois jeunes aveugles qui devinrent des proclamateurs très actifs.
Le dimanche 6 avril, 104 personnes se réunirent pour la célébration du Mémorial. À la fin de l’année de service 1947, on comptait 48 proclamateurs à Santa Ana. Cela représentait un accroissement remarquable obtenu en un peu plus d’un an, depuis l’arrivée des missionnaires en juin 1946.
L’ŒUVRE PROGRESSE
En août 1947, on demanda à Roscoe Stone d’aller à San Miguel pour y ouvrir l’activité de prédication. Frère Mahan fut déplacé de Santa Ana à San Salvador pour y assumer la fonction de serviteur de filiale. Peu après, les Stone rentraient aux États-Unis; l’extension de l’œuvre à San Miguel serait donc pour plus tard.
L’activité de prédication prospéra néanmoins. Par exemple, Joaquin Sarmiento prit l’initiative de prononcer des discours publics bien qu’il ne fût pas baptisé. Il passa la nuit précédant son premier discours à attendre la naissance de son fils, dans un hôpital. À six heures du matin, Joaquin junior voyait le jour; son père rentra chez lui, prit son petit déjeuner, et sortit dans le service du champ pour effectuer des nouvelles visites et inviter les gens à son discours. Cet après-midi-là, à 16 heures, 40 personnes étaient réunies pour l’écouter parler sur le thème “La paix mondiale — qui l’apportera?”. Quant au petit garçon venu au monde à la fin de 1947, c’est aujourd’hui un excellent orateur et un ancien dans l’une des congrégations de San Salvador.
DÉPART ET ARRIVÉE DE MISSIONNAIRES
La maladie fit des ravages chez les missionnaires et obligea beaucoup d’entre eux à quitter le Salvador. À la fin de 1948, il n’en restait plus que cinq, alors qu’ils étaient 17 l’année précédente. Pour compenser cette perte, Charles Beedle, un diplômé de Galaad qui servait au Guatemala, fut envoyé au Salvador comme serviteur de filiale.
Frère Beedle avait un emploi du temps très chargé. Il présidait la réunion de service à San Salvador le jeudi et à Santa Ana le vendredi. Pendant un temps, il suivit ce programme chaque semaine. Ainsi, en plus de sa charge de serviteur de filiale, frère Beedle assurait les fonctions de serviteur des congrégations de San Salvador et de Santa Ana, et il était aussi responsable de la maison de missionnaires de San Salvador.
En novembre 1948, Charlotte Bowin et Julia Clogston arrivèrent et furent affectées à San Jacinto, l’un des quartiers de San Salvador. Nous nous réjouissions de la venue de ces missionnaires, car elles avaient travaillé dans des territoires de langue espagnole au Texas et à Mexico. Peu de temps après leur arrivée, soit au mois de décembre, éclatait la révolution. Presque instantanément les magasins fermèrent leurs portes et toute activité cessa; la foule s’éparpilla en toute hâte. Un coup d’État renversa le régime du président Castañeda Castro.
ON SE SERT DE LA RADIO
La prédication du Royaume au moyen de la radio débuta en janvier 1949. Le directeur d’une station de radio (YSLL) donna une heure d’antenne aux Témoins chaque dimanche soir. Frère Beedle inaugura “l’heure de La Tour de Garde” en prononçant le discours “Les humbles hériteront la terre”. Puis il présenta aux auditeurs la “famille Lopez”.
Au cours des semaines qui suivirent, les auditeurs purent écouter la “famille Lopez”, famille imaginaire bien sûr, discuter du Royaume de Dieu sous la forme d’une étude biblique. Les livres La vérité vous affranchira, Que Dieu soit reconnu pour vrai!, C’est ici la vie éternelle! ainsi que des articles de La Tour de Garde servaient de base à la discussion. Puis, la “famille Lopez” commença à aller aux réunions tenues dans la Salle du Royaume. Enfin, elle accepta la vérité, se fit baptiser et prit part à la prédication du Royaume. Les auditeurs firent de nombreux commentaires sur la vie de cette famille.
LA FILIALE EST TRANSFÉRÉE
En mars 1949, on trouva une nouvelle maison de missionnaires et des locaux pour la filiale. Les sœurs Thompson, Wilson, Taciak, Stover, Price, Bowin et Clogston, ainsi que frère Beedle, s’installèrent dans cette maison moderne en béton, qui comportait cinq chambres. Elle était située à l’angle de la rue Campos et de l’avenue de la République de Cuba. Les réunions se tenaient dans le patio couvert. L’une des voisines de la maison s’appelait Maria Luisa Reyes. Elle accepta d’étudier avec l’un des missionnaires et, par la suite, elle prit position pour la vérité.
En ce même mois de mars, une assemblée de circonscription se tint à San Salvador. Les sessions des deux premiers jours se déroulèrent dans le patio de l’ancienne maison de missionnaires, près du parc du Centenaire. Mais le dimanche, les locaux d’un beau bâtiment scolaire municipal furent utilisés; le discours public réunit 210 personnes, dont 42 venues de Santa Ana. Le mois suivant, il y eut 157 assistants au Mémorial célébré à San Salvador.
PROGRESSION DE L’ŒUVRE À SANTA ANA
En juillet 1949, les frères de Santa Ana devinrent une fois de plus la cible de la hiérarchie catholique. L’Église publia des articles virulents contre notre œuvre. Mais ces articles n’étaient qu’un tissu de mensonges, ce que les gens de Santa Ana eurent l’occasion de vérifier un mois plus tard. L’un de ces articles affirmait que seulement trois pauvres aveugles étaient devenus Témoins de Jéhovah, et il s’achevait par cet avertissement pour le moins obscur: “Souvenez-vous qu’il est préférable de ne jamais apprendre l’anglais plutôt que d’aller en enfer pour avoir quitté l’Église.”
Le mois suivant, en août, une deuxième assemblée de circonscription eut lieu à Santa Ana. En plus des trois hommes aveugles, beaucoup d’autres personnes distribuèrent des feuilles d’invitation et annoncèrent au moyen d’affiches publicitaires le discours public intitulé “L’unique lumière”. Quelque 50 visiteurs étaient venus de San Salvador pour l’assemblée. Au total, 188 personnes étaient présentes au discours public qui fut prononcé dans la Salle du Royaume locale. Les voisins s’étonnèrent certainement de voir trois aveugles en si nombreuse compagnie!
Un peu plus tard dans l’année 1949, quatre autres missionnaires, Tillman et Josephine Humphrey, ainsi que Vivian Uhl et sa sœur Gloria Bauert, arrivèrent au Salvador. Ils furent envoyés provisoirement à Santa Ana.
DÉBUT DE L’ŒUVRE À L’EST DU PAYS
Il fut ensuite décidé d’entreprendre l’œuvre de prédication à San Miguel. On y envoya les quatre nouveaux missionnaires et l’on fit l’acquisition d’une maison pour les loger.
San Miguel est la troisième ville du Salvador. Elle est située à 50 kilomètres de l’océan Pacifique, à une altitude de 200 mètres environ, soit 460 mètres de moins que l’altitude de la capitale. L’endroit est peu boisé, le soleil ardent. Il y fait une chaleur suffocante presque tout le long de l’année. Pendant les six mois que dure la saison sèche, les vents déposent dans les maisons une grande quantité de poussière et de saletés. Mais ces conditions difficiles n’entamèrent pas l’endurance et l’esprit de fermeté des missionnaires.
La ville a des racines religieuses très profondes. Pendant la “semaine sainte”, on voit défiler dans les rues pavées de longues processions de fidèles qui chantent tout en portant des cierges et des images. Vient en premier lieu une statue de Marie et de Joseph, puis celle de Jésus portant une longue croix de bois, et enfin, dans un cercueil de verre et de bois finement sculpté, repose une statue de Jésus avec les stigmates laissés par les clous sur les mains et les pieds.
Les missionnaires furent parmi les premiers Anglo-Saxons à habiter San Miguel. Quand un frère venait prononcer un discours public, le patio de la maison des missionnaires était comble. Bientôt, 30 ou 40 personnes assistaient aux réunions. Le dimanche 6 mai 1951, alors que frère Humphrey clôturait la réunion par une prière, une violente secousse ébranla la maison. Quand il leva les yeux à la fin de la prière, il ne vit plus que les missionnaires; les autres assistants avaient fui dans la rue, comme les gens en ont l’habitude en pareil cas.
Le lendemain, on apprit que les villes de Jucuapa, Chinameca, Berlín et Santiago de María avaient subi de grands dégâts. À Jucuapa, les gens s’étaient réfugiés dans l’église pour prier. On en retrouva beaucoup étouffés sous les décombres provenant de l’effondrement des murs de l’édifice. Aussitôt s’organisèrent les premiers secours. Certains réfugiés furent logés dans des bâtiments scolaires, alors que d’autres étaient évacués à San Salvador.
LA VÉRITÉ SE RÉPAND DANS UN HÔPITAL
À la suite d’un accident, un homme qui étudiait avec un Témoin fut admis à l’hôpital Rosales de San Salvador. Il parla rapidement de la vérité à chaque personne rencontrée. Il ne tarda pas à apprendre qu’un malade du service des tuberculeux prêchait le même message. Il rapporta ce fait à Gladys Wilson, une sœur missionnaire. Imaginez la surprise de celle-ci quand elle se trouva en face de six personnes bien disposées, dont Luis Salinas. Ces personnes s’étaient plongées dans la lecture des publications de la Société et elles étaient heureuses d’avoir la visite des Témoins de Jéhovah. Dans cette salle pour tuberculeux, Gladys commença une étude à laquelle assistèrent 50 personnes. Le premier groupe de six fit de rapides progrès et donna le témoignage aux 200 autres malades du service. Certains d’entre eux moururent, mais d’autres quittèrent l’hôpital et continuèrent à progresser dans le christianisme.
L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE 1950
Les missionnaires furent heureux d’apprendre que frère Knorr les autorisait, à l’exception des quatre qui étaient arrivés à la fin de 1949, à assister à l’assemblée internationale au Yankee Stadium de New York. Les frères salvadoriens assumèrent avec joie la responsabilité de tenir toutes les réunions et de conduire les études bibliques des missionnaires en leur absence. Et ils firent un excellent travail. Dans les mois qui suivirent, chaque fois qu’ils relataient un fait, ils commençaient par dire: “Tandis que les missionnaires étaient absents et que je m’occupais de leurs études ou de leurs services dans la congrégation...” Puis ils racontaient comment Jéhovah avait béni leurs efforts. L’esprit de coopération manifesté à ce moment-là par les frères locaux stimula grandement les missionnaires à leur retour.
Au cours de l’année de service 1950, on enregistra un nouveau maximum de 150 proclamateurs, y compris les 18 missionnaires. Une congrégation fut établie à San Miguel, ce qui porta à quatre le nombre des congrégations du peuple de Dieu au Salvador.
LES ASSEMBLÉES DE CIRCONSCRIPTION COURONNÉES DE SUCCÈS
L’un des objectifs de la nouvelle année de service était d’affermir la congrégation de San Miguel, à l’est du pays. Le meilleur moyen de le faire n’était-il pas d’y tenir une assemblée? Ainsi, en novembre 1950, une assemblée de circonscription eut lieu dans cette ville où règne une chaleur accablante. Tous les assistants se réjouirent en voyant 13 personnes symboliser par le baptême d’eau leur vœu de faire la volonté de Jéhovah.
Pour beaucoup, cette scène était inhabituelle; en effet, deux missionnaires se tenaient dans les eaux profondes du Rio Grande, que la pluie avait rendu boueuses. Des poissons sillonnaient l’eau en tous sens, et dans les airs, des volées de perroquets sauvages poussaient des cris perçants, tandis que se déroulait dans l’ordre et le calme la cérémonie des baptêmes. Quelle différence avec la pompe et le rituel des baptêmes dans les églises!
En avril 1951, une autre assemblée de circonscription eut lieu, cette fois à l’ouest du pays, dans le magnifique théâtre national de Santa Ana. Plus de 200 Témoins affluèrent dans la ville, et 1 300 personnes s’entassèrent dans le théâtre pour écouter le discours public “Comment survivre à la fin du présent monde?”.
UNE SALLE DU ROYAUME ET UNE NOUVELLE MAISON DE MISSIONNAIRES
Des progrès réjouissants furent aussi enregistrés à San Salvador, la capitale. En fait, les frères avaient besoin de plus grands locaux pour se réunir, mais la plupart des salles qui auraient pu convenir se louaient entre 500 et 650 FF par mois, ce qui dépassait les moyens des frères. Cependant, on finit par louer une grande salle à l’étage dans le centre de la ville, à l’angle de la 6e rue et de la 1re avenue sud. Comme la congrégation s’accroissait, on abattit les cloisons afin de pouvoir accueillir tous ceux qui acceptaient le message du Royaume. L’année 1951 connut un accroissement déterminant pour le Salvador; il y eut un maximum de 321 proclamateurs, répartis dans sept congrégations.
Tandis que nous emménagions dans la nouvelle Salle du Royaume, la maison des missionnaires et le bureau de la filiale étaient transférés à l’angle de la 23e rue ouest et de la 1re avenue nord. Cette maison comportait cinq chambres confortables, un grand bureau, une salle à manger, une cuisine, une réserve et une petite salle de séjour. Il y avait aussi trois salles de bain. Pour la première fois, on mit à la disposition des missionnaires du matériel moderne, à savoir une machine à laver achetée pour seulement 40 FF à une personne qui étudiait la Bible avec l’un des missionnaires. Inutile de dire que tous apprécièrent d’avoir du linge plus blanc, et c’est avec joie qu’ils mirent de côté les planches à laver.
On se servait encore d’une vieille glacière en bois. Le missionnaire chargé de faire la cuisine pour la journée devait se lever à cinq heures du matin, de manière à ne pas manquer le marchand qui lui vendait une vingtaine de kilos de glace. Puis on abandonna la glacière pour un réfrigérateur dont les missionnaires avaient pu faire l’acquisition. Ainsi, les commodités de la vie moderne firent petit à petit leur apparition dans la maison des missionnaires.
L’INCENDIE DE LA CATHÉDRALE
Le 8 août 1951, un incendie se déclara au théâtre national de San Salvador; les flammes immenses gagnèrent l’autre côté de la rue et embrasèrent la cathédrale. Le souffle coupé, des milliers de personnes regardaient se consumer le bois de la charpente, qui datait de 80 ans. Certains jouèrent aux héros en grimpant sur le toit pour y percer un trou, ce qui ne fit qu’attiser le feu. L’incendie ne tarda pas à faire rage, le foyer ressemblant à une fournaise.
En 40 minutes, cet édifice de style colonial, autrefois vénéré, fut réduit en cendres. Beaucoup de fidèles pleuraient et quelques-uns risquèrent même leur vie pour sauver des flammes la statue de Jésus et la placer sur les marches du Palais national, face au brasier. En se basant sur le Psaume 115, bon nombre de Témoins se servirent par la suite de l’exemple de cette idole, qui fut incapable de se sortir du feu par elle-même, pour souligner l’impuissance de telles images.
L’Église catholique demanda de l’argent au gouvernement pour construire une nouvelle cathédrale. L’un des principaux opposants à la requête formulée par le clergé était un jeune ingénieur nommé Baltasar Perla. Comme il fut révoqué de la commission chargée d’examiner ce projet, l’Église gagna la partie et reçut du gouvernement un million de colons (1 600 000 FF). De plus, le clergé sollicita l’aide de la population pour financer la reconstruction, chacun étant invité à donner l’équivalent d’une journée de salaire. Aujourd’hui, soit 30 ans plus tard, la cathédrale n’est toujours pas achevée, et l’Église continue à chercher un soutien financier pour sa construction.
UN PROBLÈME EST RÉSOLU
L’année de service 1952 commença par une assemblée de circonscription tenue à San Salvador, au cours de laquelle 640 assistants écoutèrent le discours public prononcé au théâtre des “Follies”. Sous le rapport du nombre, l’organisation connaissait l’accroissement, et pourtant quelque chose n’allait pas. De quoi s’agissait-il?
Un représentant spécial de la Société, frère T. H. Siebenlist, visita le Salvador en janvier 1952. Après avoir examiné la situation, il cerna rapidement le problème. Beaucoup de couples vivaient en concubinage, tout en étant acceptés comme proclamateurs du Royaume. Cela peinait l’esprit saint.
Frère Siebenlist prononça donc des discours à San Salvador, à Chalchuapa et à San Miguel en insistant chaque fois sur la nécessité de légaliser ces unions. Commentant la situation, le rapport du Salvador paru dans l’Annuaire des Témoins de Jéhovah pour 1953 (angl.) reconnaît:
“Nous nous sommes rendu compte que nous nous étions endormis sur nos lauriers. (...) Préoccupés avant tout de l’accroissement numérique, nous avions négligé la qualité de notre organisation; mais à partir du 1er février 1952, tous ceux qui ne vivaient pas selon les principes de la Bible ne pourraient être comptés comme Témoins de Jéhovah, tant qu’ils n’auraient pas réglé leur situation. Ceux qui se retournèrent et changèrent de mode de vie évitèrent l’exclusion et furent aidés à résoudre leur problème. Parfois, nous nous sommes torturé l’esprit à cause de l’extrême complexité des cas. Le rapport du Salvador pour le mois de février montrait que nous avions perdu 100 proclamateurs par rapport à notre précédent maximum, mais nous étions déterminés à régler cette situation.
“Mars, avril et mai passèrent, et tous, nous nous sentions mieux. Nous éprouvions une sensation de pureté et de bien-être au sein de l’organisation. Tous les récidivistes étaient partis; les fidèles proclamateurs avaient redressé les choses dans leur vie et nous ressentions l’opération de l’esprit saint et la bénédiction de Jéhovah sur notre œuvre. Nous travaillions aussi dur qu’avant, oui, mais maintenant nous pouvions voir les fruits de notre travail (...).
“Bien sûr, le nombre des proclamateurs avait baissé, mais le total des heures ne diminua pas pour autant; il augmenta même. Les proclamateurs ont été merveilleux; ils ont travaillé en profondeur, faisant plus de nouvelles visites et d’études qu’auparavant au cours de l’histoire de la république. Nous pensions que ceux qui nous avaient abandonnés étaient indispensables, mais il n’en était rien. Nous n’avions pas compris que l’important est de se vouer à Dieu et non à une œuvre.”
LES UNIONS SONT LÉGALISÉES
Rosa Ascencio, le premier pionnier salvadorien à Santa Ana, fut touchée par la nouvelle décision. Elle vivait maritalement avec Virgilio Montero, musicien dans l’orchestre militaire national, qui était aussi un Témoin baptisé. Que firent-ils?
Rosa expliqua: “Nous savions que nous agissions mal, mais nous attendions que quelqu’un nous en parle.”
Par conséquent, ils mirent fin immédiatement à leur concubinage et entamèrent les démarches nécessaires pour conformer leur vie aux principes bibliques. Il fallut quatre années pour que Virgilio divorce d’avec son ex-femme et obtienne les documents indispensables pour épouser Rosa. Enfin, ils se marièrent légalement et se vouèrent une seconde fois à Jéhovah par le baptême. Par la suite, Virgilio goûta aux bénédictions divines en servant comme surveillant dans une congrégation à San Salvador et aussi, pendant un temps, comme surveillant de circonscription. Jusqu’à leur mort, tous deux furent très aimés de leurs frères du Salvador.
Dans la plupart des cas, régulariser sa situation en vue du service chrétien était plus facile à dire qu’à faire. Malgré cela, beaucoup prirent toutes les mesures nécessaires pour satisfaire à cette exigence biblique. Ainsi, la croisade en faveur du mariage connut un bel essor, et les fonctionnaires de la mairie furent très impressionnés de voir les missionnaires leur amener régulièrement des couples, accompagnés de leurs enfants, pour légaliser leur union.
Le maire de San Salvador dit un jour à Mary Taciak: “Enseignez-les; amenez-les-moi, et je les marierai.” C’est très précisément ce que les missionnaires faisaient. En entendant son père parler de mariage, un petit garçon lui dit: “Mais tu ne vas pas te marier avec maman, dis?”
Un jour qu’elle allait de porte en porte à Colonia La Rábida, Mary Taciak rencontra une jeune maman qui accepta une étude biblique. Cette femme et son compagnon, Ramon Argueta, ne tardèrent pas à manifester beaucoup de zèle pour leur étude et à assister régulièrement aux réunions. Quand Mary leur demanda s’ils étaient mariés, Ramon répondit: “Non, nous sommes comme Adam et Ève, nous vivons ensemble sans avoir été mariés.”
Alors, Mary leur expliqua qu’Adam et Ève avaient été mariés par Jéhovah. En apprenant cela, Ramon et sa femme voulurent légaliser leur union. Ils entreprirent donc de rassembler leurs fiches d’état civil et celles de leurs quatre enfants. Mais ils ne purent trouver l’extrait de naissance de Ramon et il leur fallut consulter un médecin légiste pour qu’il détermine approximativement son âge. Quand le médecin vit Mary, il lui demanda ce que “ces gens” étaient pour elle. “Ce sont mes frères”, répondit-elle. Il hocha seulement la tête, en disant: “Dans votre religion, il y a une fraternité véritable.”
L’Annuaire pour 1953 (angl.) parla en ces termes des efforts faits pour aider les gens à légaliser leur union: “Notre réputation d’attachement aux principes moraux élevés s’étendit. Mais cela jouait plutôt en notre faveur. Des gens haut placés le remarquèrent et nous félicitèrent.”
ON UTILISE LA BIBLE DE PORTE EN PORTE
Au cours de sa visite, frère Siebenlist montra également comment lire quelques passages directement dans la Bible aux portes, plutôt que de tendre au maître de maison une carte de témoignage dans son enveloppe en plastique. Les missionnaires commencèrent à mettre cette suggestion en pratique quand frère Siebenlist visita San Miguel. Beaucoup exprimèrent leur satisfaction par des remarques du genre de celle-ci: “J’ai vraiment eu le sentiment d’avoir appris quelque chose aux gens, même s’ils n’ont pas accepté de publications.” En peu de temps, tous les proclamateurs du Salvador employaient cette méthode dans le service.
LES ASSEMBLÉES DE CIRCONSCRIPTION — DES MOMENTS HEUREUX
Au temps où l’organisation en était à ses débuts, les frères se faisaient une fête de se réunir pour trois jours lors des assemblées de circonscription. C’était, particulièrement pour les missionnaires, l’occasion de se retrouver. On put le vérifier en mai 1952, à l’assemblée de San Miguel.
Une fois le programme de la journée terminé, ils se retrouvaient tous ensemble dans la maison des missionnaires de San Miguel où ils dormaient un peu partout, sur des lits de camp ou des hamacs. Pour aérer, on ouvrait les portes qui donnaient sur le patio. Avant d’aller se coucher, les missionnaires, que les activités de la journée avaient stimulés, se racontaient des faits de prédication, parlaient de ce qu’ils avaient apprécié dans le programme, de ce qui s’était produit en cuisine, etc. Beaucoup d’histoires drôles déclenchaient un rire général, et cela durait jusqu’à ce que les plus fatigués aient réclamé le silence. Puis, à la fin de l’assemblée, tous les missionnaires allaient ensemble, soit au cinéma, soit dans un petit restaurant. Il existait parmi eux une excellente atmosphère familiale.
Le dernier jour de l’assemblée de San Miguel, il fut émouvant de voir 800 personnes se réunir au théâtre national pour écouter le discours public “La religion survivra-t-elle à la crise mondiale?”. L’un des instants mémorables de l’assemblée fut le baptême. Ramon Argueta était l’un des 41 baptisés; peu de temps auparavant, il avait pu légaliser son union. Ramon se souvient encore qu’il fumait une cigarette tout en allant sur les lieux du baptême. Un autre candidat, qui fumait lui aussi, lui dit: “C’est notre dernière cigarette.” Depuis lors, Ramon n’a plus jamais fumé.
L’année suivante, Julia, la femme de Ramon, prit le baptême. Plus tard, deux de leurs enfants passèrent plusieurs années dans le service à plein temps. Leur fils, Victor, devint pionnier spécial, puis surveillant de circonscription et, finalement, il fut le premier frère salvadorien à travailler à la filiale.
L’assemblée de circonscription suivante était prévue à Santa Ana, en novembre 1952. Mais le gouvernement du Salvador décréta l’état d’urgence, et tous les droits civiques furent suspendus pour une période de 60 jours. Selon la rumeur, les communistes complotaient de prendre le pouvoir. Comme le directeur du théâtre national était retenu par la police, les frères ne pouvaient utiliser la salle. Cependant, ils n’abandonnèrent pas la partie. Ils cherchèrent activement un autre local pour tenir l’assemblée. Par peur, les propriétaires refusèrent de louer tour à tour trois salles. Or, une semaine seulement avant l’assemblée, le gouvernement leva l’interdiction, et les droits civiques furent rétablis. Ainsi, le dimanche, 700 personnes vinrent au théâtre écouter le discours public, et, le même jour, il y eut 19 baptêmes.
L’ACCROISSEMENT SE POURSUIT
Maura Flores fut parmi ceux qui acceptèrent la vérité à cette époque-là. Elle était impressionnée par l’unité des Témoins, ce qu’elle n’avait pas vu chez les adventistes. Avec son fils de neuf ans, elle commença à assister régulièrement aux réunions. Par la suite, son fils Mario passa de nombreuses années dans le service de pionnier spécial et il suivit même les cours de l’École de Galaad. Après cela, il fut pendant plusieurs années surveillant de circonscription au Salvador et, aujourd’hui, sa femme et lui sont dans la maison des missionnaires à San Miguel.
À cette même époque, Federico Del Cid vint du village de Tejutepeque pour trouver du travail à San Salvador. Il rencontra Ernesto Portillo et, au cours d’une discussion sur la reconstruction de la cathédrale, Federico déplora qu’Ernesto eût quitté l’Église. Ernesto lui remit alors un exemplaire de La Tour de Garde.
Le dimanche suivant, les deux hommes se retrouvèrent. Frappé par ce qu’il avait lu, Federico demanda à Ernesto une étude biblique à domicile. Quand Federico retrouva les membres de sa famille à Tejutepeque, il réussit à les intéresser tous à l’étude de la Bible. Peu après, Federico et cinq autres personnes de sa famille se faisaient baptiser. Au cours de toutes ces nombreuses années, les frères lui ont témoigné de l’amour et du respect, et aujourd’hui il sert en qualité d’ancien.
Au début des années 1950, un musicien, Angel Montalvo, manifesta de l’intérêt pour la vérité qu’un pionnier spécial était venu lui faire connaître. Cet intérêt fut si profond qu’il vendit sa guitare, son seul gagne-pain, pour acheter une Bible. Ayant fait d’excellents progrès, il fut baptisé en 1953. Angel passa un certain nombre d’années dans le service de pionnier spécial et il est aujourd’hui ancien dans la congrégation de Soyapango Oriente.
CHANGEMENT PARMI LES MISSIONNAIRES
À cause de la maladie, et aussi pour d’autres raisons, sept missionnaires quittèrent le pays à peu près tous en même temps, en 1953. Ils emportèrent d’agréables souvenirs mais aussi des impressions durables. Marguerite Stover, qui était arrivée huit années auparavant, soit en 1945, eut beaucoup de mal à oublier les cortèges funèbres qui se rendaient au cimetière. Le convoi suivait les hommes qui portaient le cercueil sur leurs épaules.
Beaucoup trop souvent, il s’agissait d’un petit cercueil blanc. Il est même arrivé à Marguerite et à Mary Taciak de devoir acheter un cercueil analogue pour le bébé d’une amie. Elles aidèrent à y placer l’enfant et à le transporter au cimetière. Malheureusement, les missionnaires étaient souvent confrontés à de telles situations.
En mars 1953, Jane Campbell vint pour remplacer les missionnaires qui avaient dû partir. Les frères se réjouirent de sa venue, et plus particulièrement l’un d’eux. Nous voulons parler de Charles Beedle, le surveillant de filiale, qui allait l’épouser. Jane fut affectée à la congrégation de San Jacinto.
Puis, les missionnaires prirent de nouveau des dispositions pour assister à l’assemblée internationale de New York, et les frères du Salvador eurent une fois encore l’occasion d’organiser les différentes activités en leur absence. L’un des missionnaires de San Miguel, Ruth Price, fit cette remarque: “Je n’avais pas d’argent pour assister à l’assemblée. Puis, un jour, je reçus une lettre des missionnaires de San Salvador disant que si je pouvais trouver un moyen d’aller de Miami à New York, ils me paieraient le billet d’avion pour Miami. Inutile de dire que j’acceptais leur offre et que j’étais reconnaissante à Jéhovah d’avoir des amis si généreux parmi les missionnaires.” Ainsi tous les missionnaires purent assister durant l’été 1953 à la seconde assemblée tenue au Yankee Stadium.
LA PRÉDICATION DANS LES TERRITOIRES NON ATTRIBUÉS
En 1953, les proclamateurs de San Salvador commencèrent à effectuer leur activité dans la petite ville de San Juan Talpa, à 32 kilomètres de la capitale. Ils faisaient une partie du trajet en autocar et les derniers kilomètres à pied. Ces randonnées étaient très animées.
Un certain jour, la chaleur était si accablante que les frères décidèrent de se baigner dans une petite rivière. L’idée parut excellente, avant que les fourmis rouges ne commencent à dévorer les sœurs au moment où elles se mettaient en maillot. Quel soulagement ce fut de se réfugier dans l’eau!
À l’occasion de cette baignade, l’on pêcha des crevettes d’eau douce, et tandis que le groupe participait au service du champ, un parent de l’un des frères de San Juan Talpa prépara les crustacés. Au repas, les missionnaires s’étonnèrent de voir les autres frères manger leurs crevettes avec les yeux, la tête, les antennes et la carapace. À la grande surprise de l’une des sœurs missionnaires, on avait spécialement préparé à son intention la plus grosse crevette. Elle n’eut d’autre solution que de manger le crustacé dans sa totalité, s’efforçant de cacher sa répugnance.
Cette activité à San Juan Talpa produisit un certain nombre d’études bibliques, et plusieurs personnes acceptèrent la vérité, y compris un écolier, Raúl Morales. Ses parents avaient l’habitude de lui donner beaucoup de travail à faire pour l’empêcher d’aller aux réunions. Mais il accomplissait promptement sa besogne de manière à y aller quand même. Finalement, il débuta dans la prédication et, par la suite, devint pionnier spécial et surveillant de circonscription.
Les frères de San Salvador visitèrent aussi Santo Domingo, une autre localité isolée, d’où le prêtre avait été chassé par quelques familles. Plus tard, le maire de cette ville accepta la vérité, se fit baptiser et servit en qualité de surveillant-président. D’autres villes qui ont été visitées aux premiers temps de l’œuvre comptent aujourd’hui des congrégations; citons, entre autres, Quezaltepeque, San Sebastián et Los Planes de Renderos, villes situées dans une région accidentée, au sud de la capitale. Il y fait très frais, et beaucoup d’hommes d’affaires prospères de la ville ont établi là leur résidence. Aujourd’hui, on y trouve une congrégation florissante et une magnifique Salle du Royaume.
En 1953, il y eut au Salvador une assistance de 515 personnes au Mémorial, et le chiffre de 10 congrégations fut atteint.
UN JEUNE GARÇON EST ATTIRÉ PAR LE MESSAGE DU ROYAUME
Rodrigo Guevara de San Salvador se mit à prendre régulièrement La Tour de Garde et Réveillez-vous! aux missionnaires qui les présentaient au coin d’une rue. Il souhaitait que son fils Jorge, âgé de 12 ans, reçoive une bonne éducation, et il était ouvert à tout ce qui pourrait l’aider à atteindre ce but. Il se procura aussi à son intention les livres Que Dieu soit reconnu pour vrai! et La vérité vous affranchira. Puis, Rodrigo amena Jorge à la Salle du Royaume et il le confia aux frères. Le garçon se mit à assister régulièrement aux réunions et se fit inscrire à l’École théocratique.
Intéressé par le message du Royaume, Jorge prit le baptême l’année suivante. Au cours de sa carrière théocratique, Jorge dut surmonter quelques difficultés. Un soir, il s’offensa parce que le surveillant à l’école lui avait donné des conseils plutôt sévères après qu’il eut présenté une allocution. Découragé, Jorge jeta sa Bible à terre en se promettant de ne plus remettre les pieds à la salle. Cependant, la semaine suivante, il décida d’y retourner et de solliciter le pardon du frère. Comme il entrait dans la salle, le surveillant à l’école se précipita vers lui pour s’excuser. La fréquentation étroite de la famille des frères permit à Jorge de combler le vide de sa vie solitaire; en effet, son père était toujours très occupé, bien qu’il pourvût financièrement à sa nourriture et à ses autres besoins. Quant à sa mère et aux autres membres de sa famille, ils vivaient loin de lui.
LA VISITE DE FRÈRE FRANZ
À la fin de 1953, la visite de frère F. W. Franz causa une surprise mémorable. Il fut le principal orateur de l’Assemblée de la société du monde nouveau tenue au Salvador du 13 au 18 octobre. Les frères ressentaient une vive émotion en l’entendant prononcer les principaux discours qui avaient été donnés quelques mois auparavant à l’assemblée internationale, au Yankee Stadium de New York. À la grande joie de tous, 1 225 personnes se réunirent au théâtre national de San Salvador pour le discours public intitulé “Après Harmaguédon, Dieu établira un monde nouveau”, discours qui fut retransmis simultanément par une station de radio locale.
LE PREMIER FILM DE LA SOCIÉTÉ
L’un des grands événements de l’année 1954 fut la projection du film “La Société du Monde Nouveau en action”. Dans tout le pays, il contribua vraiment à accroître la reconnaissance des frères pour l’organisation de Jéhovah. À Acajutla, un port de 3 000 habitants environ, on offrit gratuitement aux frères le théâtre pour la projection ainsi qu’une heure de publicité par haut-parleur. Quatre cents personnes virent le film et beaucoup d’entre elles s’intéressèrent à la vérité. Les membres d’une famille demandèrent à être visités, car ils souhaitaient devenir Témoins de Jéhovah. Aujourd’hui, une congrégation importante existe à Acajutla. Des faits semblables se produisirent souvent dans toutes les régions du pays après la projection du film.
CONSTRUCTION D’UN NOUVEAU BÂTIMENT POUR LA FILIALE
En décembre 1954, frère Knorr visita une nouvelle fois le Salvador. À cette époque-là, la construction d’un bâtiment pour la filiale situé à l’angle de la 3e avenue nord et de la rue San Carlos, allait bon train. Mais voici comment tout avait commencé.
En 1949, Dorothy Thompson visita Paulina de Perla, la femme de l’ingénieur bien connu qui s’était opposé au clergé dans l’affaire de la reconstruction de la cathédrale. Un jour que Paulina baignait son petit garçon Baltasar junior, Dorothy lui donna le témoignage. Bien que Paulina ait manifesté de l’intérêt, Dorothy la perdit de vue quand elle déménagea dans un autre quartier.
Plus tard, Charlotte Bowin retrouva Paulina qui accepta une étude biblique. Baltasar, son mari était alors sous-secrétaire d’État dans le cabinet du président Oscar Osorio. Comme Baltasar désirait améliorer son anglais, il chargea sa femme de demander à Charlotte de bien vouloir lui donner quelques cours privés d’anglais. Pendant ces cours, Charlotte avait l’habitude de lui parler de la Bible et du vrai culte. En fin de compte, Baltasar s’intéressa si vivement à la vérité qu’il demanda à Charlotte d’étudier la Bible avec lui en espagnol.
Comme le gouvernement du président Osorio se heurtait à l’Église catholique, Baltasar suggéra que le moyen de combattre les catholiques était de dresser contre eux les protestants. On recommanda au président d’aider les protestants. Il accepta, tout en se demandant par qui il allait commencer. Baltasar proposa à Charles Beedle et à Charlotte une entrevue avec le président Osorio. Au cours de l’entretien, ils lui donnèrent un excellent témoignage sur le Royaume de Dieu. Favorablement impressionné, le président déclara qu’il serait heureux d’aider les Témoins.
Bien qu’il n’eût pas encore complètement accepté la vérité, Baltasar exprima cependant le désir de réaliser les plans d’architecture et la construction d’un bâtiment pour la filiale des Témoins de Jéhovah, et ceci sans percevoir d’honoraires. Ses plans furent soumis à l’approbation de la Société Watch Tower à Brooklyn.
C’est ainsi qu’en décembre 1954 frère Knorr visita le chantier de construction où se dressaient les murs du rez-de-chaussée du bâtiment et les coffrages métalliques. Il donna une brève allocution traduite en espagnol par frère Beedle. Il exprima le souhait que ce bâtiment ne tarde pas à devenir trop exigu pour servir efficacement les intérêts du Royaume au Salvador. Étant donné que le bâtiment devait comporter six chambres, une salle à manger, un bureau de réception, une cuisine, une réserve, une lingerie, un bureau, une pièce pour le stockage et une Salle du Royaume pouvant accueillir 300 personnes, sans compter la terrasse qui permettrait la construction de chambres supplémentaires, le souhait de frère Knorr paraissait plutôt exagéré.
LE SALVADOR ÉVOLUE
Avec le président Osorio, le pays connut un grand essor. On promulgua une nouvelle législation du travail qui prévoyait des avantages sociaux et un salaire minimum vital. La construction d’une grand-route côtière permit un accès plus facile aux différents ports, entre autres celui d’Acajutla; cette route offrait également aux touristes de beaux points de vue. Des modifications dans les lois bancaires facilitèrent l’investissement et la création de nouvelles entreprises. Il s’ensuivit l’apparition d’une classe moyenne importante et l’élévation générale du niveau de vie.
Lors de son arrivée au pouvoir en 1950, le président Osorio eut pour objectif de faire disparaître les quartiers insalubres où les pauvres devaient entasser dans une seule pièce leur nombreuse famille. Bien que ce but ne pût être totalement atteint, la direction de l’Habitation et de l’Urbanisme entreprit la construction d’immeubles de trois étages et de maisons individuelles. Ceux qui avaient des revenus modestes purent louer, voire même acheter ces logements au gouvernement.
Les grandes transformations des années 1950 firent du Salvador un pays bien différent de celui que les premiers missionnaires avaient connu à leur arrivée. De plus en plus d’automobiles furent mises en circulation. De nouveaux autobus remplacèrent les vieux “dragons verts”, lesquels n’étaient que des camions avec une carrosserie de bois et des sièges de fortune. Les vitrines des magasins exposèrent les articles les plus variés pour attirer l’œil des passants, et de nouvelles usines poussèrent comme des champignons.
GRATITUDE POUR LES CHOSES SPIRITUELLES
Pendant la visite de frère Knorr, une assemblée eut lieu dans la salle de l’Union des travailleurs. Le discours public ayant pour thème “L’amour de Dieu au secours d’un monde en crise” fit l’objet d’une grande publicité. À San Juan Talpa, la famille Morales apprit qu’une assemblée devait avoir lieu; comme le jeune Raúl était déterminé à y assister, il se leva à 3 heures du matin et fit plus de 30 kilomètres à pied pour se rendre à San Salvador. Il fut au nombre des 572 assistants qui écoutèrent le discours public. De retour chez lui, il était plus que jamais déterminé à demeurer attaché aux choses spirituelles.
CHANGEMENTS DANS L’ACTIVITÉ MISSIONNAIRE
En décembre 1954, deux nouveaux couples de missionnaires arrivèrent: Paul et Muriel Coconis ainsi que Daniel et Joan Elder. Paul et Muriel furent tout de suite affectés à la maison des missionnaires de San Miguel. Mais peu de temps après, on informa les missionnaires de San Miguel qu’ils allaient être déplacés à Santiago de María, afin d’inaugurer l’œuvre de prédication dans cette région.
Les missionnaires prêchèrent aussi bien à Santiago de María que dans les villages voisins. Ils avaient l’habitude de prendre l’autocar à 6 heures du matin et de rentrer le soir, avec le dernier. Les missionnaires conduisaient l’étude de La Tour de Garde le dimanche après-midi à Chinameca et, au retour le soir, ils la conduisaient de nouveau à Santiago de María. Un autre jour de la semaine, ils prêchaient à Usulután, Berlin et Alegría. Un grand intérêt se manifesta dans ces villes et, plus tard, quand on déplaça les missionnaires, on les remplaça par des pionniers spéciaux qui suivirent l’intérêt.
Au début de 1955, on déplaça les missionnaires de Santa Ana à Sonsonate. Ainsi, à cette époque-là, un groupe important de missionnaires travaillait dans des villes comme Ahuachapán, Santiago de María, Sonsonate et, bien sûr, San Salvador.
UNE FAMILLE PATRIARCALE
En 1951, Juan Peña, un jeune homme de Santiago Texacuangos, commença à étudier assidûment la Bible. Il prit le baptême en 1952 et, quelque temps plus tard, il devint pionnier. Par la suite, il fut nommé serviteur de congrégation à Santiago Texacuangos. Dans cette congrégation, 20 personnes parmi celles qui étudiaient avec Juan prirent le baptême. La famille de Juan, à elle seule, formait une congrégation assez importante. Le grand-père de Juan, Abraham Peña, construisit une nouvelle demeure en béton, afin de pouvoir disposer d’une Salle du Royaume qui réponde mieux aux besoins.
N’allez pas croire que la famille Peña entreprit cette activité sur un coup de tête ou sous l’effet d’une émotion. Ces gens avaient toujours été très pieux, et l’Église catholique entreposait chez eux ses idoles. La femme d’Abraham, Lugarda, consacrait chaque soir une heure à l’adoration d’une vingtaine d’images. Elle les avait disposées sur une table basse, et elle s’agenouillait devant elles. Mais maintenant que les graines de vérité avaient été semées, Abraham convoqua toute la famille dans un champ de maïs, afin de demander aux chefs de famille s’ils étaient disposés à quitter l’Église catholique. Leur réponse étant affirmative, tous passèrent à l’action.
Abraham acheta un nouveau break que ses fils conduisaient de ville en ville, mais il ne s’agissait pas de voyages d’agrément; les Peña cherchaient plutôt à propager la bonne nouvelle du Royaume. Il leur arrivait même de rester deux ou trois jours dans une ville. Frère Beedle, qui les accompagnait généralement, prononçait le soir des discours publics. Ce fut le cas à Sonsonate, et beaucoup de personnes manifestèrent de l’intérêt. En 1955, on ouvrit une maison de missionnaires dans cette ville, ce qui permit de suivre l’intérêt suscité.
ÉCHEC DE LA PERSÉCUTION — LES BREBIS SONT RASSEMBLÉES
Les missionnaires avaient à peine commencé leur prédication à Sonsonate que des prêtres italo-américains déclenchèrent contre eux une opposition haineuse. Chaque soir, au cours d’une émission radiodiffusée de 15 minutes, le responsable de ce mouvement tenait des propos enflammés contre les Témoins dans le but de soulever l’opinion contre eux. Bien que ces prêtres aient su gagner l’estime d’une grande partie de la population en adoptant des idées libérales, certains de leurs meilleurs amis leur conseillèrent de “laisser les Témoins tranquilles”.
Cependant, les prêtres ne les écoutèrent pas et allèrent beaucoup trop loin en excommuniant le propriétaire de la maison des missionnaires, parce qu’il ne les avait pas expulsés. Le propriétaire en question, l’un des hommes les plus influents de la ville, n’était pas du genre à se laisser facilement intimider. Il ne tenait déjà plus l’Église catholique et son clergé en très haute estime, et ce coup porté contre lui ne fit que le confirmer dans son sentiment. Sa femme non plus ne parut pas affectée par cette excommunication. Cette affaire fit perdre aux prêtres beaucoup de leur popularité, et la persécution échoua. Les missionnaires continuèrent fidèlement à communiquer aux gens le message de vie, et aujourd’hui il y a dans cette ville une congrégation de Témoins de Jéhovah zélés.
Des personnes au comportement de brebis commencèrent à se manifester à Ahuachapán. On vit un jour un jeune lycéen, assis devant la Salle du Royaume, en train d’écouter ce qui se disait. Il s’appelait Pedro Guerrero. C’était un adolescent frêle, qui ne devait pas peser plus de 35 kilos. Quand on vint lui demander ce qu’il voulait, il répondit qu’il cherchait les Témoins de Jéhovah. À partir de ce jour-là, il se mit à assister régulièrement aux réunions, étudiant la Bible avec Tillman Humphrey. En 1958, il se fit baptiser et il eut la joie de se voir confier différentes tâches dans l’organisation, y compris celle de surveillant de circonscription.
ILS RENONCENT À FUMER
Un certain nombre de personnes bien disposées faisaient usage de tabac. Par exemple, il y avait Daniel Zaldaña, un homme d’un certain âge qui habitait à Ahuachapán, en face de la maison des missionnaires. C’était un grand fumeur et il se faisait du souci parce qu’il n’arrivait pas à renoncer au tabac. Mary Nosal, la sœur missionnaire avec qui il étudiait, lui suggéra de se concentrer sur l’étude de la Bible, afin d’être à même de prendre par la suite une décision.
Un soir, Daniel vint chez Mary avec une bonne nouvelle. Il avait remporté la victoire sur le tabac! Il prit le baptême en 1956 et depuis 15 ans, il fait le service de pionnier. Quel bel exemple! Bien qu’âgé et en mauvaise santé, il met les intérêts du Royaume à la première place dans sa vie. C’est à peu près à la même époque que Mary Nosal rencontra deux sœurs: Juana et Herminia Escobar. Outre qu’elles pratiquaient le spiritisme, elles fumaient énormément. L’une d’elles avait l’habitude de porter une cigarette derrière l’oreille, cigarette qu’elle allumait avec le bout de celle qu’elle finissait de fumer. Un mur entier de leur maison était couvert d’images qu’elles vénéraient. Elles finirent par les enlever et par abandonner l’usage du tabac ainsi que le spiritisme. Lors des assemblées de circonscription et de district, on les voit fréquemment aider à la cuisine ou à la plonge.
INAUGURATION DE LA NOUVELLE FILIALE
En juin 1955, on acheva la construction du nouveau bâtiment de la filiale. Cette habitation confortable, les bureaux et la Salle du Royaume étaient le fruit d’un long et dur travail. Jane Beedle écrivit:
“Nous habitions seulement à deux ou trois pâtés de maisons du lieu de construction. Quand Baltasar et mon mari goudronnèrent la terrasse et installèrent l’électricité, nous leur avons apporté leurs repas. Il leur arrivait de travailler 14 heures d’affilée pour terminer une tâche. Quand ils fabriquèrent les chaises, Curtis Smedstad les aida. Ils travaillèrent dur pour assembler et souder les parties métalliques de ces sièges. Au total, ils en firent 500. Avec les sœurs missionnaires, nous avons pris une part active au nettoyage du bâtiment et à la confection des rideaux, afin que tout soit prêt pour l’inauguration.”
Frère John Parker vint du Guatemala pour prononcer le discours d’inauguration. En cette circonstance, Baltasar Perla surprit tout le monde en disant: “C’est à Jéhovah Dieu que nous devons cette construction.”
C’était la première fois qu’il reconnaissait publiquement sa croyance en Jéhovah comme l’Autorité suprême. Il y eut beaucoup de visiteurs, et tous apprécièrent la crème glacée qui fut servie. Le lendemain, frère Parker prononça le discours public ayant pour thème “Comment surmonter les craintes de la présente génération”.
BALTASAR DEVIENT TÉMOIN DE JÉHOVAH
Peu de temps après la construction du bâtiment de la filiale, Baltasar Perla se rendit aux États-Unis sur l’invitation du gouvernement américain. Pendant son séjour à New York, il vit une publicité pour un cours par correspondance sur la doctrine catholique. Il pensa que c’était l’occasion de connaître les enseignements de l’Église sur le Royaume, car cette question l’intéressait au plus haut point. Il paya 1 000 francs français pour le cours complet qui comprenait deux cartons de livres et de brochures.
Il rentra rapidement à son hôtel et pendant les trois jours suivants il compara le contenu de ces écrits avec celui de la Bible. Il arriva finalement à la conclusion que les enseignements de la religion catholique ne sont pas en harmonie avec ceux de la Bible. Comme ses activités professionnelles le conduisirent dans différentes villes des États-Unis, partout où cela fut possible il rechercha la Salle du Royaume.
À Columbus (Ohio), il se voua à Jéhovah et, un peu plus tard, à l’occasion d’une assemblée tenue à New York, il symbolisa son vœu par le baptême d’eau. Ce qui l’attira chez les Témoins, précise-t-il, ce ne fut pas spécialement leur enseignement, mais plutôt leur conduite chrétienne. Il était impressionné par leurs mariages heureux, entre autres celui de Charles et Jane Beedle. Il voulait voir ses enfants grandir et goûter un tel bonheur. En 1960, après le départ du Salvador de frère Curtis Smedstad, Baltasar devint serviteur de ville à San Salvador.
FORMATION D’UNE DEUXIÈME CIRCONSCRIPTION
En octobre 1955, un jeune pionnier de Santa Ana, Saúl De León, fut nommé serviteur de circonscription en remplacement d’Antolin Castillo Peña, qui était devenu infidèle. Puis on forma une deuxième circonscription en janvier 1956, et frère Curtis Smedstad en devint le serviteur.
LA SOCIÉTÉ PRÉSENTE UN NOUVEAU FILM
En mai 1956, Chrissie Wilson et Florence Enevoldsen vinrent grossir les rangs des missionnaires et amenèrent le nouveau film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau”. Bien qu’on fût en plein jour, les missionnaires firent immédiatement l’obscurité dans le hall d’entrée, afin de projeter le film. Comme Curtis Smedstad, qui est diplômé de la 14e classe de Galaad, possédait une voiture, il projeta ce film de ville en ville devant des centaines de spectateurs satisfaits. Curtis raconta le fait suivant qui se produisit dans le nord du pays:
“Nous devions traverser une propriété privée pour entrer dans une certaine ville. Les propriétaires percevaient un droit de passage pour l’utilisation de leur route. Ayant laissé notre voiture à la ferme des propriétaires, il nous fallait continuer le voyage à cheval. Il était convenu que nous paierions au retour. Sur notre trajet, nous nous sommes arrêtés souvent pour projeter le film devant des publics fort nombreux.
“Quand nous sommes revenus à la ferme, les propriétaires qui avaient été informés de ces projections ne voulurent pas nous laisser partir avant d’avoir vu le film eux aussi. Comme cela se passait dans la journée, ils rassemblèrent promptement tous les ouvriers agricoles, soit au moins 75 personnes, et l’on s’entassa dans une petite pièce, que l’on obscurcit en fermant portes et fenêtres. Inutile de vous dire que nous étions comme dans une étuve! Pourtant, personne ne s’en alla et tous furent très enthousiastes. Au moment où je m’apprêtais à payer les droits de passage, le directeur refusa en disant que c’était plutôt à eux de nous payer. On laissa beaucoup de publications dans cette ferme.”
LES MISSIONNAIRES — NOUVEAUX VENUS ET ANCIENS
Invariablement, la plupart des nouveaux missionnaires se sentaient dépaysés; ce phénomène est courant chez tous ceux qui s’expatrient. Pour ce qui est de Florence Enevoldsen et de Chrissie Wilson, elles furent nommées à San Salvador. Florence s’en souvient encore:
“Pendant les deux heures que dura notre première réunion, nous avons seulement compris l’expression ‘Watch Tower Bible and Tract Society’ que Charles Beedle utilisa dans les remarques finales. Le dimanche suivant, nous sommes allées dans le service en groupe. Il y avait entre autres Evelyn Hill qui, avec beaucoup de patience, nous servit d’interprète auprès des frères locaux.
“Ce matin-là, nous avons prêché dans des bâtiments particulièrement sales. Outre la crasse, il y avait d’énormes cafards, ce qui rendit Chrissie malade. Une femme lui offrit aimablement un verre d’eau contenant un Alka-Seltzer. Elle le refusa, car on lui avait fortement déconseillé de boire de l’eau. Heureusement, Chrissie était accompagnée d’une sœur de San Salvador; celle-ci but le contenu du verre, afin de ne pas offenser la maîtresse de maison. Les proclamateurs nous reconduisirent ensuite à la maison des missionnaires, bien que nous en connaissions le chemin; malheureusement, nous n’arrivions pas à le leur faire comprendre, car notre espagnol était trop pauvre.”
Tandis que de nouveaux missionnaires arrivaient, on assistait assez fréquemment au départ des plus anciens. Parfois, c’était pour se marier. Par exemple, Charlotte Bowin, qui avait passé sept ans au Salvador, se fiança à Albert Schroeder à la suite des assemblées tenues en Europe en 1955. Au début de 1956, elle commença une nouvelle forme d’activité à la ferme du Royaume, dans l’État de New York. Aujourd’hui frère Schroeder est membre du Collège central, et sa femme Charlotte ainsi que leur fils Judah Ben, qui est âgé de 22 ans, travaillent avec lui au Béthel de Brooklyn.
ON UTILISE À NOUVEAU LA RADIO
Dans la même année (1956), la station de radio YSAX commença à diffuser le programme réalisé par les Témoins de Jéhovah; il avait pour thème “Questions que se posent les auditeurs”. Cette émission dura trois ans, jusqu’au moment où le clergé catholique racheta la station. Cependant, grâce à elle, beaucoup de gens s’intéressèrent à la vérité.
PROTESTATION CONTRE LA PERSÉCUTION EN UNION SOVIÉTIQUE
Lors de l’assemblée de circonscription tenue à San Salvador en août/septembre 1956, on présenta une pétition pour protester contre la persécution des Témoins de Jéhovah en Union soviétique. Quelque 500 personnes l’approuvèrent, et on l’envoya aux dirigeants soviétiques. Des copies de la résolution furent remises aux journaux du pays, et plusieurs d’entre eux l’imprimèrent intégralement ou en partie. Quelques stations de radio la diffusèrent également. Ainsi, les Témoins de Jéhovah du Salvador eurent l’occasion de manifester leur amour pour leurs frères d’Union soviétique.
LES MANŒUVRES DE L’ENNEMI ÉCHOUENT
En décembre 1956, on tint dans le village d’Armenia une assemblée de circonscription. Le programme comprenait la projection du film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau”. Cette projection devait avoir lieu dans une salle assez grande pour y réunir l’assistance prévue. Cependant, on ne sait trop comment, le prêtre d’Armenia parvint à pénétrer dans la salle et à couper les fils électriques. Frère Beedle se rendit chez la propriétaire et, tandis qu’il l’informait de cette panne, il se rendit compte que le prêtre était caché derrière le rideau. Il le pria donc de sortir, et l’autre s’exécuta tout penaud.
Il était trop tard pour faire les réparations qui permettraient de projeter le film dans cette salle louée. Néanmoins, les frères s’arrangèrent pour que la projection se fasse dans la rue, sur un mur blanc, tout près de la salle. Le nombre des assistants fut bien plus élevé qu’il ne l’aurait été si l’on avait utilisé la salle.
ACCROISSEMENT DANS LES RANGS DES PIONNIERS SPÉCIAUX
Angel Montalvo, le musicien qui avait vendu sa guitare pour acheter une Bible, servait maintenant en tant que pionnier spécial dans le village d’Armenia, dont nous venons de parler. Il avait pour compagnon Raúl Morales, le jeune homme qui s’était rendu à pied de San Juan Talpa à San Salvador, pour assister à sa première assemblée. Il est intéressant de savoir comment Raúl devint pionnier.
Après son baptême en 1955, Raúl n’avait pas compris ce qu’est un pionnier. Aussi quand Charles Beedle, qui avait remarqué sa bonne activité, lui demanda s’il était pionnier, il ne sut quoi lui répondre. Charles lui expliqua qu’un pionnier consacre 100 heures par mois à la prédication. Raúl lui répondit: “Si c’est cela être pionnier, je pense que j’en suis un!”
Après avoir été officiellement nommé pionnier, en janvier 1956, Raúl se rendit dans son premier territoire, à Cojutepeque. Puis, au cours de la même année, il partit à Armenia pour travailler avec frère Montalvo.
LE PREMIER SALVADORIEN À GALAAD
Le jeune serviteur de circonscription originaire de Santa Ana, Saúl De León, fut le premier Salvadorien à assister à l’École de Galaad. Les missionnaires l’avaient aidé à se préparer en lui apprenant l’anglais. Il fut invité en 1957, pour la 31e classe, et l’année suivante il reçut son diplôme. Il y eut donc une vacance à remplir dans la circonscription. C’est Raúl Morales qui fut nommé à sa place, et il débuta son service en septembre 1957.
UN ADOLESCENT DONNE LE TÉMOIGNAGE À SA FAMILLE
Vous vous souvenez de Jorge Guevara qui, blessé par les conseils du serviteur à l’École théocratique, avait jeté sa Bible à terre; eh bien, ce jeune homme avait fait depuis lors d’excellents progrès spirituels. À l’âge de 16 ans, il prononça son premier discours public sur le thème de l’évolutionnisme. En 1957, il termina ses études secondaires. À l’occasion de la remise des diplômes, sa mère et son frère vinrent d’El Hormiguero, un village situé à 140 kilomètres de San Salvador.
Pendant longtemps, Jorge avait éprouvé du ressentiment à l’égard des siens, parce qu’ils ne s’étaient jamais occupés de lui Il déclara même que s’il n’était pas devenu Témoin, il ne leur aurait plus jamais adressé la parole. Et voilà que maintenant il se mettait à leur donner le témoignage! Ses parents étaient membres d’une secte protestante, mais cela ne les empêcha pas de l’écouter avec attention. On prit des dispositions pour que Saúl De León, le surveillant de circonscription, puisse les visiter. Lorsqu’il se rendit chez eux, une surprise l’attendait.
En effet, il trouva cinq personnes qui avaient pris la décision de devenir Témoins de Jéhovah, uniquement grâce à la lecture des publications que Jorge leur avait données. Frère Saúl de León les baptisa tous les cinq en présence de 75 personnes, ce qui était en soi un bon témoignage. Depuis ce jour-là, d’autres membres de la famille de Jorge ont fait les pas qui conduisent au baptême, et ils continuent fidèlement leur service pour Jéhovah.
1957 — UNE ANNÉE IMPORTANTE
En 1957, à Santa Anita, dans la banlieue sud de San Salvador, on acheva la construction d’un bâtiment comprenant une Salle du Royaume et des logements pour les missionnaires. En octobre, soit peu après son inauguration, Frederick et Dorothy Bowers ainsi que Kenneth et Virginia Kiesel, tous quatre diplômés de Galaad, arrivèrent au Salvador. Les Kiesel ainsi que Chrissie Wilson et Florence Enevoldsen furent affectés à la nouvelle maison de missionnaires à Santa Anita. Florence écrit: “Notre déménagement eut lieu pendant un orage tropical. L’eau entrait dans la maison de partout et nous avons passé plusieurs jours à l’éponger.”
En 1957, de nouvelles congrégations furent formées, et on atteignit ainsi un total de 12 pour le pays. À cette même époque, 46 prédicateurs à plein temps, dont 21 missionnaires, prêchaient dans les territoires isolés. Dans la même année, on ferma les maisons de missionnaires de Santiago de Maria et de Ahuachapán, et des pionniers spéciaux furent chargés de s’occuper des deux congrégations.
Une belle assemblée de circonscription se déroula de nouveau à Sonsonate, en 1957, dans le vieil Hôtel de ville. À l’arrière du patio, il y avait un réservoir en ciment de trois mètres carrés et de 0,80 m de profondeur; on y baptisa 47 personnes.
UN NOUVEAU LIEU POUR UNE ASSEMBLÉE
En février 1958, Aubrey Bivens, le surveillant de zone, et M. G. Henschel, du Béthel de Brooklyn, visitèrent le Salvador à l’occasion d’une assemblée. C’est alors qu’un problème se posa: il fallait trouver un endroit convenable pour ce rassemblement. Les assemblées précédentes avaient eu lieu dans la salle de l’Union des travailleurs de San Salvador, mais ce bâtiment était maintenant trop petit pour accueillir l’assistance prévue. Cependant, une solution ne tarda pas à se présenter.
Victor Recinos, un aimable voisin qui demeurait du côté nord du Béthel, avait observé les allées et venues des Témoins qu’il avait en haute estime. Un jour, au cours d’une conversation avec frère Beedle, il proposa généreusement sa propriété comme lieu pour l’assemblée. Son grand terrain comprenait un bassin et il y avait de nombreux arbres, de sorte que l’endroit était bien ombragé.
Un grand nombre de frères débroussaillèrent ce terrain qui fut transformé en un agréable amphithéâtre. Comme le discours public avait pour thème “Le cantique nouveau pour les hommes de bonne volonté”, on réalisa sur le devant de l’estrade un décor qui représentait une portée avec des notes de musique. De couleur or, ce décor était ravissant. Pour le rendre encore plus beau, on avait disposé plusieurs poinsettias en fleur.
On installa le service de la cafétéria dans un petit bâtiment à l’arrière de la propriété. Mais c’est au Béthel que presque toute la nourriture fut préparée; pour la transporter à la cafétéria, il était nécessaire de traverser la rue. Puis, à la fin de l’assemblée, chaque congressiste rapporta sa chaise à la Salle du Royaume du Béthel en faisant le chemin en sens inverse. Plusieurs observateurs reconnurent n’avoir jamais vu auparavant des gens coopérer avec autant de bonne humeur
UN GRAVE ACCIDENT
Lors de l’assemblée dont nous venons de parler, il y avait parmi les 61 baptisés un frère de La Unión. Ce frère, d’origine arabe, était métis. C’était le premier membre de l’importante colonie arabe qui existait dans cette région à devenir Témoin. Malheureusement, le lundi après l’assemblée, frère Beedle apprit par le pionnier spécial de La Unión que trois frères avaient été tués sur le coup dans un accident d’autocar et que, parmi eux, se trouvait le frère métis qui venait d’être baptisé.
Sur les lieux de l’accident, les frères ne purent s’empêcher de verser beaucoup de larmes en ramassant au milieu des débris des notes du congrès, des recueils de cantiques et d’autres objets. Quand frère Beedle arriva à La Unión, il était trop tard pour prononcer un discours d’enterrement, car beaucoup de gens se trouvaient déjà au cimetière pour assister à l’inhumation. Les pionniers spéciaux de La Unión ressentirent cruellement la perte de leurs frères qu’ils considéraient comme “les fruits de leur dur travail”.
CHANGEMENT À LA TÊTE DE LA FILIALE
Au printemps 1958, frère Beedle supervisait presque seul depuis 10 ans l’œuvre des Témoins de Jéhovah au Salvador. Pendant cette période, il avait assumé les fonctions de serviteur de circonscription et de district et aussi celle de surveillant de congrégation, tout en étant serviteur de la maison des missionnaires et responsable des achats. Il avait également dirigé la construction du bâtiment de la filiale et celle de la maison des missionnaires de Santa Ana. Il ressentait aussi bien physiquement que mentalement le poids de toutes ces responsabilités et il éprouvait le besoin d’en être soulagé. Aussi en avril 1958, frère Frederick Bowers fut-il nommé serviteur de filiale. Au cours du même mois, 1 295 personnes assistèrent au Mémorial dans 13 congrégations. De plus, il y eut un maximum de 460 proclamateurs.
LE CHEF D’UNE FAMILLE THÉOCRATIQUE MEURT
Vous souvenez-vous des Peña? Eh bien, Abraham, le patriarche de cette famille, mourut à un âge très avancé en avril 1958. À cette même époque, sa femme, Lugarda, avait 85 ans. Tous deux connaissaient la vérité depuis seulement cinq ans. Peu de temps avant sa mort, Abraham appela ses enfants auprès de lui et il les exhorta à continuer fidèlement leur service pour Jéhovah. À cette époque, sur les 17 enfants que Lugarda lui avait donnés, seulement sept étaient en vie.
On continua à tenir les réunions dans la maison des Peña. En 1971, 28 personnes de cette famille avaient déjà pris le baptême. Cette même année, Lugarda mourut à l’âge de 97 ans. Elle était restée fidèle et avait gardé une vision très lucide de la vérité, et cela jusqu’à sa mort.
FONDATION DE LA CONGRÉGATION D’USULUTÁN
En 1958, Carlos Reyes, membre de la Garde nationale, commença à étudier la Bible, et ce qu’il apprit l’incita à épouser Rosa, la femme avec qui il vivait. Après qu’il eut quitté la vie militaire, sa situation matérielle devint très précaire. Il fit par contre de bons progrès dans le domaine spirituel. Sa femme, Rosa, et lui furent tous les deux baptisés dans cette même année. Ils devinrent pionniers l’année suivante et vendirent leur mobilier pour se rendre sur les lieux de leur nouvelle affectation, à Usulután. Dans cette ville, les fondements d’une congrégation étaient ainsi posés et à ses débuts elle comptait six proclamateurs. Aujourd’hui, plus de 90 proclamateurs prêchent la bonne nouvelle à Usulután.
DES FRÈRES DU SALVADOR PRÉSENTS À L’ASSEMBLÉE DE NEW YORK
Jusqu’en 1958, seulement trois ou quatre personnes originaires du Salvador avaient eu l’occasion d’assister à des assemblées aux États-Unis. Mais on était très proche maintenant de l’assemblée internationale “La volonté divine” qui allait se tenir à New York, et l’enthousiasme des frères grandissait. Au total 53 personnes du Salvador purent faire le voyage.
On affréta un avion à destination de la Floride. Là, les frères furent accueillis par Curtis Smedstad et Leticia Rosales, l’ex-femme du colonel Oscar Osorio. Peut-être vous rappelez-vous qu’Oscar Osorio était président du Salvador à l’époque où Baltasar Perla commença à étudier avec les Témoins. Baltasar n’avait pas ménagé ses efforts pour aider le président à faire des progrès dans la vérité, mais cet homme ne put résister à l’attrait des affaires politiques. Toutefois, Jane Beedle étudia avec Leticia qui partit par la suite aux États-Unis où elle progressa dans la vérité et se fit baptiser. Elle était maintenant très heureuse de se trouver à l’aéroport pour y rencontrer ses compatriotes.
Leticia souhaita bon voyage aux frères du Salvador lorsqu’ils montèrent dans le bus que l’on avait loué pour les conduire à New York. Charles Beedle fit le voyage avec eux pour les aider en cas de problème. Puis, pendant l’assemblée, ils se réjouirent tous d’être en compagnie de leurs frères venus du monde entier. Ils furent aussi très heureux de retrouver Saúl De León qui était à Galaad à cette époque-là.
Beaucoup de frères salvadoriens servirent comme volontaires au cours de l’assemblée. Certains d’entre eux, une fois revenus au Salvador, se mirent à correspondre avec leurs nouveaux amis dans différents pays. Pedro Aguilar, qui était pionnier spécial à La Unión, trouva cet échange de lettres si intéressant qu’il partit plus tard aux États-Unis pour se marier avec la sœur à laquelle il écrivait. Raúl Morales connut une situation analogue, mais il expliqua qu’il craignait de faire venir au Salvador une sœur étrangère. Finalement, il décida de continuer à servir au Salvador où il existait un besoin plus important en proclamateurs.
L’assemblée marqua beaucoup les frères qui gardèrent dans leur esprit et leur cœur des souvenirs ineffaçables de l’amour, de l’harmonie et de l’unité de la société du monde nouveau. En une certaine occasion, les délégués du Salvador se réunirent entre eux dans un hôtel new-yorkais, et Jane Beedle leur annonça que Charles et elle seraient bientôt parents. Cela signifiait qu’ils devaient quitter la maison des missionnaires. Cependant, ils étaient déterminés à rester au Salvador.
DE L’ACTIVITÉ MISSIONNAIRE AU RÔLE DE PARENTS
À la fin de l’année 1958, les Beedle étaient très occupés à chercher un logement au-dehors de la maison des missionnaires. Un jour, Jane s’arrêta pour bavarder avec Paula Martínez, une sœur qui vendait des pommes de terre au marché. Jane raconte ce qui arriva:
“Je m’assis sur un petit tabouret qui se trouvait derrière les sacs de pommes de terre. Comme Paula savait que j’attendais un bébé, je lui dis que nous étions à la recherche d’un logement et que nous devions quitter la maison des missionnaires. Elle en fut très surprise. Je lui expliquai alors que les frères offrent leur argent à la Société dans le seul but d’effectuer l’œuvre de prédication. Par conséquent, celui qui se met à élever une famille et qui n’est plus en mesure de prêcher à plein temps ne peut prétendre rester dans la maison des missionnaires. Paula eut un large sourire et dit: ‘Nous avons une organisation valable!’ Je crois vraiment que le fait d’apprendre qu’on nous ‘mettait dehors’, si je peux m’exprimer ainsi, lui permit d’apprécier davantage l’organisation.
“Quand nous avons commencé à élever notre famille, Charles dut trouver un travail profane pour gagner de quoi vivre. Nous nous retrouvions dans la même situation que la majorité de nos frères, et cela contribua à créer avec eux une certaine intimité que nous ne connaissions pas auparavant. Le fait que nous étions exposés aux mêmes problèmes et aux mêmes difficultés créait entre eux et nous des liens qui n’existaient pas lorsque nous étions missionnaires.”
À cette même époque, Jessie Smedstad annonça que Curtis et elle allaient avoir un enfant. Les Beedle eurent la chance de trouver un très joli appartement dont la propriétaire, Leticia Rosales, vivait encore aux États-Unis. De leur côté, les Smedstad trouvèrent une maison près des bureaux de la filiale. Le colonel Osorio, ancien président du Salvador, donna un peu de mobilier aux deux familles pour les aider à s’installer.
En janvier 1959, Ronald et Gladys Ash, de la 25e classe de Galaad, reçurent leur affectation au Salvador. On les envoya dans la maison des missionnaires de Santa Tecla; peu après ils annoncèrent, eux aussi, qu’ils attendaient une naissance. Mais allaient-ils retourner au Canada après avoir passé seulement sept mois dans leur territoire?
C’était une décision difficile à prendre, car ils n’avaient acquis jusqu’à ce jour qu’une connaissance très limitée de la langue. De plus, ils connaissaient mal les gens. Pendant quatre mois, Ronald chercha du travail et il finit par trouver une place qu’il occupe encore aujourd’hui. Les Ash continuèrent à s’associer à la congrégation de Santa Tecla et ils aidèrent les missionnaires à la fortifier.
LES ASSEMBLÉES DE 1959
En 1959, il y eut deux assemblées de circonscription. L’une d’elles fut desservie par Saúl de León, qui était revenu de Galaad, et l’autre par Raúl Morales. Puis on se mit à songer à l’assemblée qui devait avoir lieu sur le plan national. Une assemblée semblable s’était tenue l’année précédente sur un terrain voisin de la filiale. Mais en 1959, les frères purent louer un endroit magnifique qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Il s’agissait d’un nouveau bâtiment public abritant des services d’urbanisme et de logement. Ce bâtiment était situé à Montserrat, une banlieue de San Salvador.
Une fois de plus, l’ex-président Osorio se montra généreux envers les Témoins, en faisant parvenir à la cafétéria de l’assemblée un veau de boucherie. Lors de cette assemblée, 748 personnes écoutèrent attentivement le discours public prononcé par frère Bowers et intitulé “Quand Dieu annoncera la paix à toutes les nations”.
Jane Beedle étudiait avec Violetta Bonilla de Cevallos, une jeune spécialiste en peintures murales, qui proposa son aide pour décorer l’estrade de l’assemblée. Ses œuvres étaient bien connues, car elle avait travaillé à la réalisation de plusieurs monuments publics ainsi que des peintures murales dans la demeure présidentielle et dans d’autres bâtiments ministériels. Pour l’assemblée, elle prit comme modèle l’illustration de La Tour de Garde (éd. anglaise) du 15 avril 1959, page 228, qui représentait la foule des adorateurs de Jéhovah composée de toutes races. Elle réalisa une peinture murale qui fit l’objet de nombreux commentaires et que la presse et la télévision photographièrent. Violetta était également du nombre des 61 baptisés de cette assemblée.
UN CHANGEMENT QUI PROCURE DES BÉNÉDICTIONS
Celia de Liévano était la secrétaire de Baltasar Perla quand ce dernier faisait partie du gouvernement. Pendant quelque temps, il avait essayé sans résultat de l’intéresser à l’étude de la Bible. Cependant, on demanda à une sœur missionnaire d’apprendre l’anglais à cette femme. Après les cours, la sœur lui donnait également le témoignage. Puis Celia commença à étudier, à assister aux réunions et à prêcher. Elle prit le baptême en 1959 lors de l’assemblée dont nous venons de parler.
Carlos, le mari de Celia, était évolutionniste, et c’est principalement pour cette raison qu’il s’opposa à sa femme. Il la conduisit même chez un jésuite, pour que celui-ci la persuade d’avoir adopté une fausse religion. Avec la connaissance biblique toute récente dont elle disposait, Celia ne se contenta pas de défendre sa nouvelle religion, mais elle put prouver que les prêtres catholiques avaient tort. À son tour, Carlos de Liévano prit le baptême en 1961 et, depuis cette date, sa femme et lui sont tous deux actifs dans la prédication.
Depuis toujours on avait encouragé Carlos et Celia à se faire une belle situation, et ils étaient bien partis pour réussir. Quand ils prirent la décision de devenir Témoins de Jéhovah, leurs amis leur dirent qu’ils allaient échouer sur le plan professionnel et dans toutes les autres choses qu’ils tenteraient de réaliser, pour la seule raison qu’ils avaient quitté la religion catholique. Voici ce que dit cette famille aujourd’hui: “Quand nous regardons en arrière, nous éprouvons beaucoup de reconnaissance pour les innombrables bénédictions que nous avons reçues de la main de Jéhovah.”
ARRIVÉE DE NOUVEAUX MISSIONNAIRES
Winifred Scott, Patricia Hancock et Jean Unwin étaient originaires d’Angleterre, et Tyra Mills d’Afrique du Sud. En 1959, ces quatre jeunes filles, qui venaient d’être diplômées de l’École de Galaad, connurent un mois de septembre mémorable. À leur arrivée au Salvador, elles furent très contentes de voir un grand nombre de missionnaires présents à l’aéroport. Puis, le 5 mai 1960, on accueillit six autres diplômés de la 34e classe de Galaad.
Le décor avait bien changé depuis l’arrivée des tout premiers missionnaires. Après un atterrissage en douceur, les nouveaux missionnaires aperçurent les belles installations d’une petite aérogare, propre et nette. Se rendre ensuite dans la capitale n’était plus une entreprise à couper le souffle. Les missionnaires firent ce trajet dans des conditions très confortables sur une route à quatre voies, et cela leur permit d’apprécier leur nouveau cadre de vie. Samuel et Delores Stago, Leonard et Hilja Shimkus, Paul et Marilyn Walthard découvrirent ainsi le Salvador. Dès le lendemain de leur arrivée, ils suivirent, 11 heures par jour, un cours de langue qui dura un mois.
LE TRAVAIL DES MISSIONNAIRES PORTE DU FRUIT
L’activité des missionnaires s’avérait productive. Avant de partir au Costa Rica pour épouser Charles Sheldon, Florence Enevoldsen commença à étudier avec Bessie de Cañas qui tenait une boutique dans le sud de San Salvador. Héctor, le mari de Bessie, manifesta de l’opposition dès le début. Ensuite, Florence chargea Chrissie Wilson de conduire cette étude. C’est vers cette époque que Héctor lut une fois par hasard les périodiques. Avec Bessie, ils furent bientôt baptisés, et Héctor sert aujourd’hui en tant qu’ancien dans l’une des congrégations qui se réunit dans la Salle du Royaume du Béthel.
Toujours en 1960, Chrissie Wilson rencontra un garçon de 17 ans, Oscar Zeleya López. Au-dehors de la cabane qui servait de logement à la famille, Chrissie et toute personne qui l’accompagnait devaient s’asseoir sur des pierres. Mais qu’il pleuve ou qu’il vente, Oscar était toujours présent à l’étude. Chrissie se souvient encore de plusieurs dimanches après-midi passés à étudier sous une pluie battante, alors qu’elle n’était protégée que par un parapluie ou une bâche. Aujourd’hui, Oscar sert lui aussi en tant qu’ancien dans une congrégation de San Salvador.
DES TROUBLES POLITIQUES
En septembre 1960, des étudiants participèrent à un soulèvement contre le gouvernement. Le président du Salvador, le colonel José María Lemus, dut céder le pouvoir et quitter le pays le mois suivant. Six hommes formèrent le nouveau gouvernement ou “La Junta”. On assista à des combats de rues, et un bus fut même renversé pour servir de barricade. Le calme revint au bout de quelques jours, mais la ville garda quelques “cicatrices”. En effet, dans la capitale, des desperados “à la gâchette facile” avaient tiré sur les horloges publiques. Il fallut des années avant qu’elles ne soient réparées ou remplacées.
Ces événements ne perturbèrent pas beaucoup l’œuvre de témoignage, bien que l’on jugeât préférable que les missionnaires effectuent pendant quelques jours des tâches ménagères en attendant de voir disparaître ce climat de violence. Pendant cette période, Baltasar Perla fit un ultime effort pour aider le colonel Oscar Osorio à prendre position pour la vérité. Toutefois, cet homme partit vivre aux États-Unis, et l’étude fut interrompue. Il mourut en 1969 sans l’avoir jamais reprise, et sans avoir utilisé les vérités bibliques apprises. Par contre, la situation se présenta différemment avec un ancien dirigeant du Salvador. Il est intéressant de voir les efforts qu’il fit pour gouverner le pays.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT DU SALVADOR
Rubén Rosales était l’un des six membres de la junte qui prit le pouvoir au Salvador en octobre 1960. Ce chef militaire avait joué un rôle primordial dans l’éviction du régime du président Lemus. Il était en effet responsable de la mise au point et de l’exécution de la phase militaire du coup d’État. La nouvelle junte pensa qu’elle pouvait contribuer à améliorer les conditions au Salvador. Pourtant, cela ne se passa pas comme elle l’avait espéré. Rubén expliqua:
“Les choses ne se passèrent pas comme nous l’avions prévu. Peu après notre arrivée au pouvoir, l’archevêque vint me trouver. Il me dit qu’il voulait parler à la junte en privé et que la discussion devait être tenue secrète.
“L’archevêque me déclara ceci: ‘Vous êtes un nouveau gouvernement et je suis en mesure de soutenir celui-ci du haut de la chaire. En échange, vous aussi pouvez nous soutenir.’
“Nous comprenions de quoi il voulait parler. Nous savions, de par les rapports qui étaient à notre disposition, que le gouvernement précédent soutenait financièrement les institutions catholiques. L’archevêque désirait bien sûr voir notre nouveau gouvernement continuer à manifester de tels égards pour l’Église.
“J’étais catholique, mais je voyais bien qu’un tel traitement de faveur était injuste et inconstitutionnel. Les autres membres de la junte partageaient aussi cet avis. Nous avons donc refusé tous les six d’apporter un soutien financier à l’Église. L’archevêque fut visiblement troublé par notre refus et nous fit comprendre que nous le regretterions.
“Bientôt, du haut de la chaire, les prêtres menèrent une campagne. Ils affirmaient que notre gouvernement était procastriste et procommuniste. Nous avions des enregistrements de ces discours et nous étions donc au courant des accusations qui étaient portées contre nous. Mais nous pensions qu’interdire cette campagne ferait plus de mal que de bien, étant donné le poids de l’Église auprès de nombreuses personnes.
“Cela ne tarda pas à nuire à notre gouvernement. On commença à suspecter nos orientations politiques. Les États-Unis s’en inquiétèrent et refusèrent de nous reconnaître. Mais quels étaient les faits?
“Avec le temps, les accusations avancées par l’Église se révélèrent sans fondement, et les États-Unis nous accordèrent leur reconnaissance. Le New York Times du 1er décembre 1960 disait ceci:
“‘La tendance à voir le communisme et la nouvelle vague du “fidelismo” dans chaque action visant à apporter un changement politique et social en Amérique latine est dangereuse. (...)
“‘Les trois membres civils de la junte sont, malgré les accusations sans fondement de “fidelismo”, des libéraux et des démocrates. (...) Les six hommes se sont engagés à observer un programme démocratique et méritent qu’on leur laisse toutes les occasions de prouver leur bonne volonté.’
“Malgré cette réhabilitation, notre crédibilité avait beaucoup souffert de la campagne de calomnie de l’Église. Puis, quand l’armée apprit que la junte avait l’intention de la maintenir à l’écart de la politique, elle s’opposa aussi à nous. C’est pourquoi l’année suivante, notre junte fut renversée et remplacée par un autre gouvernement.”
Rubén Rosales partit aux États-Unis et s’établit à Los Angeles (Californie). C’est là que, des années plus tard, il connut la vérité. Il fut baptisé en août 1969. Sa famille ainsi que certains parents au Salvador sont devenus Témoins et, depuis plusieurs années, Rubén sert en tant qu’ancien. Il partage avec d’autres personnes le seul espoir fondé de voir s’établir un bon gouvernement.
DES DIFFICULTÉS DANS LES CIRCONSCRIPTIONS
En août 1960, le départ de frère Raúl Morales affecta l’activité de la circonscription. Pendant quelque temps, il avait été tiraillé entre le désir d’aller à Galaad et celui de se marier. En janvier 1961, il épousa Andrea Lazo, une jeune sœur de la congrégation de Santa Anita.
À la même époque, l’autre surveillant de circonscription, Saúl De León, se rendit coupable d’immoralité avec une sœur missionnaire mariée. Cependant, par la suite, ils ont changé de conduite, et ils sont revenus dans l’organisation pure de Jéhovah. En l’espace de quelques mois, ces deux circonscriptions perdirent leur surveillant. Pour remplacer Saúl De León dans l’une d’entre elles, on désigna un missionnaire, Foi Bryen. Quelques mois auparavant, celui-ci venait de perdre sa femme qui était atteinte d’une sorte de colite rare. D’un autre côté, Pedro Guerrero, ce jeune homme qui, des années auparavant, était venu s’asseoir devant la Salle du Royaume d’Ahuachapán, succéda à Raúl dans l’autre circonscription.
LA VISITE DE REPRÉSENTANTS SPÉCIAUX DE LA SOCIÉTÉ
Au début de 1961, frère Aubrey Bivens effectua une visite de zone très appropriée. Peu de temps après, ce fut au tour de frère Knorr de visiter à nouveau le Salvador. On lui présenta Raúl Morales. Sa femme et lui furent désignés comme pionniers spéciaux à Santa Ana. Vers cette époque, on nomma Samuel Stago surveillant de filiale en remplacement de frère Bowers. Cette disposition prit effet au 1er avril 1961.
LES INTÉRÊTS DU ROYAUME SONT MIS À LA PREMIÈRE PLACE
En 1961, lors du Mémorial, l’assistance s’éleva à 1 878 personnes, soit 300 assistants de plus que l’année précédente. Au cours du même mois, un nouveau maximum de 638 proclamateurs fut également atteint. Ces progrès remarquables furent obtenus, du moins en partie, grâce au dur travail de personnes comme Antonia Contreras. Bien qu’elle fût institutrice, elle déployait depuis 1958 une intense activité dans la prédication du Royaume à Juayúa.
En 1961, Antonia prit la décision d’abandonner sa carrière et de rejoindre les rangs des pionniers. Ce fut le premier proclamateur salvadorien qui abandonnait une activité professionnelle pour entreprendre le service à plein temps. Depuis, Antonia a été abondamment bénie pour ses efforts et son abnégation. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, elle est toujours pionnier, et beaucoup ont appris la vérité grâce à son activité zélée. L’une des personnes avec qui elle étudiait est devenue par la suite sa compagne de service.
DES ASSEMBLÉES STIMULANTES
L’assemblée de district “Les adorateurs unis” se tint en décembre 1961. Une nouvelle fois, on utilisa la propriété de M. Recinos, de l’autre côté du bâtiment de la filiale. Un grand enthousiasme régnait parmi les 1 200 assistants venus écouter le discours prononcé par frère Stago et intitulé “Quand toutes les nations s’uniront sous le Royaume de Dieu”. Puis, au mois de mars, frère Knorr vint nous voir à nouveau. Mille cent trente personnes écoutèrent son discours public au Gymnase national de San Salvador, une magnifique construction moderne en forme d’amphithéâtre pouvant accueillir 11 000 personnes. Depuis ce jour, les Témoins de Jéhovah du Salvador sont devenus des habitués de ce lieu.
L’ÉCOLE DU MINISTÈRE DU ROYAUME
Le 5 février 1962, la première classe de l’École du ministère du Royaume commença à fonctionner dans les bureaux de la filiale. Des surveillants de congrégation et de circonscription, des pionniers spéciaux et des missionnaires y assistèrent, et tous reçurent un enseignement de qualité. Par la suite, tous les missionnaires eurent l’occasion de suivre ce cours. Frère David Hibshman, le surveillant de filiale du Guatemala, resta quatre mois au Salvador et enseigna les trois premières classes. En mars 1962, alors que le cours pour la deuxième classe venait juste de commencer, les étudiants eurent la joie supplémentaire de rencontrer frère Knorr lors de sa visite.
L’organisation de cette école était pour tous quelque chose de très nouveau. Cependant, chacun se mit au travail et tout se passa très bien. Il fallut prévoir le logement des élèves, mais les congrégations de San Salvador répondirent à l’appel. Seuls quelques frères dormirent dans la Salle du Royaume du Béthel. Ces derniers étaient chargés d’aller au marché et d’aider à préparer le petit déjeuner. Ils devaient donc se lever très tôt le matin, ce qui occasionna un jour une situation embarrassante.
Un frère qui était allé au marché très tôt pour s’acquitter de certaines tâches trouva la porte fermée quand il revint à la maison. Il ne voulut pas sonner à la porte d’entrée de peur de réveiller frère Knorr. Aussi tapa-t-il au carreau de l’une des chambres et appela-t-il Chrissie Wilson pour qu’elle vienne lui ouvrir la porte. Ce qu’il ignorait, c’est que Chrissie avait cédé sa chambre à frère Knorr. Réveillé par les coups répétés au carreau, celui-ci cria un mot espagnol qu’il connaissait, dans l’espoir d’effrayer l’importun. Il cria plusieurs fois: “Vamos” [Allons-y], en s’imaginant qu’il disait: “Allez-vous-en.” Ce matin-là, au petit déjeuner, frère Knorr se contenta de dire qu’il se passait des choses étranges dans cette maison.
Les premiers repas préparés à l’intention des étudiants furent plutôt désagréables pour quelques-uns d’entre eux. Ceux-ci n’étaient pas habitués à utiliser un couteau et une fourchette, car, chez eux, ils mangeaient dans leur assiette en se servant d’une “tortilla”. Mais ils se familiarisèrent bientôt avec ces couverts. D’autres n’arrivaient pas à s’habituer au genre de nourriture que préparaient les sœurs missionnaires. Toutefois, il n’y eut aucun malade, personne ne mourut de faim et on n’enregistra que peu de plaintes.
Une des sœurs missionnaires invita les étudiants à visiter la capitale en sa compagnie. Cela permit à ceux qui venaient de petites villes de voir certaines choses intéressantes. D’autres missionnaires, aidés par deux ou trois étudiants, s’occupèrent de la lessive à tour de rôle. Tout le monde était très occupé à diverses tâches ou à l’étude et, grâce à la coopération de tous, il en résulta une agréable atmosphère fraternelle.
Raúl Morales se souvient tout particulièrement de l’École du ministère du Royaume. En effet, Andrea, sa femme, qui avait commencé le cours alors qu’elle était dans son dernier mois de grossesse, donna naissance à leur fille Dorotea avant la fin de l’école. La petite Dorotea avait vraiment pris un départ théocratique dans la vie. C’est donc tout naturellement qu’on la retrouve, dix-huit ans plus tard, en train de servir fidèlement Jéhovah comme pionnier spécial.
DE NOUVEAUX SERVITEURS DE CIRCONSCRIPTION
En 1962, le pays avait de nouveau besoin de serviteurs de circonscription. Foi Bryen avait épousé Marina Vidaurre, jeune sœur de la congrégation de Soyapango. Quant à la famille de Pedro Guerrero, qui desservait l’autre circonscription depuis août 1960, elle s’était agrandie si vite qu’América, la femme de Pedro, ne pouvait plus effectuer le service de pionnier spécial tout en s’occupant des enfants. Frère Hibshman, qui dirigeait alors l’École du ministère du Royaume, recommanda de jeunes frères du Guatemala. Ceux-ci étaient zélés, disposés à apprendre et très capables, bien que n’ayant aucune expérience dans le service de la circonscription.
C’est ainsi que le 31 mai 1962, Marco Rolando Morales et Juan Mazariegos arrivèrent au Salvador et demeurèrent quelque temps dans la maison des missionnaires. Ils reçurent une formation de quelques semaines sur le service de la circonscription, après quoi ils furent livrés à eux-mêmes.
LA PRÉPARATION DES ASSEMBLÉES DE CIRCONSCRIPTION
En été 1962, frères Morales et Mazariegos préparèrent pour la première fois une assemblée de circonscription, l’un à San Miguel, à l’est du pays, l’autre à Sonsonate, à l’ouest. Juan Mazariegos n’arrivait pas à trouver un local convenable à Sonsonate. Le seul lieu qui lui parût approprié était une école, mais aucune assemblée de circonscription n’avait été tenue dans une école. Juan passa donc à l’action. Il parla au directeur de l’école, puis au représentant des écoles à Sonsonate. On lui dit de demander une autorisation à l’Office de l’alimentation et du logement pour les étudiants, à San Salvador. Il obtint l’autorisation d’utiliser l’école et commença donc à organiser le programme de l’assemblée.
Toutefois, quelque temps avant la date de l’assemblée, Juan alla visiter l’école, mais le directeur lui dit que les Témoins ne pourraient pas l’utiliser, car l’autorisation avait été annulée. Juan se précipita à San Salvador où on lui dit que l’utilisation de l’école lui était refusée à la suite de l’opposition du clergé. Il chercha donc un autre endroit approprié, mais sans résultat.
Alors, Juan décida de se battre pour pouvoir utiliser l’école et il demanda l’aide de Jéhovah. Il téléphona au ministère de l’Éducation pour obtenir une audience, mais on la lui refusa sous prétexte que le ministre était trop occupé. Juan ne renonça pas. Il adressa une excellente lettre dactylographiée au ministre, pria Jéhovah de le guider et, ayant revêtu son plus beau costume, il se rendit chez le ministre un samedi matin, une semaine avant la date prévue pour l’assemblée. Il obtint ainsi une audience pour le mardi suivant.
Ce jour-là, Juan eut un entretien avec un secrétaire du ministre qui lui déclara qu’une décision serait prise le lendemain. Juan retourna à Sonsonate où il passa le mercredi à préparer l’assemblée, et une sœur missionnaire se rendit au ministère pour connaître la décision du ministre. Quel bonheur pour Juan lorsqu’il reçut un télégramme disant: “Le ministère autorise l’utilisation de l’école.”
Le directeur de l’école remit à Juan les clés de l’école et l’invita à utiliser tout ce dont il avait besoin. Le dimanche, 420 personnes écoutèrent le discours public. Après l’assemblée, le directeur fut émerveillé par la propreté des lieux et demanda quand les Témoins tiendraient leur prochaine assemblée dans son école. Plus tard, le ministère de l’Éducation écrivit: “Nous vous accordons volontiers la permission d’utiliser les locaux des écoles parce que nous savons que vous êtes ordonnés et propres.”
L’ASSEMBLÉE DES MINISTRES COURAGEUX
Peu après cette assemblée de circonscription, on commença à préparer l’assemblée de district “Les ministres courageux”, qui devait avoir lieu du 31 août au 2 septembre 1962. Nous avions signé un contrat nous garantissant l’utilisation du théâtre national de San Salvador et, par le moyen de la radio et des journaux, nous avions invité le public à assister à l’assemblée. Puis, peu avant la date prévue, le contrat fut brusquement annulé. Heureusement, des dispositions furent prises pour utiliser une nouvelle fois le Gymnase national qui, avec ses vastes dépendances pour la cafétéria, les stands de rafraîchissements et les premiers secours, est un endroit idéal pour y tenir une assemblée. Au total, 1 545 personnes écoutèrent le discours public.
À partir de cette année-là, les assemblées de district furent mieux organisées. Baltasar Perla était le surveillant de l’assemblée, et d’autres frères salvadoriens commencèrent à assumer diverses responsabilités. Les missionnaires ne pouvaient plus s’occuper de la préparation de ces grandes assemblées. Le gymnase fut laissé en si bon état que les Témoins furent invités à l’utiliser les années suivantes.
DES CHANGEMENTS DANS LA DIRECTION DE LA FILIALE
Samuel Stago et Marco Rolando Morales furent invités à suivre un cours de dix mois à Galaad en 1963. Ils partirent pour New York en janvier, et Leonard Shimkus assuma la tâche de serviteur de filiale. Sa nomination devint permanente à la suite d’autres événements cette année-là. On apprit, en effet, que frère Stago avait eu une conduite impure quelques années auparavant. On lui retira donc la charge de serviteur de filiale et il fut exclu.
Delores, sa femme, continua à servir comme pionnier spécial à San Salvador, et Samuel l’accompagna fidèlement à toutes les réunions. Un an plus tard, il fut réintégré, à la grande joie de tous les frères. Depuis lors, Delores et lui ont apporté un soutien et une aide véritables à l’organisation chrétienne au Salvador. Samuel est actuellement membre du comité de la filiale.
Alors que l’année 1963 touchait à sa fin, on attira de nouveau l’attention des frères sur la préparation d’une assemblée. L’assemblée “La bonne nouvelle éternelle” devait avoir lieu au Gymnase national du 26 au 29 décembre. On enregistra 25 baptêmes, et 1 340 personnes écoutèrent le discours public que prononça Baltasar Perla.
UN NOUVEAU FILM
En 1964, le nouveau film intitulé “La Proclamation de la ‘bonne nouvelle éternelle’ autour du monde” fut projeté au Salvador. Il montrait l’héritage commun de toutes les fausses religions. Ce film était très approprié au Salvador, car le faux culte y est partout présent. Les spectateurs pouvaient facilement remarquer le lien qui existe entre le culte pratiqué par les Églises de la chrétienté et l’ancienne religion babylonienne.
Notons en passant qu’au Salvador des chapelles et des églises ont été construites pour la vénération d’au moins 14 vierges différentes, telles que la Vierge de Transito, la Vierge de Candelaria, la Vierge de Guadalupe, pour n’en citer que quelques-unes. Évidemment, de nombreuses chapelles et de nombreux autels sont tout simplement consacrés à la Vierge Marie.
UN HOMME NOUS FAIT DE LA PUBLICITÉ
Alors qu’elle visitait les stations de radio pour obtenir qu’elles annoncent l’assemblée, Julia Clogston rencontra Rafael Castellanos, directeur de la station de radio YSU. Elle commença une étude biblique avec lui. Le jour de la première visite, Rafael tendit à Julia un exemplaire du livre L’homme et sa destinée de Lecomte du Noüy, et lui dit: “Voilà où j’en suis. Voyez ce que vous pouvez faire avec moi.”
C’était en mars 1964. Rafael et sa femme étaient parmi les 2 853 personnes qui assistèrent au Mémorial ce mois-là. En mai, il offrit à la Société un temps d’antenne sur la station YSU dans le cadre du programme “Questions que se posent les auditeurs”. En outre, cette station commença à diffuser des communiqués chaque fois qu’était annoncée une assemblée ou une réunion spéciale. Plus tard, ce couple et ses deux garçons, Roberto et Ricardo, se firent baptiser.
MILTON HENSCHEL, HÔTE DE NOTRE ASSEMBLÉE
L’assemblée de district “Le fruit de l’esprit” eut lieu en février 1965 dans le Gymnase national. À cette époque-là, les frères avaient commencé de parler de ce lieu comme de “notre Salle du Royaume une fois par an”. Milton Henschel, du bureau de Brooklyn, qui visitait alors le Salvador en tant que surveillant de zone, donna le discours public intitulé “‘Paix parmi les hommes de bonne volonté’ ou Harmaguédon?”. Le chiffre de 2 416 assistants indiquait un accroissement de plus de mille personnes par rapport à l’assistance maximum enregistrée lors de la précédente assemblée de district, en décembre 1963.
DES PRIVILÈGES DE SERVICE PLUS GRANDS
Juan Mazariegos, qui était surveillant de circonscription, fut invité à faire partie de la 40e classe de Galaad, et Juan De Dios Peña le remplaça. Également en 1965, Baltasar Perla junior goûta à des privilèges de service accrus. Il y avait alors de nombreuses années que sa mère, Paulina, avait appris la vérité. En juillet 1965, le jeune Baltasar fut admis au Béthel de Brooklyn où il travaille toujours fidèlement. Hernán Peña, un autre membre de la famille Peña, de Santiago Texacuangos, travaille, lui aussi, au Béthel de Brooklyn depuis décembre 1978.
En 1965, on enregistra une assistance record de 2 914 personnes au Mémorial et 961 proclamateurs du Royaume.
TREMBLEMENT DE TERRE “LE JOUR DE LA CROIX”
Chaque année, au début du mois de mai, les marchés du Salvador offrent une variété exceptionnelle de fruits, ce qui permet aux habitants du pays de décorer les croix de bois qu’ils fabriquent pour le Jour de la croix que de nombreux catholiques célèbrent le 3 mai à San Salvador et aux environs. Mais à 4 heures du matin, le 3 mai 1965, un événement bouleversa tous leurs plans. Le Libro de Oro (Livre d’Or) édité par La Prensa Grafica rapporte:
“Ce jour, à 4 heures du matin, le plus violent tremblement de terre enregistré ces 46 dernières années secoua la capitale, les villes d’Ilopango, de Soyapango, de Mejicanos, de Villa Delgado, de Santo Tomas, de San Marcos et d’autres bourgades voisines. Il atteignit l’intensité 7,5. Le Comité national de secours entra en pleine activité.”
Des centaines de maisons aux murs d’argile s’écroulèrent. La secousse donnait l’impression qu’un train de marchandises traversait la maison à toute allure. Si celle-ci ne s’écroulait pas, les bouteilles, les bibelots, la porcelaine, les tableaux et les vitres se brisaient. Il y eut plus d’une centaine de morts et des centaines de blessés graves. Heureusement, aucun Témoin ne fut gravement blessé. Le bâtiment de la filiale ne subit aucun dommage, sinon quelques fissures dans les plâtres.
Un couple de missionnaires avait entendu dire qu’en cas de tremblement de terre il fallait s’aplatir sous son lit. Quand ce frère et cette sœur tentèrent d’agir ainsi, ils ne firent qu’imiter un couple d’autruches, car ils n’eurent que le temps de se cacher la tête. Après les premières secousses, un autre missionnaire se précipita à la salle à manger pour prendre toutes les assiettes dans le buffet et les poser délicatement sur le sol, afin qu’elles ne soient pas brisées. Le premier missionnaire qui pénétra dans la salle à manger après lui s’imagina qu’à la suite du tremblement de terre les assiettes s’étaient posées ainsi sans aucune casse.
L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE 1966
Plus de 300 Témoins étrangers, venus de 13 pays différents, visitèrent le Salvador et assistèrent à l’assemblée internationale “Fils de Dieu, fils de la liberté” qui eut lieu du 10 au 14 décembre. Cette assemblée se tint une fois de plus au Gymnase national, et la radio, la télévision et les journaux firent, comme les années précédentes, une excellente publicité.
Le premier jour de l’assemblée, Fred Franz prononça le discours “Prêchez la libération aux captifs” devant 1 640 assistants. Comme il n’y avait alors que 995 Témoins dans le pays, il était évident que de nombreuses autres personnes appréciaient elles aussi l’assemblée. Puis, quand frère Franz eut prononcé le discours public intitulé “Le millénium de l’homme sous le Royaume de Dieu” devant 4 780 assistants, le cœur des frères bondit de joie. Le dimanche soir, une foule plus grande encore (on dénombra 4 989 personnes) assista à l’émouvante représentation biblique sur l’endurance de Jérémie.
Pendant le déroulement de cette représentation, frère Franz s’était assis dans les gradins. Ne sachant pas à qui il s’adressait, un visiteur lui demanda qui était ce F. Franz à propos de qui on faisait tant de publicité. Puis il indiqua certains points sur lesquels il n’était pas d’accord avec les Témoins de Jéhovah, et frère Franz lui répondit en donnant les raisons bibliques de nos croyances. Quelques minutes avant la fin de la session, frère Franz quitta les gradins pour faire chanter le cantique final et prononcer la prière. Quelle ne fut pas la surprise du visiteur en question quand il s’aperçut que c’était précisément frère Franz qui était assis à côté de lui! Après cela, il déclara à beaucoup qu’on ne pouvait pas trouver ailleurs que chez les Témoins de Jéhovah quelqu’un qui occupe une si haute fonction tout en restant si humble.
Il y a toujours eu de nombreuses personnes non Témoins de Jéhovah aux assemblées organisées par ces derniers. Parfois, le nombre des assistants était deux ou trois fois supérieur à celui des Témoins. Mais à cette assemblée, la proportion était de quatre pour un. Comme de nombreux visiteurs venus de l’étranger logeaient à l’Intercontinental, un hôtel très moderne, il a été possible d’utiliser sa magnifique piscine pour le baptême.
On organisa des excursions pour permettre aux congressistes étrangers de visiter les lacs et les volcans du Salvador. Certains regrettèrent de ne pas avoir pu passer quelques heures à se reposer sur les bords du magnifique lac volcanique Coatepeque et à se baigner dans ses eaux. Ils eurent néanmoins le plaisir de prendre des photos de ce joyau couleur saphir et des minuscules îles formées par les laves qui pointent à la surface de ses eaux tranquilles. Les voyageurs furent également émerveillés par les fougères et les plantes tropicales du pays.
UNE TROISIÈME CIRCONSCRIPTION
Au cours de l’assemblée, on suggéra la formation d’une troisième circonscription, car le Salvador comptait désormais 20 congrégations et bon nombre de groupes de proclamateurs isolés. C’est ainsi qu’en janvier 1967, Marvin Roth, un des missionnaires, fut nommé surveillant de circonscription. Il rejoignit frères Morales et Mazariegos, qui s’occupaient des deux autres circonscriptions. Le chiffre de 3 363 assistants au Mémorial de 1967 indiquait de belles perspectives d’accroissement.
QUAND JÉSUS EST-IL NÉ?
Quelque temps après l’assemblée, la station de radio YSEB souleva la question de la date de la naissance de Jésus. Les responsables de la station furent submergés par quantité de remarques et surpris de recevoir des réponses très différentes. Ce qu’ils pensaient être une question toute simple qui appellerait une réponse tout aussi simple était devenu un problème très complexe.
Un jour, un représentant de cette station de radio se rendit à la filiale de la Société pour demander que quelqu’un vienne prononcer à la radio un bref discours sur cette question. Cette tâche fut confiée à Juan Mazariegos, jeune surveillant de circonscription. Un archevêque catholique, un prêtre et un pasteur protestant étaient également invités à participer à l’émission. Chacun des ecclésiastiques parla pendant quelques minutes, mais même l’archevêque et le prêtre ne purent se mettre d’accord sur la date de naissance de Jésus. Aucun d’eux ne cita la Bible.
Quand on donna la parole à frère Mazariegos, il parla pendant 30 minutes et montra à l’aide de la Bible que Jésus avait dû naître vers le 1er octobre de l’an 2 avant notre ère. De nombreux auditeurs écrivirent à la station de radio pour obtenir davantage de renseignements, et quelques études bibliques furent commencées à la suite de cette émission. La station reçut une lettre d’un prêtre à qui frère Mazariegos put rendre visite.
UNE AIDE PLUS APPRÉCIÉE
Dans son édition du 22 juin 1967, Réveillez-vous! publia un article intitulé “Le Salvador, joyau des tropiques”, dans lequel il faisait un rapport sur l’assemblée internationale de décembre 1966. Cet article incita un certain nombre de Témoins à se rendre au Salvador où le besoin en proclamateurs du Royaume était plus grand. C’est ainsi que John Trayer et sa femme arrivèrent presque en même temps que cinq nouveaux missionnaires de la 44e classe de Galaad, savoir Concha Dorantes, Juanita Alarcon, Elizabeth Naviski ainsi que Richard et Sandra Bryan.
En octobre 1968, John Trayer et sa femme Betty commencèrent à servir comme pionniers et, en avril 1969, John fut nommé surveillant d’une congrégation de San Salvador. Quelques années plus tard, John déclara à propos des changements qu’ils avaient dû opérer:
“Pour moi, la plus grande difficulté fut la langue. Pour Betty, ce fut de quitter les enfants, bien qu’ils fussent adultes. Des conditions de vie différentes nous occasionnèrent aussi des problèmes, et la chaleur nous gêna beaucoup. Mais nous avons été récompensés en ce que nous avons pu contribuer à la formation d’une nouvelle congrégation, participer aux préparatifs des assemblées et construire et entretenir des Salles du Royaume. Oui, nous sommes vraiment heureux d’être venus.”
Charles et Eleanor Taylor, accompagnés de leurs enfants, Barry et Monica, arrivèrent au Salvador en janvier 1968. Plus tard, cette famille fut envoyée à Apopa, une ville située au nord de la capitale. Les 15 proclamateurs qui s’y trouvaient furent heureux d’avoir avec eux les Taylor. Quelque temps plus tard, on établit une congrégation, dont Charles devint le surveillant. En avril 1971, il se dépensa beaucoup pour organiser une assemblée de circonscription à Apopa. Parlant du service effectué par sa famille, Charles déclara:
“Une famille comme la nôtre peut souvent apporter le genre d’aide que les missionnaires de la Société ne sont pas en mesure d’offrir. Par exemple, en général, les missionnaires ne disposent pas d’automobiles qui leur permettraient d’aider les groupes de proclamateurs qui ont grand besoin de frères mûrs. D’autre part, ayant une famille, nous pouvons parler de ce que nous connaissons et dire que des bénédictions spéciales attendent ceux qui sont disposés à jeter leurs filets dans des eaux étrangères où le besoin est plus grand.”
Peu après leur arrivée au Salvador en 1968, les Taylor eurent un troisième enfant qui progresse aujourd’hui vers la maturité physique et spirituelle. Monica, mariée et heureuse, vit aux États-Unis, alors que les autres membres de la famille ont continué à apporter leur aide aux frères d’Apopa jusqu’à l’année dernière quand, pour des raisons économiques, ils ont dû retourner aux États-Unis. À Apopa, il y a maintenant deux congrégations qui ont leur propre Salle du Royaume.
L’ASSEMBLÉE DE DISTRICT DE 1967
En décembre 1967, à l’assemblée de district “Faites des disciples”, qui se tint au Gymnase national, 3 005 personnes écoutèrent le discours public donné par Baltasar Perla. Des semaines avant l’assemblée, les représentations bibliques prévues furent annoncées dans les journaux et à la télévision.
Les frères du Salvador prennent très au sérieux ces représentations bibliques et sont très reconnaissants du privilège qui leur est donné d’y participer. Des semaines avant chaque assemblée, ils les répètent assidûment et ils font de grands efforts pour confectionner des costumes qui correspondent à l’époque biblique. Nul doute que ces efforts sont une des raisons pour lesquelles les assemblées de district rassemblent une grande assistance.
UN NOUVEAU SERVITEUR DE FILIALE
En 1968, les services de l’immigration informèrent les missionnaires des nouvelles réglementations. Si, après cinq années dans le pays, les missionnaires désiraient prolonger leur séjour, ils devaient payer 800 dollars pour être admis comme résidents permanents. Sinon, il leur fallait quitter le pays. Leonard Shimkus, le surveillant de filiale, et sa femme étaient au Salvador depuis plus de cinq ans. On les informa donc qu’ils devaient quitter le pays. Leonard put prolonger son séjour d’une année, mais, ce délai expiré, la Société lui conseilla de quitter le Salvador pour se rendre au Guatemala où sa femme et lui pouvaient continuer leur activité missionnaire.
Au printemps 1968, Marco Rolando Morales fut donc informé qu’il allait remplacer frère Shimkus comme surveillant de filiale à partir du 1er juin 1968. Juan De Dios Peña fut nommé surveillant de circonscription à la place de frère Morales.
L’EXPANSION SE POURSUIT
Au Mémorial de 1968, on enregistra 4 027 assistants, soit 664 de plus que l’année précédente. En outre, en avril 1968, on forma la septième congrégation de la ville de San Salvador dans le quartier de Villa Delgado, qu’on appelle aujourd’hui Ciudad Delgado. Cette congrégation comptait 29 proclamateurs qui se réunissaient chez José Montoya. Frère Morales, le nouveau surveillant de la filiale, fut nommé surveillant de cette congrégation. Comme la plupart des frères étaient très nouveaux, frère Morales dut au début s’occuper de pratiquement toutes les parties des différentes réunions ainsi que des publications, des périodiques et des territoires. Mais d’autres frères se mirent peu à peu à assumer davantage de responsabilités.
Au cours de l’année 1968, on commença l’œuvre de prédication dans de nombreuses régions du pays. Frère et sœur Stago concentrèrent leurs efforts sur la petite commune de San Ramón, sur le versant du volcan San Salvador. Il n’y avait alors aucun proclamateur du Royaume en cet endroit.
Frère Stago se rendit au principal magasin de San Ramón pour rendre visite au propriétaire dont la femme avait accepté des publications. Cet homme, José Chavez, était extrêmement violent et avait de mauvaises habitudes. Il avait toutefois un minimum de respect pour la Parole de Dieu. Aussi commença-t-on une étude de la Bible. Avec le temps, José se débarrassa de ses mauvaises habitudes et les remplaça par de bonnes, et il commença à fréquenter les réunions. Aujourd’hui, six membres de cette famille sont baptisés, et José sert comme ancien dans une des congrégations de San Ramón.
Sœur Stago commença une étude de la Bible avec Domitila Paz, sa sœur Ana Paz et le concubin de Domitila, Isabel Escobar. Elle ne se doutait guère que les deux femmes étaient les filles de frère Martín Paz, mort en 1960 après avoir refusé une transfusion de sang. Elles firent de rapides progrès dans la vérité. Plus tard, Ana devint pionnier, puis pionnier spécial. Domitila et Isabel, qui se sont mariés, fréquentent aujourd’hui la congrégation de San Ramón. D’autres membres de cette famille n’ont pas tardé à apprendre la vérité. Quand il se réveillera du sommeil de la mort, Martín Paz sera très heureux de les voir tous en train de servir Jéhovah.
En décembre 1968, l’assemblée de district “La bonne nouvelle pour toutes les nations” eut lieu, une fois de plus, au Gymnase national où 4 500 personnes écoutèrent le discours public et 109 se firent baptiser. Ce fut un événement émouvant pour les six nouveaux missionnaires qui étaient arrivés dans le pays au mois de novembre.
UNE TRAGÉDIE BRUTALE
Dans son édition anglaise du 15 février 1968, La Tour de Garde annonçait les assemblées de district “La bonne nouvelle pour toutes les nations” et ajoutait qu’on préparait quelque chose qui “influera considérablement sur l’activité que nous déploierons dans les années à venir”. Charles Beedle était du nombre de ceux qui se demandaient avec beaucoup d’impatience ce que cela pouvait bien être. Après avoir servi de nombreuses années comme surveillant de filiale, il avait trouvé un emploi au Salvador. Jane et lui avaient alors trois enfants: Sandra, Charles junior et Susie.
Quand la première sœur missionnaire partit pour l’assemblée de district prévue en Californie, Charles lui souhaita bon voyage et la pria de lui faire part de la nouvelle dès qu’elle serait connue. C’est ce qu’elle fit, mais avant que la nouvelle relative au livre La vérité qui conduit à la vie éternelle et au programme d’étude de six mois parvînt à Charles, celui-ci avait déjà été inhumé dans le cimetière général de San Salvador. La nouvelle de sa mort, qui survint brutalement le 7 juillet 1968, fut reçue comme un choc par tous les frères. Frère Beedle mourut à la suite d’une infection provoquée par une arête de poisson qui s’était fichée dans sa main et des piqûres antitétaniques qui lui furent faites. On entendit certains dire: “Nous avons perdu notre ‘tata’ (papa).”
Le service funèbre eut lieu dans la Salle du Royaume de la filiale que Charles avait aidé à construire treize ans auparavant. Frère Perla donna le discours d’enterrement. On compta 500 assistants, bien que Charles fût inhumé moins de douze heures après sa mort.
Dans les cimetières du Salvador, on compte de nombreux tombeaux commémoratifs où reposent d’excellents frères et sœurs en attendant la résurrection après Harmaguédon. Les survivants auront alors le merveilleux privilège de jouir à nouveau de leur compagnie pour accomplir l’œuvre d’enseignement prévue par Jéhovah.
DAVANTAGE DE FRÈRES VIENNENT SERVIR
Après que les assemblées de district de 1968 eurent encouragé les frères à servir là où le besoin en proclamateurs du Royaume était plus grand, le bureau du Salvador reçut en l’espace de très peu de temps près de 400 lettres à ce sujet. Des frères écrivirent d’Europe, d’Amérique du Nord et des îles de la mer. Mais comme il fallait être un technicien très qualifié pour trouver du travail au Salvador, la plupart des frères qui vinrent dans notre pays devaient bénéficier d’un revenu qui leur venait de l’extérieur. C’est ainsi qu’en 1969 huit familles avaient fait du Salvador leur pays d’adoption, notamment les Trayer et les Taylor qui étaient arrivés quelque temps auparavant. Ces familles ont contribué à l’affermissement des congrégations, et leur présence a été très appréciée. Toutefois, la plupart d’entre elles nous ont quittés depuis.
MÊME LES AVEUGLES PEUVENT VOIR
Grâce au livre Vérité, l’œuvre commença à s’étendre plus rapidement. Les gens qui s’intéressaient à la vérité furent aidés à prendre une décision sans tarder. Parmi eux, il y avait un aveugle, Filadelfo Alvarado, qui étudiait la Bible avec Sam Stago. Il participa bientôt au service du champ, se fit baptiser et commença une étude de la Bible avec ses petits-enfants qui se mirent à assister aux réunions en sa compagnie. Plus tard, Filadelfo participa même à l’École théocratique et à la réunion de service.
À peu près à la même époque, Delores Stago offrit le livre Vérité à une dame qui lui dit: “J’aimerais bien accepter le livre, mais il ne m’apportera rien, car je suis aveugle.” Delores s’offrit à lui lire le livre, lecture qui plut beaucoup à cette dame, Victoria Carias. Alors que l’étude biblique progressait, Victoria déclara: “Auparavant, j’étais toujours triste et je pleurais constamment. Mais maintenant j’ai une espérance réelle, grâce à Jéhovah.”
Elle commença à fréquenter la congrégation de Zacamil, celle de Filadelfo. L’un et l’autre devinrent bientôt de joyeux proclamateurs du Royaume, participant au service du champ, bavardant avec leurs frères aux réunions et s’encourageant mutuellement dans les activités chrétiennes.
LA GUERRE DE 100 HEURES
En juillet 1969, le Salvador eut des problèmes avec le Honduras, son voisin, à la suite, prétendait-on, d’une partie de football. À peu près à la même époque, de nombreux frères quittaient le pays pour assister aux assemblées “Paix sur la terre”, organisées aux États-Unis. Une délégation importante se rendit à celle de New York. C’est alors que le différend avec le Honduras se transforma en conflit armé. Le 14 juillet, le Salvador bombarda le Honduras, et cette nuit-là, les avions du Honduras bombardèrent le Salvador, si bien que l’électricité fut coupée. Un des missionnaires écrivit:
“Après le bombardement de l’aéroport, aucun avion ne pouvait atterrir, et il n’y avait pas de courrier. Les frères téléphonaient constamment à propos des réunions. Juan De Dios Peña s’arrangea pour qu’elles aient lieu l’après-midi. (...) Quand des rumeurs laissèrent entendre que les avions du Honduras avaient largué des parachutistes sur la ville, nous avons déplacé le meuble, très lourd, qui contenait tous les dossiers contre la porte d’entrée du bureau et nous avons caché l’argent de la filiale.”
Il circulait tant de rumeurs que personne ne savait que croire. Le quatrième jour, les combats cessèrent quand l’Organisation des États américains menaça d’imposer le boycottage du café salvadorien. On estima le nombre des morts à plusieurs milliers et, de part et d’autre, on racontait de nombreux cas d’atrocités.
Des milliers de réfugiés quittèrent le Honduras pour rentrer au Salvador. Parmi eux, il y avait quelques frères salvadoriens qui vivaient dans le pays voisin. La plupart d’entre eux perdirent tous leurs biens. L’un d’eux, Mario Flores, avait servi comme surveillant de circonscription au Honduras après avoir été à l’École de Galaad. Peu après son retour au Salvador, il épousa une sœur qu’il avait rencontrée à Galaad et tous deux entreprirent le service de la circonscription au Salvador.
La guerre fut un épisode pénible. Aussi, dès que les frères revinrent des assemblées, ceux qui étaient restés au pays commencèrent-ils à se détendre et à concentrer toute leur attention sur les bonnes nouvelles que les frères apportaient avec eux.
DES CHANGEMENTS À LA FILIALE
En 1969, Rolando Morales, le serviteur de filiale, se maria et fut remplacé par Domenick Piccone. Domenick et Elsa, sa femme, avaient servi au Maroc après avoir fait partie de la 23e classe de Galaad. Domenick fut serviteur de filiale au Maroc jusqu’à son expulsion du pays, en mai 1969. Comme ils ne purent retourner dans ce pays après l’assemblée de New York, Domenick et Elsa furent nommés au Salvador, où ils arrivèrent le 31 octobre 1969.
Domenick Piccone était le premier serviteur de filiale du Salvador à avoir déjà fait l’expérience de ce service. De plus, il connaissait la langue et les coutumes du pays, car il avait servi en Espagne et au Portugal avant d’être nommé au Maroc. Une de ses premières tâches consista à préparer l’assemblée de district “Paix sur la terre”, qui devait avoir lieu en janvier 1970. Elle se tint, une fois de plus, au Gymnase national où 3 850 personnes écoutèrent le discours public intitulé “Une paix de mille ans est proche”.
Quelques semaines auparavant, le 16 décembre 1969, on commença les travaux d’agrandissement du bâtiment de la filiale. Lors de sa construction, 15 ans plus tôt, frère Knorr avait entrevu l’accroissement du nombre des proclamateurs qui rendrait nécessaire l’agrandissement du bâtiment. Ce moment était finalement arrivé.
On ajouta trois nouvelles chambres à l’étage, et le rez-de-chaussée fut entièrement repeint. D’autre part, il fut enfin possible d’acheter le terrain de 11 mètres sur 27 qui touchait à notre propriété, au nord, et qui allait permettre d’agrandir celle-ci.
D’AUTRES ASSEMBLÉES EN 1970
En octobre et novembre 1970, les trois circonscriptions, qui rassemblaient 25 congrégations, organisèrent leurs assemblées à Sonsonate, à San Miguel et à Soyapango. Au total, il y eut 2 909 assistants. À ces assemblées, Raúl Morales servit comme surveillant de district, et Mario Flores, Juan Mazariegos et Juan De Dios Peña, comme surveillants de circonscription. On enregistra 83 baptêmes. Parmi les assistants à l’une de ces assemblées, il y eut Chiang Kai-shek, ambassadeur au Salvador qui, à cette époque-là, étudiait la Bible avec un Témoin.
En décembre, on organisa pour la huitième fois une assemblée de district au Gymnase national. Ce mois-là, il y avait 1 785 proclamateurs dans le champ. Mais, à l’assemblée, on enregistra le chiffre de 5 322 assistants à la représentation biblique intitulée “L’amour est un parfait lien d’union”. C’était la plus grande assistance jamais enregistrée par les frères du Salvador à l’occasion d’une assemblée. En outre, 4 072 personnes écoutèrent le discours public intitulé “La race humaine sera sauvée, — par le Royaume”, donné par frère Piccone. Les nombreux frères qui étaient venus d’autres pays pour servir au Salvador travaillèrent dans l’ombre pour que chacun profite de l’assemblée dans les meilleures conditions.
UN ACCROISSEMENT MAGNIFIQUE
En 1971, l’augmentation du nombre des congrégations et des groupes de proclamateurs isolés rendit nécessaire la formation d’une quatrième circonscription. Au cours de l’année, on enregistra une moyenne de 1 949 proclamateurs chaque mois et un accroissement de plus de 400 sur l’année précédente. Autrement dit, près de la moitié des proclamateurs du Salvador étaient devenus Témoins au cours des cinq années précédentes, c’est-à-dire depuis 1966, année où il n’y avait que 995 proclamateurs.
Le 9 avril 1971, 7 924 personnes assistèrent au Mémorial, soit une moyenne de 230 assistants pour chacune des 34 congrégations du pays. Seuls deux assistants prirent les emblèmes pour montrer qu’ils espéraient obtenir la vie céleste et régner sur la terre aux côtés du Christ.
DE NOUVELLES CONGRÉGATIONS
L’accroissement du nombre des proclamateurs rendit nécessaire la formation de nouvelles congrégations, et les frères qui étaient venus pour servir là où le besoin était plus grand prirent une part très active à cette œuvre. On forma une congrégation à Chalchuapa. Charles Taylor fut nommé surveillant de la nouvelle congrégation d’Apopa, et Joseph Backloupe, un ancien missionnaire qui avait servi en Bolivie, devint surveillant d’une nouvelle congrégation à San Salvador. D’autre part, Robert Wolfe qui, après avoir abandonné une entreprise de démolition à New York, était venu au Salvador avec Edel, sa femme, fut nommé adjoint au surveillant d’une congrégation de la capitale. En mars 1971, la congrégation de Santa Ana, qui avait grandi, fut divisée en deux. Les proclamateurs du groupe de Juayúa étaient devenus suffisamment nombreux pour qu’on forme une congrégation. Une autre fut formée à El Platanar, près de San Miguel.
Une attention particulière fut également accordée aux groupes de proclamateurs isolés. John Trayer quitta la capitale en 1971 pour apporter son aide au groupe de Cojutepeque, ville située à l’est de San Salvador. On s’intéressa aussi aux proclamateurs de San Sebastián et d’Ilobasco, où deux congrégations furent formées. Les habitants de ces territoires sont désormais visités régulièrement par les Témoins de Jéhovah. Les frères qui sont venus d’autres pays pour servir ici sont très aimés par leurs compagnons du Salvador. Ils ont pourvu à de nombreux besoins en donnant de leur temps et de leurs biens, et en participant avec zèle au service du champ.
LA FILLE DU PRÉSIDENT APPREND LA VÉRITÉ
En mars 1967, Fidel Sánchez Hernández devint président du Salvador. Peu après, Marina, sa fille encore adolescente, commença à chercher la vérité sur Dieu. Mais laissons-la expliquer elle-même comment les choses se passèrent:
“J’ai grandi dans une ambiance d’incroyance, dans un milieu où l’on avait démasqué la fausse religion. À la suite de ce qu’ils avaient pu constater par eux-mêmes dans l’Église catholique, mon père et ma mère n’avaient plus aucune relation avec elle.
“Mon père devint président alors que j’avais 13 ans. Je me souviens que les ecclésiastiques les plus en vue, évêques et cardinaux, souhaitaient entretenir d’étroits rapports avec ma famille. Mais était-ce pour nous aider spirituellement? Ma mère déclara franchement qu’elle n’assisterait aux offices religieux que pour des raisons d’État. Le clergé ne manifesta jamais la moindre intention de nous aider spirituellement. Il n’apparaissait sur la scène que lorsque avait lieu une campagne politique ou lorsque surgissait un problème national.
“On m’avait appris à me méfier de tout le monde. Le bien-fondé de cette méfiance fut confirmé la nuit où l’on tenta de renverser mon père. Quand les coups de feu éclatèrent, mon père et moi étions seuls à la maison. J’ai vraiment connu la peur de mourir quand des balles me manquèrent de peu. J’ai demandé à Dieu de m’aider, car je croyais à son existence. Je lui ai promis sincèrement que si j’en sortais vivante, je m’efforcerais de le trouver.”
Marina ne pouvait se tourner vers les ecclésiastiques pour être guidée, car elle avait été témoin de leur immixtion dans la politique. De plus, ils jouaient le rôle de médiateurs entre le gouvernement et les rebelles. Cela l’a déçue beaucoup. Où allait-elle donc se tourner pour trouver de l’aide? Elle fréquenta quelque temps seulement diverses Églises protestantes et des Juifs, mais elle ne trouva pas Dieu. Puis Marina et son fiancé acceptèrent d’étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Aujourd’hui, ils sont mariés et forment un couple chrétien heureux. Ils sont très reconnaissants d’être parmi le peuple de Jéhovah et de pouvoir ainsi servir Dieu en compagnie de leurs frères et sœurs spirituels et dans une atmosphère de franche confiance.
UNE FAMILLE TRÈS APPRÉCIÉE
En 1971, Joseph et Nancy Tremblay, accompagnés de leurs deux enfants, Jennifer et Tony, quittèrent les États-Unis pour venir servir au Salvador. Joe, qui était chorégraphe à New York avant de connaître la vérité, s’était rendu en Californie pour rendre visite à sa famille dont les membres étaient Témoins de Jéhovah. Durant son séjour là-bas, il eut l’occasion de parler à d’autres Témoins et de remarquer que sa famille ne vivait pas en accord avec l’enseignement des Témoins de Jéhovah. Il décida donc de mener une enquête. Il finit par découvrir un “but dans la vie”.
La vérité ayant touché son cœur, Joe téléphona à son patron à New York pour donner sa démission. Toutes les forces, les idées et le temps qu’il avait consacrés jusque-là à la recherche de choses matérielles, il les consacra désormais à des objectifs spirituels. Sa femme et lui décidèrent de chercher un moyen de rester actifs spirituellement et de se protéger ainsi de l’esprit du monde. C’est ce qui les amena au Salvador.
On se souvient très bien du jour où Joe se renseigna sur l’allocation que reçoivent les pionniers spéciaux. Quand on lui en fit connaître le montant, il répondit: “Ça ne paierait même pas les olives que je mets dans mes cocktails.” Il ne s’imaginait guère qu’il allait à son tour abandonner cocktails et olives. Aujourd’hui, après neuf années passées dans le service de pionnier, durant lesquelles il a participé à la construction de Salles du Royaume et assumé des responsabilités lors des assemblées, Joe n’a rien perdu de son zèle et de son enthousiasme. À Metapán, où il sert Jéhovah actuellement, il a récemment aidé à la construction d’une nouvelle Salle du Royaume.
L’ASSOCIATION “LES TÉMOINS DE JÉHOVAH”
Depuis ses débuts en 1945, la prédication et l’œuvre consistant à faire des disciples s’effectuaient sans être reconnues légalement. Mais en 1972, on enregistra l’association “Les Témoins de Jéhovah” au Salvador. Elle est un instrument juridique très utile pour aider les habitants du pays à connaître Jéhovah et à devenir de vrais chrétiens.
Par le moyen de cette Association, les Témoins peuvent acheter des terrains pour y construire des Salles du Royaume, des Salles d’assemblées et des maisons de missionnaires. Au cours des années, de nombreuses et belles Salles du Royaume ont été construites dans le pays, notamment celle de San Marcos. Pour la construire, on a d’abord extrait de la pierre d’un terrain presque vertical en recourant à la dynamite. Puis, après avoir assemblé l’armature métallique, on a monté les murs en utilisant les pierres ainsi obtenues. Il y a aujourd’hui 42 Salles du Royaume au nom de l’Association ainsi qu’une Salle d’assemblées et des maisons de missionnaires à Santa Ana et à San Miguel.
C’est Alejandro Lacayo, un des cinq nouveaux missionnaires arrivés le 5 mai 1972, qui suggéra aux frères de construire une nouvelle maison de missionnaires et une Salle du Royaume à San Miguel. En août 1974, la nouvelle maison et la Salle du Royaume attenante étaient prêtes à être utilisées. La maison comprend trois chambres confortables, une cuisine, une salle de séjour, un patio et une grande entrée. À San Miguel, où l’œuvre a progressé lentement, il y a maintenant quatre congrégations.
L’ACCROISSEMENT S’ACCÉLÈRE
Nous avons indiqué plusieurs fois que les activités des Témoins de Jéhovah étaient très connues au Salvador. C’est pourquoi le nombre des assistants aux réunions et aux assemblées était souvent trois ou quatre fois plus important que celui des Témoins. Cependant, au début et au milieu des années 1970, un grand nombre de ceux qui fréquentaient les Témoins se vouèrent à Jéhovah, commencèrent à prêcher le Royaume et se firent baptiser.
En 1973, on enregistra, en moyenne, 2 854 proclamateurs, soit presque 1 000 de plus que deux ans auparavant. Mais un accroissement vraiment merveilleux était encore à venir. En 1974, on compta, en moyenne, 4 065 proclamateurs avec un maximum de 4 535, et 1 509 baptêmes. Et l’accroissement continua.
L’année suivante, 1 612 nouveaux disciples se firent baptiser, et le nombre moyen de proclamateurs passa à 5 124. Ainsi, on enregistra deux années de suite un accroissement de plus de 1 000 proclamateurs. Puis, en 1976, 984 personnes se firent baptiser, et le nombre de ceux qui prêchèrent le Royaume cette année-là passa, en moyenne, à 5 632.
En trois années seulement, on compta 4 105 baptêmes et, dans la même période, le nombre des Témoins au Salvador doubla pratiquement, passant de 2 854 à 5 632.
ON FAIT FACE À L’ACCROISSEMENT
Comme vous vous en doutez, à la suite de cet accroissement énorme, il fallait s’occuper de tous les nouveaux, et l’organisation prit de l’extension. En une seule année, de 1972 à 1973, le nombre des congrégations passa de 36 à 68. L’année suivante, on forma 23 nouvelles congrégations et, en 1976, il y en avait 118 dans le pays. Ainsi donc, en l’espace de quatre années seulement, le nombre des congrégations avait triplé, passant de 36 à 118. Il était évidemment nécessaire d’apporter une aide spirituelle à tous les nouveaux.
Comme le nombre des congrégations augmentait, il fallait de nouvelles circonscriptions, donc des frères capables de servir en tant que surveillants de circonscription. On nomma donc à cette fonction Samuel Stago et Carlos Reyes, l’ancien garde national qui avait contribué à la formation de la congrégation d’Usulután, des années auparavant. Étant donné l’accroissement rapide, les nouveaux surveillants de circonscription n’avaient pas tous une longue expérience dans la vérité.
Par exemple, c’est seulement à la fin des années 1960 que Gladys Romero put amener son mari, Saúl, à s’intéresser à l’étude de la Bible. Mais quand, finalement, celui-ci fut convaincu d’avoir trouvé la vérité, il l’embrassa de tout cœur. Il se fit baptiser en 1970, et en février 1971 il était pionnier ordinaire. En 1975, il fut nommé surveillant de circonscription.
On dut encore former de nouvelles circonscriptions. Mais qui allait servir comme représentants itinérants de la Société? La réponse fut fournie par la nomination de Carlos Villanueva et Roberto Guzman, deux jeunes pionniers spéciaux. Ils compensaient leur manque d’expérience par leur fidélité et leur zèle. Aujourd’hui, au Salvador, il y a 137 congrégations et 23 groupes de proclamateurs répartis dans 8 circonscriptions.
DES ASSEMBLÉES QUI FAVORISENT L’ACCROISSEMENT
On continua de tenir les assemblées de district et internationales au Gymnase national de San Salvador. Ces rassemblements annuels encourageaient vivement les frères à s’activer dans la prédication du Royaume et dans l’œuvre consistant à faire des disciples. À l’assemblée “Le gouvernement divin” de 1972, d’autres renseignements furent donnés sur la nouvelle disposition qui prévoyait la direction des congrégations par un “collège d’anciens” et non plus par un serviteur de congrégation. Huit années plus tard, il y a 182 anciens dans le pays. Comme cela correspond, en moyenne, à un peu plus d’un ancien par congrégation, vous voyez qu’il y a toujours grand besoin de frères capables et mûrs au Salvador.
L’assemblée internationale “La victoire divine”, qui eut lieu au Gymnase national en décembre 1973, fut l’assemblée la plus encourageante jamais organisée au Salvador. À cette date, le nombre maximum de proclamateurs enregistré au cours d’un seul mois était de 3 310. Combien d’assistants devions-nous donc attendre pour cette assemblée? Eh bien, 10 788 personnes s’entassèrent dans le Gymnase. Mais une surprise plus grande encore nous attendait. En effet, 1 046 nouveaux disciples, qui avaient voué leur vie pour faire la volonté de Jéhovah, se présentèrent au baptême pour symboliser publiquement leur vœu. Ce chiffre représentait pratiquement le tiers du nombre maximum de proclamateurs enregistré cette année-là. La moisson était vraiment grande.
Qu’allait nous apporter l’assemblée de district “Le dessein divin”? Elle était prévue pour le mois de décembre 1974, une fois encore au Gymnase national. Celui-ci pourrait-il accueillir tout le monde? Le Mémorial célébré en avril nous en donna une idée. En effet, 15 836 personnes assistèrent au Mémorial, soit presque deux fois plus qu’au Mémorial célébré trois ans auparavant. À l’assemblée, lorsque fut donné le discours public “Les projets humains échouent, le dessein de Dieu réussit”, le Gymnase était bondé, et on enregistra 12 125 assistants. Pour ce qui était de l’œuvre consistant à faire des disciples au Salvador, on avait vraiment le sentiment que le dessein de Dieu réussissait.
UN HOMME POLITIQUE OPÈRE UN CHANGEMENT DANS SA VIE
Atilio García Prieto était au nombre des plus de 1 000 nouveaux disciples qui se firent baptiser à l’assemblée “La victoire divine” en 1973. Il avait fait partie du cabinet du président Osorio dix-huit ans auparavant, à l’époque où Baltasar Perla était lui-même membre du gouvernement Osorio. Quand Baltasar était devenu Témoin, Atilio s’était dit: “Cet homme doit être fou.” Mais maintenant il pense que c’est lui qui devait être fou.
Après qu’Atilio fut devenu un serviteur zélé de Jéhovah, il conduisit jusqu’à 12 études bibliques. Actuellement, il sert comme ancien dans une congrégation de San Salvador. En 1975, il reçut le prix qui récompensait, pour l’année, le meilleur représentant des professions libérales. Lors de la réception du prix, Atilio déclara au cours de son allocution que son désir avait toujours été d’édifier un monde meilleur. Puis, se référant à la Bible, il montra à tous les assistants, parmi lesquels le président et les membres de son cabinet, que seul le Royaume de Dieu pouvait faire cela.
DES CHANGEMENTS POUR LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT
Où allait-on tenir l’assemblée de district annuelle maintenant que le Gymnase national se révélait trop petit? Comme ce local convenait fort bien à ce genre de rassemblement, on décida que l’assemblée de district de 1975, ayant pour thème “La souveraineté divine”, aurait lieu en deux fois au même endroit. Les congrégations de San Salvador tinrent leur assemblée une semaine, et les autres congrégations eurent la leur une autre semaine. Les frères furent très heureux d’apprendre que frère Knorr serait parmi eux à cette occasion.
Les assistants étaient loin de penser que ce serait la dernière visite de frère Knorr. Ils apprécièrent beaucoup sa présence et burent littéralement ses excellents conseils spirituels lors de la réunion des missionnaires ainsi qu’à d’autres moments. Frère Knorr mourut d’un cancer moins de deux ans plus tard, le 8 juin 1977.
Pour cette assemblée, on demanda à frère Tremblay d’arranger la scène d’une façon appropriée. Avec l’aide des frères de la congrégation d’Ahuachapán, où il était alors pionnier spécial, il construisit, comme décor, un très beau palais blanc. Pour cela, il utilisa du carton et beaucoup d’imagination. Au-dessus du palais, il plaça le trône et la couronne du grand Souverain. Ce décor représentait de façon très appropriée la position de Jéhovah Dieu au-dessus de tout l’univers. Pour les deux assemblées, on compta 15 025 assistants.
Comme ces deux assemblées avaient été une réussite, les frères en organisèrent trois en 1976. Il y eut donc une assemblée de district “Le service sacré” à Santa Ana, à San Miguel et à San Salvador. De cette façon, les chrétiens de toutes les régions du pays allaient avoir la possibilité de recevoir une bonne nourriture spirituelle et de se réunir plus facilement. Il y eut au total 13 203 assistants. Bien que ce chiffre fût inférieur de 2 000 à celui de l’année précédente, il était encore deux fois plus élevé que le chiffre maximum de proclamateurs (6 010) enregistré cette année-là.
UNE NOUVELLE CONSTRUCTION POUR LA FILIALE
L’expansion de l’organisation rendait nécessaire l’agrandissement des bâtiments de la filiale. Comme nous l’avons vu, en 1970, on avait acheté un terrain immédiatement à côté de l’immeuble de la filiale. Pendant quelques années, on y entretint une belle pelouse parsemée de quelques fleurs, ce qui embellissait le bâtiment. Cependant, quand Robert Wallen, représentant du bureau de Brooklyn, visita le Salvador en 1975, on envisagea la possibilité d’utiliser ce terrain pour agrandir les locaux de la filiale.
En 1976, des plans furent faits et approuvés. Grâce à l’aide de volontaires et à la coopération de tous, le bâtiment coûta deux fois moins cher que ce qui avait été prévu. John Trayer et Vicente Valdarrama, qui servaient à Ahuachapán, où le besoin était plus grand, consacrèrent tout leur temps à la réalisation de ce projet.
En 1977, le nouveau bâtiment était prêt. Quelle joie lorsque nous avons transféré le bureau d’une pièce exiguë dans un local spacieux et bien aéré! On sortit des cartons de publications des couloirs, des chambres et des salles de bains pour les ranger dans un entrepôt vaste et net. Après ce changement, même la maison d’habitation paraissait neuve.
En décembre 1977, à l’occasion de l’assemblée de district “Les travailleurs joyeux”, Milton Henschel, du Collège central, inaugura les nouveaux locaux de la filiale et prononça un discours de circonstance. Cette fois encore, on tint deux assemblées au Gymnase national de San Salvador. On enregistra au total 13 615 assistants. Certes, ce chiffre fut inférieur à celui de 1975, qui était un maximum. Toutefois, en mars 1978, davantage de gens s’associèrent aux Témoins de Jéhovah dans tout le pays. En effet, 21 285 personnes assistèrent au Mémorial.
PROJET DE CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE SALLE D’ASSEMBLÉES
Au cours des années, il devint extrêmement difficile de trouver des endroits appropriés pour tenir des assemblées de circonscription. Certaines circonscriptions ont dû prévoir jusqu’à cinq petites assemblées différentes parce qu’on ne trouvait pas de locaux assez grands pour accueillir tout le monde. Le problème était d’autant plus difficile à résoudre pendant la saison des pluies durant laquelle il est nécessaire de trouver un local approprié pour se protéger des intempéries. Les écoles étaient souvent trop petites, et les conditions n’étaient pas toujours des meilleures. Le fait suivant est un exemple type des problèmes qu’il fallait résoudre.
Un jour, alors que les frères se réunissaient pour suivre le programme de l’assemblée, une fanfare de l’armée vint s’installer devant la scène et commença à jouer l’hymne national. Ce dimanche matin-là, des groupes d’écoliers avaient été réunis pour un programme de musique. Il semble qu’un des instituteurs, qui était mécontent de voir les Témoins utiliser l’école, avait fait venir la fanfare militaire pour qu’elle joue devant les écoliers. Au bout d’une heure, la fanfare quitta les lieux, et les enfants rentrèrent chez eux sans se presser. Le programme put alors commencer par un cantique à la louange de Jéhovah, suivi d’une prière. Ce n’est là qu’un exemple des difficultés que nos frères rencontraient pour préparer ces festins spirituels tous les six mois.
Que pouvait-on faire? Le pays comptant huit circonscriptions, était-il raisonnable et possible de construire une Salle d’assemblées?
Cette question fut examinée avec frère Henschel quand il nous visita à l’occasion de l’assemblée “Les travailleurs joyeux”. Puis on écrivit à ce sujet au Collège central. On avait déjà commencé à chercher un terrain à un prix raisonnable. Un frère de San Salvador en proposa un qui se trouvait à proximité du lac Ilopango et sur lequel il n’y avait aucun problème pour s’alimenter en eau. Il était assez grand, et le prix raisonnable. De nombreux frères firent des dons généreux pour acheter le terrain et entreprendre la réalisation du projet.
Mais quelle fut la réponse du Collège central des Témoins de Jéhovah? Il souleva ces questions: Les frères du Salvador financeront-ils un tel projet? Seront-ils en mesure de rembourser le prêt demandé? L’affaire fut présentée aux membres de l’Association, puis on envoya une lettre à toutes les congrégations. Celles-ci répondirent par un oui énergique. On décida donc d’accorder toute l’attention voulue à la réalisation de ce projet et de demander à Jéhovah sa direction.
DE NOUVELLES ÉCOLES SONT ORGANISÉES
Après l’assemblée “Les travailleurs joyeux”, qui se tint en décembre 1977, on prit des dispositions pour organiser une nouvelle École du ministère du Royaume ainsi qu’une école spéciale pour les pionniers. L’École du ministère du Royaume fonctionnait depuis 1962, et, périodiquement, les frères ayant des responsabilités dans les congrégations étaient invités à y assister. En 1978, tous les anciens et les serviteurs ministériels du pays bénéficièrent de ce nouveau cours de 15 heures. Les quatre membres du comité de la filiale ainsi que deux autres frères capables servirent d’instructeurs. En l’espace d’un mois, tous purent bénéficier de ce cours organisé simultanément dans trois endroits différents.
Ce cours était à peine terminé que s’ouvrait l’École pour les pionniers. Au milieu du mois de juin 1977, tous les pionniers du Salvador qui étaient sur la liste des pionniers depuis au moins un an avaient eu le bonheur de bénéficier de ce cours spécial de 10 jours. Les pionniers du Salvador furent vraiment reconnaissants à Jéhovah et à son organisation pour cette excellente disposition.
LA SCÈNE CHANGE AU SALVADOR
Avec les années, le Salvador avait commencé à changer, et ses coutumes aussi. Tout d’abord, la population était passée d’environ 1 500 000 habitants en 1945, à 5 000 000 en 1980. Dans la capitale, en particulier, les vieilles maisons aux murs de terre étaient remplacées par des ensembles modernes et colorés. De nouvelles exploitations voyaient le jour un peu partout, les emplois devenaient plus nombreux et les salaires augmentaient. De nombreux Salvadoriens commençaient à quitter les campagnes pour trouver un emploi en ville.
San Salvador finit par ressembler sous de nombreux aspects aux villes modernes d’Amérique du Nord. Dans les années 1960, le “hamburger” était considéré comme un “aliment pour gringo” et on ne le trouvait que dans quelques établissements qui recevaient les touristes. À la fin des années 1970, des restaurants comme le “McDonald’s” ou le “Hardee’s” faisaient des affaires en offrant des hamburgers et des frites aussi bien aux touristes qu’aux habitants du pays. Des parcs d’attractions virent le jour un peu partout dans la ville pour faire concurrence à ceux qui avaient été ouverts en des endroits touristiques, comme le parc tropical appelé “Los Chorros” ou les lacs Coatepeque et Ilopango. On construisit un téléphérique pour amener les gens du quartier sud de San Salvador jusqu’au sommet du mont San Jacinto, où ils peuvent s’amuser dans un parc d’attractions ou tout simplement admirer un magnifique point de vue sur la ville. Il y avait ainsi beaucoup de distractions possibles.
Mais il faut beaucoup d’argent pour profiter de tout cela, car les prix ont considérablement augmenté. Par exemple, le prix de la pupusa, un petit pain rond fait avec de la farine de maïs et à l’intérieur duquel on met une couche de fromage, de viande ou de haricots, a triplé ou quadruplé par rapport aux années 1960. Le budget d’une famille moyenne est sérieusement entamé quand elle s’offre une pupusa, des bananes frites et du café.
Des autoroutes et de larges avenues traversent les lieux occupés autrefois par les mesons, bidonvilles où vécurent pendant de nombreuses années des milliers de pauvres gens. Après l’ouverture du nouvel aéroport “Salvador”, à 35 kilomètres au sud de San Salvador, on a construit une nouvelle autoroute pour en faciliter l’accès. Au début des années 1960, la voiture était un luxe que ne pouvaient s’offrir que quelques privilégiés. Mais à la fin des années 1970, ce sont des armées d’automobiles, comparables à des fourmis, qui vrombissent à travers les rues de la ville. Les automobilistes ne peuvent trouver un peu de calme que sur les routes relativement tranquilles des campagnes.
La scène religieuse a également changé. Dans le passé, les groupes protestants ne constituaient qu’une minorité dans l’ombre de l’Église catholique. Mais, ces dernières années, les gens en général en ont eu assez du clergé qui se mêle de politique, et beaucoup d’entre eux se sont tournés ailleurs. De nombreux catholiques ont abandonné leur Église pour s’associer à divers groupes évangéliques qui ont vu le jour ces dernières années. Mais, en réalité, ni le catholicisme ni le protestantisme n’ont satisfait ceux qui désirent sincèrement connaître la vérité.
Le fanatisme du passé a été peu à peu remplacé par une apathie religieuse qui n’a plus qu’un lointain rapport avec le véritable christianisme. Dans un effort visant à endiguer cette tendance, l’Église catholique a commencé à introduire dans ses rites ceux d’autres groupes religieux et a même, en de nombreux endroits, abandonné l’utilisation d’images. Ces changements, religieux et autres, ont influé sur la vie des gens. Depuis 1975 en particulier, on a vu grandir la soif des plaisirs et le mépris des lois humaines et divines. Cette tendance a-t-elle affecté la congrégation chrétienne? Les remarques suivantes du bureau de la filiale du Salvador sont révélatrices:
“Même ceux qui mènent une vie chrétienne depuis longtemps sont touchés. Certains frères ont renoncé à leurs privilèges chrétiens dans la congrégation parce que ceux-ci les empêchaient d’atteindre d’autres objectifs personnels. Quelques-uns sont partis à l’étranger dans le but d’améliorer leur situation matérielle.
“De plus, il est devenu de plus en plus difficile d’intéresser les jeunes gens au service de Jéhovah au point qu’ils y consacrent entièrement leur vie. Le travail profane et les études commencent à supplanter le service du Royaume, et le temps et les forces qui étaient auparavant consacrés au service de Jéhovah et du prochain sont maintenant bien souvent utilisés à satisfaire les désirs personnels. Le monde moderne est vraiment en train de mettre la main sur ceux qui n’avaient probablement pas permis à la vérité de toucher leur cœur ou qui, pour n’être pas restés éveillés, ont perdu la foi et la confiance dans les promesses de Jéhovah.”
Bien sûr, la grande majorité des serviteurs de Dieu au Salvador sont restés forts spirituellement. Ils ont continué à participer avec zèle à la prédication et à l’œuvre qui consiste à faire des disciples, et ils ne cessent de se réjouir des fruits magnifiques que produit leur travail.
ON CHANGE DE LIEU D’ASSEMBLÉE
En 1978, on enregistra un maximum de 6 017 proclamateurs du Royaume au Salvador. En raison de cet accroissement, il semblait bien que le Gymnase national ne pourrait plus être utilisé que pour des assemblées de circonscription. C’est ainsi que l’assemblée internationale “La foi victorieuse”, prévue du 27 au 31 décembre 1978, eut lieu au Stade national de Flor Blanca, rénové récemment et situé à quelques pâtés de maisons du Gymnase. Comme la plus grande partie des gradins du stade n’est pas couverte, les sessions furent prévues l’après-midi et le soir. Les matinées étaient réservées au service du champ et à des programmes spéciaux qui comprenaient notamment des danses folkloriques, cela à l’intention des visiteurs. Bien que le nombre des congressistes étrangers fût moins important que lors de la précédente assemblée internationale de 1973, ceux d’entre eux qui participèrent au service du champ le vendredi matin encouragèrent sans aucun doute les frères locaux. Beaucoup de Témoins salvadoriens parlent encore du joyeux service qu’ils effectuèrent en compagnie de frères et sœurs d’autres pays.
Grant Suiter, du Collège central, fut le principal orateur de cette assemblée internationale. Bien qu’il ne parle pas l’espagnol, les frères furent encouragés par sa présence et par ses paroles traduites en espagnol. On enregistra une assistance maximum de 11 109 personnes et 470 baptêmes.
RENVERSEMENT D’UNE TENDANCE
Dans les mois qui précédèrent l’assemblée “La foi victorieuse” de décembre 1978, le nombre des proclamateurs du Royaume avait diminué, ce qui rendait soucieux bon nombre de frères. Mais l’assemblée internationale apporta l’encouragement nécessaire. C’est ainsi qu’en janvier 1979, on atteignit un nouveau maximum de 6 058 proclamateurs et on enregistra un accroissement régulier dans les mois qui suivirent.
En 1979, 22 assemblées de circonscription réunirent au total 24 794 personnes. En octobre, il y eut 6 528 proclamateurs du Royaume. Puis, en novembre, les frères reçurent d’autres encouragements d’Albert Schroeder, du Collège central, qui effectua une visite de zone. Les congrégations furent invitées à écouter un discours spécial donné par frère Schroeder dans l’amphithéâtre de la Foire internationale de San Salvador. Quelle surprise quand, par cette belle et fraîche soirée sous un ciel étoilé, on compta 7 127 assistants!
L’ASSEMBLÉE DE DISTRICT “UNE ESPÉRANCE VIVANTE”
Environ un mois plus tard, du 29 décembre au 1er janvier, l’assemblée “Une espérance vivante” aida également les frères à rester déterminés à servir Jéhovah. L’assemblée se tint de nouveau au Stade Flor Blanca à San Salvador. L’enthousiasme que les frères avaient reflété au cours de l’année se manifesta au fur et à mesure que se déroulait l’assemblée. L’assistance maximum de 11 939 dépassa de 830 personnes celle de l’assemblée internationale de l’année précédente.
Alors qu’il y avait des troubles dans le pays, à l’intérieur du stade tout était paisible. Ce qui arriva au jeune frère qui jouait le rôle de l’orphelin de père dans la représentation biblique donnée un soir de l’assemblée, montre bien que le danger était réel à l’extérieur du stade. Il était sorti de celui-ci pour faire une courte promenade avec un autre frère. Alors qu’il revenait au stade pour revêtir son costume de scène, il fut abordé par un homme qui, sortant un couteau, lui demanda tout ce qu’il possédait sur lui. Le jeune frère lui donna sans résister sa montre, son argent et d’autres objets, mais son agresseur le frappa dans le dos. On le soigna au service des premiers secours et on lui dit d’aller sans tarder consulter un médecin. Toutefois, sans rien dire à personne, le jeune frère mit son costume de scène et joua péniblement son rôle devant une assistance qui ne se doutait pas qu’il était blessé.
Alors que des problèmes politiques commençaient à diviser le pays, le crime et la violence devinrent courants. On s’attendait à rencontrer des problèmes encore plus graves pour le déroulement de l’assemblée, mais tout se passa finalement très bien, et les frères rentrèrent chez eux sans la moindre difficulté.
UNE NOUVELLE SALLE D’ASSEMBLÉES
Un des temps forts de l’assemblée “Une espérance vivante” fut l’annonce que la plupart des futures assemblées de circonscription auraient lieu dans la nouvelle Salle d’assemblées qui était en construction près du lac Ilopango. Depuis le moment où la construction de cette salle fut proposée en 1977, de nombreux frères avaient donné gratuitement de leur temps et de leurs forces pour réaliser ce projet. Comme dans tout ce qui est entrepris par des humains imparfaits, on rencontra des problèmes, mais ils furent résolus.
Certains dimanches, des congrégations entières venaient aider à la construction de cette salle. Les frères firent spontanément des dons pour acheter les matériaux de construction et pour payer les ouvriers qui accomplirent les tâches que les frères ne pouvaient faire eux-mêmes. Même des gens qui n’étaient pas Témoins de Jéhovah se montrèrent disposés à apporter leur aide. C’est donc avec raison que les applaudissements résonnèrent dans le stade quand on annonça que la Salle d’assemblées allait être utilisée dans quelques mois.
Le 1er mars 1980, de nombreux autocars amenèrent les uns derrière les autres quantité de frères et sœurs, tout souriants, pour la première assemblée de circonscription dans la nouvelle Salle d’assemblées. Il y a encore beaucoup à faire pour achever cette salle, mais si l’on en juge d’après la coopération manifestée par les frères et d’après les preuves évidentes que l’esprit de Jéhovah nous soutient dans cette tâche, il y a tout lieu de croire que cette entreprise sera achevée à la louange de notre Dieu.
BOULEVERSEMENTS POLITIQUES
À la fin de 1979, des troubles politiques menaçaient de tourner à la guerre civile, comme cela s’était produit récemment au Nicaragua où il y avait eu environ 30 000 morts. En octobre, le général Carlos Humberto Romero, président du Salvador, fut chassé et remplacé par une junte de cinq hommes.
On espérait beaucoup que cela mettrait fin à la violence qui avait fait des centaines de morts au cours de l’année. Mais la violence ne fit que croître. Des groupes révolutionnaires s’emparèrent d’églises, d’ambassades, de bâtiments gouvernementaux et autres et prirent des otages. Bien souvent, des gens innocents, et même certains de nos frères et sœurs, tombaient entre les mains d’individus dénués de tout principe.
Par exemple, une jeune sœur fut prise comme otage avec un groupe d’hommes. Elle montra un grand courage en profitant des circonstances pour donner un témoignage aussi bien à ceux qui s’étaient emparés de l’immeuble où elle travaillait qu’à ses collègues retenus comme otages avec elle. Au bout de quelques jours, on les relâcha sans leur avoir fait aucun mal. Ses compagnons rapportèrent que les prières et la force spirituelle de cette jeune fille les avaient aidés à supporter leur détention. Cette sœur donna un bel exemple de courage.
Les meurtres et les explosions de bombes étaient devenus une réalité quotidienne. Poussés par la peur, les hommes d’affaires avaient quitté le pays en masse. Douglas Bernard, homme d’affaires américain, déclara: “Des dirigeants capables des secteurs public et privé quittent le pays chaque jour. Ils font la queue devant l’ambassade américaine dès quatre heures du matin pour obtenir un visa. Les hommes d’affaires les mieux organisés s’en vont en groupes explorer un nouveau territoire au Paraguay, en Équateur ou en Bolivie. Ils ont abandonné le Salvador.”
C’est pourquoi des entreprises et des usines ferment leurs portes, et les gens cherchent par tous les moyens à changer leur argent en devises qu’ils pourront transférer à l’étranger. De ce fait, les emplois deviennent rares et les prix grimpent. Il en résulte une atmosphère de crainte et de crime.
Des établissements comme le “McDonald’s” ont subi les effets de la violence. Un groupe d’individus ordonna à tout le monde de sortir de l’établissement, après quoi il l’arrosa d’essence et l’incendia. Des bombes ont explosé dans des banques, des supermarchés ont été détruits par le feu à la suite d’explosions du même genre, des autobus ont été incendiés et des gens ont été tués sur leur lieu de travail, chez eux ou dans la rue.
L’armée et les forces de police étant entièrement occupées à tenter d’empêcher les groupes extrémistes de prendre le pouvoir, les gens en général ne bénéficient d’aucune protection contre ceux qui méprisent la loi. Il n’y a plus ni loi ni ordre au Salvador. Par exemple, beaucoup d’automobilistes refusent de s’arrêter au feu rouge, car il n’est pas rare qu’ils se fassent voler alors qu’ils attendent dans leur voiture que le feu passe au vert ou, pis encore, qu’on leur prenne de force leur voiture.
Des bandits ont pénétré à plusieurs reprises dans les mêmes magasins ou les mêmes entreprises pour prendre la caisse en menaçant de mettre le feu à la maison en cas de refus. Les gens prennent l’habitude de laisser leurs montres, leurs papiers et la plus grande partie de leur argent chez eux avant de sortir dans la rue. Il n’est pas rare que dans l’autobus, à la vue de tous les autres passagers, un voleur vous ordonne de lui donner tout votre argent en vous menaçant de son couteau.
DES FRÈRES SONT TUÉS
En octobre 1979, peu après que la junte eut pris le pouvoir, les conditions parurent empirer. Deux de nos frères, Jorge et Eugenio Vasquez, serviteurs ministériels dans la congrégation de San Juan Opico, décidèrent d’aller travailler à la cueillette du café, afin d’avoir assez d’argent pour assister à l’assemblée de district “Une espérance vivante” prévue pour décembre. Ils travaillaient depuis environ une semaine dans la même hacienda quand ils commencèrent à remarquer que de nombreux ouvriers ne paraissaient pas tellement s’intéresser à la cueillette du café, mais passaient beaucoup de temps à discuter des injustices sociales et de la nécessité d’un changement. Nos frères restèrent à l’écart en s’occupant uniquement de leur travail.
Le lundi 17 décembre 1979, de nombreux ouvriers furent surpris quand on leur annonça qu’il ne leur serait pas permis de cueillir du café. Ce jour-là, l’hacienda fut prise par des cultivateurs soutenus par un groupe de guérilleros. On obligea les 1 500 ouvriers à cesser leur cueillette dans les champs pour creuser des tranchées. Le lendemain matin, des soldats et des chars arrivèrent sur les lieux, et on demanda aux rebelles de se rendre. Ceux-ci ayant répondu par des coups de fusil, l’armée ouvrit le feu.
La bataille dura deux heures et demie, et l’hacienda fut complètement dévastée. Les cadavres de jeunes gens et d’hommes plus âgés couvraient le sol comme des feuilles mortes. Nos deux frères étaient parmi les morts. Les survivants racontèrent plus tard qu’ils avaient refusé de prendre les armes et insisté sur leur position de neutralité. Aussi les avait-on traités de lâches et envoyés où les combats étaient les plus durs.
Les maris, les femmes ou les amis des victimes n’avaient aucune idée de ce qu’étaient devenus leurs morts. Des rumeurs commencèrent à circuler selon lesquelles tous les cadavres avaient été jetés dans une fosse commune. Dix jours plus tard, on retrouva 26 corps sous un monticule de terre. Ils étaient méconnaissables. Après des heures de recherche, on trouva enfin les corps de Jorge et d’Eugenio.
Les veuves de nos deux frères, qui ne bénéficiaient plus du soutien et de la protection d’un chef de famille, furent victimes de voleurs sans vergogne qui cherchèrent à les déposséder de leurs récoltes. Toutefois, la congrégation leur vint en aide. Lorsque commença l’assemblée de district, les frères de cette congrégation, y compris les deux sœurs veuves, étaient parmi les assistants.
En mars 1980, un des anciens d’une congrégation de San Salvador, qui travaillait comme agronome dans une plantation de canne à sucre, n’était pas rentré chez lui à l’heure où il revenait habituellement. C’était un vendredi, jour où avaient lieu l’École théocratique et la réunion de service. Il faisait toujours un effort spécial pour être à l’heure ce soir-là, mais il ne rentra pas cette nuit-là ni la semaine suivante. Sa famille et ses frères chrétiens firent des recherches pour savoir ce qui lui était arrivé, mais elles furent vaines. Une semaine plus tard, on retrouva son corps et celui d’un collègue de travail.
La raison pour laquelle notre frère fut sauvagement tué demeure mystérieuse. Il était bien connu qu’il ne se mêlait pas des affaires politiques du pays. Quelle bénédiction que d’avoir l’espérance certaine de la résurrection! Nous savons que, selon ses promesses, Jéhovah redonnera la vie à ses serviteurs fidèles.
VAINES TENTATIVES POUR ENDIGUER LA VIOLENCE
En mars 1980, le gouvernement décréta l’état d’urgence et suspendit certains droits. Cette mesure sembla mettre un terme aux attaques d’édifices publics et aux manifestations organisées par des groupes subversifs, lesquels constituaient une menace pour tous les magasins qui se trouvaient sur le trajet de ces manifestations. Cependant, l’état d’urgence ne fit pas disparaître la violence dans le cœur d’individus qui passaient à l’action en se dissimulant le visage ou en profitant de l’obscurité.
Le 24 mars 1980, Oscar Arnulfo Romero & Galdámez, archevêque catholique, fut assassiné alors qu’il allait célébrer la messe. Ce meurtre provoqua une nouvelle manifestation de violence et de panique. Le soir même, des bombes explosèrent dans divers bâtiments dans toute la république. Un de nos frères qui participait à la prédication de maison en maison, tomba aux mains d’un groupe subversif et fut menacé de mort s’il ne se joignait pas à lui. Il resta ferme et, après avoir été maltraité, il fut finalement relâché.
Le 30 mars, des milliers de gens envahirent la place devant la cathédrale de San Salvador pour les funérailles de l’archevêque catholique. Soudain, alors que le représentant spécial du pape pour cette circonstance s’adressait à la foule, l’incendie de plusieurs voitures et des coups de feu provoquèrent la panique. Des catholiques piétinèrent d’autres catholiques pour tenter de se mettre en sécurité. Le nombre des morts et des blessés indique la gravité des problèmes politiques que doit résoudre le Salvador, où les sacrifices de vies humaines se révèlent vains lorsqu’il s’agit d’atteindre des buts politiques.
LA SITUATION DU PEUPLE DE JÉHOVAH
Au milieu de toute cette agitation, les Témoins de Jéhovah du Salvador vont de l’avant en continuant, malgré les événements, à assister aux assemblées, à fréquenter les réunions des congrégations et à participer au service du champ. Ils font même de plus grands efforts pour servir Dieu. Un des missionnaires écrivit ce qui suit à un membre de la famille du Béthel de Brooklyn en mai 1980:
“Nous nous habituons tous à entendre des coups de feu et des bombes exploser, et cela ne nous émeut plus guère. Les journaux aggravent toujours la situation. Bien sûr, beaucoup de frères nous téléphonent pour savoir si les réunions sont annulées ou non, mais nous les tenons toujours.”
Le lendemain des funérailles de l’archevêque qui avaient donné lieu à tant de violence, les serviteurs de Jéhovah et leurs amis se sont réunis pour célébrer le Mémorial. Alors que les habitants en général craignaient de rester dans la rue, le lundi 31 mars, après le coucher du soleil, 27 319 personnes sont sorties courageusement de chez elles pour se rendre à la réunion. Ce chiffre était supérieur de 5 000 à l’assistance record enregistrée précédemment à l’occasion de la célébration du Mémorial au Salvador.
Les frères font preuve d’un grand zèle pour apporter un réconfort aux habitants du Salvador en leur faisant connaître le message du Royaume de Dieu, le seul message d’espérance. En janvier 1980, on enregistra un nouveau maximum de 6 655 proclamateurs. Puis en février, on en compta 6 690, en mars, 6 721, et en avril, 7 008, alors que plus de 8 000 études bibliques sont conduites chaque mois avec des personnes qui s’intéressent à la Bible. Les perspectives d’accroissement théocratique apparaissent brillantes, alors que l’avenir du monde est de plus en plus sombre.
Des milliers de chrétiens ont participé à l’histoire théocratique du Salvador au cours des 35 années écoulées, et un certain nombre d’entre eux ont disparu. Il y aura sans doute beaucoup d’autres changements au cours des années durant lesquelles les serviteurs de Jéhovah continueront à servir leur Dieu. Ils mettent toute leur confiance en Jéhovah qui, selon Romains 8:28, promet de faire concourir toutes ses œuvres au bien de ceux qui l’aiment. Par l’entremise de son prophète Ésaïe, Jéhovah fit cette autre promesse: “Le petit deviendra un millier, et celui qui est infime une nation puissante. Moi, Jéhovah, j’accélérerai cela en son temps.” — És. 60:22.
Les deux Témoins qui sont venus au Salvador le 24 février 1945 sont vraiment devenus des milliers, car la bonne nouvelle est aujourd’hui prêchée au Salvador par 7 156 proclamateurs du Royaume, selon le rapport de mai 1980. Tous ceux qui ont eu le privilège de participer à cette œuvre sont profondément reconnaissants à Jéhovah et ils comptent sur lui pour recevoir d’autres bénédictions dans les années à venir.
[Carte, page 37]
(Voir la publication)
Le Salvador
GUATEMALA
HONDURAS
OCÉAN PACIFIQUE
Metapán
Texistepeque
Santa Ana
Chalchuapa
San Jacinto
Tejutepeque
Ahuachapán
Quezaltepeque
Ilobasco
Juayúa
Armenia
Soyapango
Apopa
Cojutepeque
Sonsonate
SAN SALVADOR
San Sebastián
Santo Domingo
San Ramón
Acajutla
San Marcos
Lac Ilopango
Santiago Texacuangos
San Juan Talpa
Berlín
Santiago de María
San Miguel
Usulután
La Unión
[Illustration, page 36]
Pierres sur lesquelles sont sculptés des symboles en forme de croix. Trouvées au Salvador, elles dateraient de l’an 2000 avant notre ère.
[Illustration, page 40]
Antonio Molina Choto, à l’âge de 69 ans. Le premier Salvadorien qui devint Témoin de Jéhovah.
[Illustration, page 44]
Araignée du Salvador. Voyez sa taille par rapport à une règle et à la main d’un homme.
[Illustration, page 47]
Charles Beedle, missionnaire diplômé de l’École de Galaad, qui, pendant de nombreuses années, donna l’exemple dans l’œuvre du Royaume.
[Illustration, page 48]
Julia Clogston (à gauche) et Charlotte Bowin Schroeder, missionnaires diplômées de Galaad, qui furent envoyées au Salvador. Toutes deux servent actuellement au Béthel de Brooklyn.
[Illustration, page 66]
Baltasar Perla, membre du gouvernement, qui devint Témoin. Son fils, Baltasar junior, sert aujourd’hui au Béthel de Brooklyn.
[Illustration, page 71]
Abraham Peña, chef de famille déjà âgé, avec deux de ses fils. Il encouragea sa grande famille à persévérer dans le vrai culte.
[Illustration, page 78]
Raúl Morales qui, tout jeune, aimait beaucoup les choses spirituelles, goûta plus tard à de nombreux privilèges dans le service chrétien.
[Illustration, page 84]
Lugarda Peña, qui survécut à son mari, Abraham, resta fidèle jusqu’à sa mort à l’âge de 97 ans.
[Illustration, page 92]
L’archevêque, au cours d’un entretien privé avec les membres du gouvernement, dont Rubén Rosales (le cinquième à partir de la droite), qui est aujourd’hui Témoin de Jéhovah.
[Illustration, page 101]
Le Gymnase national de San Salvador où les Témoins de Jéhovah organisèrent de nombreuses assemblées.
[Illustration, page 103]
Une rue de San Salvador après le tremblement de terre de mai 1965.
[Illustration, page 115]
Domenick Piccone devint serviteur de la filiale en 1969. Il en est actuellement le coordinateur.
[Illustration, page 127]
Le bâtiment de la filiale à San Salvador, avec sa nouvelle annexe au premier plan.
[Illustration, page 134]
La nouvelle Salle d’assemblées construite près du lac Ilopango. La première assemblée en ce lieu s’est tenue en mars 1980.