PRESCIENCE, PRÉDÉTERMINATION, PRÉDESTINATION
La prescience est la faculté de savoir ou de connaître d’avance ce qui va se produire ou exister. Dans la Bible, il en est question surtout, mais pas exclusivement, en rapport avec Jéhovah Dieu le Créateur et ses desseins. La prédétermination, au sens biblique, est l’action de déterminer d’avance un événement ou une chose. La prédestination est fondamentalement l’action de décider, de fixer ou de déterminer d’avance quelque chose concernant quelqu’un ; c’est également le résultat de cette action, le fait d’être prédestiné.
Les mots dans la langue originale. On trouve les mots traduits par “ connaître d’avance ”, “ prescience ”, “ déterminer d’avance ” et “ destiner d’avance ” dans les Écritures grecques chrétiennes, bien que les mêmes notions soient exprimées dans les Écritures hébraïques.
Le mot “ prescience ” traduit le grec prognôsis (de pro, avant, et gnôsis, science, connaissance) (Ac 2:23 ; 1P 1:2). Le verbe apparenté proginôskô est employé deux fois pour des humains : lorsque Paul parla de Juifs qui l’‘ avaient connu auparavant ’, et quand Pierre dit aux destinataires de sa deuxième lettre qu’ils ‘ savaient [quelque chose] à l’avance ’. (Ac 26:4, 5 ; 2P 3:17.) Dans ce dernier cas, il est évident qu’il ne s’agissait pas d’une prescience absolue, autrement dit cela ne signifiait pas que les chrétiens concernés connaissaient tous les détails sur le temps, le lieu et le déroulement des situations et des événements futurs dont Pierre venait de parler. En revanche, Dieu ayant inspiré Pierre et d’autres rédacteurs de la Bible, les chrétiens avaient une idée générale de ce à quoi il fallait s’attendre.
“ Destiner d’avance ” et “ déterminer d’avance ” traduisent le grec proorizô (de pro, avant, et horizô, déterminer, fixer les bornes ou la limite). (Le mot français “ horizon ” est la transcription du terme grec horizôn, qui désigne la “ ligne qui borne la vue ”.) Le sens du verbe grec horizô est illustré par les paroles de Jésus Christ ; il dit qu’en tant que “ Fils de l’homme ” il allait “ son chemin selon ce qui [était] déterminé [hôrisménon] ”. Paul déclara que Dieu avait “ établi [déterminé, horisas] les temps fixés et les limites assignées de la demeure des hommes ”. (Lc 22:22 ; Ac 17:26.) Le même verbe est employé dans le cas d’humains qui déterminent ou décident certaines choses, comme lorsque les disciples “ décidèrent [hôrisan] ” d’envoyer des secours à leurs frères indigents (Ac 11:29). Cependant, les passages des Écritures grecques chrétiennes qui parlent précisément de prédestination ou de prédétermination ne se rapportent qu’à Dieu.
Des facteurs à prendre en considération. Pour saisir ce que sont la prescience et la prédestination ou prédétermination de la part de Dieu, il faut absolument prendre certains facteurs en considération.
Tout d’abord, la Bible affirme nettement que Dieu a la faculté de connaître d’avance et de prédestiner. Jéhovah lui-même présente comme preuve de sa Divinité cette faculté qu’il a de connaître et de déterminer d’avance les événements en matière de salut et de délivrance, ainsi que les actes de jugement et de châtiment, puis de faire se produire ces événements. Ses serviteurs choisis en sont témoins (Is 44:6-9 ; 48:3-8). Cette prescience et cette prédétermination divines constituent le fondement de toute véritable prophétie (Is 42:9 ; Jr 50:45 ; Am 3:7, 8). Dieu met au défi les nations qui s’opposent à son peuple de fournir la preuve de la divinité qu’elles revendiquent pour leurs puissants et pour leurs idoles ; il demande pour cela qu’elles prédisent des actes semblables de salut ou de jugement et qu’ensuite elles les fassent survenir. Leur impuissance sous ce rapport démontre que leurs idoles ne sont que “ du vent et une chimère ”. — Is 41:1-10, 21-29 ; 43:9-15 ; 45:20, 21.
Un deuxième facteur à considérer est la liberté morale des créatures intelligentes de Dieu. Les Écritures montrent que Dieu accorde à ces créatures le privilège et la responsabilité du libre choix, de l’exercice de la liberté morale (Dt 30:19, 20 ; Jos 24:15), ce qui les rend comptables de leurs actes (Gn 2:16, 17 ; 3:11-19 ; Rm 14:10-12 ; Hé 4:13). En conséquence, elles ne sont pas de simples automates, de simples robots. L’homme n’aurait pas vraiment été créé à “ l’image de Dieu ” s’il n’avait eu le libre arbitre (Gn 1:26, 27 ; voir LIBERTÉ). En toute logique, il ne doit pas y avoir d’antagonisme entre la prescience de Dieu (et sa capacité de prédéterminer, de prédestiner) et la liberté morale de ses créatures intelligentes.
Un troisième facteur à considérer, qui est parfois oublié, réside dans les principes moraux et les qualités de Dieu, notamment sa justice, son honnêteté, son impartialité, son amour, sa miséricorde et sa bonté. On ne peut donc comprendre comment Dieu emploie ses pouvoirs de prescience, de prédétermination et de prédestination qu’en tenant compte de ces facteurs, pas d’un ou deux seulement, mais de tous. À l’évidence, tout ce que Dieu connaît d’avance doit immanquablement arriver, de sorte qu’il est capable d’appeler “ les choses qui ne sont pas comme si elles étaient ”. — Rm 4:17.
Dieu sait-il d’avance tout ce que les humains vont faire ?
Une question se pose donc : Dieu exerce-t-il sa prescience de manière absolue, illimitée ? Voit-il et connaît-il d’avance toutes les actions de toutes ses créatures, les esprits comme les humains ? Et prédétermine-t-il ces actions, voire prédestine-t-il le sort final de toutes ses créatures, faisant même cela avant qu’elles ne viennent à l’existence ?
Ou bien Dieu exerce-t-il sa prescience de manière sélective et discrétionnaire, autrement dit, voit-il et connaît-il d’avance uniquement ce qu’il choisit de voir et de connaître d’avance ? Au lieu de décider de la destinée éternelle de ses créatures avant qu’elles ne viennent à l’existence, n’attend-il pas de juger de leur vie et de leurs réactions effectives dans l’épreuve ? Les réponses à ces questions doivent nécessairement venir des Écritures elles-mêmes et des renseignements qu’elles donnent sur les actions de Dieu et sur ses relations avec ses créatures, notamment de ce qui fut révélé par l’intermédiaire de son Fils, Christ Jésus. — 1Co 2:16.
Le prédestinianisme. La doctrine selon laquelle Dieu exerce sa prescience de manière absolue et détermine à l’avance la vie et la destinée de chacun est appelée prédestinianisme. Elle s’appuie sur l’argument suivant : la divinité et la perfection de Dieu exigent qu’il soit omniscient (qu’il sache tout) non seulement sur le passé et le présent, mais aussi sur l’avenir. Selon ce concept, si Dieu ne connaissait pas à l’avance tout jusque dans les moindres détails, c’est qu’il serait imparfait. Les tenants de cette doctrine invoquent des exemples comme celui d’Ésaü et Jacob, jumeaux d’Isaac, afin de montrer que Dieu prédestine ses créatures avant leur naissance (Rm 9:10-13), et ils citent des textes comme Éphésiens 1:4, 5 pour démontrer que Dieu connaissait d’avance et prédétermina l’avenir de toutes ses créatures avant même le commencement de la création.
Pour être exacte, cette doctrine devrait bien sûr concorder avec tous les facteurs mentionnés précédemment, dont l’exposé que fait la Bible des qualités, des normes et des desseins de Dieu, ainsi que de sa justice dans ses relations avec ses créatures (Ré 15:3, 4). Il convient donc d’analyser les implications de la doctrine prédestinianiste.
Ce concept signifierait qu’avant de créer les anges ou l’homme tiré du sol Dieu exerça ses pouvoirs de prescience et qu’il vit et sut d’avance tout ce qui résulterait de cette création, en particulier la rébellion d’un de ses fils du monde des esprits, puis la rébellion du premier couple humain en Éden (Gn 3:1-6 ; Jn 8:44), et toutes les conséquences de cette rébellion jusqu’à ce jour et après. Cela voudrait forcément dire que toute la méchanceté qui a fait l’Histoire (les crimes et l’immoralité, l’oppression et les souffrances qu’elle entraîne, le mensonge et l’hypocrisie, le faux culte et l’idolâtrie) exista un jour, avant le commencement de la création, seulement dans la pensée de Dieu, sous la forme de sa prescience du futur dans les moindres détails.
Si le Créateur de l’humanité utilisa vraiment son pouvoir de connaître d’avance tout ce qu’a vu l’Histoire depuis la création de l’homme, alors c’est lui qui mit en œuvre sciemment la totalité de la méchanceté apparue ensuite quand il prononça ces mots : “ Faisons l’homme. ” (Gn 1:26). Ces faits amènent à douter que le concept du prédestinianisme soit plausible et logique ; d’autant plus que, d’après le disciple Jacques, le désordre et d’autres choses viles ne proviennent pas du ciel, de la présence de Dieu, mais sont d’origine “ terrestre, animale, démoniaque ”. — Jc 3:14-18.
L’exercice absolu de la prescience ? L’argument selon lequel Dieu serait imparfait s’il ne connaissait pas d’avance dans le détail tous les événements et toutes les situations à venir trahit en fait une conception arbitraire de la perfection. La perfection, dans sa définition exacte, ne doit pas forcément s’entendre dans un sens aussi absolu et aussi large, puisqu’en réalité quelque chose est parfait à condition de correspondre complètement aux normes d’excellence fixées par quelqu’un qui est habilité à en juger (voir PERFECTION). En dernier ressort, ce ne sont pas les opinions ni les façons de voir des hommes, mais la volonté et le bon plaisir de Dieu qui constituent les critères décisifs de la perfection de quelque chose. — Dt 32:4 ; 2S 22:31 ; Is 46:10.
Voici un exemple : la toute-puissance de Dieu est indéniablement parfaite et d’une capacité infinie (1Ch 29:11, 12 ; Jb 36:22 ; 37:23). Pourtant, la perfection de sa force ne lui impose pas d’utiliser son omnipotence dans sa pleine mesure ou dans tous les cas. Ce n’est manifestement pas dans ses habitudes d’agir ainsi ; autrement, ce ne sont pas quelques villes antiques ou quelques nations qui auraient été détruites, mais la terre et tout ce qu’elle contient auraient depuis longtemps été annihilés par l’exécution des jugements de Dieu, avec de puissantes démonstrations de réprobation et de colère, comme au déluge ou en d’autres cas (Gn 6:5-8 ; 19:23-25, 29 ; voir aussi Ex 9:13-16 ; Jr 30:23, 24). Pour Dieu, l’exercice de la puissance ne se réduit pas à un déchaînement de force irrépressible ; non, il est subordonné constamment à son dessein et, lorsque l’intervention est méritée, il est tempéré par sa miséricorde. — Ne 9:31 ; Ps 78:38, 39 ; Jr 30:11 ; Lm 3:22 ; Éz 20:17.
De même, si dans certains domaines Dieu choisit d’exercer sa faculté absolue de prescience d’une manière sélective et au degré qui lui plaît, assurément aucun humain ni aucun ange n’a le droit de lui dire : “ Que fais-tu ? ” (Jb 9:12 ; Is 45:9 ; Dn 4:35). En somme, le problème ne porte pas sur les capacités de Dieu, sur ce que Dieu est capable de voir, de connaître et de déterminer d’avance, puisqu’“ à Dieu tout est possible ”. (Mt 19:26.) Le problème est de savoir ce qu’il juge bon de voir, de connaître et de déterminer d’avance, puisque “ tout ce qu’il a pris plaisir à faire, il l’a fait ”. — Ps 115:3.
L’exercice sélectif de la prescience. L’antithèse du prédestinianisme, à savoir l’exercice sélectif ou discrétionnaire que fait Dieu de ses pouvoirs de prescience, doit cadrer avec les normes justes de Dieu et concorder avec ce qu’il révèle sur lui-même dans sa Parole. À l’encontre de la théorie du prédestinianisme, il se dégage de nombreux textes que, dans une situation qui se présente, Dieu analyse les faits et prend sa décision à partir de cette analyse.
Ainsi, en Genèse 11:5-8 on voit Dieu diriger son attention sur la terre, observant la situation à Babel, et, à ce moment-là, décider de ce qu’il va faire pour interrompre le projet injuste qui est en cours. Quand la méchanceté se fut répandue à Sodome et Gomorrhe, Jéhovah informa Abraham de sa décision d’enquêter (par l’intermédiaire de ses anges) pour, précisa-t-il, “ voir s’ils agissent tout à fait selon la clameur à ce sujet, qui est venue jusqu’à moi ; et, sinon, je peux le savoir ”. (Gn 18:20-22 ; 19:1.) Dieu dit qu’il avait ‘ fait la connaissance d’Abraham ’, et après que celui-ci fut allé jusqu’à tenter de sacrifier Isaac, Jéhovah dit : “ Car à présent je sais vraiment que tu crains Dieu, puisque tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. ” — Gn 18:19 ; 22:11, 12 ; voir aussi Ne 9:7, 8 ; Ga 4:9.
Une prescience sélective suppose que Dieu puisse décider de ne pas connaître d’avance absolument tous les actes de ses créatures. Partant, au lieu que toute l’histoire depuis la création soit simplement la reprise d’un scénario déjà prévu et prédéterminé, Dieu put, en toute sincérité, proposer au premier couple humain la perspective de vivre éternellement sur une terre exempte de méchanceté. Lorsqu’il donna pour instructions à son premier fils et à sa première fille humains, en qualité d’instruments parfaits et sans péché, de remplir la terre de leurs descendants et d’en faire un paradis tout en exerçant l’autorité sur la création animale, ce fut réellement de sa part le don bienveillant d’un privilège et l’expression de son souhait sincère envers eux ; il ne leur confiait pas simplement une mission qui, en ce qui les concernait, était vouée à l’échec. La mise en place d’une épreuve au moyen de “ l’arbre de la connaissance du bon et du mauvais ” et la création de “ l’arbre de vie ” dans le jardin d’Éden ne furent pas non plus des actes aberrants ou désabusés, ce qui l’aurait été si Dieu avait su d’avance que l’homme et la femme pécheraient et ne mangeraient jamais de “ l’arbre de vie ”. — Gn 1:28 ; 2:7-9, 15-17 ; 3:22-24.
Il est hypocrite et cruel d’offrir à quelqu’un une chose très désirable à des conditions dont on sait d’avance qu’il ne les respectera pas. La perspective de la vie éternelle est présentée dans la Parole de Dieu comme un objectif proposé à tous et accessible. Après avoir exhorté ses auditeurs à ‘ continuer à demander et à chercher ’ les bonnes choses de Dieu, Jésus fit remarquer qu’un père ne donne pas une pierre ou un serpent à son enfant qui lui demande du pain ou un poisson. Montrant ce que pense son Père du fait de décevoir les espérances légitimes de quelqu’un, Jésus ajouta : “ Si donc vous, bien que vous soyez méchants, vous savez donner des dons qui sont bons à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent ! ” — Mt 7:7-11.
Par conséquent, Dieu est de bonne foi lorsqu’il invite tous les hommes à recevoir les bienfaits et les bénédictions éternelles qu’il leur propose (Mt 21:22 ; Jc 1:5, 6). C’est en toute sincérité qu’il engage les humains ‘ à revenir de leur transgression et à rester en vie ’, comme il y engagea le peuple d’Israël (Éz 18:23, 30-32 ; voir aussi Jr 29:11, 12). En toute logique, il ne pourrait pas agir ainsi s’il savait d’avance qui est destiné à mourir pour sa méchanceté (voir Ac 17:30, 31 ; 1Tm 2:3, 4). D’ailleurs, Jéhovah dit aux Israélites : “ Je n’ai pas non plus dit à la semence de Jacob : ‘ Cherchez-moi tout simplement pour rien. ’ Je suis Jéhovah, qui dit ce qui est juste, qui révèle ce qui est droit. [...] Tournez-vous vers moi et soyez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre. ” — Is 45:19-22.
Dans le même ordre d’idées, l’apôtre Pierre écrivit : “ Jéhovah n’est pas lent en ce qui concerne sa promesse [relative au jour où il faudra rendre des comptes], comme certains considèrent la lenteur, mais il est patient avec vous, parce qu’il ne veut pas que qui que ce soit périsse, mais il veut que tous parviennent à la repentance. ” (2P 3:9). S’il était vrai que, des millénaires à l’avance, Dieu avait déjà prévu et prédestiné précisément qui il vouerait au salut éternel et qui à la destruction éternelle, on pourrait se demander à quoi sert sa ‘ patience ’ et s’il veut réellement que “ tous parviennent à la repentance ”. Sous l’inspiration divine, l’apôtre Jean écrivit que “ Dieu est amour ”, et l’apôtre Paul déclara que l’amour “ espère tout ”. (1Jn 4:8 ; 1Co 13:4, 7.) Compte tenu de cette qualité remarquable, certainement que Dieu se montre sincèrement ouvert et bon envers tous les humains, désireux de les voir obtenir le salut, jusqu’à ce qu’ils s’en avèrent eux-mêmes indignes, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à espérer (voir 2P 3:9 ; Hé 6:4-12). D’où ces paroles de l’apôtre Paul : “ La bonté de Dieu veut te conduire à la repentance. ” — Rm 2:4-6.
Enfin, si Dieu, par sa prescience, avait déjà fermé irrévocablement l’accès aux bienfaits du sacrifice rédempteur de Christ Jésus à un certain nombre d’humains (peut-être des millions) avant même leur naissance, de sorte qu’ils ne puissent jamais s’en montrer dignes, on ne pourrait guère dire que la rançon a été offerte pour tous les hommes (2Co 5:14, 15 ; 1Tm 2:5, 6 ; Hé 2:9). L’impartialité de Dieu n’est assurément pas un vain mot. “ En toute nation l’homme qui [...] craint [Dieu] et pratique la justice est agréé de lui. ” (Ac 10:34, 35 ; Dt 10:17 ; Rm 2:11). C’est vraiment et sincèrement qu’il offre à tous les hommes de ‘ chercher Dieu, si toutefois ils le cherchent à tâtons et le trouvent réellement, bien qu’en fait il ne soit pas loin de chacun de nous ’. (Ac 17:26, 27.) Ce n’est donc pas un faux espoir ni une vaine promesse qui sont proposés à la fin du livre de la Révélation où Dieu lance cette invitation : “ Que quiconque entend dise : ‘ Viens ! ’ Et que quiconque a soif vienne ; que quiconque le veut prenne l’eau de la vie gratuitement. ” — Ré 22:17.
Ce qui est connu et déterminé d’avance. D’un bout à l’autre du récit biblique, Dieu exerce toujours sa prescience et la prédestination en rapport avec ses desseins et sa volonté. Un “ dessein ” est un objectif qu’on place devant soi, un but qu’on se propose d’atteindre (le terme grec prothésis, qui est traduit par “ dessein ”, signifie littéralement “ action de placer [quelque chose] devant ”). Puisque ses desseins se réalisent infailliblement, Dieu peut en connaître d’avance les résultats, l’aboutissement, et il peut les déterminer d’avance ainsi que les étapes par lesquelles il juge bon de les mener à bien (Is 14:24-27). C’est pourquoi il est dit que Jéhovah ‘ forme ’ ou ‘ façonne ’ (de l’hébreu yatsar, apparenté au mot qui signifie “ potier ” [Jr 18:4]) son dessein concernant des événements ou des actions à venir (2R 19:25 ; Is 46:11 ; voir aussi Is 45:9-13, 18). Étant le Grand Potier, Dieu “ opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté ”, en harmonie avec son dessein (Ép 1:11), et “ fait coopérer toutes ses œuvres ” pour le bien de ceux qui l’aiment (Rm 8:28). C’est donc spécialement en rapport avec ses desseins prédéterminés que Dieu “ dès le commencement révèle la conclusion, et dès les temps anciens les choses qui n’ont pas été faites ”. — Is 46:9-13.
Dieu créa le premier couple humain parfait. Lorsqu’il contempla le résultat de son œuvre créatrice, il la trouva ‘ très bonne ’. (Gn 1:26, 31 ; Dt 32:4.) Loin de s’inquiéter avec méfiance de la façon dont les deux premiers humains agiraient, il ‘ se mit à se reposer ’, dit le récit biblique (Gn 2:2). Il le pouvait, car, en raison de sa toute-puissance et de sa sagesse suprême, aucun acte, aucune situation, aucun événement imprévu ne serait de nature à dresser un obstacle insurmontable ou à poser un problème insoluble susceptible d’entraver l’accomplissement de son dessein souverain (2Ch 20:6 ; Is 14:27 ; Dn 4:35). Les Écritures n’appuient donc pas le raisonnement des tenants du prédestinianisme : pour eux, en se retenant d’exercer sa prescience de cette manière, Dieu compromettait ses desseins, les rendait “ toujours sujets à être ruinés faute de prévoyance, et s’obligeait à remettre continuellement de l’ordre dans son système à mesure qu’il se dégraderait à cause des imprévus dus aux actes de ses créatures douées du libre arbitre ”. L’exercice sélectif par Dieu de sa prévision ne donnerait pas davantage à ses créatures le pouvoir de “ faire échec aux mesures [divines], [de] l’amener constamment à changer d’avis, [de] le contrarier et de le mettre dans l’embarras ”, comme les partisans du prédestinianisme le prétendent (Cyclopædia, par J. M’Clintock et J. Strong, 1894, vol. VIII, p. 556). Si même les serviteurs terrestres de Dieu n’ont pas vraiment besoin de ‘ s’inquiéter du lendemain ’, il va sans dire que leur Créateur, pour qui les nations puissantes sont comme “ une goutte d’un seau ”, n’a jamais eu et n’a toujours pas de souci de ce genre. — Mt 6:34 ; Is 40:15.
Concernant des catégories de personnes. Dans certains cas également, Dieu a bel et bien connu d’avance la voie que certains groupes de personnes, certaines nations ou la majorité des humains choisiraient, ce qui lui a permis de prédire dans les grandes lignes leurs actes futurs et de déterminer à l’avance les mesures correspondantes qu’il prendrait les concernant. Toutefois, cette prescience et cette prédestination n’empêchaient nullement les individus de ces groupes ou de ces parties de l’humanité d’exercer leur liberté de choix quant à la conduite qu’ils voulaient tenir. C’est ce qui ressort des quelques exemples suivants :
Avant le déluge, Jéhovah révéla son dessein d’amener cette destruction, qui supprimerait des vies tant humaines qu’animales. Cependant, le récit biblique précise qu’il détermina ainsi les choses après que les conditions, notamment la violence et d’autres formes de méchanceté, eurent rendu son intervention nécessaire. En outre, Dieu, qui ‘ connaît le cœur des fils des humains ’, constata après analyse que “ toute inclination des pensées [du] cœur [des humains] n’était toujours que mauvaise ”. (2Ch 6:30 ; Gn 6:5.) Toutefois, des individus, Noé et sa famille, gagnèrent sa faveur et échappèrent à la destruction. — Gn 6:7, 8 ; 7:1.
Pareillement, Dieu offrit aux Israélites la possibilité de devenir “ un royaume de prêtres et une nation sainte ” en gardant son alliance ; pourtant, quelque 40 ans plus tard, alors qu’ils se trouvaient au seuil de la Terre promise, Jéhovah prédit qu’ils violeraient son alliance et que, en tant que nation, il les abandonnerait. Cette prescience n’était toutefois pas sans fondement, car la nation avait déjà révélé son insoumission et sa rébellion. D’où ces paroles de Dieu : “ En effet, je connais bien leur inclination, celle qu’ils laissent se développer en eux aujourd’hui, avant que je les fasse entrer dans le pays au sujet duquel j’ai fait serment. ” (Ex 19:6 ; Dt 31:16-18, 21 ; Ps 81:10-13). Jéhovah pouvait connaître d’avance les résultats qu’aurait désormais cette inclination manifeste — une méchanceté plus grande — sans pour autant que cela le rende responsable de la situation, tout comme quelqu’un qui sait d’avance qu’un bâtiment construit avec des matériaux médiocres et en dépit du bon sens finira par se détériorer n’est pas pour autant responsable de cette détérioration. Une règle divine veut qu’‘ on moissonne ce qu’on sème ’. (Ga 6:7-9 ; voir aussi Ho 10:12, 13.) Des prophètes avertirent leurs auditeurs des jugements dont Dieu avait déterminé l’exécution à l’avance, jugements tous motivés par des conditions et des attitudes de cœur existant déjà (Ps 7:8, 9 ; Pr 11:19 ; Jr 11:20). Là encore, chacun, individuellement, pouvait toujours écouter les conseils, les réprimandes et les mises en garde de Dieu afin de gagner sa faveur, et plus d’un l’a fait. — Jr 21:8, 9 ; Éz 33:1-20.
Le Fils de Dieu, qui lisait aussi dans les cœurs (Mt 9:4 ; Mc 2:8 ; Jn 2:24, 25), avait reçu de son Père des pouvoirs de prescience et il prédit des situations, des événements et des jugements divins futurs. Il prédit le jugement de la géhenne aux scribes et aux Pharisiens collectivement (Mt 23:15, 33), ce qui ne voulait pas dire que chaque Pharisien et chaque scribe étaient promis à la destruction, comme en témoigne le cas de l’apôtre Paul (Ac 26:4, 5). Jésus prédit également des malheurs pour Jérusalem et pour d’autres villes qui ne se repentaient pas, mais il ne laissa jamais entendre que son Père avait prédestiné chaque habitant de ces villes à les subir (Mt 11:20-23 ; Lc 19:41-44 ; 21:20, 21). Il savait aussi d’avance à quoi aboutiraient l’inclination et l’attitude de cœur des humains, et il prédit les conditions qui régneraient lors de “ l’achèvement du système de choses ”, ainsi que la façon dont les desseins de Dieu seraient menés à bien (Mt 24:3, 7-14, 21, 22). Les apôtres de Jésus prononcèrent eux aussi des prophéties exprimant la prescience que Dieu avait de certaines catégories de personnes, comme l’“ antichrist ” (1Jn 2:18, 19 ; 2Jn 7), et annoncèrent la fin déterminée d’avance pour ces groupes de personnes. — 2Th 2:3-12 ; 2P 2:1-3 ; Jude 4.
Concernant des individus. Outre la prescience concernant des catégories de personnes, certains individus sont directement l’objet de prédictions divines. En font partie Ésaü et Jacob (déjà mentionnés), le pharaon de l’Exode, Samson, Salomon, Yoshiya, Jérémie, Cyrus, Jean le baptiseur, Judas Iscariote et Jésus le Fils de Dieu.
Dans les cas de Samson, de Jérémie et de Jean le baptiseur, Jéhovah exerça sa prescience avant leur naissance. Cette prescience ne précisa cependant pas quel serait leur sort final. En fait, Jéhovah utilisa sa prescience pour déterminer d’avance que Samson vivrait selon le vœu de naziréat et entreprendrait de délivrer Israël du joug philistin, que Jérémie servirait comme prophète et que Jean le baptiseur accomplirait une œuvre préparatoire en tant que précurseur du Messie (Jg 13:3-5 ; Jr 1:5 ; Lc 1:13-17). Si ces privilèges représentaient de grandes faveurs, cela ne garantissait toutefois pas que ces hommes obtiendraient le salut éternel, ni même qu’ils resteraient fidèles jusqu’à leur mort (bien qu’ils le soient restés tous les trois). Par exemple, Jéhovah prédit qu’un des nombreux fils de David se nommerait Salomon et il détermina d’avance qu’il aurait la mission de construire le temple (2S 7:12, 13 ; 1R 6:12 ; 1Ch 22:6-19). Cependant, en dépit de cette faveur et même du privilège qui lui fut donné d’écrire certains livres des Saintes Écritures, Salomon sombra dans l’apostasie durant ses dernières années. — 1R 11:4, 9-11.
Il en fut de même d’Ésaü et de Jacob : la prescience de Dieu ne fixa pas leurs destinées éternelles, mais détermina seulement d’avance laquelle des communautés nationales issues de ces deux fils dominerait l’autre (Gn 25:23-26). Cette position dominante vue à l’avance indiquait aussi que Jacob obtiendrait le droit de premier-né, un droit qui lui conféra le privilège d’appartenir à la lignée dans laquelle viendrait la “ semence ” d’Abraham (Gn 27:29 ; 28:13, 14). Par ce moyen, Jéhovah Dieu montra clairement que le choix de certaines personnes dans des buts particuliers n’est pas tributaire des coutumes ou procédures usuelles qui se conforment aux attentes des hommes. Dieu ne confère pas non plus des privilèges uniquement en raison des œuvres de l’individu, risquant de lui donner le sentiment qu’il a ‘ mérité le droit ’ de bénéficier de ces privilèges et qu’ils lui sont ‘ dus ’. L’apôtre Paul souligna ce point en montrant que, par faveur imméritée, Dieu était fondé à accorder aux nations gentiles des privilèges qui jusque-là semblaient réservés à Israël. — Rm 9:1-6, 10-13, 30-32.
Les citations de Paul relatives à l’‘ amour de Jéhovah pour Jacob [Israël] ’ et à sa ‘ haine pour Ésaü [Édom] ’ sont tirées de Malaki 1:2, 3, texte écrit longtemps après l’époque de Jacob et d’Ésaü. Dès lors, la Bible n’affirme pas nécessairement que Jéhovah avait déjà cette opinion sur les jumeaux avant leur naissance. Il est scientifiquement établi que l’inclination générale et le tempérament d’un enfant sont en grande partie déterminés au moment de la conception en raison des facteurs d’ordre génétique transmis par le père et la mère. Il va de soi que Dieu est en mesure de voir ces facteurs ; David écrivit que Jéhovah avait vu son “ embryon ”. (Ps 139:14-16 ; voir aussi Ec 11:5.) On ignore dans quelle mesure sa perspicacité influença Jéhovah lorsqu’il détermina d’avance ce que deviendraient les deux garçons, mais, quoi qu’il en soit, en choisissant Jacob de préférence à Ésaü il ne condamnait pas Ésaü ou ses descendants, les Édomites, à la destruction. Même parmi les Cananéens maudits, certains obtinrent le privilège de se joindre au peuple de l’alliance de Dieu, et reçurent des bénédictions (Gn 9:25-27 ; Jos 9:27 ; voir CANAAN, CANANÉENS No 2). Lorsqu’il chercha sincèrement avec larmes un “ changement d’avis ”, Ésaü ne fit toutefois qu’essayer — en vain — de faire revenir son père Isaac sur sa décision d’accorder exclusivement à Jacob la bénédiction spéciale du premier-né. Ce n’était donc nullement le signe qu’Ésaü se repentait devant Dieu de son attitude matérialiste. — Gn 27:32-34 ; Hé 12:16, 17.
La prophétie de Jéhovah concernant Yoshiya impliquait qu’un descendant de David porterait ce nom et prédisait qu’il agirait contre le faux culte dans la ville de Béthel (1R 13:1, 2). Après plus de trois siècles, un roi ainsi nommé accomplit cette prophétie (2R 22:1 ; 23:15, 16). En revanche, il n’écouta pas “ les paroles de Néko qui venaient de la bouche de Dieu ”, ce qui lui valut d’être tué (2Ch 35:20-24). Par conséquent, bien que connu d’avance de Dieu et prédestiné à une œuvre spéciale, Yoshiya garda son libre arbitre, ce qui lui laissait le choix d’écouter ou de mépriser les conseils.
Pareillement, Jéhovah avait annoncé près de deux siècles à l’avance qu’il se servirait d’un conquérant du nom de Cyrus pour libérer les Juifs de Babylone (Is 44:26-28 ; 45:1-6). Mais la Bible ne dit pas que le Perse qui reçut ce nom en accomplissement de la prophétie divine devint un véritable adorateur de Jéhovah, et l’histoire profane montre qu’il continua d’adorer de faux dieux.
Ces cas de prescience exercée avant la naissance de la personne ne vont donc pas à l’encontre des qualités révélées de Dieu et de ses normes annoncées. Rien n’indique non plus que Dieu ait contraint des individus à agir contre leur gré. Dans le cas de Pharaon, de Judas Iscariote et du Fils de Dieu, rien ne dit que Jéhovah ait exercé sa prescience avant qu’ils ne viennent à l’existence. Ces différents cas illustrent certains principes ayant trait à la prescience de Dieu et à la prédestination.
Un de ces principes veut que Dieu mette à l’épreuve des humains en provoquant ou en permettant certaines situations ou certains événements, ou bien en faisant entendre à ces humains ses messages inspirés, ce qui les oblige à exercer leur libre arbitre pour prendre une décision et à révéler ainsi une attitude de cœur précise que Jéhovah lira (Pr 15:11 ; 1P 1:6, 7 ; Hé 4:12, 13). Selon la façon dont les individus réagissent, Dieu peut aussi les façonner dans la conduite qu’ils ont choisie de leur propre gré (1Ch 28:9 ; Ps 33:13-15 ; 139:1-4, 23, 24). Ainsi, “ le cœur de l’homme tiré du sol ” tend d’abord vers une certaine voie, avant que Jéhovah ne dirige ses pas (Pr 16:9 ; Ps 51:10). Quand quelqu’un est mis à l’épreuve, sa condition de cœur peut se fixer, soit s’endurcir dans l’injustice et la rébellion, soit s’affermir dans un attachement inébranlable à Jéhovah Dieu et dans l’accomplissement de sa volonté (Jb 2:3-10 ; Jr 18:11, 12 ; Rm 2:4-11 ; Hé 3:7-10, 12-15). L’individu ayant atteint ce point dans son choix, les conséquences finales de sa conduite peuvent être connues d’avance et prédites sans qu’il y ait injustice ou violation de la liberté morale de l’homme. — Voir Jb 34:10-12.
Le cas du fidèle Abraham, examiné plus haut, illustre ces principes. Un autre cas se pose en contraste ; c’est celui du pharaon obstiné de l’Exode. Jéhovah savait d’avance que Pharaon refuserait d’autoriser les Israélites à partir “ si ce n’est contraint par une main forte ” (Ex 3:19, 20), et il détermina d’avance la plaie qui provoquerait la mort des premiers-nés (Ex 4:22, 23). L’examen que fait l’apôtre Paul des manières d’agir de Dieu envers Pharaon est souvent pris à tort comme l’indice que Dieu endurcit arbitrairement le cœur des individus selon son dessein prédéterminé, sans égard pour l’inclination ou l’attitude de cœur qu’ils avaient auparavant (Rm 9:14-18). De même, selon de nombreuses traductions, Dieu fit savoir à Moïse qu’il ‘ endurcirait le cœur ’ de Pharaon (Ex 4:21 ; voir aussi Ex 9:12 ; 10:1, 27). Cependant, certaines traductions rendent le récit hébraïque en disant que Jéhovah ‘ laissa s’endurcir ’ le cœur de Pharaon (ZK) ; “ laissa s’obstiner le cœur de Pharaon ”. (MN.) À l’appui de cette option, l’appendice de la version Rotherham fait observer qu’en hébreu l’arrivée ou la tolérance d’un événement est souvent présentée comme si elle était la cause de cet événement, et que “ même des ordres formels ne sont parfois à interpréter que comme de simples permissions ”. Ainsi, en Exode 1:17 le texte hébreu original dit littéralement que les accoucheuses “ firent vivre les enfants mâles ”, alors qu’en réalité elles leur permirent de vivre en ne les mettant pas à mort. Après avoir invoqué les témoignages des hébraïsants M. Kalisch, W. Gesenius et B. Davies, J. Rotherham déclare qu’en hébreu le sens des textes relatifs à Pharaon est que “ Dieu permit à Pharaon d’endurcir son cœur — il l’épargna — lui laissa la possibilité, l’occasion, de donner libre cours à la méchanceté qui l’habitait. C’est tout ”. — The Emphasised Bible, appendice, p. 919 ; voir aussi Is 10:5-7.
Corroborant cette explication, le récit montre expressément que c’est Pharaon lui-même qui “ endurcit son cœur ”. (Ex 8:15, 32, MN ; Sg [8:11, 28].) Il agit donc de son plein gré et suivit sa propre inclination à l’obstination, dont Jéhovah avait vu d’avance et prédit les conséquences avec exactitude. Les chances répétées que Jéhovah lui laissa obligèrent Pharaon à prendre des décisions, et en les prenant il s’endurcit (voir Ec 8:11, 12). Comme l’apôtre Paul l’explique en citant Exode 9:16, Jéhovah permit que la situation se déroule ainsi en passant par l’ensemble des dix plaies afin de manifester sa puissance et de faire connaître son nom dans toute la terre. — Rm 9:17, 18.
Dieu prédestina-t-il Judas à livrer Jésus pour accomplir les prophéties ?
La traîtrise de Judas Iscariote accomplit des prophéties divines et démontra la prescience de Jéhovah et celle de son Fils (Ps 41:9 ; 55:12, 13 ; 109:8 ; Ac 1:16-20). Cependant, il serait faux de dire que Dieu prédestina précisément Judas à une telle conduite. Les prophéties annonçaient que ce serait un intime de Jésus qui le livrerait, mais elles ne spécifiaient pas lequel de ses proches ce serait. Là encore, les principes bibliques excluent que Dieu ait déterminé d’avance les actions de Judas. La norme divine établie par l’apôtre Paul est : “ Ne pose hâtivement les mains sur aucun homme ; ne participe pas non plus aux péchés des autres ; conserve-toi pur. ” (1Tm 5:22 ; voir aussi 1Tm 3:6). La preuve qu’il avait le souci de choisir ses 12 apôtres avec sagesse et de la manière qui convenait, c’est que Jésus passa la nuit à prier son Père avant de faire connaître sa décision (Lc 6:12-16). Si Judas avait déjà été prédestiné par Dieu à devenir traître, la direction et le conseil divins auraient été inconséquents, et, si on s’en tient à la règle, Dieu aurait participé aux péchés que cet homme commit.
Il semble donc manifeste qu’à l’époque où Judas fut choisi comme apôtre son cœur ne présentait aucun signe d’inclination à la traîtrise. Judas permit à une ‘ racine vénéneuse de pousser ’ et de le souiller, ce qui l’amena à faire défection et à accepter, non pas la direction de Dieu, mais celle du Diable qui le conduisit au vol et à la traîtrise (Hé 12:14, 15 ; Jn 13:2 ; Ac 1:24, 25 ; Jc 1:14, 15 ; voir JUDAS No 4). Lorsque cette défection atteignit un certain degré, Jésus put lui-même la déceler dans le cœur de Judas et prédire qu’il le livrerait. — Jn 13:10, 11.
Il est vrai que dans le récit de Jean 6:64, au moment où des disciples trébuchèrent sur certains enseignements de Jésus, on lit que “ dès le commencement [“ depuis le début ”, VB] Jésus savait qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait ”. Si le mot “ commencement ” (gr. : arkhê) est employé en 2 Pierre 3:4 pour désigner le début de la création, il peut aussi désigner d’autres époques (Lc 1:2 ; Jn 15:27). Par exemple, quand l’apôtre Pierre raconta que l’esprit saint était tombé sur les Gentils “ tout comme il était tombé sur nous au commencement ”, il ne faisait manifestement pas allusion à ses débuts de disciple ou d’apôtre, mais à un autre jalon important de son ministère, le jour de la Pentecôte 33 de n. è., le “ commencement ” de l’effusion de l’esprit saint dans un dessein particulier (Ac 11:15 ; 2:1-4). Aussi est-il intéressant de relever ce commentaire sur Jean 6:64 dans Theologisch-homiletisches Bibelwerk, par J. P. Lange : “ ‘ Dès le commencement ’ ne signifie pas : dès le commencement absolu de toutes choses au sens métaphysique [...], ni dès le commencement de l’intimité [de Jésus] avec chacun [...], ni dès le commencement de son rassemblement des disciples ou dès le début de son ministère messianique [...], mais dès les premiers germes secrets d’incrédulité [qui amenèrent quelques disciples à trébucher]. C’est aussi dans ce sens qu’il connaissait dès le commencement celui qui le livrerait. ” — Das Evangelium nach Johannes, 1868, p. 155 ; voir aussi BA, note ; voir 1Jn 3:8, 11, 12.
La prédestination du Messie. Jéhovah Dieu connut d’avance et prédit les souffrances du Messie, la mort qu’il subirait et sa résurrection ensuite (Ac 2:22, 23, 30, 31 ; 3:18 ; 1P 1:10, 11). L’accomplissement des choses que Dieu détermina par l’exercice de cette prescience dépendait en partie de l’exercice de son propre pouvoir et en partie des actions des hommes (Ac 4:27, 28). Ces hommes, cependant, se laissèrent de plein gré duper par l’Adversaire de Dieu, Satan le Diable (Jn 8:42-44 ; Ac 7:51-54). Par conséquent, de même que les chrétiens de l’époque de Paul ‘ n’ignoraient pas les intentions ’ de Satan, de même Dieu vit d’avance les désirs méchants et les méthodes que Satan exploiterait contre Jésus Christ, Son Oint (2Co 2:11). La puissance de Dieu était manifestement en mesure d’entraver, voire de contrecarrer, toute attaque ou tout projet hostile au Messie qui ne cadrait pas avec la manière ou le moment annoncés prophétiquement. — Voir Mt 16:21 ; Lc 4:28-30 ; 9:51 ; Jn 7:1, 6-8 ; 8:59.
La déclaration de l’apôtre Pierre, qui écrivit qu’en sa qualité d’Agneau sacrificiel de Dieu le Christ a été “ connu d’avance, avant la fondation [forme du grec katabolê] du monde [kosmou] ”, signifie d’après l’interprétation des tenants du prédestinianisme que Dieu exerça cette prescience avant la création de l’humanité (1P 1:19, 20). Le mot grec katabolê, traduit par “ fondation ”, signifie littéralement “ action de jeter en bas ” et peut désigner la ‘ conception d’une semence ’, comme en Hébreux 11:11. S’il y eut “ la fondation ” d’un monde d’humains lorsque Dieu créa le premier couple, ce qui ressort de Hébreux 4:3, 4, cet homme et cette femme perdirent leur position d’enfants de Dieu (Gn 3:22-24 ; Rm 5:12). Néanmoins, par la faveur imméritée de Dieu, il leur fut accordé de concevoir une semence et d’engendrer des descendants, dont un, à savoir Abel, est mentionné expressément dans la Bible pour avoir obtenu la faveur divine et s’être placé en situation de bénéficier de la rédemption et du salut (Gn 4:1, 2 ; Hé 11:4). Il est à remarquer qu’en Luc 11:49-51 Jésus parle du “ sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis la fondation du monde ” et met cette expression en parallèle avec les mots “ depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zekaria ”. Jésus rattache ainsi Abel à “ la fondation du monde ”.
Le Messie, ou Christ, devait être la Semence promise par le moyen de laquelle toutes les personnes justes de toutes les familles de la terre seraient bénies (Ga 3:8, 14). Il fut pour la première fois question de cette “ semence ” après que la rébellion en Éden eut déjà commencé, mais avant la naissance d’Abel (Gn 3:15). Cela se passait quelque 4 000 ans avant que ne soit révélé le “ saint secret ” par l’identification claire de cette “ semence ” messianique. Ce secret fut donc effectivement “ gardé dans le silence durant des temps de longue durée ”. — Rm 16:25-27 ; Ép 1:8-10 ; 3:4-11.
En son temps à lui, Jéhovah Dieu chargea son Fils premier-né de tenir le rôle dévolu à la “ semence ” selon les prophéties et de devenir le Messie. Rien ne laisse entendre que ce Fils ait été “ prédestiné ” à un tel rôle avant sa création ou avant que la rébellion n’éclate en Éden. Lorsque Dieu le choisit finalement pour être celui qui réaliserait les prophéties, il ne le fit pas sans fondement préalable. Le temps que Dieu et son Fils avaient passé dans l’intimité avant que ce Fils ne soit envoyé sur la terre permit sans nul doute à Jéhovah de ‘ connaître ’ suffisamment son Fils pour être certain qu’il accomplirait fidèlement les promesses et les images prophétiques. — Voir Rm 15:5 ; Ph 2:5-8 ; Mt 11:27 ; Jn 10:14, 15 ; voir JÉSUS CHRIST (Éprouvé et rendu parfait).
Prédestination de ceux qui sont ‘ appelés et choisis ’. Restent à considérer les textes qui parlent des chrétiens “ appelés ” ou “ choisis ”. (Jude 1 ; Mt 24:24.) Il est dit qu’ils sont “ choisis selon la prescience de Dieu ” (1P 1:1, 2), ‘ choisis avant la fondation du monde ’, ‘ destinés d’avance à être adoptés comme fils pour Dieu ’ (Ép 1:3-5, 11), ‘ choisis dès le commencement pour le salut et appelés à cette destinée ’. (2Th 2:13, 14.) Le sens de ces textes diffère selon qu’ils se rapportent à la prédestination de certaines personnes en particulier ou qu’ils concernent la prédestination d’une catégorie de personnes, à savoir la congrégation chrétienne, le “ seul corps ” (1Co 10:17) de ceux qui deviendront cohéritiers de Christ Jésus dans son Royaume céleste. — Ép 1:22, 23 ; 2:19-22 ; Hé 3:1, 5, 6.
Si ces paroles s’appliquent à des personnes précises prédestinées au salut éternel, il s’ensuit nécessairement que ces personnes ne peuvent en aucun cas se montrer infidèles ou faillir à leur appel, car la prescience divine les concernant ne peut se tromper, et leur détermination à une destinée ne peut avorter ni être contrecarrée. Pourtant, les apôtres mêmes qui écrivirent les paroles précitées sous l’inspiration divine montrèrent que, parmi ceux qui ont été “ achetés ” et ‘ sanctifiés ’ par le sang du sacrifice rédempteur de Christ, qui ont “ goûté le don gratuit céleste, qui sont devenus participants de l’esprit saint ”, et “ qui ont goûté [...] les puissances du système de choses qui vient ”, parmi eux donc, certains tomberaient sans possibilité de repentance et amèneraient sur eux-mêmes la destruction (2P 2:1, 2, 20-22 ; Hé 6:4-6 ; 10:26-29). Les apôtres exhortèrent à l’unisson en ces termes ceux à qui ils écrivaient : “ Faites [...] tout votre possible pour vous assurer votre appel et votre choix ; car si vous continuez à faire ces choses, non vous ne faillirez jamais ” ; “ menez à bien votre propre salut avec crainte et tremblement. ” (2P 1:10, 11 ; Ph 2:12-16). Paul, qui fut “ appelé à être apôtre de Jésus Christ ” (1Co 1:1), ne se croyait manifestement pas prédestiné individuellement au salut éternel, puisqu’il parle de ses efforts acharnés pour atteindre “ le but pour le prix de l’appel de Dieu, appel vers le haut ” (Ph 3:8-15) et de sa peur de se trouver lui-même “ désapprouvé d’une manière ou d’une autre ”. — 1Co 9:27.
De façon similaire, “ la couronne de vie ” qui est proposée à ces chrétiens ne leur est accordée qu’à la condition qu’ils soient fidèles dans l’épreuve jusqu’à la mort (Ré 2:10, 23 ; Jc 1:12). Les couronnes représentant la royauté avec le Fils de Dieu sont quelque chose qu’ils peuvent perdre (Ré 3:11). L’apôtre Paul se déclara confiant que “ la couronne de justice ” lui était “ réservée ”, mais il ne dit cela qu’au moment où il était sûr d’approcher de la fin de sa course, d’avoir “ achevé la course ”. — 2Tm 4:6-8.
Maintenant, si on considère qu’ils s’appliquent à une catégorie de personnes, à la congrégation chrétienne dans son ensemble, autrement dit à la “ nation sainte ” de ceux qui sont choisis (1P 2:9), les textes précités signifient que Dieu avait su d’avance et déterminé d’avance qu’une telle catégorie de personnes (et non chaque individu qui la composerait) serait produite. Ces textes signifient également qu’il avait prescrit, déterminé d’avance, le ‘ modèle ’ auquel devraient se conformer tous ceux qui, au moment voulu, seraient appelés à en devenir membres, tout cela selon son dessein (Rm 8:28-30 ; Ép 1:3-12 ; 2Tm 1:9, 10). Il détermina également d’avance les œuvres que ces personnes seraient censées accomplir ainsi que leur mise à l’épreuve en raison des souffrances que le monde leur infligerait. — Ép 2:10 ; 1Th 3:3, 4.
Pour les textes relatifs aux ‘ noms écrits dans le livre de vie ’, voir NOM.
Fatalisme et prédestinianisme. Les peuples païens de l’Antiquité, entre autres les Grecs et les Romains, considéraient souvent que les dieux déterminaient d’avance le destin de chacun, en particulier la durée de l’existence. La mythologie grecque représentait la maîtrise de la destinée humaine par trois déesses : Clotho (la fileuse) qui filait le fil de la vie ; Lachésis (celle qui distribue le lot de chacun) qui déterminait la longueur de la vie ; et Atropos (l’inflexible) qui tranchait la vie quand le temps était expiré. Une triade similaire existait parmi les divinités romaines.
Selon l’historien juif Josèphe (Ier siècle de n. è.), les Pharisiens cherchèrent à concilier la notion de destin avec leur croyance en Dieu et la liberté morale accordée à l’homme (Guerre des Juifs, II, 162, 163 [VIII, 14] ; Antiquités judaïques, XVIII, 13, 14 [I, 3]). The New Schaff-Herzog Encyclopedia of Religious Knowledge déclare : “ Avant Augustin [des IVe et Ve siècles de n. è.], aucune théorie de la prédestination ne fut élaborée sérieusement dans le christianisme. ” Avant Augustin, les premiers “ Pères de l’Église ” comme Justin, Origène et Irénée “ ne savent rien de la prédestination inconditionnelle ; ils enseignent le libre arbitre ”. (Encyclopædia of Religion and Ethics, par J. Hastings, 1919, vol. X, p. 231.) Dans leur réfutation du gnosticisme, ils expriment régulièrement leur croyance en la liberté morale de l’homme qui est “ la caractéristique distinctive de la personnalité humaine, le fondement de la responsabilité morale, un don divin grâce auquel l’homme peut choisir ce qui est agréable à Dieu ” et ils parlent de “ l’autonomie de l’homme et du conseil de Dieu qui n’exerce point de coercition ”. — The New Schaff-Herzog Encyclopedia of Religious Knowledge, par S. Jackson, 1957, vol. IX, p. 192, 193.