Chapitre 6
Le bouddhisme: À la recherche de l’Illumination, mais sans Dieu
1. a) Quelle place le bouddhisme a-t-il prise dans la société occidentale? b) Comment s’est-il propagé en Occident?
PEU connu hors d’Asie au début du XXe siècle, le bouddhisme est aujourd’hui une des grandes religions mondiales. Beaucoup d’Occidentaux sont surpris de le voir s’implanter jusque dans leur voisinage. Sa propagation s’explique en grande partie par la présence de réfugiés un peu partout dans le monde. Des communautés asiatiques assez importantes se sont notamment fixées en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord et en Australie. Et lorsque les immigrants, dont le nombre va croissant, s’installent dans un pays d’adoption, ils apportent leur religion avec eux. C’est ainsi que de plus en plus d’Occidentaux se trouvent pour la première fois au contact du bouddhisme. Ajoutons le laxisme et l’appauvrissement spirituel des Églises traditionnelles, et l’on comprendra pourquoi certains se convertissent à cette “nouvelle” religion. — 2 Timothée 3:1, 5.
2. Où trouve-t-on aujourd’hui des adeptes du bouddhisme?
2 Selon l’Annuaire 1989 de l’Encyclopédie britannique, le bouddhisme totaliserait quelque 300 millions d’adeptes, dont 200 000 en Europe occidentale, 200 000 en Amérique du Nord, 500 000 en Amérique latine et 300 000 en Union soviétique. La plupart des fidèles, cependant, vivent dans des pays d’Asie, tels que Sri Lanka, Myanmar (la Birmanie), la Thaïlande, le Japon, la Corée et la Chine. Mais, se demandera-t-on, qui était le Bouddha? Comment le bouddhisme a-t-il pris naissance? Quels sont ses enseignements et ses pratiques?
Le problème des sources
3. De quelles sources dispose-t-on sur la vie du Bouddha?
3 “La vie du Bouddha nous apparaît surtout à travers les textes canoniques, dont les plus riches et les plus complets ont été rédigés en pâli, une ancienne langue de l’Inde.” (Les religions dans le monde — de l’Antiquité à nos jours [angl.]). En clair, cela signifie que l’on ne dispose d’aucune source d’époque susceptible de nous renseigner sur Siddhârtha Gautama, le fondateur du bouddhisme, qui vivait dans le nord de l’Inde au VIe siècle avant notre ère. C’est là, bien sûr, une première difficulté. Une autre, plus sérieuse encore, est de savoir à quand remontent les “textes canoniques” et comment ils ont été élaborés.
4. Comment l’enseignement authentique du Bouddha fut-il d’abord préservé?
4 D’après la tradition bouddhique, 500 moines se réunirent en concile peu après la mort de Gautama pour fixer l’enseignement authentique du Maître. Les lettrés bouddhistes et les historiens ne sont pas unanimes à reconnaître l’historicité de ce concile. Retenons toutefois que selon les textes bouddhiques eux-mêmes, l’enseignement authentique établi à cette occasion ne fut pas couché par écrit, mais confié à la mémoire des disciples. La rédaction des textes sacrés ne devait intervenir que bien plus tard.
5. À quand remonte la rédaction des textes pâli?
5 Si l’on se réfère à des chroniques sri-lankaises du IVe et du VIe siècle de notre ère, les premiers “textes canoniques” pâli furent rédigés sous le règne de Vattagâmani Abhaya, au Ier siècle avant notre ère. Les autres récits de la vie du Bouddha n’auraient pas été consignés avant le Ier, voire le Ve siècle de notre ère, soit près d’un millénaire après sa mort.
6. Quelles critiques formule-t-on à propos des “textes canoniques”? (Voir 2 Timothée 3:16, 17.)
6 Comme le relève un dictionnaire (Abingdon Dictionary of Living Religions), “les ‘biographies’ sont à la fois tardives et criblées de légendes et de mythes; en outre, les textes canoniques les plus anciens cristallisent une longue tradition orale qui, semble-t-il, a souffert quelques retouches et de nombreux ajouts”. Un savant a même “soutenu que pas un seul mot des enseignements mis par écrit ne pouvait, avec une certitude totale, être attribué à Gautama”. Ces critiques se justifient-elles?
Conception et naissance du Bouddha
7. Selon des textes bouddhiques, comment la mère du Bouddha conçut-elle son fils?
7 Considérons les lignes qui suivent, empruntées aux Jātaka, une partie du canon pâli, et au Buddhacarita, une biographie du Bouddha composée en sanskrit au IIe siècle de notre ère. Voici tout d’abord comment la reine Mahâmâyâ, la mère du Bouddha, aurait conçu son fils pendant la célébration d’une fête estivale, alors qu’elle rêvait.
“Les quatre souverains divins des points cardinaux l’enlevèrent avec son lit et la portèrent sur l’Himalaya (...). Survinrent les quatre femmes de ces souverains, qui emmenèrent la reine au lac Anavatapta, où ils lui firent prendre un bain, afin de la purifier de toute souillure humaine. (...) Ensuite, on la conduisit vers une montagne d’argent, au milieu de laquelle était une grotte d’or, arrangée comme un palais, et on la déposa sur un lit de repos, dont la tête était tournée vers l’Orient. À ce moment, le Bodhisatva [le futur Bouddha] prit la forme d’un Éléphant Blanc, (...) monta sur la Montagne d’Argent, (...) et après avoir fait trois fois le tour du lit de repos, en prenant la droite, en signe de respect, il ouvrit le flanc droit de la reine, et entra ainsi dans son sein.”
8. Quelle prédiction fut énoncée quant à l’avenir du Bouddha?
8 Informé de ce rêve par sa femme, le roi fit venir, pour interpréter le songe, 64 prêtres hindous éminents à qui il offrit de la nourriture et des vêtements. Il obtint cette réponse:
“Ne soyez pas inquiet, ô Roi; la reine a conçu et mettra au monde un fils (...). S’il vit dans le monde il deviendra un Roi qui sera le maître de la terre; s’il renonce au monde, il deviendra un Bouddha qui écartera, dans l’univers, le voile du péché et de la folie.”
9. Quels événements extraordinaires auraient suivi la déclaration annonçant ce que serait l’avenir du Bouddha?
9 Sur ce, 32 signes miraculeux se seraient produits:
“Les dix mille mondes se mirent soudain à trembler, à frémir et à s’agiter. (...) Le feu des enfers s’éteignit; (...) toutes les créatures guérirent de leurs maladies; (...) les instruments de musique rendirent des sons sans qu’on en jouât; (...) l’eau de la mer devint douce; (...) les dix mille mondes formèrent ensemble des couronnes de fleurs (...) délicieusement belles à voir.”
10. En quels termes les textes sacrés bouddhiques décrivent-ils la naissance du Bouddha?
10 Puis le Bouddha naquit de façon insolite dans un parc planté de sals, le bois de Lumbinî. Parvenue au pied d’un sal gigantesque, la reine voulut saisir l’une des branches; celle-ci se pencha et se présenta à portée de sa main. Alors, s’agrippant à la branche, elle accoucha debout.
“Il sortit du ventre de sa mère comme un prêcheur de la doctrine descendant du siège de la doctrine, comme un homme qui descend un escalier, étendant ses deux mains et ses deux pieds, pur de toute souillure du sein de sa mère (...).”
“Aussitôt né, le [futur Bouddha] se dressa sur ses deux pieds et fit sept pas en direction du nord, un grand parasol blanc se tenant au-dessus de lui, et, après s’être tourné successivement vers chacun des autres points cardinaux, il s’écria d’une voix triomphante: ‘Dans le monde, je suis le plus excellent; dans le monde, je suis le meilleur! C’est là ma dernière naissance; il n’y aura plus désormais pour moi de nouvelle existence.’”
11. À quelle conclusion un certain nombre de spécialistes ont-ils abouti à propos des biographies du Bouddha contenues dans les textes sacrés?
11 L’enfance du Bouddha, ses rencontres avec de jeunes admiratrices, ses pérégrinations et presque tous les autres événements de sa vie font également l’objet de récits d’une égale luxuriance. Dès lors, il n’est guère surprenant que la plupart des spécialistes ne prêtent à ces récits qu’une valeur légendaire ou mythique. Un administrateur du British Museum laisse même entendre que cet “amoncellement de légendes et de miracles (...) interdit toute reconstitution de la vie du Bouddha historique”.
12, 13. a) Quel récit donne-t-on traditionnellement de la vie du Bouddha? b) Quelle date retient-on généralement pour la naissance du Bouddha? (Voir Luc 1:1-4.)
12 Parallèlement à ces mythes, un récit traditionnel de la vie du Bouddha est aussi très répandu. Dans un ouvrage moderne (Manuel de bouddhisme [angl.]) publié à Colombo (Sri Lanka), on peut en lire cette version simplifiée:
“En 623 avant notre ère, le jour de la pleine lune du mois de mai, naquit dans la région du Népal un prince indien de la lignée des Shâkya, du nom de Siddhatta Gotamaa. Son père était le roi Suddhodana, et sa mère la reine Mahâmâyâ. Il fut élevé par Mahâpajâpatî Gotamî, car sa mère mourut quelques jours après l’avoir mis au monde.
“À l’âge de 16 ans, il épousa sa cousine, la belle princesse Yashodharâ.
“Pendant près de treize ans il goûta aux joies du mariage et vécut dans le luxe de son palais, ignorant tout des vicissitudes de la vie hors des portes du palais.
“Mais avec le temps, la vérité se fit jour dans son esprit. Durant sa 29e année, qui fut le tournant de sa vie, naquit son fils Râhula. Cette naissance le troubla, car il comprit que tous les hommes sans exception doivent naître, tomber malades et mourir. Se rendant compte que la vie comportait nécessairement des sujets d’affliction, il résolut de trouver le remède aux maux de l’humanité.
“Renonçant aux agréments de sa vie royale, il quitta nuitamment le palais (...), coupa ses cheveux et prit la robe du renonçant pour s’en aller mener une vie errante, à la recherche de la Vérité.”
13 Ces quelques données biographiques se démarquent nettement des récits fantastiques contenus dans les “textes canoniques”. Mis à part la date de sa naissance, elles ne sont généralement pas contestées.
L’Illumination: Comment s’est-elle produite?
14. Quel fut le tournant de la vie de Gautama?
14 Qu’est-ce qui fut, dans la vie de Gautama, le “tournant” dont nous venons de parler? Apercevant pour la première fois un malade, un vieillard et un mort, il commença à se tourmenter à propos du sens de la vie: les hommes ne naissent-ils que pour souffrir, vieillir puis mourir? Il aurait ensuite vu un saint homme, qui s’était détaché de ce monde pour se mettre en quête de la vérité. Cette rencontre l’incita à quitter sa famille. Renonçant à ses biens et à son titre princier, il passa six années à chercher en vain la solution auprès de religieux hindous et de gourous. Il s’adonna à la méditation, pratiqua le jeûne et le yoga, poussant très loin le renoncement, mais il ne trouva ni la paix de l’esprit ni l’Illumination.
15. Comment Gautama aurait-il finalement atteint l’Illumination?
15 Il finit par prendre conscience qu’une ascèse excessive était tout aussi vaine que la vie de plaisirs qu’il menait auparavant. Il rejeta donc les modes de vie extrêmes qui avaient été les siens pour emprunter ce qu’il appela la Voie du Milieu. Ayant décrété que la réponse devait venir de sa propre conscience, il s’assit sous un arbre pippal (figuier indien) pour méditer. Résistant aux attaques et aux tentations du démon Mâra, il poursuivit résolument sa méditation pendant quatre semaines (sept semaines selon d’autres sources), jusqu’au moment où il aurait atteint l’Illumination en transcendant la vraie nature de toute chose.
16. a) Que devint Gautama? b) Quelles opinions différentes ont cours quant à la nature du Bouddha?
16 C’est ainsi que, conformément à la terminologie bouddhique, Gautama devint le Bouddha, l’Éveillé, ou l’Illuminé. Il avait atteint le Nirvâna, le but ultime, un état de complète sérénité et d’Illumination, le dégagement des désirs et des souffrances. On désigne aussi Gautama par le titre de Shâkyamuni, “le Sage des Shâkya”, et lui-même se donnait souvent le nom de Tathâgata (celui qui vint [pour enseigner]). Les différentes sectes bouddhiques ne s’accordent pas sur la vraie nature du Bouddha. Pour certains, il n’est qu’un simple humain qui a découvert la voie de l’Illumination et l’a enseignée à ses disciples. D’autres le considèrent comme le dernier d’une série de Bouddha venus dans le monde pour prêcher et raviver le dharma (palî dhamma), doctrine ou voie préconisée par le Bouddha. D’autres encore voient en lui un Bodhisattva, personnage qui, étant parvenu à l’Éveil, aurait différé son entrée dans le Nirvâna afin d’aider les autres à atteindre l’Illumination. Quelque définition qu’on en donne, l’Illumination est un concept fondamental dans tous les courants du bouddhisme.
Qu’est-ce que l’Illumination?
17. a) Où et devant qui le Bouddha prononça-t-il son premier sermon? b) Expliquez brièvement ce que sont les Quatre Nobles Vérités.
17 Ayant atteint l’Illumination et hésité quelque temps, le Bouddha entreprit de prêcher aux hommes la nouvelle doctrine, le dharma. Il donna son premier discours, probablement le plus important, à Bénarès, dans le “Parc des Gazelles”, devant cinq bhikku (disciples ou moines). Il leur enseigna que le candidat au salut devait emprunter la Voie du Milieu en se gardant autant des plaisirs sensuels que des mortifications. Il lui faudrait aussi discerner et observer les Quatre Nobles Vérités (voir l’encadré de la page suivante), qui peuvent se résumer ainsi:
1) Toute existence est douloureuse.
2) La souffrance provient du désir, de la soif de jouissance.
3) La suppression du désir met fin à la souffrance.
4) La suppression du désir s’obtient en suivant le Noble Sentier Octuple, qui régit la conduite, les pensées et les vues de l’individu.
18. Que disait le Bouddha sur la source de son Illumination? (Voir Job 28:20, 21, 28; Psaume 111:10.)
18 Ce sermon qui expose la Voie du Milieu et les Quatre Nobles Vérités touche à l’essence même de l’Illumination et passe pour le résumé de l’enseignement du Bouddha. (Comparer avec Matthieu 6:25-34; 1 Timothée 6:17-19; Jacques 4:1-3; 1 Jean 2:15-17.) Gautama ne prétendait pas devoir son sermon à l’inspiration divine, mais il disait de lui-même: “Le Tathâgata a découvert...” Sur son lit de mort, il aurait fait à ses disciples cette recommandation: “Prenez la vérité comme refuge. Ne cherchez pas de refuge en quelqu’un d’autre que vous-mêmes.” D’après le Bouddha, l’Illumination ne résulte pas d’une action divine, mais plutôt d’efforts faits individuellement pour posséder la pensée correcte et accomplir de bonnes actions.
19. Pourquoi le message du Bouddha fut-il accueilli favorablement à son époque?
19 On comprend aisément pourquoi cet enseignement fut favorablement accueilli par la société indienne de l’époque. Il censurait en effet les pratiques avides et corrompues des brahmanes, la caste sacerdotale hindoue, et réprouvait l’ascétisme rigoureux des jaïna et d’autres mouvements mystiques. Il éliminait du même coup les sacrifices et les rites, les myriades de dieux et de déesses, ainsi que l’oppressif système des castes qui réglementait strictement l’ensemble de la vie sociale. En un mot, il promettait la Délivrance à quiconque se montrait disposé à suivre la voie tracée par le Bouddha.
Expansion du bouddhisme
20. a) Quels sont les “Trois Joyaux” du bouddhisme? b) Quelle ampleur le Bouddha donna-t-il à sa prédication?
20 En acceptant la doctrine du Bouddha, les cinq bhikku formèrent la première Sangha, ou communauté de moines. Ainsi furent réunis les “Trois Joyaux” (Triratna) du bouddhisme: le Bouddha, le Dharma et la Sangha, censés faire avancer les humains sur la voie de l’Illumination. Gautama Bouddha était maintenant prêt à prêcher d’un bout à l’autre de la vallée du Gange. Des gens de tous rangs sociaux et de toutes conditions se déplaçaient pour l’écouter et devenaient ses disciples. À sa mort, survenue dans sa 81e année, il avait acquis renommée et respect. Il aurait eu pour ses disciples ces dernières paroles: “La périssabilité est la loi des choses; ne relâchez pas vos efforts!”
21. a) Qui contribua à la diffusion du bouddhisme? b) À quoi ses efforts ont-ils abouti?
21 Au IIIe siècle avant notre ère, soit 200 ans environ après la mort du Bouddha, apparut le plus ardent propagateur du bouddhisme, l’empereur Ashoka. Ce souverain, qui étendit son règne sur la presque totalité de l’Inde, était troublé par les bouleversements et les carnages qu’entraînaient ses conquêtes. Il se convertit au bouddhisme dont il favorisa officiellement l’expansion, faisant ériger des sanctuaires, convoquant des conciles et invitant son peuple à se conformer aux préceptes du Bouddha. Il envoya également des missionnaires partout en Inde, à Sri Lanka, en Syrie, en Égypte et en Grèce. Ce sont essentiellement les efforts d’Ashoka qui ont transformé le bouddhisme, une secte indienne, en une religion d’ampleur mondiale. Avec juste raison certains voient en lui le second fondateur du bouddhisme.
22. Comment le bouddhisme gagna-t-il toute l’Asie?
22 De Sri Lanka, le bouddhisme se propagera à l’est, vers Myanmar (la Birmanie), la Thaïlande et d’autres régions d’Indochine. Au nord, il atteindra le Cachemire et l’Asie centrale. De là, dès le Ier siècle de notre ère, des moines bouddhistes franchiront des montagnes et des déserts inhospitaliers pour l’introduire en Chine, d’où il gagnera facilement la Corée et le Japon. La Voie bouddhique se répandra aussi au Tibet, voisin septentrional de l’Inde, où, se mêlant aux croyances locales, elle donnera naissance au lamaïsme, qui dominera la vie religieuse et politique du pays. Au VIe ou au VIIe siècle, le bouddhisme se sera solidement implanté dans toute l’Asie du Sud-Est et l’Extrême-Orient. Mais quelle place occupait-il en Inde?
23. Qu’advint-il du bouddhisme en Inde?
23 Tandis que le bouddhisme se développait dans d’autres pays, il enregistrait en Inde un déclin régulier. Un fossé se creusa peu à peu entre les laïcs et les moines absorbés par les spéculations philosophiques et métaphysiques. La perte du soutien royal et l’assimilation de croyances et de pratiques hindoues hâtèrent, elles aussi, le recul du bouddhisme en Inde. Les lieux saints du bouddhisme, tels Lumbinî, où naquit Gautama, ou Bodhgayâ, là où il aurait atteint l’“Illumination”, tombèrent en ruines. Au XIIIe siècle, le bouddhisme avait presque disparu de son pays d’origine.
24, 25. Qu’a encore connu le bouddhisme au cours du XXe siècle?
24 Au cours du XXe siècle, le bouddhisme a dû affronter un autre revirement de situation. Les bouleversements politiques en Chine, en Mongolie, au Tibet et dans le Sud-Est asiatique l’ont durement frappé. Des milliers de monastères et de temples ont été saccagés, des centaines de milliers de moines et de nonnes chassés, emprisonnés, parfois exécutés. Néanmoins, le bouddhisme demeure vivace dans la pensée et dans les coutumes des habitants de ces pays.
25 En Europe et en Amérique du Nord, la démarche bouddhique qui consiste à rechercher la “vérité” en soi-même semble exercer un puissant attrait, et les techniques de méditation qui l’accompagnent offrent un moyen d’échapper à la fébrilité de la vie occidentale. Préfaçant l’ouvrage Bouddhisme vivant (angl.), Tenzin Gyatso, le Dalaï-Lama en exil, écrit à ce sujet: “C’est peut-être aujourd’hui le rôle du bouddhisme de rappeler aux Occidentaux la dimension spirituelle de leur vie.”
Les diverses voies du bouddhisme
26. Quelles divisions distingue-t-on au sein du bouddhisme?
26 Le terme “bouddhisme”, que l’on associe généralement à une religion bien définie, recouvre en réalité plusieurs écoles de pensée. Ces écoles interprètent diversement la nature du Bouddha ou ses enseignements et possèdent chacune leurs doctrines, leurs pratiques et leurs écrits. Elles se ramifient à leur tour en une multitude de groupes et de sectes, imprégnés pour la plupart des cultures et des traditions qui les environnent.
27, 28. Comment décririez-vous le bouddhisme Theravâda? (Voir Philippiens 2:12; Jean 17:15, 16.)
27 Le Theravâda (Doctrine des Anciens), encore appelé Hînayâna (Petit Véhicule), école bouddhique florissante à Sri Lanka, à Myanmar (la Birmanie), en Thaïlande, au Cambodge et au Laos, est considéré par certains comme l’école conservatrice. Il met l’accent sur l’acquisition de la sagesse et sur l’obtention du salut par le renoncement au monde et par une vie monacale consacrée à l’étude et à la méditation.
28 Dans certains pays qui adhèrent au Theravâda, il est courant de croiser des groupes de jeunes hommes vêtus d’une robe safran, le crâne rasé et les pieds nus, portant un bol à aumônes pour recevoir leur nourriture quotidienne des laïcs, qui ont charge de pourvoir à leurs besoins. Les hommes ont également coutume de se retirer dans un monastère au moins une partie de leur vie. Le but de cette vie monastique est de devenir un arhat, quelqu’un qui, en atteignant la perfection spirituelle, se libère du cycle des renaissances qui retient l’être dans les chagrins et la souffrance. Le Bouddha a montré la voie; il incombe à chacun de la suivre.
29. Quelles sont les caractéristiques du bouddhisme Mahâyâna? (Voir 1 Timothée 2:3, 4; Jean 3:16.)
29 Le Mahâyâna (Grand Véhicule) est une forme de bouddhisme surtout répandue en Chine, en Corée, au Japon et au Viêt Nam. Elle doit son nom à l’importance qu’elle attache à cette déclaration du Bouddha: “La vérité et la voie du salut s’offrent à tous les hommes, qu’ils vivent dans une caverne, un monastère ou une maison. (...) Cela n’est pas réservé à ceux qui renoncent au monde.” Les doctrines mahâyâniques se fondent sur l’idée que l’amour et la compassion du Bouddha sont tels qu’il ne refuse à personne le salut. Elles enseignent que la Nature-de-Bouddha est présente en chaque être humain et que tout homme est à même de devenir un Bouddha, un “Éveillé”, ou Bodhisattva. L’Illumination ne s’obtient pas ici par une autodiscipline rigoureuse, mais en exerçant la foi dans le Bouddha et en faisant preuve de compassion envers toutes les formes de vie. Le Mahâyâna remporta évidemment un grand succès auprès de la masse des fidèles, sensibles à ses aspects pratiques. Cette attitude libérale favorisa toutefois l’éclosion d’une diversité de mouvements et de cultes.
30. À quoi aspirent les dévots de l’école bouddhique de la “Terre pure”? (Voir Matthieu 6:7, 8; 1 Rois 18:26, 29.)
30 Au nombre des sectes mahâyâniques qui se sont développées en Chine et au Japon, citons l’école bouddhique de la Terre pure et celle du Zen. La première est axée sur la foi dans le pouvoir salvateur de Bouddha Amida, qui promit à ses fidèles qu’ils renaîtraient sur la Terre pure, le paradis de l’Ouest. De ce lieu de joie et de délices, peuplé de dieux et d’humains, il serait ensuite facile d’accéder au Nirvâna. En répétant — jusqu’à plusieurs milliers de fois par jour — la prière “Je mets ma confiance en Bouddha Amida”, le dévot se purifie dans l’espoir de parvenir à l’Illumination ou de renaître dans le paradis de l’Ouest.
31. Quelles sont les particularités du bouddhisme Zen? (Voir Philippiens 4:8.)
31 Le bouddhisme Zen (l’école Chan en Chine) tire son nom de la pratique de la méditation. Les termes chan (en chinois) et zen (en japonais) répondent en effet au sanskrit dhyāna, que l’on traduit par “méditation”. Cette discipline ne privilégie guère l’étude, les bonnes actions et les rites; on peut atteindre à l’Illumination aussi simplement qu’en méditant sur des questions de nature paradoxale, par exemple: ‘Quel son émet une seule main qui claque?’ ou: ‘Que trouve-t-on là où il n’y a rien?’ Le côté mystique du bouddhisme Zen aime à s’exprimer dans les arts raffinés: composition florale, calligraphie, peinture à l’encre, poésie, jardinage, etc., autant de domaines qui ont valu au zen un accueil favorable en Occident. Des centres de méditation zen sont ouverts aujourd’hui dans de nombreux pays occidentaux.
32. À quelles pratiques le bouddhisme tibétain fait-il appel?
32 On trouve en dernier lieu le bouddhisme tibétain, ou lamaïsme. Cette forme de bouddhisme est parfois appelée Mantrayâna (Véhicule du Mantra) parce qu’elle fait largement appel aux mantra, suites de syllabes chargées ou non de sens et inlassablement répétées. Le culte insiste moins sur la sagesse et la compassion que sur les rites, les prières, la magie et le spiritisme. Plusieurs milliers de fois par jour, on répète des prières en s’aidant de chapelets ou de moulins à prières. L’apprentissage des rites complexes ne s’effectue qu’oralement sous la conduite de lamas (supérieurs des monastères) dont les plus connus sont le Dalaï-Lama et le Panchen Lama. À la mort d’un lama, on se met à la recherche d’un enfant en qui le défunt se serait réincarné pour devenir le nouveau chef spirituel. Le titre de lama en est cependant venu à désigner tous les moines, qui, selon une estimation, constituaient à une époque environ un cinquième de la population du Tibet. Les lamas étaient aussi enseignants, médecins, propriétaires fonciers et hommes politiques.
33. En quoi les divisions du bouddhisme rappellent-elles celles de la chrétienté? (Voir 1 Corinthiens 1:10.)
33 Ces grands courants du bouddhisme se subdivisent en de nombreux groupes ou sectes. Certains se rangent derrière un maître particulier, tel Nichiren au Japon, qui enseignait que l’ensemble de la doctrine du Bouddha était contenue dans le Sûtra du Lotus, ou Nun Qinhai à Taiwan, qui fit un grand nombre d’adeptes. Sous cet angle, le bouddhisme ne diffère guère de la chrétienté, ramifiée elle aussi en de multiples Églises et sectes. Il est du reste fréquent que des gens se disent bouddhistes et pratiquent tout à la fois le taoïsme, le shintō, le culte des ancêtres et même certains rites de la chrétientéb. Toutes les sectes bouddhiques prétendent néanmoins que leurs croyances et leurs pratiques s’appuient sur les enseignements du Bouddha.
Les Trois corbeilles et les autres Écritures bouddhiques
34. De quoi faut-il tenir compte quand on examine les enseignements bouddhiques?
34 Les enseignements attribués au Bouddha se sont transmis oralement et n’ont été fixés par écrit que plusieurs siècles après sa mort. Tout au plus ces textes nous apprennent-ils ce que les disciples des générations ultérieures pensaient connaître des paroles ou des actes de leur maître. Pour compliquer les choses, à l’époque de leur rédaction, le bouddhisme s’était déjà scindé en diverses écoles. Par voie de conséquence, ces documents présentent le bouddhisme sous des jours très différents.
35. Quels sont les plus anciens textes sacrés du bouddhisme?
35 Les écrits bouddhiques les plus anciens datent du Ier siècle avant notre ère. Ils ont été rédigés en pâli, qui serait, pense-t-on, apparenté à la langue maternelle du Bouddha. Reconnus comme authentiques par l’école Theravâda, ils sont répartis en 31 livres regroupés en trois recueils ou Tipitaka (sanskrit Tripitaka: “Trois corbeilles” ou “Trois recueils”). Le Vinaya-piṭaka (corbeille de la discipline) traite essentiellement des règles particulières aux moines et aux nonnes. Le Sutta-piṭaka (corbeille des Écritures) contient le texte des sermons, des paraboles et des proverbes prononcés par le Bouddha et par ses principaux disciples. Enfin, l’Abhidhamma-piṭaka (corbeille de la doctrine approfondie) renferme une série de commentaires sur les doctrines bouddhiques.
36. Par quoi se caractérise la littérature bouddhique du Mahâyâna?
36 D’autre part, la volumineuse littérature du Mahâyâna se compose surtout de textes sanskrits, chinois et tibétains. À eux seuls, les textes chinois rassemblent plus de 5 000 volumes. Cette classe d’ouvrages aborde quantité de thèmes qui ne figurent pas dans les textes plus anciens. On y trouve un nombre vertigineux de récits relatifs à de multiples Bouddha, qui auraient chacun dirigé une ère bouddhique longue de plusieurs millions d’années. Un dictionnaire a donc pu à juste titre écrire que ces textes “se caractérisent par leur variété, leur imagination débridée, leurs personnages extravagants et leurs répétitions intempestives”.
37. Les écrits du Mahâyâna soulevèrent quelles difficultés? (Voir Philippiens 2:2, 3.)
37 Comme on le devine, peu de gens étaient en mesure de comprendre ces traités d’un haut niveau d’abstraction. En conséquence, ces ajouts tardifs entraînèrent le bouddhisme bien loin de la doctrine originelle. Selon le Vinaya-piṭaka, le Bouddha souhaitait que ses idées soient comprises de tous, et pas seulement des gens cultivés. Il veilla d’ailleurs à ce qu’elles soient enseignées dans la langue du commun peuple, et non dans la langue sacrée, mais morte, de l’hindouisme. Aux Theravâdin qui objectent que ces livres ne sont pas canoniques, les tenants du Mahâyâna répondent que Gautama Bouddha a d’abord instruit les gens simples et ignorants, révélant par la suite aux gens instruits et sages les enseignements contenus dans les livres du Mahâyâna.
Le cycle du Karma et du samsâra
38. a) Dans quel domaine les enseignements du bouddhisme recoupent-ils ceux de l’hindouisme? b) Comment le bouddhisme envisage-t-il l’âme en théorie et en pratique?
38 Si le bouddhisme a dans une certaine mesure libéré les gens du joug de l’hindouisme, il n’en repose pas moins sur deux idées-forces héritées de la culture hindoue: le Karma et le samsâra. Le bouddhisme originel se démarque de l’hindouisme en ce qu’il nie l’existence d’une âme immortelle, mais envisage l’homme comme “une combinaison de forces ou d’énergies physiques et mentales”c. Il conserve néanmoins l’idée que tous les humains passent d’une vie à une autre au travers d’innombrables renaissances (samsâra) et qu’ils subissent les conséquences de leurs actes présents et passés (le Karma). Pour aussi séduisante qu’elle paraisse, la voie de l’Illumination et de la délivrance de ce cycle suscite quelques questions: Est-elle solidement étayée? Quelle preuve a-t-on que toutes les souffrances résultent d’actes accomplis au cours d’une existence précédente? Au reste, dispose-t-on d’un indice quelconque de la réalité d’une vie antérieure?
39. En quels termes un texte bouddhique explique-t-il la loi du Karma?
39 On a pu lire ces explications sur la loi du Karma:
“Le Kamma [équivalent pâli de Karma] est en lui-même une loi. Mais qui dit loi ne dit pas forcément législateur. Les lois courantes de la nature, la gravitation par exemple, se passent de législateur. La loi du Kamma n’a pas plus qu’elles besoin d’un législateur. Elle opère dans son domaine propre sans l’intervention d’une autorité extérieure et autonome.” — Manuel de bouddhisme (angl.).
40. a) De quoi les lois de la nature sont-elles l’indice? b) Que dit la Bible sur l’enchaînement des causes et des effets?
40 Est-ce là un raisonnement sans faille? Les lois de la nature se passent-elles vraiment d’un législateur? Wernher von Braun, spécialiste des fusées, a déclaré un jour: “Les lois de l’univers sont si précises que nous n’avons aucune difficulté à construire un vaisseau spatial pour aller sur la lune et nous pouvons minuter le voyage à la fraction de seconde. Ces lois ont nécessairement été promulguées par quelqu’un.” La Bible, quant à elle, parle aussi de l’enchaînement des causes et des effets. Elle déclare: “On ne se moque pas de Dieu. En effet, quoi que l’homme sème, c’est aussi ce qu’il moissonnera.” (Galates 6:7). Loin d’affirmer que cette loi se passe d’un législateur, elle soutient qu’“on ne se moque pas de Dieu”, faisant savoir par là même que cette loi a été mise en action par Celui qui l’a conçue, Jéhovah.
41. a) Quelle comparaison peut-on établir entre la loi du Karma et les lois qu’appliquent les tribunaux? b) Opposez le Karma à la promesse que contient la Bible.
41 La Bible explique en outre que “le salaire que paie le péché, c’est la mort”, et que “celui qui est mort se trouve quitte de son péché”. Même les tribunaux en conviennent: personne ne doit purger deux fois sa peine pour un délit. Pourquoi faudrait-il donc qu’un individu qui s’est déjà acquitté de ses fautes en mourant ait à renaître pour subir de nouveau la rétribution de ses actes passés? Ignorant de surcroît pour quelles actions passées il est châtié, comment peut-il se repentir et s’amender? Peut-on dans ce cas parler de justice? Quelle place pareil jugement fait-il à la miséricorde, que l’on tient pour la première qualité du Bouddha? Ayant dit par contre: “Le salaire que paie le péché, c’est la mort”, la Bible ajoute: “Mais le don que donne Dieu, c’est la vie éternelle par Christ Jésus notre Seigneur.” Elle renferme la promesse que Dieu mettra fin à la corruption, au péché et à la mort, et qu’il libérera toute l’humanité pour l’élever à la perfection. — Romains 6:7, 23; 8:21; Ésaïe 25:8.
42. Quelle explication un exégète bouddhiste donne-t-il du cycle des renaissances?
42 Voici maintenant en quels termes Walpola Rahula, exégète bouddhiste, parle du cycle des renaissances:
“Un être n’est qu’une combinaison de forces ou d’énergies physiques et mentales. Ce que nous appelons mort, c’est l’arrêt complet du fonctionnement de l’organisme physique. Ces forces, ces énergies prennent-elles fin absolument avec la cessation du fonctionnement de l’organisme? Le bouddhisme dit: non. La volonté, le désir, la soif d’exister, de continuer, de devenir, est une force formidable qui meut l’ensemble des vies, des existences, le monde entier. C’est la force la plus grande, l’énergie la plus puissante qui soit au monde. Selon le bouddhisme, elle ne cesse pas d’agir avec l’arrêt du fonctionnement de notre corps, qui pour nous est la mort, mais elle continue à se manifester sous une autre forme, produisant une re-existence qu’on appelle renaissance.”
43. a) Biologiquement, qu’est-ce qui détermine la configuration génétique d’un individu? b) Quelle “preuve” avance-t-on parfois pour appuyer la doctrine des renaissances? c) Cette “preuve” de la renaissance est-elle en harmonie avec le sens commun?
43 À la conception, l’être humain reçoit une part égale de ses gènes de l’un et l’autre de ses parents. Il ne peut donc en aucun cas être exactement semblable à celui ou à celle qu’il aurait été lors d’une vie antérieure. Le phénomène des renaissances ne peut en conséquence se prévaloir d’aucune base scientifique. Ceux qui y croient se réfèrent souvent aux propos de personnes qui disent reconnaître des visages, des événements ou des endroits qui leur étaient étrangers. Est-ce logique? Affirmer que celui qui se souvient de faits survenus jadis a vécu dans le passé, c’est aussi conclure qu’une personne qui prédit l’avenir — et beaucoup s’en disent capables — a forcément vécu dans le futur, ce qui n’est évidemment pas le cas.
44. Comparez ce que dit la Bible sur l’“esprit” avec la doctrine bouddhique des renaissances.
44 Plus de 400 ans avant le Bouddha, la Bible parlait d’une force vitale et décrivait ce qui se produit lorsque quelqu’un meurt. Nous y lisons: “Alors la poussière retourne à la terre comme elle était, et l’esprit retourne au vrai Dieu qui l’a donné.” (Ecclésiaste 12:7). Le mot rendu ici par “esprit” vient du terme hébreu rouaḥ qui désigne la force vitale animant toutes les créatures vivantes, les humains comme les animaux (Ecclésiaste 3:18-22). On relève cependant une différence capitale: la rouaḥ est une force impersonnelle qui ne possède pas de volonté propre ni ne conserve la personnalité ou une caractéristique quelconque du défunt. Elle ne transmigre pas non plus dans un autre individu à la mort, mais ‘retourne au vrai Dieu qui l’a donnée’. En d’autres termes, l’espérance de revivre — par une résurrection — dépend entièrement de Dieu. — Jean 5:28, 29; Actes 17:31.
Le Nirvâna: accéder à l’inaccessible?
45. En quoi consiste le concept bouddhique du Nirvâna?
45 Examinons à présent ce qu’a enseigné le Bouddha à propos de l’Illumination et du salut. Dans le bouddhisme, le salut est interprété avant tout comme le dégagement de la loi du Karma et du samsâra, comme l’accession au Nirvâna. Qu’est-ce donc que le Nirvâna? Les textes bouddhiques affirment qu’on ne peut ni le décrire ni l’expliquer, mais seulement en faire l’expérience. Ce n’est pas un lieu céleste où vont les morts, mais plutôt un état accessible à tous, dès la vie présente. Par lui-même, le mot “Nirvâna” signifierait “exsufflation, extinction”. On l’a donc défini comme la cessation de toute passion et de tout désir; l’absence de toute sensation, telle que la douleur, la peur, la privation, l’amour ou la haine; un état de paix ininterrompue, de repos, d’immutabilité. Le Nirvâna apparaît essentiellement comme l’abolition de l’existence individuelle.
46, 47. a) Dans l’enseignement du Bouddha, comment obtient-on le salut? b) Pourquoi est-il contraire au sens commun de rechercher le salut là où le bouddhisme espère le trouver?
46 Dans l’enseignement du Bouddha, l’Illumination et le salut (la perfection du Nirvâna) s’obtiennent non grâce à l’intervention d’un Dieu ou d’une force extérieure, mais par des efforts fournis individuellement pour accomplir de bonnes actions et cultiver la pensée juste. Une question se pose toutefois: Peut-il sortir quelque chose de parfait de quelque chose d’imparfait? La vie ne nous enseigne-t-elle pas, comme le prophète hébreu Jérémie le constata, qu’“à l’homme tiré du sol n’appartient pas sa voie. Il n’appartient pas à l’homme qui marche de diriger son pas”. (Jérémie 10:23.) Si personne n’est en mesure de diriger parfaitement ses actes dans les affaires de la vie courante, est-il logique d’espérer acquérir le salut éternel par ses seuls efforts? — Psaume 146:3, 4.
47 À l’image d’un homme pris dans des sables mouvants dont il ne peut se dégager par lui-même, tous les humains sont pris au piège du péché et de la mort, et pas un d’entre eux n’est en mesure d’en desserrer l’étreinte (Romains 5:12). Malgré cela, le Bouddha a prêché un salut que l’on n’obtient que par ses seuls efforts. Avant de mourir, il exhorta ses disciples par ces mots: “Soyez un refuge pour vous-mêmes, ne cherchez pas d’autre refuge. Prenez la vérité comme lampe, prenez la vérité comme refuge. Ne cherchez pas de refuge en quelqu’un d’autre que vous-mêmes.”
Illumination ou désillusion?
48. a) Selon un ouvrage, quel effet certaines notions complexes du bouddhisme, telles que le Nirvâna, ont-elles sur les croyants? b) À quoi a abouti, en certains endroits, le regain d’intérêt que le bouddhisme enregistre depuis quelque temps?
48 Quel effet la doctrine bouddhique a-t-elle sur les croyants? Suscite-t-elle une foi et une piété véritables? Le livre Bouddhisme vivant rapporte que dans certains pays bouddhistes même “les moines s’intéressent peu aux subtilités de leur religion. Ils considèrent généralement le Nirvâna comme un objectif à jamais hors d’atteinte et pratiquent rarement la méditation. Hormis une vague étude du Tipitaka, ils s’attachent à favoriser la charité et l’harmonie au sein de la société”. S’exprimant sur le regain d’intérêt qu’enregistre le bouddhisme depuis quelque temps, l’Encyclopédie universelle (japonais) tient ces propos: “Plus l’étude du bouddhisme devient complexe, plus elle s’éloigne de son but premier: guider l’homme. Ainsi considéré, ce retour à une étude rigoureuse du bouddhisme ne traduit pas nécessairement un regain de vitalité. Force est plutôt de constater que lorsqu’une religion devient l’objet d’une métaphysique savante, c’est qu’elle inspire de moins en moins une foi vivante.”
49. Qu’est devenu le bouddhisme pour beaucoup de gens?
49 Au centre du bouddhisme, il y a l’idée que l’Illumination et le salut s’acquièrent par la connaissance et l’intelligence. Toutefois, les doctrines compliquées issues des différentes écoles bouddhiques n’ont su engendrer, comme on l’a dit, qu’une espérance “à jamais hors d’atteinte”, hors de la portée des fidèles en général, qui ne voient plus dans leur religion qu’une incitation à faire le bien assortie de quelques rites et préceptes élémentaires. Le bouddhisme n’aborde pas les grandes questions qui préoccupent l’homme: D’où venons-nous? Pourquoi sommes-nous sur la terre? Quel sera l’avenir des humains et celui de la planète?
50. Quelle question se pose au vu des actions menées par des bouddhistes sincères? (Voir Colossiens 2:8.)
50 Des bouddhistes sincères admettent que les doctrines compliquées et les rites pesants du bouddhisme contemporain ont été une source de confusion et de désillusion. Par leurs actions humanitaires, des mouvements et autres associations d’obédience bouddhique ont soulagé quantité de gens dans un certain nombre de pays. Mais cette religion a-t-elle tenu sa promesse, celle de conduire les humains à l’Illumination véritable et à la Délivrance?
L’Illumination sans Dieu?
51. a) Que nous apprend une anecdote sur les enseignements du Bouddha? b) Quelle omission importante ses enseignements laissent-ils apparaître? (Voir 2 Chroniques 16:9; Psaumes 46:1; 145:18.)
51 Des biographies du Bouddha rapportent qu’il se trouvait un jour dans une forêt. Prenant quelques feuilles dans sa main, il dit aux disciples qui l’accompagnaient: “Ce que je vous ai révélé est comparable à une poignée de feuilles en regard des frondaisons d’une forêt tout entière.” Il s’ensuit donc que le Bouddha n’avait enseigné qu’une fraction de ce qu’il savait. On relève cependant une omission importante: Gautama Bouddha n’a rien dit, ou presque, sur Dieu; il n’a pas non plus prétendu être Dieu. Il aurait affirmé à ses disciples: “S’il existe un Dieu, c’est pure folie de supposer qu’il s’intéresse à mes activités quotidiennes”, et: “Il n’est pas de dieux qui aient le pouvoir ou le désir de venir en aide aux hommes.”
52. a) Quelle place Dieu occupe-t-il dans le bouddhisme? b) De quoi le bouddhisme fait-il abstraction?
52 Sous cet angle, le bouddhisme ne représente qu’un apport minime à la recherche qu’ont menée les hommes pour trouver le vrai Dieu. Une encyclopédie (The Encyclopedia of World Faiths) observe que “le bouddhisme primitif semble ne s’être nullement préoccupé de l’existence de Dieu, et en tout cas n’enseigne ni ne requiert la croyance en Dieu”. Le bouddhisme, qui préconise la recherche individuelle du salut par un retournement de la conscience ou de l’esprit sur lui-même à la recherche de l’Illumination, se montre en fait agnostique, si ce n’est athée. (Voir l’encadré de la page 145.) Voulant secouer le joug de l’hindouisme, de ses superstitions, de sa mythologie pléthorique, le bouddhisme a versé dans un autre extrême. Il a fait délibérément abstraction du concept fondamental d’un Être suprême, par lequel toutes choses existent et se meuvent. — Actes 17:24, 25.
53. Que peut-on dire d’une recherche de l’Illumination menée sans Dieu? (Voir Proverbes 9:10; Jérémie 8:9.)
53 Ce mode de pensée égocentrique et indépendant a généré un vaste dédale de légendes, de traditions et de doctrines complexes auxquelles se sont mêlées, au fil des siècles, les interprétations de multiples sectes et écoles de pensée. Ce qui, à l’origine, devait fournir une solution simple aux difficultés de la vie, s’est transformé en un système philosophique et religieux incompréhensible pour la grande majorité des gens. Le bouddhiste moyen s’attache surtout à adorer des idoles et des reliques, des dieux et des démons, des esprits et des ancêtres, et à accomplir maints autres rites et pratiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec les enseignements de Gautama Bouddha. À l’évidence, il est vain de chercher à atteindre l’Illumination sans Dieu.
54. De quels autres penseurs orientaux allons-nous maintenant examiner les enseignements?
54 Vers l’époque où Gautama Bouddha cherchait la voie de l’Illumination, dans un autre endroit de l’Asie vivaient deux philosophes dont les idées allaient modeler la pensée de millions de gens. Ces deux sages, vénérés par des générations de Chinois et par d’autres peuples encore, avaient pour nom Laozi et Confucius. Qu’ont-ils enseigné, et quel rôle ont-ils joué dans la recherche qu’ont menée les hommes pour trouver Dieu? Ces questions feront l’objet du chapitre suivant.
[Notes]
a Forme translittérée du pâli, ou Siddhârtha Gautama en translittération sanskrite. On hésite pour la date de sa naissance entre 560, 563 et 567 avant notre ère. La plupart des spécialistes s’entendent sur la date de 560, ou du moins situent sa naissance au cours du VIe siècle avant notre ère.
b Nombre de bouddhistes japonais célèbrent Noël avec ostentation.
c Certaines doctrines bouddhiques, telles que l’anatta (Non-Soi), nient l’existence d’une âme immuable et impérissable. Mais les bouddhistes, notamment en Extrême-Orient, croient aujourd’hui pour la plupart à la transmigration d’une âme immortelle, comme le montrent à l’évidence le culte qu’ils rendent à leurs ancêtres et leur croyance aux tourments de l’enfer.
[Encadré, page 139]
Les Quatre Nobles Vérités enseignées par le Bouddha
Le Bouddha exposa les bases de sa doctrine sous la forme des “Quatre Nobles Vérités”. Nous citons ici le Dhamma-Cakkappavattana-Sutta (Fondation du royaume de la vérité), tel qu’il figure dans L’enseignement du Bouddha de Walpola Rahula.
▪ “Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur dukkha [douleur]. La naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha, la maladie est dukkha, la mort est dukkha, être uni à ce que l’on n’aime pas est dukkha, être séparé de ce que l’on aime est dukkha, ne pas avoir ce que l’on désire est dukkha (...).
▪ “Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur la cause de dukkha. C’est cette ‘soif’ (désir, tanha) qui produit la re-existence et le re-devenir, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là, c’est-à-dire la soif des plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir, et la soif de la non-existence (auto-annihilation).
▪ “Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur la cessation de dukkha. C’est la cessation complète de cette ‘soif’, la délaisser, y renoncer, s’en libérer, s’en détacher.
▪ “Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur le Sentier qui conduit à la cessation de dukkha. C’est le Noble Sentier Octuple, à savoir: la vue juste, la pensée juste, la parole juste, l’action juste, le moyen d’existence juste, l’effort juste, l’attention juste, la concentration juste.”
[Encadré, page 145]
Le bouddhisme et Dieu
“Le bouddhisme enseigne le moyen de cultiver une bonté et une sagesse parfaites sans l’aide d’un Dieu personnel; d’acquérir la connaissance suprême sans ‘révélation’; (...) d’être racheté sans racheteur, de gagner un salut dans lequel chacun est son propre sauveur.” — Le message du bouddhisme (angl.), du Bhikkhu Subhadra, cité dans Qu’est-ce que le bouddhisme? (angl.).
Les bouddhistes sont-ils donc athées? L’ouvrage intitulé Qu’est-ce que le bouddhisme?, publié par la loge bouddhique de Londres, répond: “Si par athéisme on entend signifier le rejet d’un Dieu personnel, alors nous sommes athées.” On lit encore: “Un esprit évolué accepte tout aussi facilement l’idée d’un univers régi par une Loi éternelle que la notion d’un personnage éloigné qu’il ne verra peut-être jamais, qui demeure il ne sait où, et qui, à un certain moment, a créé à partir de rien un Univers hostile, marqué par l’injustice, par l’inégalité des chances, par des souffrances et par des luttes continuelles.”
Ainsi, en théorie, le bouddhisme ne prône pas la croyance en Dieu ou en un Créateur. Pourtant, dans presque tous les pays où il se pratique, on trouve des temples bouddhiques et des stûpa; les images et les reliques de différents Bouddha ou Bodhisattva reçoivent des prières, des offrandes et le culte des dévots. Le Bouddha, qui n’a jamais prétendu être Dieu, est néanmoins devenu un dieu au plein sens du terme.
[Carte, page 142]
(Voir la publication)
Au VIIe siècle de notre ère, le bouddhisme avait débordé les frontières de l’Inde pour se répandre dans tout l’est de l’Asie.
INDE
Bénarès
Bodhgayâ
IIIe SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE SRI LANKA
Ier SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE CACHEMIRE
ASIE CENTRALE
Ier SIÈCLE DE NOTRE ÈRE CHINE
MYANMAR
THAÏLANDE
CAMBODGE
JAVA
IVe SIÈCLE DE NOTRE ÈRE CORÉE
VIe SIÈCLE DE NOTRE ÈRE JAPON
VIIe SIÈCLE DE NOTRE ÈRE TIBET
[Illustrations, page 131]
Le style des temples bouddhiques varie selon les pays.
Chengde, nord de la Chine
Kōfu, Japon
New York, États-Unis
Chiangmai, Thaïlande
[Illustration, page 133]
Relief en pierre, le Rêve de Mâyâ (Gândhâra, Pakistan), représentant le futur Bouddha sous la forme d’un éléphant blanc auréolé, entrant dans le flanc droit de la reine Mâyâ pour la féconder.
[Illustrations, page 134]
Moines et fidèles bouddhistes dans un temple à New York.
[Illustrations, page 141]
Images du Bouddha exécutant divers gestes symboliques.
entrée dans le Nirvâna
enseignement
méditation
résistance à la tentation
[Illustration, page 147]
Tokyo (Japon): procession commémorant la naissance du Bouddha. L’éléphant blanc au deuxième plan représente le Bouddha.
[Illustration, page 150]
Pages du Sûtra du Lotus (Xe siècle), en chinois, décrivant le pouvoir du Bodhisattva Guanyin de sauver du feu et de l’eau. Le Bodhisattva Kshitigarbha, à droite, était populaire en Corée au XIVe siècle.
[Illustration, page 155]
Rouleau bouddhique décrivant les tourments de l’“enfer” (Kyōto, Japon).
[Illustrations, page 157]
Bouddhistes adorant devant (de gauche à droite en tournant) un linga à Bangkok, Thaïlande; la dent du Bouddha à Kandy, Sri Lanka; des images du Bouddha à Singapour et à New York.
[Illustrations, page 158]
Femme bouddhiste en prière devant un autel familial; enfants prenant part au service du temple.