Chapitre 29
“Objets de la haine de toutes les nations”
AU COURS de la dernière soirée que Jésus a passée avec ses apôtres avant de mourir, il leur a rappelé ceci: “Un esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s’ils ont observé ma parole, ils observeront aussi la vôtre. Mais ils vous feront tout cela à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé.” — Jean 15:20, 21.
Jésus ne pensait pas simplement à des cas isolés d’intolérance. Il avait précisé seulement trois jours plus tôt: “Vous serez les objets de la haine de toutes les nations à cause de mon nom.” — Mat. 24:9.
Néanmoins, Jésus a conseillé à ses disciples de ne pas recourir à des armes charnelles quand ils seraient persécutés (Mat. 26:48-52). Ils ne devaient pas insulter leurs persécuteurs ni chercher à se venger (Rom. 12:14; 1 Pierre 2:21-23). Ces hommes eux-mêmes ne pouvaient-ils pas devenir croyants un jour (Actes 2:36-42; 7:58 à 8:1; 9:1-22)? Les disciples devaient laisser à Dieu le soin de régler les comptes. — Rom. 12:17-19.
Il est notoire que les premiers chrétiens ont été cruellement persécutés par le gouvernement romain. Mais il ne faut pas oublier non plus que les principaux persécuteurs de Jésus Christ ont été les chefs religieux, et que si Ponce Pilate, le gouverneur romain, a fait exécuter Jésus, c’est parce que ceux-ci l’ont réclamé (Luc 23:13-25). Après la mort de Jésus, ce sont de nouveau les chefs religieux qui ont été les persécuteurs les plus acharnés de ses disciples (Actes 4:1-22; 5:17-32; 9:1, 2). N’en a-t-il pas été encore ainsi à des époques plus récentes?
Le clergé demande des débats publics
Étant donné que les écrits de Charles Russell ont rapidement été diffusés à des dizaines de millions d’exemplaires en de nombreuses langues, les clergés catholique et protestants pouvaient difficilement ignorer ce que Russell disait. Bien des ecclésiastiques, irrités de ce qu’il dévoilait le caractère non biblique de leurs enseignements et contrariés par la perte de leurs ouailles, ont condamné ses écrits en chaire. Ils ont ordonné à leurs fidèles de ne pas accepter les publications proposées par les Étudiants de la Bible. Nombre d’entre eux ont essayé d’inciter des fonctionnaires à arrêter cette œuvre. Dans certaines villes des États-Unis, dont Tampa (Floride), Rock Island (Illinois), Winston-Salem (Caroline du Nord) et Scranton (Pennsylvanie), ils ont orchestré des autodafés d’ouvrages de Charles Russell.
Certains ecclésiastiques ont jugé nécessaire de démolir l’influence de Charles Russell en le confondant lors de débats publics. Près du siège de ses activités, un groupe d’ecclésiastiques a choisi pour porte-parole E. Eaton, pasteur de l’Église méthodiste épiscopale de North Avenue, à Allegheny (Pennsylvanie). En 1903, celui-ci a proposé de débattre en public, ce que frère Russell a accepté.
Les six sujets suivants devaient être examinés: Frère Russell affirmait, mais E. Eaton le niait, que les âmes des morts sont inconscientes; que la “seconde venue” du Christ précède le Millénium et que le but de sa “seconde venue” comme du Millénium est la bénédiction de toutes les familles de la terre; également que seuls les saints de l’“âge de l’Évangile” ont part à la première résurrection, mais que de grandes multitudes pourront connaître le salut grâce à la résurrection qui s’ensuivra. E. Eaton affirmait, mais frère Russell le niait, que personne ne serait mis à l’épreuve après la mort; que tous ceux qui sont sauvés iront au ciel; et que les méchants irréformables subiront des souffrances éternelles. Une série de six débats portant sur ces sujets ont eu lieu en 1903, chacun devant une salle comble au Carnegie Hall d’Allegheny.
Que cachait cette provocation à débattre? Considérant la question d’un point de vue historique, Albert Vandenberg a écrit par la suite: “Les débats ont été dirigés par un ministre d’une autre confession protestante qui a fait office de président pendant chaque discussion. En outre, des ministres de différentes Églises des environs étaient assis sur l’estrade de l’orateur avec le révérend Eaton, prétendument pour lui apporter un soutien textuel et moral. (...) Qu’une alliance, même officieuse, d’ecclésiastiques protestants soit formée, cela indiquait qu’ils redoutaient que Russell ne convertisse des membres de leurs confessions.” — “Charles Taze Russell: Pittsburgh Prophet, 1879-1909” (Charles Taze Russell: prophète de Pittsburgh, 1879-1909), publié dans The Western Pennsylvania Historical Magazine, janvier 1986, p. 14.
Les débats ont été relativement peu nombreux. Ils n’ont pas donné les résultats escomptés par l’alliance des ecclésiastiques. Certains éléments de la propre congrégation du pasteur Eaton, impressionnés par ce qu’ils ont entendu pendant la série de débats de 1903, ont quitté son Église pour se joindre aux Étudiants de la Bible. Même un ecclésiastique qui était présent a reconnu que Charles Russell avait ‘arrosé l’enfer pour en éteindre les flammes’. Toutefois, frère Russell lui-même pensait qu’on servirait mieux la cause de la vérité en employant son temps et ses efforts à d’autres activités qu’à des débats.
Le clergé n’a pas arrêté ses attaques. Quand frère Russell a pris la parole à Dublin (Irlande) et à Otley (Yorkshire, Angleterre), les ecclésiastiques ont envoyé des hommes dans l’auditoire afin qu’ils crient des objections et de fausses accusations contre sa personne. Frère Russell a su se sortir intelligemment de ces situations, en appuyant systématiquement ses réponses sur la Bible.
Les ecclésiastiques protestants, toutes confessions confondues, étaient associés dans ce qui est appelé l’Alliance évangélique. Leurs représentants dans de nombreux pays se sont mobilisés contre Charles Russell et contre ceux qui diffusaient ses ouvrages. Au Texas (États-Unis), par exemple, les Étudiants de la Bible ont découvert que chaque ecclésiastique, même dans les plus petites villes et dans les régions rurales, possédait la même panoplie de fausses accusations contre Charles Russell et ses enseignements.
Néanmoins, les attaques du clergé contre frère Russell ont parfois eu des conséquences inattendues. Au Nouveau-Brunswick (Canada), alors qu’un prédicateur clamait en chaire un sermon désobligeant sur frère Russell, parmi les assistants se trouvait un homme qui avait lu des publications de ce dernier. Cet homme a été dégoûté d’entendre le prédicateur mentir délibérément. Vers le milieu du sermon, il s’est levé, a pris sa femme par la main et a appelé ses sept filles qui chantaient dans la chorale: “Venez, mes filles, nous rentrons.” Tous les neuf sont sortis sous le regard du ministre, qui voyait s’en aller l’homme qui avait payé la construction du temple et qui était le principal soutien financier de la congrégation. Celle-ci s’est rapidement désagrégée, et le prédicateur est parti.
Moqueries et calomnies
Dans leurs efforts acharnés visant à détruire l’influence de Charles Russell et de ses compagnons, les ecclésiastiques lui ont dénié le droit de se dire ministre chrétien. Pour des raisons semblables, les chefs religieux juifs du Ier siècle avaient traité les apôtres Pierre et Jean d’‘hommes non lettrés et de gens ordinaires’. — Actes 4:13.
Frère Russell n’était pas diplômé d’une école théologique de la chrétienté. Mais il a dit courageusement: “Nous mettons [les ecclésiastiques] au défi de prouver qu’ils ont été ordonnés par Dieu ou qu’ils se soucient un tant soit peu de l’être. Ils se soucient seulement d’être ordonnés ou mandatés, chacun par son Église ou par son groupe. (...) L’ordination divine, ou mandat, d’un homme pour prêcher se fait par le don du Saint-Esprit à cet homme. Quiconque a reçu le Saint-Esprit a reçu le pouvoir et le mandat d’enseigner et de prêcher au nom de Dieu. Quiconque n’a pas reçu le Saint-Esprit n’a de Dieu ni autorité ni mandat pour sa prédication.” — És. 61:1, 2.
En vue d’attaquer la réputation de frère Russell, certains membres du clergé ont prêché et publié d’ignobles mensonges à son sujet. Un de ceux qu’ils ont souvent employés (et qu’ils emploient encore) concerne sa situation conjugale. Ils ont cherché à donner l’impression qu’il était immoral. Quels sont les faits?
En 1879, Charles Russell a épousé Maria Frances Ackley. Leur union a été heureuse pendant 13 années, au bout desquelles leurs relations se sont dégradées, quand certains ont commencé à flatter Maria et à exciter son orgueil; mais lorsque les manœuvres de ces flatteurs ont été révélées au grand jour, elle a semblé retrouver son équilibre. D’ailleurs, comme un ancien collaborateur avait répandu des mensonges sur le compte de son mari, elle a demandé à ce dernier la permission de se rendre dans un certain nombre de congrégations; elle désirait répondre aux accusations, car on avait prétendu qu’il la maltraitait. Cependant, l’excellent accueil qu’elle a reçu au cours de ce voyage en 1894 a, semble-t-il, contribué à un changement graduel dans l’opinion qu’elle se faisait d’elle-même. Elle a voulu obtenir un plus grand pouvoir de décision sur ce qui paraîtrait dans La Tour de Gardea. Quand elle a compris que rien de ce qu’elle écrivait ne serait publié (dans la mesure où cela s’accordait avec les Écritures) sans l’accord de son mari, qui était le rédacteur en chef du périodique, elle a été grandement contrariée. Frère Russell s’est efforcé sincèrement de l’aider, mais en novembre 1897 elle l’a quitté. Toutefois, il lui a fourni un logement et des moyens de subsistance. Des années plus tard, ayant entamé des poursuites judiciaires en 1903, elle a obtenu en 1908 un jugement, non de divorce proprement dit, mais de séparation de corps avec pension alimentaire.
N’ayant pas réussi à forcer son mari à céder à ses exigences, après l’avoir quitté elle a mis beaucoup d’ardeur à salir sa réputation. En 1903, elle a publié un tract qui, au lieu de contenir des vérités bibliques, présentait frère Russell sous un jour honteusement déformé. Elle a tenté d’enrôler des ministres de diverses confessions pour distribuer ce tract aux endroits où les Étudiants de la Bible tenaient des réunions spéciales. Peu ont accepté d’être ses instruments à l’époque, ce qui est tout à leur honneur. Mais depuis, d’autres ecclésiastiques ont trahi un autre état d’esprit.
Auparavant, Maria Russell avait condamné, verbalement et par écrit, ceux qui accusaient frère Russell du genre d’inconduite qu’elle-même invoquait à présent. Reprenant certaines allégations sans fondement faites au cours du procès en 1906 (déclarations qui du reste ont été effacées des minutes sur l’injonction du tribunal), certains adversaires religieux de frère Russell ont publié des accusations destinées à le faire passer pour un homme immoral, donc indigne d’être ministre de Dieu. Toutefois, les minutes du procès établissent la fausseté de ces accusations. Le propre avocat de Mme Russell lui a demandé si elle pensait que son mari était coupable d’adultère. “Non”, a-t-elle répondu. En outre, quand, en 1897, un comité d’anciens de la congrégation avait écouté les accusations que Mme Russell portait contre son mari, elle n’avait rien mentionné de ce qu’elle a plus tard déclaré au tribunal pour persuader le jury d’autoriser le divorce, alors que les faits qu’elle a invoqués étaient censés s’être passés avant cette audition.
Neuf ans après le début du procès intenté par Mme Russell, le juge James Macfarlane a répondu par courrier à un homme qui demandait une copie des minutes de l’audience afin qu’un de ses collaborateurs confonde Charles Russell. Le juge lui a expliqué franchement que ce qu’il voulait entreprendre lui ferait perdre son temps et son argent. Il a écrit: “Le motif de sa demande et de la décision prise suite au verdict du jury a été des ‘offenses’, non l’adultère; et le témoignage, tel que je le comprends, ne montre pas que Russell ‘vivait dans l’adultère avec un codéfendeur’. En fait, il n’y avait pas de codéfendeur.”
Maria Russell l’a elle-même reconnu plus tard, lors des funérailles de frère Russell au Carnegie Hall de Pittsburgh en 1916. Voilée, elle a descendu l’allée jusqu’au cercueil et a déposé un bouquet de muguet. Un ruban y était attaché, qui portait cette inscription: “À mon époux bien-aimé.”
À l’évidence, les ecclésiastiques ont utilisé la même tactique que leurs homologues du Ier siècle. Ceux-ci avaient essayé de salir la réputation de Jésus en l’accusant de manger avec les pécheurs et d’être lui-même un pécheur et un blasphémateur (Mat. 9:11; Jean 9:16-24; 10:33-37). Ces accusations n’ont pas changé la vérité concernant Jésus; par contre, elles ont démasqué ceux qui recouraient à la calomnie (tout comme elles démasquent ceux qui emploient des moyens similaires de nos jours): elles ont révélé qu’ils ont pour père spirituel le Diable, dont le nom signifie “Calomniateur”. — Jean 8:44.
Ils profitent de la fièvre de la guerre pour atteindre leurs buts
La fièvre nationaliste qui a embrasé le monde pendant la Première Guerre mondiale a fourni une nouvelle arme contre les Étudiants de la Bible. Les chefs religieux protestants et catholiques pouvaient désormais donner libre cours à leur haine derrière une façade de patriotisme. Profitant de l’hystérie provoquée par la guerre, ils ont fait passer les Étudiants de la Bible pour des séditieux: l’accusation même que les chefs religieux de la Jérusalem du Ier siècle avaient portée contre Jésus Christ et l’apôtre Paul (Luc 23:2, 4; Actes 24:1, 5). Évidemment, pour former une telle accusation, les ecclésiastiques devaient, de leur côté, soutenir activement l’effort de guerre; la majorité d’entre eux n’en ont pas semblé troublés, même si cela signifiait envoyer de jeunes hommes tuer des membres de leur propre religion dans un autre pays.
En juillet 1917, après la mort de frère Russell, la Société Watch Tower a édité le livre Le mystère accompli, un commentaire de la Révélation, d’Ézéchiel et du Cantique des cantiques. Ce livre révélait au grand jour l’hypocrisie du clergé de la chrétienté! Il a eu une large diffusion en relativement peu de temps. À la fin de décembre 1917 et au début de 1918, les Étudiants de la Bible des États-Unis et du Canada ont également distribué 10 000 000 d’exemplaires d’un message cinglant dans le tract L’Étudiant de la Bible. Ce tract de quatre pages, du format d’un petit journal, s’intitulait “La chute de Babylone” et il contenait le sous-titre “Pourquoi la chrétienté doit souffrir à présent — L’issue finale”. Il assimilait la Babylone moderne, qui doit sous peu tomber, aux organisations catholiques et protestantes réunies. À l’appui de cette affirmation, il reprenait les paroles du livre Le mystère accompli concernant les prophéties qui révélaient le jugement de Dieu contre la “Babylone mystique”. À la dernière page, un dessin évocateur représentait un mur en train de s’effondrer. De grosses pierres portaient des inscriptions comme “Doctrine de la Trinité (‘3 × 1 = 1’)”, “Immortalité de l’âme”, “Théorie des tourments éternels”, “Protestantisme: credos, clergé, etc.”, “Catholicisme: papes, cardinaux, etc., etc.”, et toutes étaient en train de tomber.
Le clergé a été furieux d’être ainsi démasqué, tout comme le clergé juif lorsque Jésus avait dénoncé son hypocrisie (Mat. 23:1-39; 26:3, 4). Au Canada, il a réagi sans attendre. En janvier 1918, plus de 600 ecclésiastiques canadiens ont signé une pétition qui demandait au gouvernement d’interdire les publications de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Selon le Winnipeg Evening Tribune, après que Charles Paterson, pasteur de l’Église St. Stephen de Winnipeg, a condamné en chaire L’Étudiant de la Bible qui contenait l’article “La chute de Babylone”, le procureur général Johnson lui en a demandé un exemplaire. Peu après, le 12 février 1918, un décret du gouvernement canadien rendait passible d’amende et d’emprisonnement quiconque était en possession du livre Le mystère accompli ou du tract qui figure à la page suivante.
Le même mois, le 24 février, aux États-Unis, frère Rutherford, le président de la Société Watch Tower nouvellement élu, a pris la parole au Temple Auditorium de Los Angeles (Californie). Il abordait un sujet captivant: “Le monde a pris fin! Des millions de personnes actuellement vivantes peuvent ne jamais mourir!” Pour attester que le monde connu jusqu’alors avait vraiment pris fin en 1914, il a invoqué la guerre en cours, la famine qui l’accompagnait, et a dit qu’elles faisaient partie du signe prédit par Jésus (Mat. 24:3-8). Il a ensuite dirigé l’attention sur le clergé, en ces termes:
“En tant que classe, d’après les Écritures, les ecclésiastiques sont les hommes les plus répréhensibles de la terre dans la terrible guerre qui afflige actuellement l’humanité. Depuis 1 500 ans, ils enseignent aux gens la doctrine satanique selon laquelle les rois gouvernent de droit divin. Ils mêlent politique et religion, Église et État; ils se montrent infidèles à leur privilège conféré par Dieu de proclamer le message du royaume messianique, et vont jusqu’à encourager les dirigeants à croire que le roi règne de droit divin, et que par conséquent tout ce qu’il fait est bien.” L’orateur a précisé quelles en ont été les conséquences: “Les rois ambitieux d’Europe se sont armés pour la guerre, parce qu’ils désiraient faire main basse sur le territoire d’autres peuples; et le clergé les a congratulés en disant: ‘Allez-y, vous ne pouvez mal agir; tout ce que vous faites est très bien.’” Mais le clergé européen n’était pas le seul à agir ainsi, et les prédicateurs américains le savaient.
Un compte rendu détaillé de ce discours est paru le lendemain dans le Morning Tribune de Los Angeles. Le clergé était tellement en colère que l’association des ministres religieux a tenu une séance le jour même et a envoyé son président trouver les administrateurs du journal pour exprimer leur grand mécontentement. Après quoi a débuté une période où les bureaux de la Société Watch Tower ont été l’objet d’investigations incessantes de la part des membres du service des renseignements du gouvernement.
Durant cette période de ferveur nationaliste, les ecclésiastiques ont organisé une conférence à Philadelphie (États-Unis), au cours de laquelle ils ont adopté une résolution demandant la révision de la loi sur l’espionnage: ils voulaient que les supposés contrevenants soient traduits devant une cour martiale et passibles de mort. John Lord O’Brian, substitut spécial du procureur général pour les questions touchant à la guerre, a été choisi pour présenter le projet au Sénat. Le président des États-Unis s’est opposé au vote de cette loi. Mais dans le feu de la colère, James Bell, général de division de l’armée américaine, a révélé à Joseph Rutherford et à William Van Amburgh ce qui s’était passé à la conférence et qu’il était prévu de se servir de la proposition de loi en question contre les membres du bureau exécutif de la Société Watch Tower.
Les archives officielles du gouvernement américain montrent qu’au moins à partir du 21 février 1918 John Lord O’Brian s’est employé personnellement à instruire un procès contre les Étudiants de la Bible. Le compte rendu des débats du Congrès des 24 avril et 4 mai contient des mémorandums de cet homme dans lesquels il affirmait avec force que si la loi autorisait à dire “ce qui est vrai, avec de bons mobiles et à des fins justifiables”, comme le stipulait l’amendement dit “France” à la loi sur l’espionnage, qui avait été ratifié par le Sénat américain, il ne pouvait aboutir dans ses poursuites contre les Étudiants de la Bible.
À Worcester (Massachusetts), le “révérend” B. Wyland a également profité de la fièvre de la guerre pour prétendre que les Étudiants de la Bible faisaient de la propagande en faveur de l’ennemi. Il a publié dans le Daily Telegram un article dans lequel il déclarait: “Un des devoirs patriotiques qui incombent aux citoyens est la suppression de l’Association internationale des Étudiants de la Bible, dont le siège se trouve à Brooklyn. Sous le couvert de la religion, ils répandent la propagande allemande à Worcester en vendant leur livre ‘Le mystère accompli’.” Il disait carrément aux autorités qu’il était de leur devoir d’arrêter les Étudiants de la Bible et de les empêcher de continuer à se réunir.
Au cours du printemps et de l’été 1918, la persécution contre les Étudiants de la Bible s’est intensifiée, tant en Amérique du Nord qu’en Europe. Au nombre de ses instigateurs figuraient des ecclésiastiques baptistes, méthodistes, épiscopaux, luthériens, catholiques, et d’autres Églises. Les publications bibliques étaient confisquées par des fonctionnaires sans mandat de perquisition, et nombre d’Étudiants de la Bible ont été jetés en prison. D’autres ont été poursuivis par des foules, battus, fouettés, enduits de goudron et recouverts de plumes, ont eu des côtes cassées ou la tête entaillée. Quelques-uns ont été estropiés à vie. Des chrétiens et des chrétiennes ont été retenus en prison sans accusation ni procès. Plus de cent cas précis de ce genre de traitements scandaleux ont été mentionnés dans L’Âge d’Or du 29 septembre 1920 (en anglais).
Accusés d’espionnage
Le coup de grâce a été porté le 7 mai 1918: ce jour-là, des mandats d’arrêt fédéraux ont été émis aux États-Unis à l’encontre de Joseph Rutherford, le président de la Watch Tower Bible and Tract Society, et de ses plus proches collaborateurs.
La veille, à Brooklyn (New York), deux inculpations avaient été enregistrées contre frère Rutherford et ses collaborateurs. Si le premier procès n’avait pas donné les résultats escomptés, la deuxième inculpation aurait été intentée. La première inculpation, qui mettait en cause le plus grand nombre de personnes, comprenait quatre chefs d’accusation: selon deux d’entre eux, les frères complotaient de transgresser la loi sur l’espionnage du 15 juin 1917; et selon les deux autres, ils cherchaient à réaliser leurs projets illégaux ou les réalisaient effectivement. On les taxait de vouloir inciter à la désobéissance et au refus d’accomplir son service dans les forces armées américaines, et de vouloir entraver le recrutement et de dissuader autrui de s’engager alors que la nation était en guerre; on prétendait aussi qu’ils avaient soit tenté de commettre, soit commis ces deux actions. L’inculpation mentionnait en particulier la publication et la diffusion du livre Le mystère accompli. La deuxième inculpation interprétait l’envoi d’un chèque en Europe (qui devait servir à l’œuvre d’enseignement de la Bible en Allemagne) comme une atteinte aux intérêts des États-Unis. Quand les inculpés ont été traduits en justice, c’est la première inculpation, celle qui comprenait quatre chefs d’accusation, qui a été intentée.
Une autre inculpation contre Clayton Woodworth et Joseph Rutherford en rapport avec la loi sur l’espionnage était alors en attente à Scranton (Pennsylvanie). Mais, à en croire une lettre de John Lord O’Brian datée du 20 mai 1918, des membres du ministère de la Justice craignaient que le juge Witmer, juge au tribunal fédéral de première instance, qui traiterait l’affaire, ne soit pas d’accord avec l’invocation de la loi sur l’espionnage pour mettre un terme à l’activité d’hommes qui, en raison de convictions religieuses sincères, tenaient des propos que d’autres pouvaient interpréter comme de la propagande antimilitariste. Le ministère de la Justice a donc suspendu l’affaire de Scranton en attendant l’issue de celle de Brooklyn. Le gouvernement s’est également arrangé pour que le juge Harland Howe, du Vermont, que John Lord O’Brian savait être du même avis que lui sur de telles questions, siège au tribunal fédéral de première instance pour l’arrondissement est de New York. L’affaire est passée en jugement le 5 juin, avec Isaac Oeland et Charles Buchner, un catholique, comme demandeurs. Pendant le procès, ainsi que l’a fait remarquer frère Rutherford, des prêtres catholiques se sont fréquemment entretenus avec MM. Buchner et Oeland.
Au cours du jugement, on a montré que les membres du bureau exécutif de la Société et les compilateurs du livre n’avaient nullement l’intention d’entraver l’effort de guerre fourni par le pays. Des preuves ont été présentées attestant que le projet d’écrire le livre (en réalité, la rédaction de la plus grande partie du manuscrit) avait été lancé avant que les États-Unis ne déclarent la guerre (le 6 avril 1917), et que le premier contrat pour l’impression avait été signé avant que les États-Unis ne votent (le 15 juin) la loi que ces chrétiens étaient censés avoir transgressée.
L’accusation a monté en épingle les ajouts faits au livre en avril et en juin 1917, pendant l’élaboration du manuscrit original et la correction des épreuves. Ces ajouts comprenaient une citation de John Holmes, un ecclésiastique qui avait affirmé avec force que la guerre constituait une violation du christianisme. Comme l’a fait remarquer un des avocats de la défense, le sermon de l’ecclésiastique publié sous le titre A Statement to My People on the Eve of War (Déclaration à mon peuple à la veille de la guerre) était toujours en vente aux États-Unis au moment du procès. Ni cet ecclésiastique ni son éditeur n’étaient traduits en justice pour autant. Par contre, les Étudiants de la Bible qui citaient son sermon étaient tenus pour responsables de l’opinion qu’il exprimait.
Le livre ne disait pas aux hommes du monde qu’ils n’avaient pas le droit de s’engager dans la guerre. Par contre, il est vrai, pour expliquer les prophéties, il reprenait des extraits de La Tour de Garde de 1915 qui montraient l’inconséquence des ecclésiastiques: ceux-ci se prétendaient en effet ministres du Christ tout en servant d’agents recruteurs aux nations en guerre.
Dès qu’on avait appris que le gouvernement trouvait à redire à ce livre, frère Rutherford avait envoyé un télégramme à l’imprimeur pour qu’il arrête de le produire et, dans le même temps, un représentant de la Société avait été dépêché auprès des services de renseignements de l’armée américaine pour savoir ce qu’ils reprochaient à l’ouvrage. Quand on avait appris que les pages 247 à 253 du livre (en anglais; 288 à 293 en français) étaient jugées inacceptables du fait de la guerre en cours, la Société avait demandé qu’on retire ces pages de tous les livres avant de les proposer au public. Et quand le gouvernement avait signifié aux avocats du tribunal fédéral de première instance que ce serait transgresser la loi sur l’espionnage que de continuer à le diffuser (bien qu’il ait refusé de dire à la Société ce qu’il pensait du livre modifié), la Société avait donné pour instruction d’en arrêter la distribution au public.
Pourquoi une peine aussi sévère?
Malgré tous ces faits, le 20 juin 1918 le jury a rendu un verdict jugeant chacun des inculpés coupable des quatre chefs d’accusation. Le lendemain, septb d’entre eux ont été condamnés à quatre peines de 20 ans chacune, avec cumul des peines. Le 10 juillet, le huitièmec a été condamné à quatre peines de 10 ans, avec cumul des peines. Quel était le degré de sévérité de ces condamnations? Dans une note qu’il a adressée au procureur général le 12 mars 1919, le président des États-Unis Woodrow Wilson a reconnu que ‘les peines d’emprisonnement étaient manifestement excessives’. À titre d’exemple, l’homme qui, à Sarajevo, avait assassiné le prince-héritier de l’Empire austro-hongrois (et cet assassinat avait déclenché les événements qui ont plongé les nations dans la Première Guerre mondiale) n’avait pas reçu une sentence aussi sévère. Il avait été condamné à 20 ans de prison, et non à quatre peines de 20 ans, comme les Étudiants de la Bible!
Qu’est-ce qui a poussé le tribunal à infliger des peines de prison aussi lourdes aux Étudiants de la Bible? Le juge Harland Howe a déclaré: “De l’avis de la Cour, la propagande religieuse que ces inculpés ont vigoureusement défendue et répandue dans toute la nation ainsi que chez nos alliés est plus dangereuse qu’une division de l’armée allemande. (...) Quelqu’un qui prêche la religion exerce généralement beaucoup d’influence, et s’il est sincère il est encore plus efficace. Cela aggrave le mal qu’ils ont fait plutôt que de l’atténuer. Par conséquent, puisqu’il s’agit de l’unique mesure sage à prendre avec de telles personnes, la Cour est arrivée à la conclusion que la peine doit être sévère.” Toutefois, on notera également qu’avant de prononcer la sentence le juge Howe a dit que les déclarations des avocats des inculpés avaient mis en cause et troublé non seulement les hommes de loi du gouvernement, mais “tous les ministres religieux du pays”.
On a immédiatement interjeté appel auprès de la cour d’appel itinérante. Mais la demande de maintien en liberté sous caution en attendant l’instruction de cet appel a été arbitrairement rejetée par le juge Howed, si bien que le 4 juillet, avant qu’un troisième et dernier appel pour leur mise en liberté sous caution n’ait pu être entendu, les sept premiers frères ont été transférés en hâte à la prison fédérale d’Atlanta (Géorgie). Par la suite, on a démontré que ce procès, entaché de nombreux préjugés, contenait 130 vices de forme. Il a fallu des mois de travail pour réunir les documents nécessaires à un jugement en appel. Dans l’intervalle, la guerre s’est terminée. Le 19 février 1919, les huit frères emprisonnés ont envoyé une demande d’amnistie à Woodrow Wilson, le président des États-Unis. D’autres lettres demandant la libération des frères ont été envoyées par de nombreux citoyens au nouveau procureur général. Puis, le 1er mars 1919, en réponse à une requête du procureur général, le juge Howe a recommandé la “commutation immédiate” des peines. Certes, cette mesure aurait réduit la durée des peines, mais elle aurait aussi confirmé la culpabilité des inculpés. Avant que les peines ne soient commuées, les avocats des frères ont déposé une injonction de tribunal auprès du procureur fédéral américain qui portait l’affaire devant la cour d’appel.
Neuf mois après la condamnation de Joseph Rutherford et de ses collaborateurs (et la guerre terminée), le 21 mars 1919, la cour d’appel a ordonné la mise en liberté sous caution des huit inculpés, et le 26 mars ils étaient libérés à Brooklyn contre une caution de 10 000 dollars chacun. Le 14 mai 1919, la cour d’appel itinérante de New York a rendu son jugement: “Dans cette affaire, les inculpés n’ont pas eu le jugement tempéré et impartial auquel ils avaient droit, et pour cette raison le verdict est réformé.” L’affaire devait repasser en jugemente. Cependant, le 5 mai 1920, après que les inculpés eurent comparu sur ordre du tribunal, le procureur du gouvernement a annoncé, par cinq fois, en audience publique à Brooklyn l’annulation des poursuites. Pour quelle raison? D’après la correspondance conservée dans les archives nationales américaines, le ministère de la Justice craignait de perdre le procès si, l’hystérie de la guerre évanouie, l’affaire était portée devant un jury impartial. Le procureur L. Ross a écrit dans une lettre au procureur général: “Il vaudrait mieux, à mon avis, pour nos relations avec le public, prendre l’initiative” d’annoncer la cessation des poursuites.
Le même jour, le 5 mai 1920, l’autre inculpation qui avait été enregistrée en mai 1918 contre Joseph Rutherford et quatre de ses collaborateurs a également été annulée.
Qui étaient les véritables instigateurs de ces attaques?
Les ecclésiastiques étaient-ils les véritables instigateurs de toutes ces attaques? John Lord O’Brian l’a nié. Mais les faits étaient bien connus des gens de l’époque. Le 22 mars 1919, Appeal to Reason (Appel à la raison), un journal publié à Girard (Kansas), a rédigé cette protestation: “Les disciples du pasteur Russell, poursuivis par la méchanceté du clergé ‘conservateur’, ont été condamnés et jetés en prison, et on a refusé de les libérer sous caution, alors qu’ils ont fourni tous les efforts possibles pour se plier aux dispositions prévues par la loi sur l’espionnage. (...) Nous déclarons que, peu importe si la loi sur l’espionnage était ou non techniquement constitutionnelle ou justifiable sur le plan éthique, ces disciples du pasteur Russell ont été condamnés à tort sous prétexte de ses dispositions. Un examen objectif des faits convaincra rapidement quiconque que non seulement ces hommes n’avaient aucune intention de transgresser la loi, mais encore qu’ils ne l’ont pas transgressée.”
Des années plus tard, dans le livre Preachers Present Arms (Les prédicateurs présentent les armes), Ray Abrams a fait cette remarque: “Il est significatif que tant d’ecclésiastiques aient cherché avec agressivité à se débarrasser des Russellistes [c’est ainsi que les Étudiants de la Bible étaient dénommés par dérision]. Des querelles et des haines religieuses anciennes, qui ne recevaient aucune attention dans les procès en temps de paix, ont alors imprégné le tribunal sous l’effet de l’hystérie de la guerre.” Il a déclaré aussi: “Quand on analyse toute l’affaire, on arrive à la conclusion que les Églises et le clergé étaient les instigateurs du mouvement visant la liquidation des Russellistes.” — Pp. 183-185.
Néanmoins, la fin de la guerre n’a pas mis un terme à la persécution des Étudiants de la Bible. Elle n’a fait qu’inaugurer un nouvel épisode de celle-ci.
Des prêtres font pression sur la police
La guerre terminée, le clergé a monté d’autres questions en épingle dans le but d’arrêter, si possible, l’activité des Étudiants de la Bible. En Bavière, région catholique, et dans d’autres régions d’Allemagne, les arrestations se sont multipliées dans les années 20 sous le couvert des lois régissant le colportage. Mais quand les affaires étaient portées devant les cours d’appel, les juges rendaient généralement des verdicts favorables aux Étudiants de la Bible. Finalement, les tribunaux ayant été submergés par des milliers d’affaires semblables, le ministère de l’Intérieur a adressé en 1930 une circulaire à tous les fonctionnaires de police leur enjoignant de cesser d’engager des poursuites contre les Étudiants de la Bible en invoquant les lois sur le colportage. Pendant une courte période, les pressions de cette origine se sont donc calmées, et les Témoins de Jéhovah ont poursuivi leur activité à une échelle extraordinaire en Allemagne.
À l’époque, le clergé exerçait également une puissante influence en Roumanie. Il a obtenu la publication de décrets qui interdisaient les publications et l’activité des Témoins de Jéhovah. Mais les prêtres craignaient que les gens ne continuent de lire les publications déjà en leur possession et ne découvrent ainsi les enseignements non bibliques et les affirmations mensongères de l’Église. Pour les en empêcher, ils sont allés de maison en maison en compagnie des gendarmes à la recherche de tout ouvrage remis par les Témoins de Jéhovah. Ils allaient jusqu’à demander aux jeunes enfants sans méfiance si leurs parents avaient accepté de telles publications. Quand ils en trouvaient, ils menaçaient les gens, leur disant qu’ils seraient roués de coups et emprisonnés si jamais ils en acceptaient de nouveau. Dans certains villages, le prêtre était également maire et juge de paix; ceux qui n’obtempéraient pas n’avaient alors pas grande justice à espérer.
Certains fonctionnaires américains n’ont pas mieux agi durant ces années-là, dans leur désir d’exécuter la volonté du clergé. Par exemple, après la visite de l’évêque catholique O’Hara à La Grange (Géorgie) en 1936, le maire et l’avocat de la municipalité ont fait arrêter des dizaines de Témoins de Jéhovah. Pendant leur incarcération, on les a fait dormir à côté d’un tas de fumier sur des matelas souillés d’urine de vache, on leur a donné de la nourriture qui grouillait de vers et on les a obligés à travailler dans des équipes de prisonniers qui construisaient des routes.
En Pologne également, le clergé catholique a recouru à tous les moyens imaginables pour entraver l’œuvre des Témoins de Jéhovah. Les ecclésiastiques ont incité les gens à la violence, ont brûlé en public les publications des Témoins, les ont accusés d’être communistes et les ont traînés en justice sous prétexte que leurs écrits étaient “sacrilèges”. Toutefois, tous les fonctionnaires n’ont pas accepté de faire leurs quatre volontés. Pour sa part, le procureur de la cour d’appel de Poznań a refusé de poursuivre un Témoin de Jéhovah que les ecclésiastiques avaient accusé d’avoir taxé le clergé catholique d’“organisation de Satan”. Le procureur a lui-même déclaré que l’immoralité qui s’est répandue dans la chrétienté depuis la cour du pape Alexandre VI (1492-1503) trahissait effectivement l’esprit d’une organisation satanique. Et quand le clergé a accusé un Témoin de Jéhovah de blasphème contre Dieu parce qu’il diffusait des publications de la Société Watch Tower, le procureur de la cour d’appel de Toruń a demandé son acquittement, en disant: ‘Les Témoins de Jéhovah adoptent exactement la même position que les premiers chrétiens. Calomniés et persécutés, ils soutiennent les idéaux les plus élevés qui soient dans une société mondiale corrompue et décadente.’
Les archives du gouvernement canadien révèlent que si les Témoins de Jéhovah ont été interdits au Canada en 1940, c’est à la suite d’une lettre émanant du palais archiépiscopal du cardinal Villeneuve, de Québec, et adressée au ministre de la Justice, Ernest Lapointe. D’autres fonctionnaires ont par la suite demandé une explication détaillée des raisons de cette mesure, mais les réponses de M. Lapointe n’ont pas du tout satisfait bien des membres du Parlement canadien.
De l’autre côté du globe, le clergé ourdissait des intrigues analogues. Les archives du gouvernement australien renferment une lettre envoyée par l’archevêque catholique de Sydney au procureur général W. Hughes dans laquelle il réclamait l’interdiction des Témoins de Jéhovah. Cette lettre a été rédigée le 20 août 1940, tout juste cinq mois avant qu’une interdiction ne soit décrétée. Par la suite, après avoir examiné le motif allégué, le juge Williams, membre de la Haute Cour d’Australie, a dit que ce motif avait pour “effet de rendre illégale la défense des principes et des doctrines de la religion chrétienne et de faire de tout service religieux célébré par des croyants en la naissance du Christ une assemblée illégale”. Le 14 juin 1943, la cour a décrété que l’interdiction n’était pas conforme à la loi australienne.
En Suisse, un journal catholique a sommé les autorités de confisquer les publications des Témoins que l’Église jugeait offensantes. Les ecclésiastiques ont menacé de passer aux actes si on n’accédait pas à leur requête. Et dans de nombreux endroits du monde, c’est précisément ce qu’ils ont fait.
Les chefs religieux recourent à la violence
En France, le clergé catholique pensait toujours exercer une emprise considérable sur les gens, et il était déterminé à ne partager son monopole avec personne. En 1924 et 1925, les Étudiants de la Bible de nombreux pays distribuaient le tract intitulé Acte d’accusation contre le clergé. En 1925, il était prévu que Joseph Rutherford prenne la parole à Paris sur le thème “Le clergé démasqué”. Un témoin oculaire a rapporté à propos du déroulement de la réunion: “La salle était comble. Frère Rutherford est apparu sur l’estrade, et il y a eu de chaleureux applaudissements. Il commençait à peine à parler qu’une cinquantaine de prêtres et de membres de l’Action catholique, armés de bâtons, se sont rués dans la salle en chantant La Marseillaise. Ils ont jeté des tracts du haut des escaliers. Un prêtre est monté sur l’estrade. Deux jeunes hommes l’en ont fait descendre. À trois reprises, frère Rutherford a quitté l’estrade et est revenu. Finalement, il est parti pour de bon. (...) Les tables sur lesquelles étaient exposées nos publications ont été retournées et les livres dispersés tout alentour. La plus grande confusion régnait!” Mais ce n’était pas là un incident isolé.
En Irlande, Jack Corr a fréquemment subi les foudres du clergé catholique quand il prêchait. Un jour, une foule poussée par le prêtre de la paroisse l’a sorti de son lit à minuit puis a brûlé toutes ses publications dans le jardin public. À Roscrea, dans le comté de Tipperary, Victor Gurd et Jim Corby se sont rendu compte, en arrivant à leur domicile, que des opposants avaient volé leurs publications et y avaient mis le feu après les avoir arrosées d’essence. La police locale, le clergé et des enfants du quartier assistaient à l’autodafé en chantant “Foi de nos pères”.
Avant que les Témoins de Jéhovah ne se réunissent au Madison Square Garden à New York en 1939, des disciples du prêtre catholique Charles Coughlin les ont menacés d’interrompre l’assemblée. La police en a été avertie. Le 25 juin, frère Rutherford a présenté le discours “Gouvernement et paix” devant une assistance d’au moins 18 000 personnes, ainsi que, par radio, à un vaste auditoire international. Peu après le début du discours, au moins 200 catholiques et nazis, conduits par plusieurs prêtres, ont envahi le balcon. À un signal convenu, ils se sont mis à hurler, scandant “Heil Hitler!” et “Viva Franco!” Ils ont employé toutes sortes de paroles ordurières et de menaces, et s’en sont pris à nombre de membres du service d’ordre qui essayaient de rétablir le calme. Les agitateurs n’ont pas réussi à interrompre la réunion. Frère Rutherford a continué de parler avec force et sans crainte. Au plus fort du tumulte, il a déclaré: “Les nazis et les catholiques aimeraient aujourd’hui interrompre cette réunion, mais grâce à Dieu, ils ne le pourront pas.” L’auditoire l’a soutenu par des applaudissements vigoureux et répétés. La perturbation a évidemment figuré dans l’enregistrement fait à cette occasion, et des gens de nombreux endroits de la terre l’ont entendue.
Où il le pouvait, toutefois, comme aux jours de l’Inquisition, le clergé catholique s’est servi de l’État pour supprimer ceux qui osaient mettre en question les enseignements et les pratiques de l’Église.
Traitements brutaux dans les camps de concentration
Le clergé a eu en Adolf Hitler un allié complaisant. En 1933, l’année même où un concordat a été signé entre le Vatican et l’Allemagne nazie, Hitler a lancé une campagne visant à exterminer les Témoins de Jéhovah du pays. En 1935, ils étaient proscrits dans toute la nation. Mais qui étaient les instigateurs de cette répression?
Un prêtre catholique a écrit dans Der Deutsche Weg (un journal allemand publié à Lodz, en Pologne) du 29 mai 1938: “Il y a maintenant un pays où la secte des prétendus Étudiants de la Bible [Témoins de Jéhovah] est proscrite. C’est l’Allemagne! (...) Lorsqu’Adolf Hitler eut pris le pouvoir et que l’épiscopat allemand lui eut formulé la même demande, le Führer répondit: ‘Ces Étudiants de la Bible [Témoins de Jéhovah] sont des fauteurs de troubles. (...) Je les tiens pour des charlatans et ne tolérerai pas que les catholiques allemands soient salis par ce juge américain Rutherford; je dissous [les Témoins de Jéhovah] en Allemagne.’” — C’est nous qui soulignons.
L’épiscopat allemand était-il le seul à désirer une telle intervention? Comme l’a rapporté l’Oschatzer Gemeinnützige du 21 avril 1933, le ministre luthérien Otto a parlé dans un discours radiodiffusé le 20 avril de “la coopération la plus étroite” entre l’Église luthérienne allemande de Saxe et les chefs politiques de la nation. Il a ajouté: “L’interdiction frappant aujourd’hui l’Association internationale des Étudiants sincères de la Bible [les Témoins de Jéhovah] et ses annexes en Saxe peut déjà être considérée comme une première manifestation de cette coopération.”
Après quoi l’État nazi a déclenché l’une des persécutions de chrétiens les plus barbares des annales de l’Histoire. Des milliers de Témoins de Jéhovah (d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne, de Tchécoslovaquie, des Pays-Bas, de France et d’autres pays) ont été envoyés dans les camps de concentration. Là, ils ont été soumis aux traitements les plus cruels et les plus sadiques qu’il se puisse imaginer. Il n’était pas rare qu’on les maudisse et qu’on leur donne des coups de pied, puis qu’on les oblige à s’accroupir, à sauter et à ramper pendant des heures, jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent ou s’effondrent d’épuisement, sous les rires goguenards des gardiens. On a forcé certains à rester debout, dans la cour, nus ou peu vêtus, en plein hiver. Beaucoup ont été fouettés jusqu’à l’inconscience, jusqu’à avoir le dos en sang. D’autres ont servi de cobayes dans le cadre d’expériences médicales. Certains, les bras attachés dans le dos, ont été pendus par les poignets. Ils étaient affaiblis par la faim, ils étaient mal vêtus malgré le froid; pourtant, on les forçait à effectuer des travaux pénibles, à travailler des heures durant, souvent avec leurs mains alors qu’il leur aurait fallu des pelles et d’autres outils. Les femmes comme les hommes subissaient ces mauvais traitements. Les plus jeunes étaient adolescents; les plus âgés avaient plus de 70 ans. Leurs persécuteurs défiaient Jéhovah haut et fort.
Voulant intimider les Témoins, le commandant du camp de Sachsenhausen a ordonné l’exécution d’August Dickmann, un jeune Témoin, en présence de tous les prisonniers, les Témoins de Jéhovah étant aux premiers rangs, là où l’exécution les marquerait le plus. Après l’exécution, les prisonniers ont été renvoyés dans leurs quartiers, sauf les Témoins. Avec beaucoup d’insistance, le commandant leur a demandé: ‘Qui est prêt maintenant à signer la déclaration?’ — une déclaration par laquelle un Témoin aurait renoncé à sa foi et aurait montré qu’il était disposé à devenir soldat. Aucun des plus de 400 Témoins n’a répondu. Puis deux d’entre eux se sont avancés! Mais pas pour signer: pour demander l’annulation de la signature qu’ils avaient donnée environ un an auparavant.
Dans le camp de Buchenwald, des pressions analogues ont été exercées sur les Témoins. L’officier nazi Rödl leur a dit: “Si l’un de vous refuse de se battre contre la France ou l’Angleterre, vous mourrez tous!” Deux compagnies de SS en armes se tenaient près de la grande porte. Pas un seul Témoin n’a cédé. On leur a infligé de cruels traitements, mais la menace de l’officier n’a pas été exécutée. Il est devenu notoire que si les Témoins, dans les camps, accomplissaient presque n’importe quelle tâche qu’on leur confiait, par contre ils refusaient fermement de faire quoi que ce soit pour soutenir la guerre ou pour nuire à un autre prisonnier, et ce malgré les privations de nourriture et le travail supplémentaire qu’on leur imposait systématiquement en représailles.
Les épreuves qu’ils ont traversées sont presque indescriptibles. Des centaines d’entre eux sont morts. Quand les survivants ont été libérés des camps à la fin de la guerre, un Témoin des Flandres a écrit: “Seuls le désir irrépressible de vivre, l’espérance et la confiance en Lui, Jéhovah, qui est tout-puissant, et l’amour de la Théocratie, ont permis d’endurer tout cela et de remporter la victoire. — Romains 8:37.”
Des enfants ont été arrachés à leurs parents. Des conjoints ont été séparés, dont certains n’ont plus jamais eu de nouvelles l’un de l’autre. Peu après son mariage, Martin Poetzinger a été arrêté et envoyé dans le camp tristement célèbre de Dachau, puis à Mauthausen. Gertrud, sa femme, a été incarcérée à Ravensbrück. Ils ne se sont pas vus pendant neuf ans. Se rappelant sa vie à Mauthausen, frère Poetzinger a écrit par la suite: “La Gestapo mettait tout en œuvre pour nous faire renier notre foi en Jéhovah. Régime de famine, amitiés trompeuses, brutalités, obligation de rester debout dans un encadrement pendant des journées entières ou suspendus par les poignets, les bras attachés dans le dos, à un poteau de trois mètres de haut, coups de fouet; tous ces mauvais traitements, et bien d’autres, trop dégradants pour être mentionnés, nous ont été infligés.” Il est malgré tout demeuré fidèle à Jéhovah. Il était au nombre des survivants, et a été plus tard membre du Collège central des Témoins de Jéhovah.
Emprisonnés en raison de leur foi
Les Témoins de Jéhovah ne se trouvaient pas dans les camps de concentration parce qu’ils étaient des criminels. Quand les officiers voulaient se faire raser, ils confiaient le rasoir à un Témoin, car ils savaient qu’aucun d’eux ne se servirait de cet instrument comme d’une arme pour nuire à un autre humain. Quand les officiers SS du camp d’extermination d’Auschwitz avaient besoin de quelqu’un pour entretenir leur maison ou s’occuper de leurs enfants, ils choisissaient des Témoins, car ils savaient que ceux-ci n’essaieraient pas de les empoisonner ni de s’échapper. Lorsque le camp de Sachsenhausen a été évacué à la fin de la guerre, les gardes ont mis un chariot dans lequel ils transportaient leur butin au milieu d’une colonne de Témoins. Pour quelle raison? Parce qu’ils savaient que les Témoins ne les voleraient pas.
C’est en raison de leur foi que les Témoins de Jéhovah ont été emprisonnés. Souvent on leur a promis de les relâcher des camps s’ils signaient simplement une déclaration par laquelle ils renonceraient à leurs croyances. Les SS ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour les inciter ou les forcer à signer cette déclaration. Rien ne leur tenait plus à cœur.
À quelques exceptions près, les Témoins ont prouvé que leur intégrité était inébranlable. Mais ils ont fait plus que souffrir à cause de leur fidélité à Jéhovah et de leur attachement au nom du Christ. Ils ont fait plus qu’endurer les tortures dignes de l’Inquisition qu’on leur infligeait. Ils ont gardé de puissants liens qui les unissaient sur le plan spirituel.
Ils ne cherchaient pas leur survie individuelle à tout prix. Ils se sont manifesté les uns envers les autres un amour désintéressé. Quand l’un d’eux s’affaiblissait, les autres partageaient leur maigre ration de nourriture avec lui. Privés de tous soins médicaux, ils s’occupaient les uns des autres avec amour.
Malgré tous les efforts déployés par leurs persécuteurs pour les en empêcher, les Témoins obtenaient de quoi étudier la Bible: des pensées que leur communiquaient les nouveaux prisonniers, des écrits cachés dans les colis qu’ils recevaient, voire dans la jambe de bois d’un nouvel arrivant, ou qui leur parvenaient par d’autres moyens, quand ils travaillaient à l’extérieur des camps. Des copies circulaient parmi eux; quelquefois, ils les dupliquaient subrepticement sur des machines dans les bureaux mêmes des officiers du camp. En dépit du grave danger que cela leur faisait courir, ils tenaient des réunions chrétiennes même dans les camps.
Les Témoins ont continué d’annoncer que le Royaume de Dieu est le seul espoir de l’humanité, et ils l’ont fait jusque dans les camps de concentration. À Buchenwald, grâce à l’activité organisée, des milliers de prisonniers ont entendu la bonne nouvelle. Dans le camp de Neuengamme, près de Hambourg, une campagne de témoignage intensif a été soigneusement préparée et effectuée au début de 1943. Des cartes de témoignage ont été rédigées dans les diverses langues parlées dans le camp. Les Témoins se sont efforcés de toucher chaque prisonnier. Ils ont pris des dispositions pour étudier régulièrement la Bible avec les personnes qui s’y intéressaient. Les Témoins prêchaient avec tant de zèle que des prisonniers politiques se sont plaints en ces termes: “Où qu’on aille, on n’entend parler que de Jéhovah!” Quand de Berlin est arrivé l’ordre de disperser les Témoins parmi les autres prisonniers dans le but de les affaiblir, cela leur a en réalité offert la possibilité de donner le témoignage à davantage de personnes.
À propos des plus de 500 sœurs fidèles de Ravensbrück, une nièce du général de Gaulle a écrit ce qui suit après sa libération: “J’ai pour elles une véritable admiration. Elles appartenaient à différentes nationalités: allemande, polonaise, russe ou tchèque et ont subi pour leurs croyances de très grandes souffrances. (...) Toutes faisaient preuve d’un très grand courage et finissaient par en imposer aux SS eux-mêmes. Elles auraient pu être libres sur-le-champ si elles avaient renoncé à leur foi. Au contraire, elles ne cessaient de résister, réussissant même à introduire dans le camp des livres et des tracts.”
À l’exemple de Jésus Christ, elles ont vaincu le monde qui cherchait à les couler dans son moule satanique (Jean 16:33). Christine King, dans le livre New Religious Movements: A Perspective for Understanding Society (Nouveaux mouvements religieux: pour une compréhension de la société), dit à leur sujet: “Les Témoins de Jéhovah lançaient un défi au concept totalitaire de cette nouvelle société, et ce défi, qui s’affirmait de jour en jour, dérangeait manifestement les architectes de l’ordre nouveau. (...) La persécution, la torture, l’emprisonnement et la moquerie, méthodes qui avaient pourtant fait leurs preuves, ne parvenaient pas à convertir un seul Témoin aux vues des nazis; au contraire, elles se retournaient contre leurs instigateurs. (...) Entre les deux parties adverses, chacune se réclamant de la fidélité à ses idées, la lutte était d’autant plus acharnée que les nazis, quoique disposant de la force physique, se trouvaient être à de nombreux égards moins sûrs d’eux, moins enracinés dans la fermeté de leur conviction, et moins certains que leur Reich durerait 1 000 ans. Les Témoins, quant à eux, ne doutaient pas de leurs origines, car leur foi était manifeste depuis l’époque d’Abel. Alors que les nazis devaient réprimer l’opposition et convaincre leurs partisans, empruntant fréquemment à la chrétienté sectaire son langage et son imagerie, les Témoins étaient assurés de la fidélité totale et inflexible de leurs membres, et ce jusqu’à la mort.” — Publié en 1982.
À la fin de la guerre, plus d’un millier de Témoins qui avaient survécu sont sortis des camps, avec une foi intacte et un profond amour les uns pour les autres. À l’approche de l’armée russe, les gardes ont vite évacué Sachsenhausen. Ils ont regroupé les prisonniers par nationalité. Mais les Témoins de Jéhovah sont restés ensemble (ils étaient 230 dans ce camp). Les Russes les talonnant, les gardes sont devenus nerveux. Il n’y avait pas de nourriture, les prisonniers étaient faibles; mais quiconque traînait ou tombait de fatigue était abattu. Des milliers de prisonniers ont ainsi été abandonnés le long du chemin. Les Témoins, quant à eux, se sont entraidés, si bien que même le plus faible d’entre eux n’est pas resté sur la route. Pourtant, certains avaient entre 65 et 72 ans. D’autres prisonniers ont essayé de voler de la nourriture sur le trajet, ce qui a valu à beaucoup d’être abattus. Par contre, les Témoins de Jéhovah profitaient de l’évacuation pour parler aux gens qu’ils rencontraient des desseins pleins d’amour de Jéhovah, et quelques-uns, par gratitude pour ce message réconfortant, leur ont donné de la nourriture pour eux et pour leurs frères chrétiens.
Le clergé continue la lutte
Après la Seconde Guerre mondiale, dans la partie orientale de ce qui était la Tchécoslovaquie, le clergé a continué de susciter la persécution des Témoins de Jéhovah. Sous la domination nazie, les ecclésiastiques avaient accusé les Témoins d’être communistes; à présent, ils prétendaient qu’ils étaient contre le gouvernement communiste. Parfois, quand des Témoins de Jéhovah prêchaient de maison en maison, les prêtres persuadaient des instituteurs de laisser des enfants par centaines sortir de l’école pour leur jeter des pierres.
Pareillement, des prêtres catholiques se sont opposés aux Témoins à Santa Ana (Salvador) en 1947. Pendant l’étude hebdomadaire de La Tour de Garde, de jeunes garçons ont jeté des pierres par la porte ouverte. Puis est arrivée la procession conduite par les prêtres. Certains tenaient des cierges; d’autres des images. Ils criaient: “Longue vie à la Vierge!”, “À mort Jéhovah!” Pendant environ deux heures, le bâtiment a été criblé de pierres.
Au milieu des années 40, les Témoins de Jéhovah du Québec (Canada) ont été victimes de traitements innommables, tant de la part de foules de catholiques que de fonctionnaires. Des délégations de l’évêché se rendaient jour après jour à la police pour demander d’être débarrassées des Témoins. Il était fréquent, avant une arrestation, de voir la police sortir par la porte de derrière l’église. En 1949, des missionnaires Témoins de Jéhovah ont été chassés de Joliette (Québec) par des émeutiers catholiques.
Mais tous les habitants du Québec n’approuvaient pas ces agissements. Aujourd’hui, une belle Salle du Royaume des Témoins de Jéhovah s’élève dans l’une des rues principales de Joliette. L’ancien séminaire a été fermé, acheté par l’État et transformé en école. Et à Montréal, les Témoins de Jéhovah ont tenu de grandes assemblées internationales, dont l’assistance a atteint jusqu’à 80 008 personnes en 1978.
Toutefois, l’Église catholique a essayé par tous les moyens de conserver son emprise sur les gens. En Italie, en faisant pression sur les fonctionnaires, elle a réussi à faire expulser les missionnaires Témoins en 1949 et, aussi souvent que possible, à faire annuler les autorisations que les Témoins obtenaient pour tenir des assemblées dans les années 50. Malgré cela, le nombre des Témoins de Jéhovah a continué d’augmenter, au point qu’en 1992 ce pays comptait plus de 190 000 évangélisateurs.
En Espagne, comme à l’époque de l’Inquisition, le clergé se chargeait des dénonciations, puis laissait la sale besogne à l’État. À Barcelone, par exemple, où l’archevêque est parti en croisade contre les Témoins en 1954, le clergé a conseillé aux gens, en chaire, dans les écoles et à la radio, d’inviter les Témoins à entrer quand ils leur rendaient visite et d’appeler immédiatement la police.
Les prêtres craignaient que les Espagnols n’apprennent ce que contenait la Bible et n’en parlent à d’autres. Quand Manuel Mula Giménez a été emprisonné en 1960 à Grenade pour avoir commis le “crime” d’enseigner la Bible, l’aumônier de la prison (un prêtre) a fait disparaître de la bibliothèque la seule Bible qui s’y trouvait. Et lorsqu’un autre prisonnier a prêté à Manuel un exemplaire des Évangiles, on le lui a confisqué. Néanmoins, la Bible a aujourd’hui touché le peuple espagnol, qui a eu l’occasion de voir par lui-même ce qu’elle dit, et en 1992 plus de 90 000 personnes adoraient Jéhovah en qualité de ses Témoins.
En République dominicaine, le clergé a collaboré avec le dictateur Trujillo: les ecclésiastiques se sont servis de lui pour aboutir à leurs fins, de même qu’il s’est servi d’eux. En 1950, des articles de journaux écrits par des prêtres ont incriminé les Témoins de Jéhovah; le surveillant de la filiale de la Société Watch Tower a aussitôt été convoqué par le secrétaire d’État à l’Intérieur et à la Police. Alors qu’il attendait devant le bureau, il a vu deux prêtres jésuites entrer puis sortir. Immédiatement après, il a été introduit dans le bureau du secrétaire d’État et celui-ci a lu nerveusement un décret qui prohibait l’activité des Témoins de Jéhovah. En 1956, après que l’interdiction a été levée pour un peu de temps, le clergé a de nouveau calomnié les Témoins, à la radio et dans la presse. Des congrégations entières ont été arrêtées; on a ordonné à leurs membres de signer une déclaration par laquelle ils renonçaient à leur foi et promettaient de revenir à l’Église catholique. Comme les Témoins ont refusé, on les a battus, on leur a donné des coups de pied, on les a fouettés, et on les a frappés au visage avec des crosses de fusil. Ils sont toutefois restés fermes, et leur nombre a augmenté.
À Sucre (Bolivie), l’opposition a été plus violente encore. Lors d’une assemblée des Témoins de Jéhovah en 1955, une bande de jeunes garçons de l’École catholique du Sacré-Cœur ont encerclé le lieu où elle se tenait et ils se sont mis à crier et à jeter des pierres. Depuis l’église, de l’autre côté de la rue, un puissant haut-parleur poussait tous les catholiques à défendre l’Église et la “Vierge” contre les “hérétiques protestants”. L’évêque et les prêtres ont personnellement tenté d’interrompre le rassemblement, mais la police leur a ordonné de quitter la salle.
L’année précédente, alors que les Témoins de Jéhovah tenaient une assemblée à Riobamba (Équateur), le programme prévoyait un discours public intitulé “L’amour, utile dans un monde égoïste?” Mais un prêtre jésuite avait ameuté la populace catholique afin d’empêcher ce rassemblement. C’est pourquoi, pendant le discours, on entendait une foule de gens qui vociférait: “Longue vie à l’Église catholique!” et: “À bas les protestants!” La police, ce qui est tout à son honneur, a tenu la foule à distance, sabres au clair. De dépit, la foule a lancé des pierres sur le bâtiment où avait lieu l’assemblée et, plus tard, sur celui où habitaient les missionnaires.
Si le clergé catholique était à l’avant-garde dans la persécution, il n’était pas seul pour autant. Le clergé orthodoxe grec était aussi acharné et employait les mêmes méthodes dans sa zone d’influence plus réduite. En outre, là où ils pensaient pouvoir y parvenir, nombre d’ecclésiastiques protestants ont manifesté le même état d’esprit. En Indonésie, par exemple, ils ont mené des foules qui ont interrompu des études bibliques dans des foyers et ont sauvagement battu les Témoins de Jéhovah qui s’y trouvaient. Dans certains pays d’Afrique, ils se sont efforcés d’amener les autorités à expulser les Témoins ou à les priver de la liberté de parler de la Parole de Dieu. Bien qu’en désaccord dans d’autres domaines, les clergés catholique et protestants dans leur ensemble s’entendent pour ce qui est de s’opposer aux Témoins de Jéhovah. Ils ont parfois conjugué leurs efforts pour inciter des fonctionnaires à mettre un terme à l’activité des Témoins. Également dans les endroits où des religions non chrétiennes prédominent, celles-ci se sont souvent servies du gouvernement pour empêcher que les gens ne soient exposés à des enseignements qui risqueraient de les amener à s’interroger sur la religion qu’ils ont reçue à leur naissance.
Parfois, ces groupes non chrétiens ont uni leurs forces avec de prétendus chrétiens dans le but de maintenir le statu quo religieux. À Dekin (Dahomey, aujourd’hui le Bénin), au début des années 50, un prêtre juju et un prêtre catholique ont comploté d’amener des fonctionnaires à interdire l’activité des Témoins de Jéhovah. Dans leur acharnement, ils ont inventé des accusations destinées à susciter toutes sortes de sentiments hostiles. Ils reprochaient aux Témoins de pousser le peuple à la révolte contre le gouvernement, de ne pas payer les impôts, d’empêcher les juju de donner la pluie et d’être responsables de l’inefficacité des prières du prêtre. Tous ces chefs religieux avaient peur que les gens n’acquièrent des connaissances qui les affranchiraient des croyances superstitieuses et d’une vie d’obéissance aveugle.
Peu à peu, cependant, le clergé a perdu de son influence en de nombreux endroits. À l’heure actuelle, quand il harcèle les Témoins, il n’a pas toujours le soutien de la police. Un jour de 1986, quand un prêtre orthodoxe grec a essayé d’interrompre une assemblée de Témoins de Jéhovah à Larissa (Grèce) en déchaînant la foule contre eux, le procureur de la République est intervenu avec d’importantes forces de police en faveur des Témoins. Parfois aussi, la presse dénonce assez vigoureusement des actes d’intolérance religieuse.
Il n’empêche que dans de multiples régions du monde, d’autres questions ont déclenché des vagues de persécution. L’une d’elles a trait à l’attitude des Témoins de Jéhovah vis-à-vis des emblèmes nationaux.
Parce qu’ils n’adorent que Jéhovah
Au XXe siècle, c’est dans l’Allemagne nazie que, pour la première fois, les Témoins de Jéhovah se sont sérieusement heurtés à des questions relatives aux cérémonies nationalistes. Hitler s’efforçait d’enrégimenter la nation en imposant le salut nazi, “Heil Hitler!” Comme l’a rapporté Björn Hallström, journaliste suédois et présentateur à la BBC, quand les Témoins de Jéhovah d’Allemagne étaient arrêtés à l’époque nazie, en général on les accusait entre autres de “refuser de saluer le drapeau et de faire le salut nazi”. Bientôt, d’autres nations ont commencé à exiger que chaque citoyen salue le drapeau. Les Témoins de Jéhovah refusaient, non par déloyauté, mais pour des motifs de conscience chrétienne. Ils respectent le drapeau, mais considèrent le salut au drapeau comme un acte d’adorationf.
Au début de l’époque nazie en Allemagne, quelque 1 200 Témoins ont été emprisonnés parce qu’ils refusaient de faire le salut nazi et de renoncer à leur neutralité chrétienne; peu après, des milliers d’autres ont été maltraités aux États-Unis parce qu’ils refusaient de saluer le drapeau américain. Au cours de la semaine du 4 novembre 1935, un certain nombre d’écoliers de Canonsburg (Pennsylvanie) ont été emmenés dans la chaufferie de l’école et fouettés parce qu’ils refusaient de saluer le drapeau. Grace Estep, une enseignante, a perdu son poste dans cette école pour la même raison. Le 6 novembre, William et Lillian Gobitas ont refusé de saluer le drapeau et ont été expulsés de l’école à Minersville (Pennsylvanie). Leur père a engagé des poursuites pour que ses enfants y soient de nouveau admis. Dans cette affaire, le tribunal fédéral de première instance puis la cour d’appel itinérante ont prononcé un jugement favorable aux Témoins de Jéhovah. Néanmoins, en 1940, la nation étant au bord de la guerre, la Cour suprême des États-Unis, dans l’affaire Secteur scolaire de Minersville contre Gobitis, a décidé par 8 voix contre 1 de rendre le salut au drapeau obligatoire dans les écoles publiques. Cette décision a provoqué un déchaînement de violence à l’échelle nationale contre les Témoins de Jéhovah.
Les attaques violentes perpétrées contre les Témoins ont été si nombreuses que Mme Eleanor Roosevelt (la femme du président Franklin Roosevelt) a supplié le public d’y mettre un terme. Le 16 juin 1940, Francis Biddle, substitut du ministre de la Justice des États-Unis, dans une intervention radiodiffusée d’un bout à l’autre du pays, a parlé précisément des atrocités commises contre les Témoins et a dit que celles-ci ne seraient pas tolérées. Mais cela n’a pas endigué le flot des persécutions.
Dans toutes les circonstances imaginables, dans les rues, au travail, quand les Témoins rendaient visite aux gens dans le cadre de leur ministère, on leur mettait des drapeaux devant les yeux et on exigeait qu’ils les saluent, sinon... À la fin de 1940, l’Annuaire des Témoins de Jéhovah (en anglais) a raconté: “La Hiérarchie et la Légion américaine, se servant de telles foules qui faisaient la loi, ont causé avec violence des ravages indescriptibles. Des Témoins de Jéhovah ont été attaqués, battus, kidnappés, expulsés des villes, des comtés et des États, enduits de goudron et recouverts de plumes, forcés à boire de l’huile de ricin, attachés ensemble et pourchassés comme des bêtes dans les rues, castrés et mutilés, raillés et insultés par des foules en proie aux démons, jetés en prison par centaines sans accusation, tenus au secret, privés du droit de parler à leur famille, à leurs amis ou à des avocats. Des centaines d’autres ont été incarcérés et gardés en prison, soi-disant pour les protéger; certains ont essuyé des coups de feu la nuit; certains ont été menacés d’être pendus et ont été battus jusqu’à perdre conscience. La foule s’est livrée à toutes sortes de violences. À beaucoup on a arraché leurs vêtements, confisqué leurs Bibles et leurs publications, qu’on a brûlées publiquement; leurs automobiles, leurs caravanes, leurs maisons et leurs lieux d’assemblées ont été saccagés et incendiés (...). Dans de nombreux cas de procès qui avaient lieu dans des localités où la foule dictait sa volonté, les avocats aussi bien que les témoins ont été assaillis et battus en plein tribunal. Dans presque tous les cas de violence populaire, les autorités n’ont pas bronché et ont refusé leur protection; dans des dizaines de cas, les représentants de l’ordre ont participé aux attaques et ont même parfois guidé les foules.” Aux États-Unis, entre 1940 et 1944, on a recensé plus de 2 500 cas d’agressions violentes par la foule visant les Témoins de Jéhovah.
Comme de très nombreux enfants de Témoins de Jéhovah avaient été expulsés des écoles, pendant un temps à la fin des années 30 et au début des années 40, il leur a fallu tenir leurs propres écoles aux États-Unis et au Canada afin d’instruire leurs enfants. On les appelait les Écoles du Royaume.
D’autres pays ont persécuté cruellement les Témoins parce qu’ils refusaient de saluer ou d’embrasser les emblèmes nationaux. En 1959, des enfants de Témoins de Jéhovah du Costa Rica qui ne pratiquaient pas ce que la loi appelait ‘l’adoration des emblèmes nationaux’ ont été renvoyés de l’école. Une mesure analogue a été appliquée à des enfants de Témoins au Paraguay en 1984. En 1959, la Cour suprême des Philippines a décrété que malgré leurs objections religieuses on pouvait obliger les enfants des Témoins de Jéhovah à saluer le drapeau. Néanmoins, les autorités scolaires de ce pays ont, dans la plupart des cas, coopéré avec les Témoins de façon que leurs enfants puissent assister aux cours sans transiger avec leur conscience. En 1963, des fonctionnaires du Liberia (Afrique occidentale) ont accusé les Témoins de déloyauté envers l’État; ils ont interrompu par la force une assemblée à Gbarnga et ont exigé que toutes les personnes présentes, tant les Libériens que les étrangers, fassent serment d’allégeance au drapeau de la nation. En 1976, un rapport intitulé “Les Témoins de Jéhovah à Cuba” stipulait qu’au cours des deux années précédentes un millier de parents, pères et mères, avaient été incarcérés parce que leurs enfants ne saluaient pas le drapeau.
Tout le monde n’a pas approuvé ces mesures répressives contre des gens qui, par motif de conscience, s’abstiennent avec respect de participer aux cérémonies patriotiques. The Open Forum, hebdomadaire publié par la filiale sud-californienne de l’Union pour les libertés civiles en Amérique, a déclaré en 1941: “Il est grand temps que nous reprenions nos esprits pour ce qui est de la question du salut au drapeau. Les Témoins de Jéhovah ne sont pas des Américains déloyaux. (...) Ils ne transgressent pas la loi en général, mais mènent une vie décente et réglée, contribuant ainsi au bien de tous.” En 1976, un journaliste d’Argentine a fait observer avec honnêteté dans le Herald de Buenos Aires que “les croyances des Témoins sont choquantes uniquement pour ceux qui pensent que le patriotisme est avant tout une question de salut au drapeau et de chants patriotiques, et non pas une question de cœur”. Il a ajouté: “Hitler et Staline les ont trouvés [les Témoins] indigestes et les ont traités d’une façon abominable. En voulant les imiter, de nombreux autres dictateurs ont essayé de supprimer [les Témoins], sans succès d’ailleurs.”
Il est notoire que certains groupes religieux ont soutenu la violence armée contre des gouvernements qu’ils désapprouvaient. Mais nulle part dans le monde les Témoins de Jéhovah ne se sont jamais livrés à la subversion politique. S’ils refusent de saluer un emblème national, ce n’est pas par déloyauté, parce qu’ils soutiendraient quelque autre gouvernement humain. Ils adoptent la même position quel que soit le pays où ils vivent. Leur attitude n’est pas irrespectueuse. Ils ne sifflent ni ne crient pour perturber les cérémonies patriotiques; ils ne crachent pas sur le drapeau, ni ne le piétinent, ni ne le brûlent. Ils ne sont pas contre les gouvernements. Leur position est fondée sur les paroles mêmes de Jésus Christ, consignées en Matthieu 4:10: “C’est Jéhovah, ton Dieu, que tu devras adorer, et c’est lui seul que tu devras servir par un service sacré.”
La position adoptée par les Témoins de Jéhovah est similaire à celle des premiers chrétiens sous l’Empire romain. À leur propos, le livre Essentials of Bible History (Rudiments d’histoire biblique) déclare: “Le culte de l’empereur consistait à jeter quelques grains d’encens ou quelques gouttes de vin sur un autel situé devant une image de l’empereur. Avec le recul du temps, il se peut que nous ne voyions dans cet acte rien de plus (...) qu’un geste de la main pour saluer le drapeau ou un chef d’État illustre, c’est-à-dire un signe de politesse, de respect ou de patriotisme. Cela devait aussi être l’avis d’un grand nombre de personnes au Ier siècle. Cependant, les chrétiens considéraient ce geste comme un acte d’adoration par lequel on reconnaissait la divinité de l’empereur, donc un acte d’infidélité à Dieu et à Christ. C’est pourquoi ils se refusaient à agir ainsi.” — Elmer Mould, 1951, page 563.
Haïs parce qu’ils ne font “pas partie du monde”
Étant donné que, selon les paroles de Jésus, ses disciples ne feraient “pas partie du monde”, les Témoins de Jéhovah ne se mêlent pas de politique (Jean 17:16; 6:15). En cela également, ils sont comme les premiers chrétiens. À leur sujet, les historiens rapportent:
“Les dirigeants du monde païen comprenaient mal et désapprouvaient le christianisme primitif. (...) Les chrétiens refusaient d’accomplir certains devoirs du citoyen romain. (...) Ils n’occupaient aucune charge politique.” (On the Road to Civilization — A World History [Sur le chemin de la civilisation: Histoire du monde], A. Heckel et J. Sigman, 1937, pages 237, 238). “Ils refusaient de prendre part à l’administration civile ou à la défense militaire de l’Empire. (...) À moins de renoncer à l’exercice d’un devoir plus sacré, ils ne pouvaient se soumettre aux fonctions de soldats, de magistrats ou de princes.” — History of Christianity (Histoire du christianisme), Edward Gibbon, 1891, pages 162, 163.
Cette position n’est pas du goût du monde, surtout dans les pays où les dirigeants exigent que tous les citoyens montrent leur soutien au système politique en participant à certaines activités. Il en résulte ce que Jésus a énoncé: “Si vous faisiez partie du monde, le monde chérirait ce qui est sien. Mais parce que vous ne faites pas partie du monde et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait.” — Jean 15:19.
Dans certains pays, le vote lors d’élections politiques est considéré comme obligatoire. Ceux qui ne votent pas sont condamnés à des amendes, à l’emprisonnement, voire à pire. Cependant, les Témoins de Jéhovah soutiennent le Royaume messianique de Dieu, qui, pour reprendre les termes de Jésus, “ne fait pas partie de ce monde”. En conséquence, ils ne participent pas aux affaires politiques des nations du monde actuel (Jean 18:36). La décision qu’ils prennent est personnelle; ils n’imposent pas leurs opinions aux autres. Dans des pays où la tolérance religieuse fait défaut, des autorités gouvernementales prennent le prétexte de la non-participation des Témoins pour les persécuter cruellement. À l’époque des nazis, par exemple, il en a été ainsi dans les pays qu’ils dominaient. Il en va de même à Cuba. Heureusement, dans de nombreux pays les autorités sont plus tolérantes.
Néanmoins, dans certains pays, les dirigeants exigent que tous les citoyens montrent leur soutien au parti politique au pouvoir en criant certains slogans. Comme leur conscience le leur interdisait, des milliers de Témoins de Jéhovah d’Afrique orientale ont été battus, privés de leur gagne-pain et chassés de chez eux dans les années 70 et 80. Mais les Témoins de Jéhovah de tous les pays, bien que travailleurs et respectueux des lois, restent neutres quant aux questions politiques.
Au Malawi, il y a un parti politique unique, et la possession d’une carte du parti indique qu’on en est membre. Bien que les Témoins aient une conduite exemplaire en ce qu’ils paient leurs impôts, ils refusent, conformément à leurs croyances religieuses, d’acheter la carte d’un parti politique. Cela reviendrait à renier leur foi dans le Royaume de Dieu. Pour cette raison, à la fin de 1967, des bandes de jeunes, encouragés par les autorités, ont déclenché dans tout le pays une attaque à outrance contre les Témoins de Jéhovah, attaque dont l’obscénité et la cruauté sadique étaient sans précédent. Plus de mille chrétiennes pieuses ont été violées. Certaines ont été déshabillées devant des foules nombreuses, battues à coups de bâton et de poing, puis violées par un homme après l’autre. On a transpercé les pieds des Témoins masculins avec des clous et leurs jambes avec des rayons de bicyclette, puis on leur a donné l’ordre de courir. D’un bout à l’autre du pays, on a détruit leurs maisons, leurs meubles, leurs vêtements et leurs réserves de nourriture.
En 1972, une nouvelle vague de brutalité a déferlé à la suite de l’assemblée annuelle du parti du Congrès du Malawi. À cette assemblée, on a décidé officiellement de priver les Témoins de Jéhovah de tout emploi et de les chasser de chez eux. Même les requêtes d’employeurs qui voulaient garder ces ouvriers dignes de confiance n’ont servi à rien. On a confisqué ou détruit les maisons des Témoins, leurs récoltes et leurs animaux domestiques. On leur a interdit de tirer de l’eau au puits du village. Nombre d’entre eux ont été battus, violés, estropiés ou assassinés. On se moquait également de leur foi. Finalement, au moins 34 000 Témoins ont fui le pays pour échapper à la mort.
Mais ils n’étaient pas au bout de leurs souffrances. D’un pays d’abord, puis d’un autre, on les a obligés à repasser la frontière et ils se sont retrouvés aux mains de leurs persécuteurs, qui les ont traités encore plus brutalement. Malgré tout cela, ils n’ont fait aucun compromis ni n’ont renié leur foi en Jéhovah. Ils ont suivi l’exemple des fidèles serviteurs de Dieu à propos desquels la Bible déclare: “D’autres ont subi l’épreuve des moqueries et des fouets, et même celle des liens et de la prison. Ils ont été lapidés, ils ont été éprouvés, ils ont été sciés, ils sont morts égorgés par l’épée, ils ont circulé couverts de peaux de mouton, de peaux de chèvre, étant dans le besoin, dans la tribulation, étant maltraités; et le monde n’était pas digne d’eux.” — Héb. 11:36-38.
Persécutés dans toutes les nations
Les nations qui ont trahi leurs prétentions à la liberté en se livrant à de telles persécutions religieuses sont-elles des exceptions? Loin s’en faut. Jésus Christ a lancé cet avertissement à ses disciples: “Vous serez les objets de la haine de toutes les nations à cause de mon nom.” — Mat. 24:9.
Dans les derniers jours de l’actuel système de choses, qui courent depuis 1914, cette haine s’est particulièrement intensifiée. Le Canada et les États-Unis ont déclenché l’offensive en interdisant les publications bibliques pendant la Première Guerre mondiale, bientôt suivis par l’Inde et le Nyassaland (aujourd’hui appelé Malawi). Au cours des années 20, on a astreint les Étudiants de la Bible à des restrictions arbitraires en Espagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie et en Roumanie. Dans certains de ces pays, la diffusion de manuels bibliques a été interdite; parfois, même des réunions privées étaient déclarées illicites. D’autres pays se sont joints à l’attaque au cours des années 30, des interdictions (certaines portant sur les Témoins de Jéhovah, d’autres sur leurs publications) étant prononcées en Albanie, en Autriche, en Bulgarie, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Pologne, dans certains cantons de Suisse, dans ce qui était alors la Yougoslavie, en Côte de l’Or (aujourd’hui le Ghana), dans des territoires français d’Afrique, à la Trinité et aux Fidji.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des interdictions ont pesé sur les Témoins de Jéhovah, sur leur ministère public et sur leurs publications dans maintes régions du globe. Cela valait non seulement en Allemagne, en Italie et au Japon (tous trois sous régime dictatorial), mais aussi dans les nombreux pays qui sont passés directement ou indirectement sous leur domination avant et pendant la guerre. Parmi ces pays figurent l’Albanie, l’Autriche, la Belgique, la Corée, les Indes orientales néerlandaises (aujourd’hui l’Indonésie), la Norvège, les Pays-Bas et la Tchécoslovaquie. Durant ces années de guerre, l’Argentine, le Brésil, la Finlande, la France et la Hongrie ont promulgué des décrets officiels contre les Témoins de Jéhovah ou leur activité.
La Grande-Bretagne n’a pas directement proscrit l’activité des Témoins de Jéhovah pendant la guerre, mais elle a expulsé le surveillant de la filiale de la Société Watch Tower, de nationalité américaine, et s’est évertuée à entraver l’activité des Témoins par un embargo pour la durée de la guerre sur les envois de publications bibliques. Dans tout l’Empire britannique et le Commonwealth des nations, des interdictions formelles des Témoins de Jéhovah ou de leurs publications ont été imposées. L’Afrique du Sud, l’Australie, les Bahamas, le Basutoland (aujourd’hui le Lesotho), le Bechuanaland (aujourd’hui le Botswana), la Birmanie (le Myanmar), le Canada, Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka), Chypre, la Côte de l’Or (aujourd’hui le Ghana), la Dominique, les îles Fidji, la Guyane britannique (aujourd’hui la Guyana), les Îles Sous-le-Vent, l’Inde, la Jamaïque, le Nigeria, la Nouvelle-Zélande, le Nyassaland (aujourd’hui le Malawi), la Rhodésie du Nord (aujourd’hui la Zambie), la Rhodésie du Sud (aujourd’hui le Zimbabwe), Singapour et le Swaziland ont tous montré leur hostilité envers les serviteurs de Jéhovah en prenant des mesures à leur encontre.
À la fin de la guerre, la persécution a été un peu moins virulente dans certains pays, mais elle s’est intensifiée dans d’autres. Au cours des 45 années suivantes, outre qu’on a refusé de reconnaître officiellement les Témoins de Jéhovah dans de nombreux pays, des interdictions formelles les ont frappés, eux ou leurs activités, dans 23 pays d’Afrique, 9 pays d’Asie, 8 pays d’Europe, 3 pays d’Amérique latine et 4 nations insulaires. En 1992, les Témoins de Jéhovah étaient toujours soumis à des restrictions dans 24 pays.
Cela ne veut pas dire que tous les représentants de l’autorité s’opposent personnellement à l’œuvre des Témoins de Jéhovah. Nombre d’entre eux défendent la liberté de religion et reconnaissent que les Témoins sont un atout précieux pour la société. Ces hommes n’approuvent pas ceux qui poussent à prendre des mesures officielles à l’encontre des Témoins. Par exemple, avant l’indépendance de la Côte d’Ivoire, un prêtre catholique et un pasteur méthodiste ont essayé d’influencer un fonctionnaire de sorte que les Témoins de Jéhovah soient expulsés du pays; mais ils se sont rendu compte que les hommes auxquels ils s’adressaient n’étaient pas disposés à devenir des pions entre les mains du clergé. Quand, en 1990, un haut responsable a essayé de faire modifier la législation namibienne afin de traiter de façon discriminatoire les réfugiés qui étaient connus comme Témoins de Jéhovah, l’Assemblée constituante ne l’a pas laissé faire. Et dans de nombreux pays où les Témoins avaient été interdits, ils sont à présent reconnus officiellement.
Il n’empêche que, d’une façon ou d’une autre, dans toutes les parties de la terre, les Témoins de Jéhovah sont persécutés (2 Tim. 3:12). À certains endroits, la persécution est principalement le fait de gens grossiers, de parents opposés, de collègues ou de camarades de classe qui ne craignent pas Dieu. Mais quelle que soit l’identité des persécuteurs, quels que soient les arguments par lesquels ceux-ci s’évertuent à justifier leurs actions, les Témoins de Jéhovah comprennent ce que cache en réalité la persécution des vrais chrétiens.
La question en jeu
Depuis longtemps, les publications de la Société Watch Tower montrent que le premier livre de la Bible prédisait dans un langage symbolique l’inimitié ou haine que Satan le Diable et ceux qu’il domine éprouveraient à l’égard de l’organisation céleste de Jéhovah et de ses représentants sur la terre (Gen. 3:15; Jean 8:38, 44; Rév. 12:9, 17). Surtout à partir de 1925, La Tour de Garde a expliqué, en s’appuyant sur les Écritures, qu’il n’existe que deux organisations principales: celle de Jéhovah et celle de Satan. Et, comme le précise 1 Jean 5:19, “le monde entier [c’est-à-dire tous les humains qui ne font pas partie de l’organisation de Jéhovah] gît au pouvoir du méchant”. Voilà pourquoi tous les vrais chrétiens sont persécutés. — Jean 15:20.
Mais pourquoi Dieu permet-il qu’il en soit ainsi? En résulte-t-il quoi que ce soit de bon? Comme Jésus Christ l’a expliqué, avant qu’en qualité de Roi céleste il n’écrase Satan et son organisation méchante, les humains se verraient offrir la possibilité d’apprendre ce qu’est le Royaume de Dieu et de se ranger de son côté. Quand les prédicateurs de ce Royaume sont persécutés, la question suivante est davantage encore mise en évidence: Ceux qui en entendent parler feront-ils du bien aux “frères” du Christ et à leurs compagnons, manifestant ainsi de l’amour envers le Christ lui-même? Ou alors prendront-ils le parti de ceux qui n’arrêtent pas de maltraiter les représentants du Royaume de Dieu — ou encore, peut-être garderont-ils le silence devant ces mauvais traitements (Mat. 25:31-46; 10:40; 24:14)? Au Malawi, certains ont compris qui servait le vrai Dieu et ont uni leur sort à celui des Témoins persécutés. Plus d’un prisonnier et quelques gardes des camps de concentration allemands ont agi pareillement.
Même quand on profère des accusations mensongères contre eux et qu’on les maltraite, même quand on se moque d’eux à cause de leur foi, les Témoins de Jéhovah n’ont pas le sentiment que Dieu les abandonne. Ils savent que Jésus Christ a traversé des épreuves identiques (Mat. 27:43). Ils savent également qu’en demeurant fidèle à Jéhovah, Jésus a prouvé que le Diable est un menteur et a contribué à sanctifier le nom de son Père. Tous les Témoins de Jéhovah ont le désir de l’imiter. — Mat. 6:9.
La question en jeu n’est pas de savoir s’ils peuvent survivre à la torture et échapper à la mort. Jésus Christ a annoncé que certains de ses disciples seraient tués (Mat. 24:9). Lui-même l’a été. Mais il n’a jamais fait de compromis avec le principal Adversaire de Dieu, Satan le Diable, “le chef du monde”. Jésus a vaincu le monde (Jean 14:30; 16:33). La question en jeu est donc de savoir si les adorateurs du vrai Dieu lui resteront fidèles quelles que soient les difficultés. Les Témoins de Jéhovah des temps modernes ont largement prouvé qu’ils ont le même état d’esprit que l’apôtre Paul, qui a écrit: “Soit que nous vivions, nous vivons pour Jéhovah, soit que nous mourions, nous mourons pour Jéhovah. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons à Jéhovah.” — Rom. 14:8.
[Notes]
a À l’époque, les Étudiants de la Bible ne comprenaient pas clairement ce que les Témoins savent à présent sur le rôle d’enseignants, que la Bible attribue aux hommes dans la congrégation (1 Cor. 14:33, 34; 1 Tim. 2:11, 12). C’est pourquoi Maria Russell était co-rédactrice de La Tour de Garde; elle écrivait régulièrement dans ses pages.
b Joseph Rutherford, président de la Société Watch Tower; William Van Amburgh, secrétaire-trésorier de la Société; Robert Martin, responsable du bureau; Frederick Robison, membre du comité de rédaction de La Tour de Garde; Alexander Macmillan, un administrateur de la Société; George Fisher et Clayton Woodworth, compilateurs du livre Le mystère accompli.
c Giovanni DeCecca, qui travaillait dans le service qui s’occupait des congrégations italiennes au bureau de la Société Watch Tower.
d Le juge au tribunal itinérant Martin Manton, catholique fervent, a refusé une deuxième demande de mise en liberté sous caution le 1er juillet 1918. Quand le tribunal d’appel de première instance a ensuite réformé le jugement des inculpés, Martin Manton a été le seul à voter contre. Soit dit en passant, le 4 décembre 1939 une cour d’appel constituée spécialement a confirmé la condamnation de Martin Manton pour abus de pouvoir judiciaire, fraude et malhonnêteté.
e Ces hommes ont été condamnés injustement et leur culpabilité n’a pas été établie: la preuve en est que Joseph Rutherford est resté membre du barreau de la Cour suprême des États-Unis depuis son admission en mai 1909 jusqu’à sa mort en 1942. Dans 14 affaires portées devant la Cour suprême entre 1939 et 1942, Joseph Rutherford a fait partie des avocats. Dans les affaires Schneider contre État du New Jersey (en 1939) et Secteur scolaire de Minersville contre Gobitis (en 1940), il a plaidé en personne devant la Cour suprême. De plus, pendant la Seconde Guerre mondiale, le directeur du Bureau fédéral des prisons a accepté Alexander Macmillan, un des hommes emprisonnés injustement entre 1918 et 1919, comme visiteur attitré des prisons fédérales américaines, afin qu’il prenne soin des intérêts spirituels des jeunes hommes incarcérés à cause de leur neutralité chrétienne.
f The Encyclopedia Americana, vol. 11, 1942, p. 316, dit: “Le drapeau, comme la croix, est sacré. (...) Les règles et prescriptions relatives à l’attitude de l’homme envers les étendards de la nation sont énoncées en termes expressifs et forts, tels que ‘service du drapeau’, (...) ‘respect dû au drapeau’, ‘dévouement au drapeau’.” Au Brésil, Diário da Justiça du 16 février 1956, p. 1904, rapportait les propos suivants d’un officier militaire lors d’une cérémonie publique: “Le drapeau est devenu une divinité de la religion patriotique (...). Le drapeau est vénéré et adoré.”
[Entrefilet, page 642]
Les principaux persécuteurs de Jésus Christ ont été les chefs religieux.
[Entrefilet,page 645]
“L’ordination divine, ou mandat, d’un homme pour prêcher se fait par le don du Saint-Esprit à cet homme.”
[Entrefilet, page 647]
“Le mystère accompli” révélait au grand jour l’hypocrisie du clergé de la chrétienté.
[Entrefilet, page 650]
Des chrétiens et des chrétiennes ont été attaqués par des foules, incarcérés et retenus sans accusation ni procès.
[Entrefilet, page 652]
“Les peines d’emprisonnement sont manifestement excessives.” — Woodrow Wilson, président des États-Unis.
[Entrefilet, page 656]
Ceux qui n’obtempéraient pas aux ordres du prêtre n’avaient pas grande justice à espérer.
[Entrefilet, page 666]
Les prêtres persuadaient des instituteurs de laisser des enfants sortir de l’école pour jeter des pierres aux Témoins.
[Entrefilet, page 668]
Les ecclésiastiques conjuguaient leurs forces pour s’opposer aux Témoins.
[Entrefilet, page 671]
Des foules s’en prenaient aux Témoins aux États-Unis.
[Entrefilet, page 676]
Dans toutes les parties de la terre, les Témoins de Jéhovah sont persécutés.
[Encadré, page 655]
Le clergé se révèle
Les réactions de certains périodiques religieux à la condamnation de Joseph Rutherford et de ses collaborateurs en 1918 sont révélatrices:
◆ “The Christian Register”: “Ce que le gouvernement attaque dans ce cas avec une fermeté implacable, c’est la supposition que des idées religieuses, pourtant absurdes et pernicieuses, peuvent être propagées en toute impunité. C’est une vieille idée reçue, et jusqu’ici nous nous en sommes trop peu préoccupés. (...) Elle [la condamnation] semble sonner le glas du Russellisme.”
◆ “The Western Recorder”, une publication baptiste, a écrit: “Il n’est guère surprenant que le chef de ce culte hargneux soit incarcéré dans un établissement pour récalcitrants. (...) À cet égard, la question qui laisse perplexe en réalité est de savoir si les inculpés auraient dû être envoyés dans un asile d’aliénés ou en prison.”
◆ “The Fortnightly Review” a relevé le commentaire suivant, paru dans l’“Evening Post” de New York: “Nous sommes certains qu’en tout lieu les enseignants religieux prendront note de l’opinion de ce juge, selon laquelle l’enseignement d’une religion, sauf si elle est en accord absolu avec les lois établies, est un délit grave, qui l’est encore davantage si, en plus d’être ministre de l’évangile, on est sincère.”
◆ “The Continent” a qualifié les inculpés avec mépris de “disciples du défunt ‘pasteur’ Russell” et a déformé leurs croyances en disant que, selon eux, “tous, sauf les pécheurs, doivent être exemptés de combattre le kaiser allemand”. Il a prétendu qu’au dire du procureur général de Washington “quelque temps auparavant le gouvernement italien s’était plaint aux États-Unis de ce que Rutherford et ses collaborateurs (...) avaient fait circuler dans les armées italiennes une abondante propagande antimilitariste”.
◆ Une semaine plus tard, “The Christian Century” a publié in extenso la plupart de ces citations, ce qui montre que ses rédacteurs y adhéraient pleinement.
◆ “Truth”, revue catholique, a juste mentionné le verdict, puis a exprimé le sentiment de ses rédacteurs, par ces mots: “Les publications de cette association regorgent d’attaques virulentes contre l’Église catholique et sa prêtrise.” Voulant coller l’étiquette de “séditieux” à quiconque exprimerait publiquement son désaccord avec l’Église catholique, la revue ajoutait: “Il est de plus en plus évident qu’un esprit d’intolérance est étroitement lié à celui de sédition.”
◆ Ray Abrams, dans son livre “Preachers Present Arms” (Les prédicateurs présentent les armes), a fait cette remarque: “Lorsque les rédacteurs de journaux religieux reçurent la nouvelle concernant les peines de vingt ans, presque toutes ces publications, grandes et petites, s’en réjouirent. Je n’ai pas réussi à trouver une seule parole de sympathie dans les journaux des religions traditionnelles.”
[Encadré, page 660]
‘Persécutés pour des motifs religieux’
“Dans le camp de concentration de Mauthausen se trouvait un groupe de prisonniers qui n’étaient persécutés que pour des motifs religieux: les membres de la secte des ‘Étudiants sincères de la Bible’ ou ‘Témoins de Jéhovah’ (...). C’est parce qu’ils refusaient de prêter serment de fidélité à Hitler et d’effectuer un service militaire quel qu’il soit — conséquence politique de leurs croyances — qu’ils étaient persécutés.” — “Die Geschichte des Konzentrationslagers Mauthausen” (L’histoire du camp de concentration de Mauthausen), documenté par Hans Maršálek, Vienne (Autriche), 1974.
[Encadré/Illustration, page 661]
Traduction de la déclaration que les SS essayaient de forcer les Témoins à signer
Camp de concentration de..............................
Section no II
DÉCLARATION
Je soussigné(e) ...................................
né(e) le ..........................................
à .................................................
déclare par la présente ce qui suit:
1. Je reconnais que l’Union Internationale des Témoins de Jéhovah professe une doctrine erronée et poursuit, sous le couvert d’activités religieuses, des buts subversifs.
2. Je me suis, par conséquent, détourné totalement de cette organisation et je me suis aussi libéré intérieurement de cette secte.
3. J’affirme, par la présente, ne plus jamais participer aux activités de l’Union Internationale des Témoins de Jéhovah. Je dénoncerai sur-le-champ toute personne voulant me gagner à la doctrine erronée des Témoins de Jéhovah, ou témoignant d’une façon ou d’une autre de son appartenance à cette secte. Je remettrai immédiatement au poste de police le plus proche toute publication me parvenant de cette organisation.
4. Je veux observer dorénavant les lois de l’État, défendre ma patrie en cas de guerre, les armes à la main, et m’intégrer entièrement dans la communauté nationale.
5. Il m’a été spécifié que si j’agis contrairement aux termes de la présente déclaration, je serai replacé en détention administrative.
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Signature
[Encadré, page 662]
Lettres de condamnés à mort
De Franz Reiter (qui allait être guillotiné) à sa mère, le 6 janvier 1940, depuis le centre de détention de Berlin-Plötzensee:
“Je suis intimement convaincu d’avoir fait le bon choix. Je peux encore changer d’avis, mais ce serait être infidèle à Dieu. Tous ceux qui sont ici espèrent honorer Dieu en lui restant fidèles. (...) Avec la connaissance que j’ai acquise, si j’avais prêté serment [le serment militaire], je serais tombé dans un péché méritant la mort. J’aurais commis un grand mal et ne bénéficierais pas de la résurrection. Mais je reste attaché à ces paroles du Christ: ‘Quiconque veut sauver sa vie la perdra; mais celui qui perd sa vie à cause de moi la trouvera.’ Et maintenant, ma chère maman et tous mes frères et sœurs, ne soyez pas terrifiés, mais sachez qu’aujourd’hui j’ai appris ma condamnation à mort; je serai exécuté demain matin. Jéhovah me donne la force dont j’ai besoin, force qu’il a toujours donnée aux vrais chrétiens des temps passés. Les apôtres ont écrit que ‘quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché’. Il en est ainsi pour moi. Je l’ai démontré, vous pouvez l’attester. Ma chère maman, ne sois pas triste. Vous serez tous encouragés en connaissant toujours mieux les Saintes Écritures. Si vous restez fidèles jusqu’à la mort, nous nous reverrons à la résurrection. (...)
“Ton Franz
“À bientôt”
De Berthold Szabo, exécuté par un peloton à Körmend (Hongrie), le 2 mars 1945:
“Ma chère petite sœur, Marika!
“Au cours de l’heure et demie qui me reste, je vais essayer de t’écrire pour que tu informes nos parents de ma situation, que je suis près de mourir.
“Je leur souhaite la même paix de l’esprit que celle que j’éprouve durant les derniers instants que je suis en train de passer dans ce monde rempli de malheurs. Il est actuellement 10 heures, et je vais être exécuté à 11 heures et demie; mais je suis très calme. Je remets ma vie future entre les mains de Jéhovah et de son Fils bien-aimé, Jésus Christ, le Roi, qui n’oubliera jamais ceux qui l’aiment sincèrement. Je sais aussi qu’il y aura bientôt une résurrection de ceux qui sont morts, ou plutôt, de ceux qui se sont endormis, en Christ. Je tiens également à dire que je vous souhaite à tous les abondantes bénédictions de Jéhovah en raison de l’amour que vous m’avez manifesté. S’il te plaît, embrasse papa et maman pour moi, et aussi Anna. Il ne faut pas qu’ils s’inquiètent à mon sujet; nous allons nous revoir bientôt. Ma main est calme à présent, et je vais me reposer jusqu’à ce que Jéhovah me rappelle. Même en cette heure je serai fidèle au vœu que je lui ai fait.
“Le moment est maintenant venu. Que Dieu soit avec toi et avec moi.
“Avec tout mon amour, (...)
“Berthi”
[Encadré, page 663]
Remarqués pour leur courage et leurs convictions
◆ “Contre vents et marées, les Témoins détenus dans les camps se réunissaient et priaient ensemble, produisaient des brochures et faisaient des conversions. Se soutenant mutuellement par leur fraternité et, à la différence de beaucoup d’autres prisonniers, sachant bien pourquoi de tels lieux existaient et pourquoi ils devaient souffrir ainsi, ils se sont révélés un groupe de détenus remarquables quoique peu nombreux; on les identifiait à leur triangle violet et ils étaient connus pour leur courage et leurs convictions.” Ainsi s’est exprimée Christine King, dans “The Nazi State and the New Religions: Five Case Studies in Non-Conformity”. (L’État nazi et les nouvelles religions: Étude portant sur cinq cas de non-conformisme.)
◆ Le livre “Values and Violence in Auschwitz” (Valeurs et violence à Auschwitz), d’Anna Pawełczyńska, déclare: “Ce petit groupe de prisonniers constituaient une solide force idéologique et ils ont gagné leur bataille contre le nazisme. Le groupe allemand de cette secte était comme un minuscule îlot de résistance inébranlable au sein d’une nation terrorisée, et ce même esprit courageux se retrouvait parmi les Témoins du camp d’Auschwitz. Ils sont arrivés à gagner le respect des autres prisonniers (...), des détenus qui accomplissaient certaines tâches administratives et même des officiers SS. Tous savaient qu’aucun ‘Bibelforscher’ [Témoin de Jéhovah] n’obéirait à un ordre contraire à ses convictions religieuses.”
◆ Rudolf Hoess, dans son autobiographie, publiée dans le livre “Le commandant d’Auschwitz parle”, a rapporté l’exécution de certains Témoins de Jéhovah qui refusaient de renoncer à leur neutralité chrétienne. Il a dit: “C’est ainsi que je me représentais les premiers martyrs du christianisme, debout dans l’arène en attendant d’être dévorés par les bêtes fauves. Avec une expression de joie extatique, les yeux levés vers le ciel, les mains jointes pour la prière, ces hommes accueillirent la mort. Tous ceux qui avaient assisté à l’exécution — même les soldats du peloton — étaient profondément émus.” (Ce livre a été publié en Pologne sous le titre “Autobiografia Rudolfa Hössa-komendanta obozu oświęcimskiego”.)
[Encadré, page 673]
“Ils ne sont pas contre la patrie”
“Ils ne sont pas contre la patrie, mais tout simplement pour Jéhovah.” “Ils ne brûlent pas les ordres d’incorporation, ne se soulèvent pas (...) et ne participent à aucune forme de sédition.” “L’honnêteté et l’intégrité des Témoins ne font aucun doute. Quoi que l’on pense de ces gens — et beaucoup de personnes ont à leur sujet une opinion négative — on ne peut nier qu’ils mènent une vie exemplaire.” — Le “Telegram”, Toronto (Canada), juillet 1970.
[Encadré, page 674]
Qui est responsable?
Les Témoins de Jéhovah savent que leur responsabilité de prêcher ne dépend pas du fonctionnement de la Société Watch Tower ni d’une quelconque association déclarée. “Que la Société Watch Tower soit interdite, que ses filiales en différents pays soient fermées par la force et par l’intervention de l’État! Cela n’annule pas ni ne supprime la responsabilité imposée par Dieu aux hommes et aux femmes qui se sont voués à faire sa volonté et sur qui il a répandu son esprit. ‘Prêche!’ est-il clairement écrit dans sa Parole. Cet ordre l’emporte sur celui de n’importe quel homme.” (“La Tour de Garde”, 15 février 1950). Conscients de recevoir leurs ordres de Jéhovah Dieu et de Jésus Christ, les Témoins continuent à prêcher le message du Royaume malgré l’opposition qu’ils rencontrent.
[Encadré, page 677]
Comme les premiers chrétiens
◆ “Les Témoins de Jéhovah prennent leur religion beaucoup plus au sérieux que la plupart des autres personnes. Leurs principes nous rappellent ceux des premiers chrétiens qui étaient si impopulaires et que les Romains persécutaient si brutalement.” — “Akron Beacon Journal”, Akron (Ohio, États-Unis), 4 septembre 1951.
◆ “Ils [les premiers chrétiens] menaient une vie tranquille, morale, en un mot une vie modèle. (...) Dans tous les domaines, à la seule exception de l’encensement, ils étaient des citoyens exemplaires.” “Alors que le sacrifice au génie de l’empereur demeurait une façon de jauger le patriotisme, les autorités pouvaient-elles se permettre de fermer les yeux sur la désobéissance de ces chrétiens non patriotes? Les ennuis dans lesquels les chrétiens se sont retrouvés pour cette raison n’étaient pas très différents de ceux qu’a eus, durant les années de guerre, la secte entreprenante connue sous le nom de Témoins de Jéhovah aux États-Unis en rapport avec la question du salut au drapeau de la nation.” — “20 Centuries of Christianity” (20 siècles de christianisme), Paul Hutchinson et Winfred Garrison, 1959, page 31.
◆ “La chose la plus remarquable à propos des Témoins est peut-être leur insistance à faire passer l’obéissance à Dieu avant l’obéissance à toute autre puissance du monde.” — “These Also Believe” (Ceux-ci croient aussi), Charles Braden, 1949, page 380.
[Illustrations, page 644]
“The Pittsburgh Gazette” s’est longuement étendue sur les débats qui ont suivi le défi lancé par E. Eaton à Charles Russell.
[Illustration, page 646]
Des opposants ont répandu d’ignobles mensonges sur les relations conjugales de Charles et Maria Russell.
[Illustrations, page 648]
Le clergé a été furieux quand ont été diffusés 10 000 000 d’exemplaires de ce tract, qui exposait ses doctrines et ses pratiques à la lumière de la Parole de Dieu.
[Illustrations, page 649]
Les journaux ont attisé la persécution des Étudiants de la Bible en 1918.
[Illustrations, page 651]
Lors du jugement des membres du siège de la Société, on a beaucoup parlé du livre “Le mystère accompli”.
Tribunal de première instance et bureau de poste, Brooklyn (New York).
[Illustration, page 653]
Condamnés à une peine plus sévère que l’assassin qui a déclenché la Première Guerre mondiale. De gauche à droite: William Van Amburgh, Joseph Rutherford, Alexander Macmillan, Robert Martin, Frederick Robison, Clayton Woodworth, George Fisher, Giovanni DeCecca.
[Illustrations, page 657]
Lors de cette assemblée des Témoins à New York en 1939, environ 200 agitateurs, conduits par des prêtres, ont essayé de l’interrompre.
[Illustrations, page 659]
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de Témoins de Jéhovah ont été envoyés dans ces camps de concentration.
Insigne en forme de crâne des gardes SS (à gauche).
[Illustration, page 664]
Extrait d’un manuel d’étude de la Bible réduit par un procédé photographique, mis dans une boîte d’allumettes et remis clandestinement aux Témoins dans un camp de concentration.
[Illustrations, page 665]
Quelques-uns des Témoins dont la foi est passée au creuset de l’épreuve dans les camps de concentration nazis.
Mauthausen
Wewelsburg
[Illustration, page 667]
Attaque d’une foule près de Montréal (Québec) en 1945. De tels actes de violence suscités par le clergé contre les Témoins étaient courants dans les années 40 et 50.
[Illustration, page 669]
Des milliers de Témoins de Jéhovah (dont John Booth, ici en photo) ont été arrêtés alors qu’ils diffusaient des publications bibliques.
[Illustrations, page 670]
À la suite d’une décision prise par la Cour suprême contre les Témoins en 1940, les foules se sont déchaînées contre eux dans tous les États-Unis: des réunions ont été interrompues, des Témoins ont été battus et leurs biens ont été saccagés.
[Illustrations, page 672]
En de nombreux endroits, les enfants des Témoins ayant été expulsés des écoles publiques, il a fallu ouvrir des Écoles du Royaume.