PERFECTION
L’idée de perfection est exprimée au moyen de termes hébreux dérivés de verbes comme kalal (rendre parfait [voir Éz 27:4]), shalam (être terminé [voir Is 60:20]) et tamam (s’achever ou être achevé [voir Ps 102:27 ; Is 18:5]). Les Écritures grecques chrétiennes font le même emploi des mots téléïos (adjectif), téléïôtês (nom) et téléïoô (verbe) : ils emportent l’idée d’amener à la perfection ou au plein développement (Lc 8:14 ; 2Co 12:9 ; Jc 1:4), ou d’être grandi pleinement, d’être adulte ou mûr (1Co 14:20 ; Hé 5:14), d’avoir atteint la fin, le but ou l’objectif escompté ou fixé. — Jn 19:28 ; Ph 3:12.
Importance du bon point de vue. Pour bien comprendre la Bible, il ne faut pas commettre l’erreur courante de penser que tout ce qui est appelé “ parfait ” l’est au sens absolu, c’est-à-dire à un degré infini, sans limite. La perfection dans ce sens absolu ne s’applique qu’au Créateur, Jéhovah Dieu. C’est pourquoi Jésus put dire en parlant de son Père : “ Personne n’est bon, si ce n’est un seul : Dieu. ” (Mc 10:18). Jéhovah est incomparable dans son excellence ; il est digne de toute louange, est au-dessus de tout par ses qualités et par ses pouvoirs merveilleux, de sorte que “ son nom seul est à une hauteur inaccessible ”. (Ps 148:1-13 ; Jb 36:3, 4, 26 ; 37:16, 23, 24 ; Ps 145:2-10, 21.) Moïse exalta la perfection de Dieu en ces termes : “ Car je proclamerai le nom de Jéhovah. Attribuez la grandeur à notre Dieu ! Le Rocher, parfaite est son action, car toutes ses voies sont justice. Dieu de fidélité, chez qui il n’y a pas d’injustice ; il est juste et droit. ” (Dt 32:3, 4). Toutes les voies de Dieu, ses paroles et sa loi sont parfaites, affinées, pures et sans défaut (Ps 18:30 ; 19:7 ; Jc 1:17, 25). Il n’y a jamais aucune objection, aucune critique, aucun reproche qui soient justifiés concernant Dieu ou ses actions ; au contraire, la louange lui est toujours due. — Jb 36:22-24.
Toute autre perfection est relative. En conséquence, la perfection de n’importe quelle autre personne ou chose est relative et non absolue (voir Ps 119:96). Autrement dit, une chose est “ parfaite ” par rapport au but, ou à la fin, qu’a fixé celui qui a conçu ou produit cette chose, par rapport à l’usage que doit en faire son destinataire ou son utilisateur. Le sens même du mot perfection implique que quelqu’un détermine quand “ la fin ”, ou “ l’achèvement ”, a été atteinte, quelles sont les normes d’excellence, quelles exigences doivent être satisfaites et quels détails sont essentiels. En définitive, c’est Dieu le Créateur qui est le Juge final en matière de perfection, c’est lui qui définit les normes à respecter en accord avec ses desseins et ses intérêts qui sont justes. — Rm 12:2 ; voir JÉHOVAH (Un Dieu qui a des normes morales).
À titre d’exemple, la planète Terre fut une des créations de Dieu ; à la fin des six ‘ jours ’ de travail de création qu’il lui consacra, Dieu déclara que le résultat était “ très bon ”. (Gn 1:31.) La terre répondait à ses normes suprêmes d’excellence ; elle était donc parfaite. Pourtant, il chargea ensuite l’homme de ‘ la soumettre ’, ce qui signifiait sans doute qu’il devait la cultiver et faire de toute la planète, et pas seulement de l’Éden, un jardin de Dieu. — Gn 1:28 ; 2:8.
La tente, ou tabernacle, qui fut construite dans le désert sur l’ordre de Dieu et selon ses indications servit de type, c’est-à-dire de modèle prophétique sur une petite échelle, d’une “ tente plus grande et plus parfaite ”, dont le Très-Saint est le lieu de résidence céleste de Jéhovah dans lequel Christ Jésus entra en tant que Grand Prêtre (Hé 9:11-14, 23, 24). La tente terrestre était parfaite en ce qu’elle satisfaisait aux exigences divines et atteignait le but qu’on attendait d’elle. Mais lorsque le dessein de Dieu la concernant fut accompli, cette tente cessa d’être utilisée et d’exister. La perfection de ce qu’elle représentait était d’un degré bien plus élevé.
La ville de Jérusalem avec sa colline de Sion était appelée “ la perfection de la beauté ”. (Lm 2:15 ; Ps 50:2.) Cela ne veut pas dire que dans le moindre détail son aspect était suprêmement attrayant ; l’expression se rapporte plutôt à l’usage que Dieu faisait d’elle : la ville était rendue belle par la splendeur que Jéhovah lui avait conférée en la choisissant pour capitale de ses rois oints et pour emplacement de son temple (Éz 16:14). Tyr, riche ville commerciale, est comparée à un navire dont les constructeurs, ceux qui travaillaient pour les intérêts matériels de la ville, avaient ‘ rendu la beauté parfaite ’ en la remplissant de produits de luxe provenant de nombreux pays. — Éz 27:3-25.
Ainsi, dans chaque cas il faut examiner le contexte pour déterminer dans quel sens ou sous quel rapport s’entend la perfection.
La perfection de la Loi mosaïque. La Loi qui fut donnée à Israël par l’intermédiaire de Moïse prévoyait entre autres l’établissement d’une prêtrise et le sacrifice de divers animaux. Tout cela venait de Dieu et était donc parfait ; pourtant, comme le montre l’apôtre divinement inspiré, ni la Loi, ni la prêtrise, ni les sacrifices ne procurèrent la perfection à ceux qui étaient sous la Loi (Hé 7:11, 19 ; 10:1). Au lieu de libérer du péché et de la mort, la Loi rendit en fait le péché plus visible (Rm 3:20 ; 7:7-13). Mais toutes ces dispositions divines servirent quand même le but que Dieu leur avait fixé ; la Loi joua le rôle de “ précepteur ” pour mener les hommes à Christ et fut une parfaite “ ombre des bonnes choses à venir ”. (Ga 3:19-25 ; Hé 10:1.) Par conséquent, quand il parle d’“ une impuissance du côté de la Loi, pendant qu’elle était faible du fait de la chair ” (Rm 8:3), Paul pense manifestement au fait que le grand prêtre juif selon la chair (qui était nommé par la Loi pour procéder aux sacrifices et qui entrait dans le Très-Saint le jour des Propitiations avec le sang sacrificiel) était incapable de “ sauver complètement ” ceux qu’il servait, comme l’explique Hébreux 7:11, 18-28. Les sacrifices offerts par l’intermédiaire des prêtres aaroniques avaient beau permettre aux Israélites de conserver une bonne réputation devant Dieu, ils ne les affranchissaient pas complètement ou parfaitement de la conscience d’être pécheurs. C’est de cela que l’apôtre parle quand il dit que les sacrifices propitiatoires ne pouvaient pas ‘ rendre parfaits ceux qui s’approchaient ’, c’est-à-dire quant à leur conscience (Hé 10:1-4 ; voir aussi Hé 9:9). Le grand prêtre était incapable de fournir le prix de rachat nécessaire à une véritable rédemption du péché. Seuls la prêtrise durable de Christ et son sacrifice efficace apportent cela. — Hé 9:14 ; 10:12-22.
La Loi était “ sainte ”, ‘ bonne ’, “ excellente ” (Rm 7:12, 16), et quiconque aurait pu se conformer complètement à cette Loi parfaite se serait révélé un humain parfait, digne de la vie (Lv 18:5 ; Rm 10:5 ; Ga 3:12). C’est pour cette raison même qu’au lieu de procurer la vie la Loi apportait la condamnation, non parce qu’elle n’était pas bonne, mais à cause de la nature imparfaite et pécheresse des hommes qui étaient sous cette Loi (Rm 7:13-16 ; Ga 3:10-12, 19-22). Parfaite, la Loi rendait leur imperfection et leur condition de pécheurs particulièrement visibles (Rm 3:19, 20 ; Ga 3:19, 22). La Loi, à cet égard, servit aussi à identifier Jésus au Messie, car lui seul fut capable de la suivre dans tous ses aspects, se révélant ainsi un homme parfait. — Jn 8:46 ; 2Co 5:21 ; Hé 7:26.
La perfection de la Bible. Les Saintes Écritures constituent de la part de Dieu un message parfait, affiné, pur et vrai (Ps 12:6 ; 119:140, 160 ; Pr 30:5 ; Jn 17:17). Bien que des milliers d’années de copiage aient indéniablement introduit quelques variantes par rapport aux écrits originaux, ces variantes, de l’aveu général, sont très minimes, de sorte que, même si les copies et les traductions actuelles ne sont pas absolument sans défaut, le message divin qu’elles transmettent l’est.
Certains constatent peut-être que la Bible est un livre plus difficile à lire que beaucoup d’autres, un livre qui réclame davantage d’efforts et de concentration ; peut-être s’y trouve-t-il beaucoup de choses qu’ils ne comprennent pas. Des personnes critiques soutiennent peut-être que, pour être parfaite, la Bible ne devrait contenir aucune différence, même superficielle, ni rien qui, d’après leurs critères, ait l’air d’être des inconséquences. Néanmoins, aucune de ces remarques ne diminue en quoi que ce soit la perfection des Saintes Écritures. En effet, le véritable indicateur de la perfection de la Bible, c’est qu’elle correspond aux normes d’excellence établies par Jéhovah Dieu, qu’elle atteint la fin ou le but que Lui, son Auteur véridique, a fixé pour elle, et qu’elle ne contient aucun mensonge, étant la Parole révélée du Dieu de vérité. L’apôtre Paul souligne la perfection des “ écrits sacrés ” en disant : “ Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour reprendre, pour remettre les choses en ordre, pour discipliner dans la justice, pour que l’homme de Dieu soit pleinement qualifié, parfaitement équipé pour toute œuvre bonne. ” (2Tm 3:15-17). Ce que les Écritures hébraïques apportèrent à la nation d’Israël quand elle les observa, ce que l’ensemble des Écritures apporta à la congrégation chrétienne au Ier siècle et ce que la Bible peut apporter aux gens aujourd’hui, tout cela offre la preuve convaincante de ses qualités qui en font l’instrument idéal dont Dieu se sert pour accomplir son dessein. — Voir 1Co 1:18.
L’ensemble des Écritures, y compris les enseignements du Fils de Dieu, indique que l’acquisition de l’intelligence des desseins de Dieu, l’accomplissement de sa volonté et l’obtention du salut en vue de la vie dépendent avant tout du cœur de chacun (1S 16:7 ; 1Ch 28:9 ; Pr 4:23 ; 21:2 ; Mt 15:8 ; Lc 8:5-15 ; Rm 10:10). La Bible est unique en ce qu’elle peut “ discerner les pensées et les intentions du cœur ”, donc révéler ce qu’une personne est vraiment (Hé 4:12, 13). Il est clair, dans les Écritures, que Dieu n’a pas rendu la connaissance de sa personne accessible sans effort (voir Pr 2:1-14 ; 8:32-36 ; Is 55:6-11 ; Mt 7:7, 8). Il est également manifeste que Dieu fait en sorte que ses desseins soient révélés aux humbles et cachés aux orgueilleux, car ‘ il a trouvé bon d’agir ainsi ’. (Mt 11:25-27 ; 13:10-15 ; 1Co 2:6-16 ; Jc 4:6.) Si donc des personnes dont le cœur n’est pas sensible au message de la Bible découvrent dans celle-ci des choses qui, à leur avis, justifient qu’elles rejettent son message, ses réprimandes et sa discipline, ce n’est nullement l’indice d’une imperfection de la part de la Bible. C’est au contraire une confirmation des arguments bibliques qui viennent d’être exposés et, partant, une démonstration que la Bible est parfaite du point de vue de son Auteur, dont seule l’opinion est décisive (Is 29:13, 14 ; Jn 9:39 ; Ac 28:23-27 ; Rm 1:28). Le temps et les épreuves ont prouvé que les choses relatives à la Parole et aux voies de Dieu, estimées ‘ sottes ’ ou ‘ faibles ’ par les sages selon le monde, sont d’une sagesse et d’une force supérieures en comparaison avec les théories, les philosophies et les raisonnements des détracteurs humains. — 1Co 1:22-25 ; 1P 1:24, 25.
La foi demeure une exigence primordiale pour comprendre la Parole parfaite de Dieu. Quelqu’un pourrait penser que certains détails, certaines explications devraient figurer dans la Bible (pourquoi, dans tel cas, Dieu donna ou ne donna pas son approbation, ou pourquoi il agit de telle façon) ; il pourrait aussi se dire que d’autres détails fournis dans la Bible sont superflus. Mais cette personne devrait se rendre compte que si la Bible répondait à des normes ou à des critères humains, comme les siens, cela ne prouverait pas qu’elle est parfaite du point de vue de Dieu. Jéhovah atteste qu’un tel raisonnement est erroné quand il affirme la supériorité de ses pensées et de ses voies vis-à-vis de celles des humains, et donne l’assurance que sa parole “ à coup sûr [...] aura du succès ” dans l’accomplissement de son dessein (Is 55:8-11 ; Ps 119:89). Voilà ce que signifie la perfection, conformément aux définitions données au début de cet article.
Perfection et libre arbitre. Les renseignements qui précèdent aident à comprendre que des créatures parfaites de Dieu aient pu devenir désobéissantes. Penser que la désobéissance est incompatible avec la perfection, c’est méconnaître le sens de ce terme et y substituer une conception personnelle qui va à l’encontre des faits. Les créatures intelligentes de Dieu sont dotées de la liberté morale d’agir, du privilège et de la responsabilité de décider par elles-mêmes de la conduite à tenir (Dt 30:19, 20 ; Jos 24:15). Il est évident qu’il en allait ainsi du premier couple humain, de sorte que leur attachement à Dieu pouvait être mis à l’épreuve (Gn 2:15-17 ; 3:2, 3). Jéhovah étant leur Auteur, il savait ce qu’il voulait d’eux ; les Écritures montrent clairement qu’il ne voulait pas une obéissance automatique, presque mécanique, mais un culte et un service qui venaient de cœurs et d’esprits motivés par un amour sincère (voir Dt 30:15, 16 ; 1Ch 28:9 ; 29:17 ; Jn 4:23, 24). S’il avait manqué à Adam et à sa femme la capacité de faire un choix en la matière, ils n’auraient pas répondu aux exigences de Dieu ; ils n’auraient pas été complets, parfaits, selon ses normes.
Il ne faut pas oublier que la perfection, en ce qui concerne les humains, est relative, limitée à la sphère humaine. Bien que créé parfait, Adam ne pouvait pas outrepasser les limites que son Créateur lui avait fixées ; il ne pouvait pas manger de la terre, des cailloux ou du bois sans en subir les conséquences ; s’il avait essayé d’inspirer de l’eau plutôt que de l’air, il se serait noyé. De même, s’il nourrissait son esprit et son cœur de pensées mauvaises, il se mettrait à entretenir de mauvais désirs qui le conduiraient finalement au péché et à la mort. — Jc 1:14, 15 ; voir aussi Gn 1:29 ; Mt 4:4.
On se rend facilement compte que la volonté et les choix d’une créature sont déterminants. Si on soutient qu’un homme parfait ne peut pas adopter une conduite mauvaise face à une question d’ordre moral, ne faut-il pas logiquement affirmer aussi qu’une créature imparfaite ne peut pas avoir une bonne conduite face à une même question morale ? Pourtant, il y a bel et bien des créatures imparfaites qui adoptent une conduite droite sur des questions morales qui touchent à l’obéissance envers Dieu, qui préfèrent même subir des persécutions plutôt que de dévier de la droiture, alors que d’autres font délibérément ce qu’elles savent être mauvais. Toutes les mauvaises actions ne peuvent donc pas être excusées sous prétexte que les humains sont imparfaits. La volonté et les choix de l’individu sont des facteurs décisifs. Parallèlement, ce n’était pas la perfection humaine à elle seule qui garantissait que le premier homme agirait bien, mais plutôt l’usage de son libre arbitre et de sa liberté de choix, motivé par l’amour pour son Dieu et pour ce qui était juste. — Pr 4:23.
Le premier pécheur et le roi de Tyr. Le péché et l’imperfection des humains furent évidemment précédés par le péché et l’imperfection dans le monde des esprits, comme l’indiquent les paroles de Jésus en Jean 8:44 et le récit du chapitre 3 de la Genèse. Le chant funèbre rapporté en Ézékiel 28:12-19, bien qu’adressé au “ roi de Tyr ”, un humain, donne sans doute un équivalent de la conduite adoptée par le fils de Dieu, un esprit, qui fut le premier à pécher. L’orgueil du “ roi de Tyr ”, le fait qu’il se proclama ‘ dieu ’, qu’il soit qualifié de “ chérubin ” et la mention de l’“ Éden, le jardin de Dieu ”, concordent indéniablement avec les renseignements bibliques relatifs à Satan le Diable, qui se gonfla d’orgueil, qui est associé au serpent en Éden et qui est appelé “ le dieu de ce système de choses ”. — 1Tm 3:6 ; Gn 3:1-5, 14, 15 ; Ré 12:9 ; 2Co 4:4.
Le roi anonyme de Tyr, habitant la ville qui se prétendait “ parfaite en beauté ”, était lui-même “ plein de sagesse et parfait [adjectif apparenté à l’héb. kalal] en beauté ” et “ intègre [héb. : tamim] ” dans ses voies depuis sa création jusqu’à ce que l’injustice ait été trouvée en lui (Éz 27:3 ; 28:12, 15). La première application, directe, du chant funèbre contenu en Ézékiel concerne peut-être la lignée des souverains de Tyr plutôt qu’un roi particulier (comparer avec la prophétie énoncée contre le “ roi de Babylone ” anonyme en Is 14:4-20). Dans ce cas, il est peut-être question de l’amitié et de la coopération dont firent preuve au début les souverains tyriens, pendant les règnes de David et de Salomon, quand Tyr participa même à la construction du temple de Jéhovah sur le mont Moria. Au départ, donc, l’attitude officielle des Tyriens envers Israël, le peuple de Jéhovah, était irréprochable (1R 5:1-18 ; 9:10, 11, 14 ; 2Ch 2:3-16). Mais les rois qui vinrent ensuite abandonnèrent cette conduite “ intègre ”, si bien que Tyr s’attira la condamnation des prophètes de Dieu Yoël et Amos, ainsi que d’Ézékiel (Yl 3:4-8 ; Am 1:9, 10). En dehors de la similitude qu’elle établit entre la conduite du “ roi de Tyr ” et celle du principal Adversaire de Dieu, la prophétie illustre de nouveau que les mots “ perfection ” et “ intégrité ” peuvent être employés dans des sens limités.
Comment des serviteurs imparfaits de Dieu pouvaient-ils être qualifiés d’“ intègres ” ?
Le juste Noé se montra “ intègre parmi ses contemporains ”. (Gn 6:9.) Job était “ intègre et droit ”. (Jb 1:8.) Des expressions semblables sont appliquées à d’autres serviteurs de Dieu. Étant donné que tous ces hommes descendaient du pécheur Adam, et donc étaient pécheurs, ils étaient bien sûr ‘ intègres ’ et ‘ irréprochables ’ en ce sens qu’ils répondaient tout à fait aux exigences de Dieu à leur égard, lesquelles tenaient compte de leur imperfection et de leurs capacités amoindries (voir Mi 6:8). De même qu’un potier ne s’attendrait pas à façonner un vase d’aussi bonne qualité avec une argile ordinaire qu’avec une argile affinée spéciale, de même les exigences de Jéhovah prennent en considération la faiblesse des humains imparfaits (Ps 103:10-14 ; Is 64:8). Bien qu’ils aient commis des fautes et des erreurs à cause de leur imperfection, ces hommes fidèles firent montre d’“ un cœur complet [héb. : shalém] ” à l’égard de Jéhovah (1R 11:4 ; 15:14 ; 2R 20:3 ; 2Ch 16:9). Ainsi, dans les limites qu’il leur était possible d’atteindre, leur attachement était complet, sain, et satisfaisait aux exigences divines dans leur cas. Puisque leur culte plaisait à Dieu, le Juge, aucun humain ni aucune créature spirituelle n’avait le droit de critiquer le service qu’ils lui offraient. — Voir Lc 1:6 ; Hé 11:4-16 ; Rm 14:4 ; voir JÉHOVAH (Pourquoi il peut traiter avec des humains imparfaits).
Les Écritures grecques chrétiennes reconnaissent l’imperfection inhérente aux humains issus d’Adam. Jacques 3:2 explique que celui qui pourrait tenir sa langue en bride et ne pas trébucher en parole serait “ un homme parfait, capable de tenir [...] tout son corps en bride ” ; mais, en cela, “ tous, nous trébuchons souvent ”. (Voir aussi Jc 3:8.) Cependant, les Écritures indiquent que certaines perfections relatives sont à la portée des humains pécheurs. Jésus déclara à ses disciples : “ Vous devez donc être parfaits, comme votre Père céleste est parfait. ” (Mt 5:48). Il parlait ici de l’amour et de la générosité. Il montra que l’amour consistant simplement à ‘ aimer ceux qui nous aiment ’ était incomplet, défectueux ; ses disciples devaient donc parfaire leur amour, le porter à son plus haut degré, en aimant aussi leurs ennemis, suivant ainsi l’exemple de Dieu (Mt 5:43-47). De même, au jeune homme qui lui demanda comment obtenir la vie éternelle, Jésus expliqua que, même s’il obéissait déjà aux commandements de la Loi, certaines choses essentielles manquaient encore à son culte. S’il ‘ voulait être parfait ’, il devait porter son culte à son plein développement (voir Lc 8:14 ; Is 18:5) en comblant ces lacunes. — Mt 19:21 ; voir aussi Rm 12:2.
L’apôtre Jean montre que l’amour de Dieu est rendu parfait en ceux qui demeurent en union avec Lui, c’est-à-dire les chrétiens qui observent la parole de son Fils et qui s’aiment les uns les autres (1Jn 2:5 ; 4:11-18). Un tel amour parfait bannit la crainte et donne “ de la franchise ”. Le contexte de cette expression indique que Jean parle de “ la franchise envers Dieu ”, notamment dans la prière (1Jn 3:19-22 ; voir aussi Hé 4:16 ; 10:19-22). Celui en qui l’amour de Dieu trouve sa pleine expression peut s’avancer vers son Père céleste en toute confiance ; il ne se sent pas condamné dans son cœur comme s’il était hypocrite ou désapprouvé. Il sait qu’il observe les commandements de Dieu et qu’il fait ce qui plaît à son Père ; il est donc franc quand il s’adresse à Jéhovah et lui présente des requêtes. Il n’a pas l’impression que Dieu impose des restrictions quant à ce qu’il a le privilège de dire ou de demander (voir Nb 12:10-15 ; Jb 40:1-5 ; Lm 3:40-44 ; 1P 3:7). Aucune crainte morbide ne le retient ; il n’arrive pas au “ jour du jugement ” avec le sentiment d’avoir quelque faute à se reprocher ou avec le désir de cacher certaines choses (voir Hé 10:27, 31). De même qu’un enfant n’a pas peur de demander quoi que ce soit à ses parents qui l’aiment, de même le chrétien en qui l’amour est pleinement développé est sûr de ceci : “ Quoi que ce soit que nous demandions selon sa volonté, il nous entend. De plus, si nous savons qu’il nous entend concernant tout ce que nous demandons, nous savons que nous allons avoir les choses demandées puisque nous les lui avons demandées. ” — 1Jn 5:14, 15.
Ainsi, cet “ amour parfait ” ne bannit pas n’importe quelle crainte. Il n’élimine pas la crainte révérencielle et filiale envers Dieu, celle qui naît d’un profond respect pour sa position, pour sa puissance et pour sa justice (Ps 111:9, 10 ; Hé 11:7). Il ne fait pas non plus disparaître la crainte normale qui incite quelqu’un à éviter un danger ou à protéger sa vie quand cela est possible, ni la crainte provoquée par une alerte soudaine. — Voir 1S 21:10-15 ; 2Co 11:32, 33 ; Jb 37:1-5 ; Hab 3:16, 18.
En outre, les vrais chrétiens connaissent l’unité totale grâce au ‘ lien parfait ’ qu’est l’amour, qui les rend “ parfaits dans l’unité ”. (Col 3:14 ; Jn 17:23.) Bien sûr, la perfection de cette unité est aussi relative et ne signifie pas que toutes les différences de personnalité, telles que les capacités de chacun, ses habitudes et sa conscience, soient éliminées. Toutefois, lorsqu’on en atteint la plénitude, elle conduit à l’unité d’action, de croyance et d’enseignement. — Rm 15:5, 6 ; 1Co 1:10 ; Ép 4:3 ; Ph 1:27.
La perfection de Christ Jésus. En tant qu’humain, Jésus naquit parfait, saint, sans péché (Lc 1:30-35 ; Hé 7:26). Il va de soi que sa perfection physique n’était pas infinie, mais circonscrite à la sphère humaine ; il connut les limites humaines ; il ressentait la fatigue, la soif, la faim ; il était mortel (Mc 4:36-39 ; Jn 4:6, 7 ; Mt 4:2 ; Mc 15:37, 44, 45). Le dessein de Jéhovah Dieu était de faire de son Fils son Grand Prêtre en faveur de l’humanité. Bien qu’étant un homme parfait, Jésus dut être ‘ rendu parfait ’ (gr. : téléïoô) pour cette fonction, pour remplir entièrement les conditions requises par son Père, pour être mené à la fin ou à l’objectif escomptés. Les conditions requises étaient qu’il devienne, “ à tous égards, semblable à ses ‘ frères ’ ”, qu’il endure des souffrances, qu’il apprenne l’obéissance dans les épreuves, comme le feraient ses “ frères ”, ceux qui suivraient ses traces. Il serait alors capable de “ compatir à nos faiblesses ”, comme “ quelqu’un qui, à tous égards, a été mis à l’épreuve comme nous, mais sans péché ”. (Hé 2:10-18 ; 4:15, 16 ; 5:7-10.) De plus, après sa mort en sacrifice parfait et sa résurrection, il lui faudrait recevoir la vie immortelle en tant qu’esprit dans les cieux, étant ainsi “ rendu parfait pour toujours ” dans son rôle de prêtre (Hé 7:15–8:4 ; 9:11-14, 24). De la même façon, tous ceux qui serviront avec Christ comme sous-prêtres seront ‘ rendus parfaits ’, c’est-à-dire menés vers le but céleste qu’ils poursuivent et auquel ils sont appelés. — Ph 3:8-14 ; Hé 12:22, 23 ; Ré 20:6.
‘ Celui qui porte notre foi à la perfection. ’ Jésus est dénommé “ l’Agent principal [le Conducteur principal] de notre foi et Celui qui la porte à la perfection ”. (Hé 12:2.) Certes, bien avant la venue de Jésus Christ, la foi d’Abraham avait été “ rendue parfaite ” par ses œuvres de foi et d’obéissance, de sorte qu’il avait obtenu l’approbation de Dieu et qu’il était entré avec Dieu dans une alliance par serment (Jc 2:21-23 ; Gn 22:15-18). Mais la foi de tous ces hommes fidèles qui vécurent avant le ministère terrestre de Jésus était incomplète ou imparfaite en ce sens qu’ils ne comprenaient pas les prophéties, non encore accomplies à l’époque, qui le concernaient en tant que Semence et Messie de Dieu (1P 1:10-12). Avec la naissance de Jésus, son ministère, sa mort et sa résurrection pour la vie céleste, ces prophéties s’accomplirent, si bien que la foi au sujet de Christ reçut un fondement plus solide, renforcé par des faits historiques. La foi, ainsi rendue parfaite, est donc “ arrivée ” par Christ Jésus (Ga 3:24, 25), qui se révéla par ce moyen “ le chef ” (Jé), “ l’initiateur ” (TOB) ou l’Agent principal de notre foi. De sa position céleste, il continua de porter la foi de ses disciples à la perfection, en répandant sur eux de l’esprit saint à la Pentecôte et en leur transmettant des révélations qui, progressivement, nourrirent et firent croître leur foi. — Ac 2:32, 33 ; Hé 2:4 ; Ré 1:1, 2 ; 22:16 ; Rm 10:17.
“ Pas rendus parfaits en dehors de nous. ” Après avoir passé en revue les hommes fidèles des temps préchrétiens depuis Abel, l’apôtre dit qu’aucun de ces hommes n’obtint “ l’accomplissement de la promesse, car Dieu prévoyait pour nous quelque chose de meilleur, afin qu’ils ne soient pas rendus parfaits en dehors de nous ”. (Hé 11:39, 40.) “ Nous ”, ici, désigne manifestement les chrétiens oints (Hé 1:2 ; 2:1-4), les “ participants de l’appel céleste ” (Hé 3:1) pour lesquels Christ ‘ a inauguré un chemin nouveau et vivant ’ qui donne accès au lieu saint, la présence de Dieu dans les cieux (Hé 10:19, 20). Cet appel céleste implique qu’ils soient prêtres de Dieu et de Christ dans les cieux pendant le Règne millénaire de celui-ci. “ Le pouvoir de juger ” leur est aussi accordé (Ré 20:4-6). Logiquement, donc, la vie céleste et les privilèges que reçoivent les appelés constituent le “ quelque chose de meilleur ” que Dieu prévoyait pour ces chrétiens oints (Hé 11:40). Toutefois, leur révélation, c’est-à-dire leur entrée en action depuis le ciel avec Christ pour détruire le système méchant, doit déboucher sur la libération de l’esclavage de la corruption pour ceux qui, dans la création, aspirent à “ la liberté glorieuse des enfants de Dieu ”. (Rm 8:19-22.) Hébreux 11:35 montre que les hommes fidèles des temps préchrétiens restèrent intègres dans les souffrances “ afin de parvenir à une meilleure résurrection ”, meilleure évidemment que celle des “ morts ” dont il est question au début du verset et qui finirent par mourir de nouveau (voir 1R 17:17-23 ; 2R 4:17-20, 32-37). Ainsi, pour ces fidèles des temps préchrétiens, être “ rendus parfaits ” doit avoir trait à leur résurrection ou retour à la vie pour ensuite être ‘ libérés de l’esclavage de la corruption ’ grâce aux services de la prêtrise de Christ Jésus et de ses sous-prêtres au cours du Règne millénaire.
Les humains retrouvent la perfection sur la terre. “ Que ta volonté se fasse, comme dans le ciel, aussi sur la terre ! ” D’après cette prière, la planète doit connaître toute la force et les effets de l’exécution des desseins de Dieu (Mt 6:10). Le système méchant dirigé par Satan sera détruit. Tous les défauts et toutes les tares seront ôtés chez les survivants qui continueront avec obéissance de faire preuve de foi, de sorte que ce qui subsistera répondra aux normes divines d’excellence, de perfection et de santé. Il ressort clairement de Révélation 5:9, 10 que cela inclura la perfection des conditions terrestres et des créatures humaines. Ce passage déclare que des humains ‘ achetés pour Dieu ’ (voir aussi Ré 14:1, 3) deviennent “ un royaume et des prêtres pour notre Dieu, et ils doivent régner sur la terre ”. Sous l’alliance de la Loi, les prêtres avaient le devoir non seulement de représenter les individus devant Dieu pour ce qui était d’offrir les sacrifices, mais aussi de protéger la santé physique de la nation : ils officiaient pour la purification de ceux qui étaient souillés et, en cas de lèpre, déterminaient si la guérison avait eu lieu (Lv 13-15). Plus encore, les prêtres avaient la responsabilité de contribuer à l’élévation mentale et spirituelle du peuple, ainsi qu’à sa santé (Dt 17:8-13 ; Ml 2:7). Puisque la Loi possédait “ une ombre des bonnes choses à venir ”, il faut s’attendre à ce que la prêtrise céleste en fonction sous la direction de Christ Jésus au cours de son Règne millénaire (Ré 20:4-6) accomplisse une œuvre comparable. — Hé 10:1.
La description prophétique faite en Révélation 21:1-5 donne l’assurance que l’humanité rachetée vivra la disparition des larmes, des deuils, des cris, des douleurs et de la mort. Par Adam, le péché, avec ses conséquences, souffrance et mort, apparurent dans le genre humain (Rm 5:12), et cela fait assurément partie des “ choses anciennes ” qui doivent disparaître. La mort est le salaire du péché, et “ comme dernier ennemi, la mort sera réduite à rien ” grâce au Règne de Christ (Rm 6:23 ; 1Co 15:25, 26, 56). Pour l’humanité obéissante, cela signifie un retour à la perfection dont jouissait l’homme au début de son histoire, en Éden. Ainsi, les humains pourront bénéficier de la perfection non seulement sous le rapport de la foi et de l’amour, mais aussi en ce qui concerne l’affranchissement du péché ; ils satisferont pleinement et irréprochablement aux normes justes de Dieu les concernant. La prophétie de Révélation 21:1-5 a également trait au Règne millénaire de Christ, puisque la “ Nouvelle Jérusalem ”, dont la ‘ descente du ciel ’ est liée à la suppression des maux de l’humanité, est présentée comme “ l’épouse ” de Christ, sa congrégation glorifiée, c’est-à-dire ceux qui composent la prêtrise royale du Règne millénaire de Christ. — Ré 21:9, 10 ; Ép 5:25-32 ; 1P 2:9 ; Ré 20:4-6.
La perfection des hommes sera relative, limitée à la sphère humaine. Néanmoins, elle offrira assurément à ceux qui l’obtiendront la possibilité de jouir de la vie sur la terre au plus haut degré possible. “ De la joie à satiété est près de [la] face [de Jéhovah] ”, et dire que ‘ la tente de Dieu sera avec les humains ’ suppose des humains obéissants vers qui Jéhovah tournera sa face avec approbation (Ps 16:11 ; Ré 21:3 ; voir aussi Ps 15:1-3 ; 27:4, 5 ; 61:4 ; Is 66:23). Cependant, la perfection ne signifie pas la fin de la variété, comme certains le prétendent souvent. Le règne animal, qui est le résultat de l’‘ action parfaite ’ de Jéhovah (Gn 1:20-24 ; Dt 32:4), est extrêmement varié. De même, la perfection de la Terre n’est pas incompatible avec la variété, les changements ou les contrastes ; cette perfection autorise le simple et le complexe, le quelconque et le fantaisiste, l’aigre et le doux, le dur et le mou, les prairies et les forêts, les montagnes et les vallées. La perfection de la Terre, c’est la fraîcheur vivifiante du printemps naissant, la chaleur de l’été sous un ciel d’azur, le charme des couleurs de l’automne et la beauté immaculée de la neige qui vient de tomber (Gn 8:22). Les humains parfaits ne seront donc pas des créatures stéréotypées aux personnalités, aux talents et aux capacités identiques. Comme les définitions en début d’article l’ont montré, la perfection ne signifie pas forcément l’uniformité.