SENNAKÉRIB
(de l’akkadien, “ Sîn [le dieu-lune] m’a pris le lieu des frères ”).
Fils de Sargon II ; roi d’Assyrie. Il hérita de son père un empire très puissant, mais il dut passer la plus grande partie de son règne à mater des révoltes, particulièrement en rapport avec la ville de Babylone.
Il semble que, durant le règne de son père, Sennakérib ait été gouverneur ou général dans la région nord de l’Assyrie. Après son accession au trône, cette région lui causa sans doute peu de difficultés, les problèmes venant surtout du S. et de l’O. Le Chaldéen Merodak-Baladân (Is 39:1) quitta son refuge en Élam, où Sargon le père de Sennakérib l’avait relégué, et se proclama roi de Babylone. Sennakérib marcha contre lui et contre ses alliés élamites, et il les battit à Kish. Toutefois, Merodak-Baladân s’enfuit et se cacha de nouveau pendant trois ans. Sennakérib entra dans Babylone et mit Bel-ibni sur le trône comme vice-roi. Il organisa ensuite d’autres expéditions punitives pour contenir les peuples qui habitaient les régions de collines autour de l’Assyrie.
Puis, au cours de ce qu’il appela sa “ troisième campagne ”, Sennakérib alla contre le “ Hatti ”, terme qui, à l’époque, désignait sans doute la Phénicie et la Palestine (Textes du Proche-Orient ancien et histoire d’Israël, par J. Briend et M.-J. Seux, Paris, 1977, p. 118). Cette région était toute en révolte contre le joug assyrien. Parmi ceux qui avaient rejeté cette domination, il y avait le roi Hizqiya de Juda (2R 18:7), mais rien n’indique qu’il se soit allié aux autres royaumes en révolte.
Dans la 14e année de Hizqiya (732 av. n. è.), les armées de Sennakérib avancèrent vers l’O., prirent Sidon, Akzib, Akko et d’autres villes sur la côte phénicienne, puis se dirigèrent vers le S. Les listes montrent qu’à ce moment-là des royaumes, tels ceux de Moab, d’Édom et d’Ashdod, prirent peur et envoyèrent un tribut pour montrer leur soumission. Ashqelôn, récalcitrante, fut prise de force avec les villes voisines, Joppé et Beth-Dagôn. Une inscription assyrienne accuse le peuple et les nobles de la ville philistine d’Éqrôn d’avoir livré leur roi Padî à Hizqiya, qui, selon Sennakérib, “ le retint prisonnier, illégalement ”. (Ancient Near Eastern Texts, p. 287 ; voir 2R 18:8.) Les habitants d’Éqrôn auraient demandé de l’aide à l’Égypte et à l’Éthiopie afin d’éviter ou de contrecarrer l’attaque assyrienne.
Le récit biblique montre qu’à peu près à ce moment-là Sennakérib attaqua Juda ; il assiégea et prit de nombreuses villes fortifiées. Hizqiya envoya alors un message à l’Assyrien à Lakish, lui proposant de payer le tribut que Sennakérib imposerait (2R 18:13, 14). La prise de Lakish par Sennakérib est représentée sur une frise qui montre le roi assis sur un trône devant la ville vaincue, acceptant le butin qui lui est apporté, tandis que quelques captifs sont en train d’être torturés.
Le récit biblique n’indique pas si le roi Padî fut alors libéré (dans la mesure où il était réellement prisonnier de Hizqiya), mais il révèle que Hizqiya paya le tribut exigé par Sennakérib, soit 300 talents d’argent (env. 1 982 000 $) et 30 talents d’or (env. 11 560 000 $) (2R 18:14-16). Toutefois, Sennakérib envoya un comité de trois fonctionnaires afin de sommer le roi et les habitants de Jérusalem de capituler devant lui et, finalement, de se laisser envoyer en exil. Le message assyrien était particulièrement méprisant pour la confiance que Hizqiya mettait en Jéhovah. Par l’intermédiaire de son porte-parole, Sennakérib prétendait avec vantardise que Jéhovah serait tout aussi impuissant que les dieux des pays déjà tombés devant la puissance assyrienne. — 2R 18:17-35.
Le comité assyrien s’en retourna vers Sennakérib, qui combattait alors contre Libna, car celui-ci avait entendu dire “ au sujet de Tirhaqa le roi d’Éthiopie : ‘ Voici qu’il est sorti pour combattre contre toi. ’ ” (2R 19:8, 9). Les inscriptions de Sennakérib font état d’une bataille à Elteqé (à env. 15 km au N.-N.-O. d’Éqrôn) où il prétend avoir vaincu une armée égyptienne et les forces du “ roi d’Éthiopie ”. Puis il décrit sa conquête d’Éqrôn et raconte qu’il y réinstalla Padî, libéré, sur le trône. — Textes du Proche-Orient ancien et histoire d’Israël, p. 120.
Jéhovah inflige une défaite à l’armée de Sennakérib. Quant à Jérusalem, bien que Sennakérib ait envoyé des lettres de menace à Hizqiya, l’avertissant qu’il n’avait pas renoncé à son projet de prendre la capitale de Juda (Is 37:9-20), le récit montre que les Assyriens ‘ n’y tirèrent pas de flèche, n’élevèrent pas contre elle un rempart de siège ’. Jéhovah, que Sennakérib avait défié, envoya un ange qui, en une seule nuit, abattit “ dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes ”, si bien que Sennakérib s’en retourna, “ la honte au visage, dans son pays ”. — Is 37:33-37 ; 2Ch 32:21.
Les inscriptions de Sennakérib ne mentionnent nulle part le désastre essuyé par ses troupes. Mais, comme le professeur Jack Finegan le fait remarquer, “ étant donné l’esprit de vantardise qui, dans l’ensemble, caractérise les inscriptions des rois assyriens [...], on ne peut guère s’attendre à ce que Sennakérib ait rapporté une défaite pareille ”. (Light From the Ancient Past, 1959, p. 213.) Il est cependant intéressant de noter la version que Sennakérib propose de l’événement, telle qu’elle est inscrite sur ce qu’on appelle le Prisme de Sennakérib, conservé à l’Institut oriental à l’université de Chicago. Il dit en partie : “ Quant à Hazaqiyaʼu [Hizqiya] du pays [...] de Yaʼudu [Juda], qui ne s’était pas soumis à mon joug, j’assiégeai (et) je conquis 46 villes fortes à remparts lui (appartenant) et les innombrables petites villes de leurs environs au moyen d’entassement de rampes et d’approche de béliers, d’attaque de fantassins, de forages, de brèches et (de l’utilisation) d’instruments de siège ; j’en fis sortir et comptai pour butin 200 150 personnes, petits (et) grands, hommes et femmes, des chevaux, des mulets, des ânes, des chameaux, des bœufs et du petit bétail sans nombre. (Quant à) lui [Hizqiya], je l’enfermai dans Ursalimmu [Jérusalem] sa ville royale comme un oiseau en cage [...]. Je retranchai de son pays les villes que j’avais razziées et je (les) donnai à Mitinti, roi d’Asdudu [Ashdod], à Padî, roi d’Amqarruna [Éqrôn] et à Çilbêl, roi de Hazatu (Gaza) [...]. (Quant à) lui, Hazaqiyaʼu, [...] il envoya derrière moi à Ninâ (Ninive), ma ville seigneuriale, [...] 30 talents d’or, 800 talents d’argent, de l’antimoine de choix, des grands blocs de cornaline (?), des lits d’ivoire, des fauteuils d’ivoire, de la peau d’éléphant, de l’ivoire, de l’ébène, du buis (?), toutes sortes de choses, un lourd trésor, et ses filles, des femmes de son palais, des chanteurs, des chanteuses ; et il dépêcha un sien messager à cheval pour livrer le tribut et faire (acte d’)allégeance. ” — Textes du Proche-Orient ancien et histoire d’Israël, p. 120, 121.
Cette version empreinte de vantardise gonfle de 300 à 800 le nombre des talents d’argent envoyés, et elle fait sans aucun doute la même chose avec d’autres détails concernant le tribut versé ; mais sous d’autres rapports elle confirme remarquablement le récit biblique et montre que Sennakérib ne prétendit pas avoir pris Jérusalem. À remarquer toutefois que, selon Sennakérib, Hizqiya aurait payé le tribut après avoir été menacé par les Assyriens de subir le siège de Jérusalem, alors que la Bible montre qu’il le paya avant. On trouve la raison probable de cette inversion dans ce commentaire fait par un dictionnaire de la Bible (Funk and Wagnalls New Standard Bible Dictionary, 1936, p. 829) : “ La fin de cette campagne de S[ennakérib] reste très obscure. Ce qu’il fit après avoir pris Éqrôn [...] est toujours un mystère. Dans ses annales, S[ennakérib] situe à ce moment-là le châtiment qu’il infligea à Hizqiya, son invasion du pays de Juda et sa conquête du territoire et des villes de Juda. L’ordre dans lequel il relate les événements ressemble à un voile visant à dissimuler quelque chose qu’il ne désire pas mentionner. ” Le récit biblique révèle que Sennakérib rentra en hâte à Ninive après le désastre que Dieu fit subir à ses troupes ; c’est pourquoi le récit inversé de Sennakérib fait habilement croire que le tribut de Hizqiya lui aurait été versé par l’intermédiaire d’un messager spécial à Ninive. Il est certainement révélateur que les inscriptions et les récits anciens ne parlent d’aucune autre campagne de Sennakérib en Palestine, alors que, d’après les historiens, son règne dura encore 20 ans.
Josèphe, historien juif du Ier siècle de n. è., affirme citer le Babylonien Bérose (qu’on considère du IIIe siècle av. n. è.), qui aurait rapporté l’événement ainsi : “ Sénachérib, revenu à Jérusalem de son expédition contre l’Égypte, y trouva les troupes commandées par le général Rapsakès (en grand péril du fait de la peste). En effet, Dieu envoya à son armée, la première nuit du siège, une maladie pestilentielle qui fit périr cent quatre-vingt-cinq mille hommes avec leurs commandants et leurs taxiarques. ” (Antiquités judaïques, X, 21 [I, 5]). Certains commentateurs tentent d’expliquer ce désastre en invoquant un récit écrit par Hérodote (II, 141) au Ve siècle av. n. è., dans lequel il dit qu’“ un flot de rats des champs se répandit chez eux [les Assyriens] pendant la nuit, rongeant les carquois, rongeant les arcs, et aussi les courroies des boucliers ”, ce qui les laissa incapables d’envahir l’Égypte. À l’évidence, ce récit ne coïncide pas avec le récit biblique, et la description que fait Hérodote de la campagne assyrienne ne correspond pas non plus aux inscriptions assyriennes. Néanmoins, les récits de Bérose et d’Hérodote reflètent le fait que les troupes de Sennakérib subirent une difficulté soudaine et terrible au cours de cette campagne.
Sennakérib n’était pas pour autant au bout de ses peines ; après son retour en Assyrie, il dut réprimer une autre révolte à Babylone, soulevée par Merodak-Baladân. Cette fois, Sennakérib établit son propre fils, Ashournadinshoumi, roi à Babylone. Six ans plus tard, Sennakérib entreprit une campagne contre les Élamites, mais ils ripostèrent rapidement en envahissant la Mésopotamie. Ils capturèrent Ashournadinshoumi et mirent leur propre roi sur le trône de Babylone. Suivirent plusieurs années de lutte pour contrôler la région jusqu’à ce que Sennakérib en fureur se venge de Babylone en la rasant, une action sans précédent dans la mesure où Babylone était la “ Ville sainte ” de toute la Mésopotamie. Les dernières années de Sennakérib ne connurent apparemment aucun incident majeur.
On considère que la mort de Sennakérib survint environ 20 ans après sa campagne contre Jérusalem. Pour cela, on se fonde sur les annales assyriennes et babyloniennes, dont la fiabilité est sujette à caution. Quoi qu’il en soit, il faut relever que le récit biblique ne dit pas que la mort de Sennakérib survint immédiatement après son retour à Ninive. “ Par la suite, il entra dans la maison de son dieu ”, Nisrok, et ses fils, Adrammélek et Sharétser, “ l’abattirent par l’épée ” et se sauvèrent au pays d’Ararat (2Ch 32:21 ; Is 37:37, 38). Cela est confirmé par une inscription d’Ésar-Haddôn, son fils et successeur. — Ancient Records of Assyria and Babylonia, par D. Luckenbill, 1927, vol. II, p. 200, 201 ; voir ÉSAR-HADDÔN.
Travaux de construction. L’Empire assyrien ne connut donc pas d’expansion particulière sous Sennakérib. En revanche, ce roi accomplit une œuvre de construction ambitieuse à Ninive, à laquelle il avait redonné le rôle de capitale. L’immense palais qu’il y érigea était un ensemble comprenant des salles, des cours et des chambres d’apparat qui couvrait une superficie de 450 m de long sur 210 m de large. Sennakérib fit venir l’eau d’environ 50 km de là en construisant une digue sur le Gomel, ouvrage connu sous le nom d’aqueduc de Djerwân. Cette eau irriguait les jardins et les parcs, et remplissait le fossé qui entourait la ville, ce qui renforçait ses défenses.