L’Eucharistie : retour aux origines
DANS le monde entier, des personnes prennent régulièrement part à cette cérémonie : certaines plusieurs fois par an, d’autres chaque semaine, voire chaque jour. Elle est cependant qualifiée de mystère de la foi, et nombre des personnes qui y prennent part ne prétendent pas la comprendre. Elle est considérée comme sacrée, et revêtirait même un caractère miraculeux.
Cette cérémonie, c’est l’Eucharistie, la partie de la Messe où le prêtre prononce une bénédiction sur le pain et le vin, et où l’assemblée est invitée à recevoir Christ dans la sainte Communiona. Le pape Benoît XVI, parlant au nom des catholiques, a déclaré que cette cérémonie est “ le résumé et la somme de notre foi ”. Dernièrement, l’Église a observé l’“ Année de l’Eucharistie ” dans le cadre d’un effort visant, pour reprendre les termes de Benoît XVI, à “ réveiller et accroître chez les fidèles la foi eucharistique ”b.
Même les catholiques dont la foi est chancelante tiennent beaucoup à ce rite. Ainsi, dans un récent article de la revue Time, une femme présentée comme une jeune catholique progressiste écrit : “ Même si nous avons du mal à accepter les doctrines de la religion catholique, nous adhérons toujours à ce qui nous unit à la foi catholique : notre attachement à la célébration de l’Eucharistie. ”
Mais qu’est au juste l’Eucharistie ? Les disciples du Christ doivent-ils la célébrer ? Voyons tout d’abord comment cette tradition s’est développée. Nous pourrons ensuite nous arrêter sur une question plus importante : l’Eucharistie est-elle vraiment le reflet de la cérémonie instituée par Jésus Christ il y a près de 2 000 ans ?
La chrétienté et l’Eucharistie
On comprend aisément pourquoi certains considèrent que l’Eucharistie revêt un caractère miraculeux. Le moment fort de sa célébration est la prière eucharistique. Durant celle-ci, selon le Catéchisme de l’Église Catholique (no 1353), “ la force des paroles et de l’action du Christ, et la puissance de l’Esprit Saint, rendent sacramentellement présent ” le corps et le sang de Jésus. Après avoir pris le pain et le vin, le prêtre invite les fidèles à recevoir la Communion, habituellement en prenant part seulement au pain, aussi appelé hostie.
L’Église catholique enseigne que la substance du pain et du vin se transforme miraculeusement en celle du corps et du sang de Christ — on appelle cette doctrine la transsubstantiation. Cet enseignement est né progressivement. C’est au XIIIe siècle que le mot transsubstantiation a été défini et utilisé pour la première fois de façon officielle. À l’époque de la Réforme protestante, certains aspects de l’Eucharistie catholique ont été remis en question. Martin Luther a rejeté la doctrine de la transsubstantiation au profit de celle de la consubstantiation. La distinction est subtile. D’après Luther, le pain et le vin coexistent avec la chair et le sang de Jésus, mais ne se transforment pas en leur substance.
Avec le temps, d’autres points de désaccord ont surgi entre les différentes Églises de la chrétienté en rapport avec ces questions : que signifie l’Eucharistie, comment la célébrer et à quelle fréquence ? Quoi qu’il en soit, ce rite a gardé, sous une forme ou sous une autre, une importance fondamentale dans toute la chrétienté. Mais en quoi consistait la cérémonie que Jésus a instituée ?
L’institution du “ repas du Seigneur ”
C’est Jésus lui-même qui a institué “ le repas du Seigneur ”, ou Mémorial de sa mort (1 Corinthiens 11:20, 24). Toutefois, a-t-il établi un rite mystérieux au cours duquel ses disciples mangeraient son corps et boiraient son sang littéralement ?
Jésus venait juste de célébrer la Pâque juive et de renvoyer Judas Iscariote, l’apôtre qui allait le trahir. Matthieu, un des onze apôtres présents, a rapporté : “ Pendant qu’ils continuaient à manger, Jésus prit un pain et, après avoir dit une bénédiction, il le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : ‘ Prenez, mangez. Ceci représente mon corps. ’ Il prit aussi une coupe et, ayant rendu grâces [en grec : eukharistèsas], il la leur donna, en disant : ‘ Buvez-en tous ; car ceci représente mon “ sang de l’alliance ”, qui va être répandu en faveur de beaucoup pour le pardon des péchés. ’ ” — Matthieu 26:26-28.
Pour Jésus, comme pour tous les serviteurs de Dieu, il était naturel de demander la bénédiction sur la nourriture (Deutéronome 8:10 ; Matthieu 6:11 ; 14:19 ; 15:36 ; Marc 6:41 ; 8:6 ; Jean 6:11, 23 ; Actes 27:35 ; Romains 14:6). Y a-t-il une seule raison de croire que, en rendant grâces, Jésus accomplissait du même coup un miracle, permettant à ses disciples de consommer littéralement sa chair et son sang ?
“ Ceci est ” ou “ Ceci représente ” ?
Il est vrai que certaines traductions de la Bible rendent ainsi les paroles de Jésus : “ Prenez, mangez, ceci est mon corps. ” “ Buvez-en tous ; car ceci est mon sang. ” (Matthieu 26:26-28, Bible de Jérusalem). Il est également vrai que le mot éstin, une forme du verbe “ être ” en grec, a principalement pour sens “ est ”. Mais ce verbe a aussi le sens de “ signifier ”. Il est à noter que de nombreuses versions de la Bible traduisent couramment ce verbe par “ signifier ”, “ représenter ”c. C’est le contexte qui permet de déterminer l’équivalent exact. Par exemple, en Matthieu 12:7, bien des traductions de la Bible rendent éstin par “ signifier ” : “ Si vous aviez compris ce que signifie [en grec : éstin] : C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute. ” — Bible de Jérusalem.
À ce sujet, de nombreux biblistes respectés reconnaissent que le mot “ est ” ne rend pas exactement la pensée de Jésus dans ce passage. Ainsi, après avoir analysé la culture et la société où évoluait Jésus, le théologien catholique Jacques Dupont a abouti à la conclusion que le moyen “ le plus naturel ” de traduire ce verset serait : “ Ceci signifie mon corps ” ; ou : “ Ceci représente mon corpsd. ”
De toute manière, il était impossible que Jésus demande à ses disciples de manger sa chair et de boire son sang au sens propre. Pourquoi ? Quand, après le déluge, Dieu a autorisé Noé et ses descendants à manger la chair des animaux, il leur a clairement interdit de consommer du sang (Genèse 9:3, 4). Ce commandement a été répété dans la Loi mosaïque, à laquelle Jésus se conformait totalement (Deutéronome 12:23 ; 1 Pierre 2:22). En outre, l’esprit saint a inspiré les apôtres pour qu’ils réitèrent l’interdiction de consommer du sang, l’appliquant de la sorte à tous les chrétiens (Actes 15:20, 29). Jésus aurait-il institué une cérémonie qui aurait exigé de ses disciples qu’ils passent outre à un décret sacré du Dieu Tout-Puissant ? Cela est impossible !
De toute évidence, donc, Jésus s’est servi du pain et du vin comme de symboles. Le pain sans levain représentait, ou signifiait, son corps exempt de péché qui serait sacrifié. Le vin rouge représentait son sang qui serait répandu “ en faveur de beaucoup pour le pardon des péchés ”. — Matthieu 26:28.
Le but du Repas du Seigneur
Jésus a conclu la première célébration du Repas du Seigneur par ces mots : “ Continuez à faire ceci en souvenir de moi. ” (Luc 22:19). Effectivement, cette cérémonie nous aide à nous souvenir de Jésus et de tout ce que sa mort a accompli d’extraordinaire. Elle nous rappelle que Jésus a défendu la souveraineté de son Père, Jéhovah. Elle nous rappelle aussi que par sa mort en tant qu’humain parfait, sans péché, Jésus a donné “ son âme comme rançon en échange de beaucoup ”. Cette rançon permettrait à tous ceux qui exerceraient la foi en son sacrifice d’être libérés du péché et d’obtenir la vie éternelle. — Matthieu 20:28.
Cependant, le Repas du Seigneur est avant tout un repas de communion. Y ont part 1) Jéhovah Dieu, qui a pris les dispositions relatives à la rançon, 2) Jésus Christ, “ l’Agneau de Dieu ”, qui a fourni la rançon, et 3) les frères spirituels de Jésus. En prenant le pain et le vin, ces derniers montrent qu’ils sont pleinement unis au Christ (Jean 1:29 ; 1 Corinthiens 10:16, 17). Ils montrent aussi qu’ils sont sous “ la nouvelle alliance ” en qualité de disciples de Jésus oints de l’esprit. Ce sont eux qui seront rois et prêtres aux côtés de Christ dans les cieux. — Luc 22:20 ; Jean 14:2, 3 ; Révélation 5:9, 10.
Quand devrait-on célébrer le Mémorial ? La réponse devient évidente lorsqu’on se souvient que Jésus a choisi un jour particulier pour l’instituer : le jour de la Pâque. Les serviteurs de Dieu observaient cette fête chaque année, le 14 Nisan de leur calendrier, depuis plus de 1 500 ans pour commémorer un acte salvateur remarquable que Jéhovah avait accompli en leur faveur. Manifestement, Jésus demandait à ses disciples de retenir le même jour pour commémorer l’acte salvateur bien plus grand que Dieu avait rendu possible par la mort de Christ. Les véritables disciples de Jésus assistent donc au Repas du Seigneur chaque année, le jour correspondant au 14 Nisan du calendrier hébreu.
Agissent-ils ainsi parce qu’ils sont attachés à un rite ? Reconnaissons-le, c’est ce qui motive nombre de ceux qui célèbrent l’Eucharistie. Dans l’article du Time déjà cité, la rédactrice admet : “ Il y a quelque chose de profondément apaisant à participer à des rites anciens pratiqués par tant de personnes. ” Comme beaucoup de catholiques aujourd’hui, cette femme préfère que la cérémonie se fasse en latin, comme dans le passé. Pourquoi ? “ Je veux entendre la Messe chantée dans une langue que je ne comprends pas, ajoute-t-elle, parce que trop souvent je n’aime pas ce que j’entends en anglais. ”
Les Témoins de Jéhovah, et avec eux des millions d’autres personnes qui s’intéressent à la Bible, apprécient de célébrer le Repas du Seigneur dans leur langue, où qu’ils vivent. Ils se réjouissent de mieux comprendre la signification et la valeur de la mort du Christ. Ces vérités méritent qu’on y réfléchisse et qu’on en parle tout au long de l’année. Les Témoins ont constaté que la célébration du Mémorial est la meilleure façon de continuer à se rappeler le profond amour que Jéhovah Dieu et son Fils, Jésus Christ, ont manifesté. Elle leur permet de “ continue[r] à proclamer la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il arrive ”. — 1 Corinthiens 11:26.
[Notes]
a Elle est aussi appelée Repas du Seigneur, Fraction du pain, Assemblée eucharistique, Saint Sacrifice, Sainte et Divine Liturgie, Communion et Sainte Messe. Le mot “ Eucharistie ” vient du grec eukharistia, qui signifie reconnaissance, action de grâces.
b in La Documentation catholique, no 2377, 1er avril 2007, Bayard, Paris, p. 304-5.
c Voir, par exemple, comment la Bible en français courant traduit Matthieu 13:38 ; 27:46 ; Luc 8:11 ; Galates 4:24.
d in Nouvelle Revue Théologique, vol. 80, décembre 1958, Louvain, p. 1037.
[Entrefilet, page 27]
En quoi consistait la cérémonie que Jésus a instituée ?
[Illustration, page 28]
Jésus a institué le Mémorial de sa mort.
[Illustration, page 29]
Célébration du Mémorial de la mort de Jésus Christ.