Les traductions de la Bible — faites-vous une différence?
AUJOURD’HUI, tous les manuscrits bibliques en notre possession ne sont pas des originaux, mais seulement d’excellentes copies en langues hébraïque, araméenne et grecque, copies qui, pour la plupart, se trouvent dans les musées. Quoi qu’il en soit, bien peu parmi nous savent lire les langues anciennes. Nous n’avons donc pas d’autre solution que de recourir à des traductions modernes. Cependant, si nous voulons être sûrs de lire la réplique exacte et fidèle des textes originaux, il est primordial que nous usions de discernement dans le crédit que nous accordons aux différentes versions de la Bible.
CE QU’EST LA PARAPHRASE
Que recherchez-vous dans une traduction de la Bible? Elles sont essentiellement de deux sortes: les traductions littérales et les paraphrases. Les premières suivent d’aussi près que possible la langue originale, autant que le permettent les idiotismes et le vocabulaire. Par contre, les paraphrases sont des traductions “libres” dans lesquelles le traducteur cherche à rendre les pensées de l’auteur telles qu’il les comprend plutôt qu’à traduire les mots précis employés dans l’original. Ces deux approches du texte sont bien sûr très différentes et, comme nous le verrons, les libertés que prennent les paraphrases de la Bible recèlent souvent des dangers cachés.
Voici ce que nous lisons dans la préface de la Parole vivante (transcription du Nouveau Testament par Alfred Kuen): “Le paraphraseur explique la pensée de l’auteur telle qu’il l’a comprise. La paraphrase peut être dangereuse parce qu’elle risque de substituer des conceptions humaines au contenu des écrits inspirés et de faire passer une compréhension particulière de ces écrits pour les pensées de l’auteur sacré. Étant une amplification d’une seule interprétation du texte biblique, elle en réduit finalement la portée et l’application.” Contentons-nous d’un seul exemple pour illustrer ce problème.
Dans le quinzième chapitre des Actes, nous trouvons le récit de l’importante réunion que tinrent les apôtres et des aînés de Jérusalem, afin de trancher la question de la circoncision. À l’issue de ce concile, on établit aussi le point de vue chrétien sur la question vitale du sang et de son usage, ainsi que sur l’interdiction de la fornication. Cependant, remarquez comment La Bible vivante (traduction libre en langue anglaise) interprète les paroles de Jacques rapportées en Actes 15:19 et les termes de la lettre consignés au Ac 15 verset 28: “Ma décision est donc que nous n’insistions pas pour que les Gentils qui se tournent vers Dieu obéissent à nos lois juives.” “Car il a paru bon à l’Esprit Saint et à nous-mêmes de ne pas mettre sur vous un plus grand fardeau de lois juives.” (C’est nous qui mettons en italique.)
Un coup d’œil sur les manuscrits grecs montre clairement que ces références aux “lois juives” sont des interpolations directement dues à la traduction libre. Cela a-t-il de l’importance, quand on sait que Jacques et tous les autres assistants étaient d’origine juive, et que les lois juives défendaient effectivement les pratiques en question? Bien sûr que oui! En fait, les chrétiens qui se fieraient à cette traduction d’Actes 15:19, 28 pourraient se trouver en face d’un dangereux compromis, pour la simple raison que des siècles avant l’apparition de la loi juive, Jéhovah avait déjà interdit tout emploi du sang à Noé et à sa famille (Gen. 9:1-6). Bien qu’incluse par la suite dans la Loi mosaïque qui finit par être abrogée, cette interdiction n’a jamais été levée et son application à toute la famille humaine ne fait aucun doute.
Les paraphrases sont souvent colorées et faciles à lire, mais leur usage exige une prudence de tous les instants. Elles peuvent avoir une certaine valeur pour la lecture rapide destinée à découvrir l’impression d’ensemble qui se dégage de tel ou tel passage des Écritures. Cependant, gardez-vous de prendre chaque fait pour absolument exact et digne de foi. Dans sa préface à une paraphrase des Évangiles (Living Gospels), Kenneth Taylor résume très bien la situation en disant: “Quand elle sert à l’étude, la paraphrase devrait être confrontée à une traduction très littérale.” Il importe de suivre ce bon conseil si nous voulons ‘parvenir à la connaissance exacte de la vérité’. — I Tim. 2:4.
TRADUCTION OU INTERPRÉTATION?
En 1971 est parue une traduction du Nouveau Testament en français courant (Bonne nouvelle aujourd’hui). Cette traduction emploie la paraphrase, notamment pour rendre le mot grec sarx (“chair”) en Galates 5:19. Au lieu de rendre erga tis sarkos par “œuvres de la chair”, le Nouveau Testament en français courant paraphrase les trois mots grecs et impute tout simplement à la “nature humaine” les défauts énumérés aux Ga 5 versets 19 à 21.
Si l’on adopte une telle interprétation, on peut facilement justifier et excuser la mauvaise conduite d’un chrétien. Quoi de plus facile, en effet, mais aussi quelle grave erreur, que d’incriminer notre “nature humaine” plutôt que nous-mêmes! Paul montre ensuite (toujours en Galates chapitre 5) quels fruits de l’esprit saint de Dieu on peut s’attendre à trouver dans la vie d’un chrétien. Oui, malgré nos tendances charnelles, il nous est possible de changer et de porter des fruits tels que l’amour, la joie, la paix et la maîtrise de soi.
La Bible vivante (angl.) dit que les fils de Job célébraient leur anniversaire de naissance (Job 1:4), alors que la plupart des versions, fidèles à l’original hébreu, parlent simplement de festins et ne font aucune allusion à des anniversaires. La première leçon est un cas typique d’interprétation. Cet exemple illustre par la même occasion les variantes importantes que l’on trouve entre les différentes paraphrases.
La Bible de Maredsous paraphrase Ruth 1:1 en ces termes: “Au temps où gouvernaient les juges.” Mais est-il exact de dire que les juges gouvernaient comme l’auraient fait des rois? Non. La Traduction œcuménique de la Bible, elle, traduit de façon assez libre: “Il y eut une fois, au temps des Juges.” Non seulement la paraphrase n’apporte rien, mais le lecteur inexpérimenté de la Bible perd ici de vue la façon dont Jéhovah a poursuivi son dessein tout en dirigeant la nation d’Israël à travers la période troublée des juges. Une traduction littérale met: “Or il arriva, aux jours où les juges administraient la justice.” (Traduction du monde nouveau). Le cadre historique apparaît alors clairement.
L’une des premières traductions anglaises à avoir fait parler d’elle après la Seconde Guerre mondiale fut celle de l’ecclésiastique J. Phillips publiée en 1947: Lettres aux jeunes Églises (angl.). Cette version, qui dit expressément n’être pas destinée à une étude attentive de la Bible, a le style aisé de la paraphrase. Toutefois, la traduction de I Corinthiens 14:22 présente un intérêt tout particulier. On y lit que les langues sont un signe “non pour les incroyants, mais pour ceux qui croient”. De même, “la prédication de la parole de Dieu” est présentée comme un signe “pour ceux qui ne croient pas, plutôt que pour les croyants”. (C’est nous qui mettons en italique.) C’est exactement l’inverse de ce que disent les manuscrits grecs.
Dans sa Préface du traducteur (douzième édition), J. Phillips explique pourquoi il a pris tant de libertés avec le texte courant. “Je me suis senti obligé de conclure que nous avons affaire ici, soit à un lapsus de Paul, soit à une altération du texte. J’ai donc été assez hardi pour modifier le verset et lui donner un sens.” Celui qui étudie sérieusement la Bible se réjouit bien sûr de cette explication honnête, mais il n’en demeure pas moins que tout traducteur des Écritures inspirées a la lourde responsabilité de rendre les faits avec exactitude. — II Tim. 3:15-17.
LA LANGUE GRECQUE ET LA TRADUCTION LITTÉRALE
Les Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau sont maintenant imprimées en totalité en sept langues et ont été diffusées dans le monde entier à vingt-trois millions d’exemplaires. Dans la préface de la première édition anglaise des Écritures grecques chrétiennes (qui parurent en 1950), cette version disait: “Nous n’offrons pas une paraphrase des Écritures. Nous nous sommes constamment efforcés de rendre la traduction aussi littérale que possible là où l’anglais moderne le permettait et où cela ne donnait lieu à aucune lourdeur susceptible de masquer l’idée. De cette façon, nous sommes mieux à même de satisfaire le désir de ceux qui recherchent scrupuleusement une traduction qui rende le plus fidèlement possible, mot à mot, le texte exact de l’original.” Cette fidélité permet à l’étudiant de la Bible d’aborder en toute confiance la lecture de la traduction et de peser les pensées des écrits inspirés originaux. Prenons quelques exemples.
Dans les Écritures grecques chrétiennes, le mot “amour” revient près de deux cents fois (et même plus de deux cent cinquante fois, si l’on inclut les termes analogues, tels que “bonté de cœur”). Mais ce dont on ne se rend pas toujours compte, c’est que le grec possède quatre mots pour désigner l’amour. On trouve trois d’entre eux dans les Écritures grecques. Ce sont storgé, qui désigne l’amour particulier entre parents et enfants, philia, qui évoque l’attachement et la tendre affection qui unissent des amis, et agápê, que l’on définit souvent comme l’amour gouverné et guidé par les principes — tel l’amour de Jéhovah pour la famille humaine. — Jean 3:16.
Il faut une traduction habile pour faire la différence entre ces mots, et nombre de ceux qui entreprennent cette tâche n’en sont pas toujours conscients. La conversation entre Jésus et Pierre rapportée en Jean 21:15-17 illustre clairement ce point. Dans ce passage, la plupart des versions se contentent de mettre sept fois le mot “amour”, mais pas la Traduction du monde nouveau. En effet, en citant les paroles de Jésus, l’évangéliste Jean employa deux fois le mot agapáô, ce qui voulait dire que Jésus demandait à Pierre de servir les autres avec un amour désintéressé (“Simon, fils de Jean, m’aimes-tu?”). Cependant, quand il rapporte les réponses de Pierre, Jean utilise le mot philéô, qui dénote une profonde affection pour la personne de Jésus. L’emploi du verbe philéô dans la troisième question du Christ (“Simon, fils de Jean, as-tu de l’affection pour moi?”) souligne enfin la chaude affection qui unissait Pierre et Jésus.
Peut-être vous souvenez-vous que selon Matthieu chapitre 6, Jésus condamna vertement ceux qui faisaient hypocritement étalage de leurs dons de miséricorde. Encore une fois, la plupart des traductions disent simplement que de tels hommes ‘ont déjà leur récompense’. Toutefois, le verbe grec apéchô emporte l’idée précise que lui rend la Traduction du monde nouveau, savoir qu’ils “ont déjà leur pleine récompense”. (Mat. 6:5.) Ces hommes recherchaient les louanges de leurs semblables et c’est tout ce qu’ils recevraient. Quelle force dans les paroles de Jésus!
La Bible de Maredsous traduit invariablement les mots grecs haïdês, gehenna et tartarus par “enfer”. Les autres traductions différencient souvent ces mots, mais pas toujours de façon aussi cohérente que la Traduction du monde nouveau. Le mot haïdês, transcrit du grec, signifie littéralement “le lieu invisible”. L’emploi que Pierre fit de ce terme, d’après Actes 2:27, montre qu’il est l’équivalent de l’hébreu scheol (la tombe commune aux morts), alors que gehenna, qui désignait la vallée de Hinnom, au sud-ouest de Jérusalem, évoque la destruction éternelle. Tartarus n’apparaît qu’une seule fois, en II Pierre 2:4, et s’applique uniquement aux anges déchus.
Pour nombre de personnes sincères, le mot “enfer” revêt une valeur émotive, du fait de l’éducation religieuse qu’elles ont reçue. Une traduction simple et exacte du grec, elle, fait table rase des faux enseignements. Mais tel n’est pas le désir de tous les traducteurs, comme semble le montrer cette paraphrase de Matthieu 7:13: “Entrez par la porte étroite, car la porte de l’enfer est large et la route qui y mène est facile, et beaucoup passent par là.” (Good News Bible). L’introduction du mot “enfer” dans le texte pour rendre le grec apôléïa (“destruction”) est bien fallacieuse. La précision et la littéralité de la Traduction du monde nouveau dissipent toute équivoque. On y lit: “Entrez par la porte étroite; car large et spacieuse est la route qui mène à la destruction, et nombreux sont ceux qui entrent par elle.” (Comparez l’emploi du mot grec “Apollyon”, ainsi transcrit en Révélation 9:11, avec celui de l’hébreu “Abaddon”, mots qui signifient respectivement “Destructeur” et “Destruction”.)
Dans sa lettre à la congrégation chrétienne de Colosses, Paul évoqua la nécessité de posséder “une connaissance exacte” et ‘la richesse de la pleine certitude de notre intelligence’. (Col. 2:2.) La Traduction du monde nouveau s’est fixé pour objectif d’amener ses lecteurs aussi près que possible des écrits originaux dont Dieu inspira la rédaction, et elle mérite donc qu’on l’étudie sérieusement. Les Témoins de Jéhovah sont heureux de pouvoir se servir de cette version lors de leurs réunions, dans leur activité de prédication et pour les recherches importantes qu’ils font personnellement. Oui, il faut effectivement faire la différence entre les diverses traductions de la Bible qui s’offrent à vous.