Le point de vue biblique
“Quand on est sauvé, on est sauvé pour toujours” — est-ce si sûr que cela?
PENDANT plus d’un an, le “fils de Sam” terrorisa les New-Yorkais. Ce monstre qui assassina six victimes choisies au hasard et en blessa plusieurs autres avait pourtant été “sauvé” lors d’une réunion religieuse tenue quatre ans auparavant.
À l’époque, un ancien camarade de régiment l’avait invité à un service religieux dans un temple. Une fois sorti, le nouveau venu, un rictus aux lèvres, s’était esclaffé: “Mon vieux, je suis sauvé!” “Le soir même, raconte son ami, nous sommes retournés à un autre service et, comme la première fois, il répondit à l’invitation [d’accepter le Christ]. Il me raconta par la suite qu’il voulait juste s’assurer que ça [son salut] avait marché.”
Informé des accusations qui pesaient sur cet ancien membre de son Église, un homme déclara: “Je suis reconnaissant qu’il ait été sauvé.” Pourquoi? Selon l’Associated Press, la personne ajouta: “La Bible dit que lorsqu’on est sauvé, c’est pour toujours.”
Au fait, la Bible dit-elle vraiment cela? Pas du tout! Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, aucun texte ne renferme une telle expression. Par contre, il est biblique d’affirmer que le salut s’acquiert non par des œuvres, mais par la foi en Jésus Christ ainsi que par la “grâce” et la miséricorde de Dieu (Éph. 2:8, 9; II Tim. 1:9; Tite 3:4, 5). Par ailleurs, selon Jésus lui-même, “celui, qui croit au Fils a la vie éternelle”. — Jean 3:36, Segond; I Jean 5:13.
Sur la foi de ce genre de citations, on entend souvent dire que si on “a la vie éternelle”, on la possède définitivement et on ne peut la perdre, idée que résume la formule “quand on est sauvé, on est sauvé pour toujours”. Est-ce ainsi que doivent s’entendre les textes qui montrent comment s’acquiert la vie éternelle?
En fait, les chrétiens soucieux de leur salut feront bien de méditer cette déclaration de Jésus selon laquelle “celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé”. (Mat. 10:22; 24:12, 13; Marc 13:13, Sg.) On retrouve cette expression dans cette phrase de l’apôtre Paul: “Nous sommes devenus participants de Christ pourvu que nous retenions fermement jusqu’à la fin l’assurance que nous avions au commencement.” — Héb. 3:14, Sg.
Ces textes sont-ils incompatibles avec les versets cités plus haut ou bien les serviteurs de Dieu, loin de se contredire, n’exprimaient-ils pas plutôt la même idée, mais vue sous un angle différent? À la lumière des écrits de l’apôtre Paul on peut rétablir le sens de ces différents textes.
En effet, Paul compara à maintes reprises le christianisme à une course qu’il faut courir jusqu’au bout. Par exemple, il encouragea les chrétiens hébreux en ces termes: “Courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte.” (Héb. 12:1, Sg). Pour prendre part à cette course, le pécheur doit franchir différentes étapes nécessaires au salut, telles qu’écouter et accepter la Parole de Dieu, croire à Jésus Christ et au sacrifice qu’il a offert en rançon, se repentir de ses péchés et recevoir le baptême. Il est alors sauvé “de cette génération perverse”, comme les Juifs réunis pour la Pentecôte et qui écoutèrent le discours de Pierre. Les non-croyants ne participent pas à une telle course, car pour s’y engager il faut être “sauvé”. — Actes 2:37-40, Sg; 16:31-33; Rom. 10:13, 14.
Une fois qu’il s’est engagé dans cette course en étant “sauvé”, le chrétien doit “saisir la vie véritable”. Mais peut-on laisser échapper cette vie par la suite? Paul répond par cette question: “Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul remporte le prix?” Dans la course chrétienne, Paul montre que quiconque termine la course reçoit le prix. Aussi ajoute-t-il ce conseil: “Courez de manière à le remporter.” Illustrant son propos par son propre exemple, il poursuit: “Je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur d’être moi-même rejeté, après avoir prêché aux autres.” — I Tim. 6:19; I Cor. 9:24-27, Sg.
Il semble donc que cet apôtre, qui figurait sans aucun doute parmi les chrétiens “sauvés”, pensait qu’il pourrait être éventuellement rejeté. Toutefois, aussi longtemps qu’il ‘courrait de manière à remporter le prix’, donc qu’il continuerait la course, il était certain d’être sauvé. C’est pourquoi on peut dire du chrétien qui n’abandonne pas la course qu’il “a la vie éternelle”. Mais si jamais il quitte cette course, il est “rejeté” et laisse échapper cette vie éternelle.
Paul poursuit ses réflexions sur le christianisme en soulignant le danger de la présomption. De l’exemple des Israélites sauvés à la mer Rouge mais qui cédèrent au péché dans le désert, Paul tire cette leçon: “[Nous, les chrétiens qui sommes “sauvés”] ne tentons point le Seigneur.” Puis, exploitant à fond son argument, il s’exclame: “Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber!” En somme, même quelqu’un de “sauvé” peut tomber. — I Cor. 10:1-12, Sg.
C’est pourquoi Paul insista continuellement dans ses écrits sur ce qu’il lui fallait lui aussi demeurer dans cette course. Par exemple, voici en quels termes il exprima qu’il espérait la récompense de la résurrection: “Je ne pense pas l’avoir saisi[e]; mais je fais une chose: oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus Christ.” Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il écrivit: “J’ai achevé la course, j’ai gardé la foi.” Effectivement, arrivé au terme de sa vie, il pouvait dire: “Désormais la couronne de justice m’est réservée; le Seigneur, le juste juge, me la donnera dans ce jour-là.” — Phil. 3:11-14; II Tim. 4:6-8, Sg.
Le point de vue qu’avait Paul sur son propre salut s’harmonise donc très bien avec la réflexion de Jésus selon laquelle il faudrait ‘persévérer jusqu’à la fin’ pour être sauvé. — Voir aussi Révélation 2:10; 3:11, 12, Sg.
À présent nous comprenons mieux pourquoi Paul invita si souvent les chrétiens “sauvés” à rester sur leurs gardes. Il y allait toujours de leur salut éternel. S’adressant à des chrétiens hébreux qui, à n’en pas douter, avaient été “sauvés” et “éclairés”, et qui avaient “soutenu un grand combat au milieu des souffrances”, Paul énonça cette mise en garde: “Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés.” Tout le bienfait du sacrifice qui a “sauvé” initialement un chrétien est alors perdu, car il a “foulé aux pieds le Fils de Dieu, (...) tenu pour profane le sang de l’alliance par lequel il a été sanctifié, et (...) outragé l’Esprit de la grâce”. — Héb. 10:26-32, Sg.
Oui, les chrétiens qui apprécient à sa valeur le salut offert par l’entremise du Christ selon la grâce de Dieu ne se montreront pas présomptueux, mais ils s’efforceront plutôt de continuer la course sur le modèle des chrétiens du premier siècle et de Paul qui les encouragea à travailler à leur salut “avec crainte et tremblement”. — Phil. 2:12, Sg.