Suisse et Liechtenstein
QU’ÉVOQUE pour vous la Suisse? Des montagnes, des montres, du fromage ou un délicieux chocolat? Il y a quelque chose de bien plus grande valeur que cela en Suisse. Mais parlons un peu de ce pays.
Au siècle qui a précédé le ministère public de Jésus Christ en Israël, des Celtes appelés Helvètes cherchèrent à quitter l’Europe centrale pour les régions plus douces du Sud. Mais les armées romaines commandées par Jules César leur barrèrent la route. En 58 avant notre ère, après une bataille des plus sanglantes, les Helvètes survivants ont été forcés de rebrousser chemin et de s’établir de nouveau dans les plaines situées entre le Rhin et le lac Léman. Au fil des siècles une confédération se développa, on l’appela Confédération helvétique ou simplement Helvétie. À n’en pas douter, vous connaissez ce pays sous son nom moderne de Suisse.
La Suisse est un petit pays situé au cœur de l’Europe: il ne fait que 41 293 km2. Il est bordé, au nord, par l’Allemagne, à l’ouest, par la France, au sud, par l’Italie et à l’est, par l’Autriche et le Liechtenstein. Territoire restreint certes, mais peu de pays offrent une telle variété de paysages: hauts sommets enneigés et avenues bordées de palmiers au sud, par exemple. Les habitants (environ 6 500 000) appartiennent à l’un des quatre groupes culturels et linguistiques: allemand, français, italien et romanche. Ceux qui parlent romanche connaissent généralement aussi l’allemand ou l’italien. En outre, de nombreux étrangers sont venus travailler ou résider en Suisse; ils parlent donc d’autres langues encore.
RELIGION
La plupart des résidents suisses sont protestants ou catholiques romains. Bien qu’aujourd’hui la population des villes soit constituée des membres de ces deux Églises, il y a encore des endroits où l’une ou l’autre de ces religions prédomine. Par exemple, Genève et Zurich sont historiquement connues comme villes des réformateurs protestants Calvin et Zwingli. À Berne, Bâle et Lausanne domine le protestantisme, tandis que Saint-Gall, Lucerne et Lugano sont des villes essentiellement catholiques. Quant à la vieille ville de Fribourg, c’est un bastion de l’Église romaine, puisqu’elle possède une université catholique et de nombreux séminaires.
La limite d’un canton (État ou province) est souvent aussi une frontière religieuse, étant donné que la population d’un certain canton est soit en majorité catholique soit en majorité protestante. Par exemple, évoquez devant un Suisse le centre de la Suisse, le Valais ou le Tessin, et il pensera aussitôt au catholicisme. En revanche, les habitants des cantons de Berne, de Neuchâtel et de Zurich, pour n’en citer que quelques-uns, sont généralement de confession protestante.
Il va de soi qu’il existe encore d’autres dénominations religieuses, comme l’Église catholique chrétienne, les juifs, les méthodistes et beaucoup d’autres. Dans certains villages on trouve des douzaines de groupements religieux.
Le message du Royaume serait-il bien accueilli chez une population aussi religieuse? Voyons cela.
LES VÉRITÉS BIBLIQUES ATTEIGNENT LA SUISSE
En 1891, Charles Russell, premier président de la Société Watch Tower, visita différents pays d’Europe et du Proche-Orient. Il s’arrêta à Berne, en Suisse. Donnant les raisons de ce voyage, il dit: “Ce ne sont pas les curiosités, les ruines antiques, les châteaux, etc., qui m’intéressent mais plutôt les gens, leur mode de vie, leur façon de penser et leurs tendances.” Plus tard, le rapport qu’il publia dans Zion’s Watch Tower de novembre 1891 indiquait qu’à son avis la Suisse ainsi que quelques autres pays étaient “des champs mûrs qui attendaient la moisson”.
Il encouragea donc Adolphe Weber à se rendre dans “la vigne du Seigneur” en Suisse. Frère Weber, qui était d’origine suisse, avait connu la vérité aux États-Unis et travaillait à temps partiel comme jardinier chez frère Russell. Sans l’ombre d’une hésitation, frère Weber accepta cette mission. Il était l’homme de la situation, car il parlait trois des langues officielles de la Suisse. En 1900 il s’installa aux Convers, dans les montagnes du Jura, là où il était né.
Frère Weber subvenait à ses besoins en travaillant comme jardinier et garde-forestier, mais il cherchait avant tout à semer les graines de vérité. Il commença chez ses collègues de travail, puis il étendit son territoire à d’autres villes et villages qu’il parcourait à pied, parlant à tous ceux qu’il rencontrait. En hiver, il avait l’habitude de se rendre à pied en France et même en direction du sud jusqu’en Italie afin de prêcher; il regagnait Les Convers au printemps. Outre le strict nécessaire, il chargeait son sac à dos de publications, autant qu’il lui était possible d’en porter.
Un jour qu’il traversait un pont sur le canal de Hagneck dans le canton de Berne, frère Weber rencontra un homme à qui il donna le témoignage. Or, tandis qu’il se déchargeait de son sac à dos, un livre s’échappa et tomba dans l’eau peu profonde des bords de l’écluse, juste devant les portereaux. Peu après, quand l’éclusier nettoya les portereaux, il trouva le livre, le sécha et se mit à le lire. Il s’agissait d’un exemplaire des Études des Écritures, tome 1, de frère Russell. Émerveillés de ce qu’ils apprenaient, l’éclusier et sa femme acquirent la conviction d’avoir trouvé la vérité.
DE LA PUBLICITÉ QUI SUSCITE L’INTÉRÊT
Frère Weber remua ciel et terre pour donner un bon départ à l’œuvre. Outre sa prédication personnelle, il fit paraître des annonces dans certains journaux, pour proposer les Études des Écritures, bien que ce genre de publicité fût plutôt coûteux. Il s’arrangea avec des libraires pour qu’ils incluent les Études des Écritures dans leur collection. Il ne tarda pas à recevoir des commandes de différentes parties du pays. Ceux qui habitaient la même région étaient mis en relation et on leur suggérait de se réunir pour étudier ensemble. En ce temps-là les divertissements étaient peu nombreux; aussi relations et amis n’hésitaient pas à fréquenter de telles réunions quand on les y invitait. D’ordinaire ils s’arrangeaient entre eux pour désigner celui qui conduirait l’étude, et cela se faisait souvent par roulement.
Les tracts jouaient un rôle important au tout début. Les quelques frères voués à Jéhovah rassemblaient tout leur courage pour les distribuer à la porte des églises, ou bien ils en postaient par milliers aux habitants de la Suisse alémanique. Les frères des États-Unis apportèrent également leur contribution en envoyant des numéros de Zion’s Watch Tower en langue allemande à leurs amis et parents suisses. Certains d’entre eux ont d’ailleurs accepté la vérité par la suite. — Eccl. 11:1.
LE PRÉSIDENT DEVANT LA PORTE
Parmi les premières personnes qui apprirent la vérité de la bouche de frère Weber, il y avait Mme Anna Bachmann, de Bâle. Elle fréquentait régulièrement l’Église évangélique réformée, mais son intérêt pour l’étude de la Bible s’aiguisa quand frère Weber lui parla du dessein de Dieu à l’égard de l’humanité et des vérités fondamentales de la Bible. Elle accepta le Divin Plan des Âges et l’étudia par elle-même, car il n’y avait personne dans les environs pour l’aider. Un an plus tard frère Weber revint la voir et répondit à ses questions avec le calme qui le caractérisait, l’encourageant à poursuivre son étude de la Parole de Dieu.
Puis, en mai 1903, elle eut la surprise de trouver deux visiteurs à sa porte. L’un était un Étudiant de la Bible de Mulhouse (alors ville allemande mais aujourd’hui française), et l’autre le président de la Société Watch Tower, frère Russell. La conversation traduite par l’Étudiant de la Bible fut des plus édifiantes et elle aida Mme Bachmann à progresser. Avec le temps elle devint un serviteur de Jéhovah zélé et son mari, puis son fils Fritz, acceptèrent la vérité. Plusieurs autres personnes manifestèrent également de l’intérêt, aussi un groupe d’étude fut-il organisé à Bâle à partir de 1909. Fritz Bachmann, maintenant avancé en âge, est toujours membre de l’une des congrégations de Bâle.
DES PUBLICATIONS EN FRANÇAIS SONT NÉCESSAIRES
Depuis 1897 on imprimait aux États-Unis Zion’s Watch Tower en langue allemande. Quand en 1903 ce périodique commença de paraître en français, frère Weber se réjouit, mais il pensait qu’il y avait aussi grand besoin des Études des Écritures en langue française, pour une meilleure intelligence de la Bible. Il en fit donc lui-même la traduction. D’autres publications suivirent, et un petit bureau de la Société servant aussi de dépôt de publications fut ouvert à Yverdon en 1903.
En ce temps-là, les serviteurs de Jéhovah étaient peu nombreux dans le pays. Les réunions, les assemblées même, se tenaient dans des foyers. Mais les perspectives d’avenir étaient réjouissantes et les frères ne manquaient pas de zèle. Adolphe Weber fut nommé directeur de l’œuvre dans le territoire français. Pour la Suisse alémanique, on ouvrit un petit bureau d’information et un dépôt de publications à Zurich, lesquels étaient placés sous la direction du bureau de la filiale de Barmen-Elberfeld en Allemagne.
LES VISITES ÉDIFIANTES DE FRÈRE RUSSELL
Les “réunions générales” jouèrent un rôle important dès le début de l’œuvre. L’une d’elles, qui se tint à Zurich en 1910, réunit une assistance d’une centaine de personnes. D’année en année le nombre des assistants s’accrut. Frère Russell se trouvait fréquemment parmi eux.
Quand on évoque ce temps-là, on ne peut qu’être émerveillé de l’esprit d’entreprise de frère Russell. Au début du XXe siècle, on ne voyageait pas aussi confortablement ni aussi rapidement qu’aujourd’hui; pourtant, frère Russell s’efforçait presque chaque année de traverser l’océan afin d’affermir les frères d’Europe et de donner une impulsion nouvelle à l’œuvre. Et quel programme chargé était le sien!
En 1912 il visita Genève, Bâle, Zurich et Saint-Gall. Son discours public intitulé “Au delà de la tombe” fut annoncé au moyen de grandes affiches représentant un doigt pointé vers un cortège d’ecclésiastiques avec cette légende: “Malheur à vous, (...) parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance.” (Luc 11:52). Ce sujet dessillait vraiment les yeux et il fit impression. Dans toute la ville les gens parlaient des preuves attestant que l’enfer n’existe pas, que les morts sont inconscients et qu’il y a pour eux un espoir de revivre (Eccl. 9:10; Actes 2:22-31; 24:15). La nouvelle se répandit telle une traînée de poudre. Les salles louées semblaient n’être jamais assez grandes. On refusait du monde par manque de place. Cette proclamation de la vérité sur la condition des morts ébranlait les piliers de la religion traditionnelle.
DES QUESTIONS EMBARRASSANTES POUR LE CLERGÉ
Des personnes commencèrent à poser des questions embarrassantes à leurs pasteurs. Parmi elles, il y avait Clara Adler, à qui une parente avait envoyé la brochure Où sont les morts? Elle l’avait lue avec beaucoup d’intérêt. Cette explication claire de la condition des morts et de l’espérance pour tous les hommes l’incita à se précipiter chez son pasteur pour partager avec lui son enthousiasme.
‘Il n’a certainement jamais rien lu d’aussi merveilleux’, pensait-elle. Hélas, il lui répondit: “Je sais, je sais, (...) mais il serait de beaucoup préférable pour vous de ne pas lire ces choses.” Sœur Adler ne se laissa pas décourager. Elle dit: “Bien que ma connaissance de la vérité fût très limitée à ce moment-là, les paroles de la Bible avaient plus de valeur pour moi que celles du pasteur. Je réalisais alors que les études théologiques n’étaient pas indispensables à la compréhension de la Parole de Dieu. Au contraire, Dieu a doté l’homme de la faculté de raisonner pour qu’il en fasse un bon usage.” C’est ce qu’elle fit, et elle aida de nombreuses personnes à suivre son exemple.
Certes, les vérités enseignées par frère Russell dérangeaient grandement le clergé; il y eut néanmoins quelques ecclésiastiques qui saluèrent ses efforts pour répandre la connaissance exacte de la Bible. L’un d’eux s’appelait Ludwig Reinhardt. En 1877 il publia en allemand une traduction du “Nouveau Testament” qui est digne d’intérêt, car elle rend Luc 23:43 comme suit: “Et Jésus dit au [malfaiteur]: En vérité je te le dis aujourd’hui: Tu seras avec moi dans le Paradis.” Dans une correspondance adressée à un Étudiant de la Bible en 1908, ce ministre protestant écrivait: “Comme vous le voyez, je connais parfaitement le ‘Mouvement de l’Aurore du Millénium’ et j’apprécie vivement le dévouement actif et empreint d’abnégation de frère Russell et de ses associés. (...) Très soucieux d’éliminer au mieux les inexactitudes et de publier une traduction aussi fidèle et exacte que possible, je vous serais très reconnaissant, à vous et à frère Russell, de me signaler tous vos points de désaccord avec ma traduction.”
LES “PÈLERINS” AFFERMISSENT LES FIDÈLES
De même que les surveillants de circonscription aujourd’hui, les “pèlerins” étaient des représentants itinérants de la Société. Leurs efforts favorisèrent l’unité des frères, qui furent ainsi amenés à entretenir des relations plus étroites avec l’organisation divine. La Société annonçait dans Zion’s Watch Tower l’itinéraire proposé aux frères pèlerins; les congrégations et les groupes plus petits se trouvant sur cet itinéraire faisaient connaître par écrit leur désir d’être visités. Les pèlerins étaient d’excellents orateurs et leurs discours publics rassemblaient généralement de nombreuses personnes. Par exemple, en 1913 l’assistance totale pour la Suisse s’éleva à 8 000 personnes.
Frères Herkendell et Buchholz, d’Allemagne, ainsi que d’autres pèlerins, sont encore présents à la mémoire de certains qui se souviennent de l’aide pleine d’amour qu’ils leur ont apportée. Ils ne passaient qu’un jour ou deux avec chaque groupe de frères, mais grâce à leur connaissance de la Bible, ils les aidaient à acquérir une meilleure intelligence des questions spirituelles et exhortaient les nouveaux à ne pas se laisser intimider par les adversaires. Le thème favori de frère Wellershaus était la chronologie. Il avait coutume de donner de longs discours à l’aide de croquis et de tableaux, et chaque fois que l’on fait allusion à cette activité, les frères qui ont connu cette époque s’en souviennent encore.
DANS L’ATTENTE DE 1914
Dès 1876 l’attention des Étudiants de la Bible avait été attirée sur l’année 1914 comme devant marquer un tournant dans l’Histoire. Les 2 520 années ou temps des Gentils devaient alors prendre fin (Luc 21:24). Sœur Berta Obrist se souvenait des moqueries de sa famille lorsqu’elle lui disait qu’une guerre allait éclater. “Cesse donc de parler de 1914!”, lui rétorquait sa grand-mère avec colère. Mais quelles ne furent pas sa surprise et son émotion quand la guerre éclata bel et bien en 1914!
Les parents de la petite Hulda, de Schaffhouse, n’arrivaient pas à croire qu’un grand changement bouleverserait les événements mondiaux en 1914, comme un ami le leur avait maintes fois expliqué à l’aide de la Bible. Mais sœur Hulda Peter se souvient que sa mère fut en proie à une grande agitation quand les nations entrèrent vraiment en guerre. Elle avait tout à coup une foule de questions à poser et voulait à tout prix une Bible. Tandis que la vérité lui dessillait les yeux, elle l’accepta sans réserve, abandonna son Église et se voua à Jéhovah Dieu.
D’autres encore furent aidés à prendre conscience de la signification des événements qui se jouaient sur la scène du monde depuis 1914. À cette fin, un merveilleux instrument avait été préparé sous la direction de Jéhovah. Il s’agissait d’une série de quatre discours accompagnés de projections fixes et animées.
LE PHOTO-DRAME DE LA CRÉATION
La présentation du Photo-Drame de la Création fut un grand succès. La première projection à Berne eut lieu dans les semaines qui suivirent le décret de mobilisation générale de l’armée suisse, à la suite du déclenchement de la Première Guerre mondiale; mais l’assistance totale réunie en deux semaines s’éleva à 12 000 personnes. Par la suite on le présenta à d’autres foules reconnaissantes dans les villes et les villages.
Parmi les 3 000 personnes qui remirent leurs nom et adresse pour obtenir de plus amples informations, il y avait Heinrich Heuberger, qui avait assisté à la projection du Photo-Drame dans le village de Safenwil. Le programme couvrait quatre soirées et il n’en manqua aucune. Il dit: “J’étais vraiment enthousiaste. Je voulais en savoir plus; j’ai donc rempli une demande de renseignements que j’ai postée le soir même. Peu après je recevais un tract des Étudiants de la Bible. Quelque temps plus tard, j’acceptais une invitation à un discours public, et en cette occasion je fis l’acquisition du premier tome des Études des Écritures.” Son employeur, beau-frère d’un ministre protestant, lui dit tout net qu’il n’approuvait pas ce livre. Mais l’intérêt d’Heinrich était très vif, et il passait son temps libre dans la forêt, où il pouvait lire ce livre en toute tranquillité.
En 1915, dans la petite ville de Brugg, la présentation du Photo-Drame devait se tenir à l’auberge “Zum Rothen Haus”. La salle étant pleine bien avant l’heure prévue, la police ferma les portes et renvoya les nouveaux arrivants. Or, quelques jeunes intrépides déterminés à ne pas manquer la projection posèrent des échelles contre l’autre mur du bâtiment et entrèrent par les fenêtres ouvertes du premier étage.
LE TERRITOIRE FRANÇAIS EST PRODUCTIF
Dans les années qui précédèrent 1914, il y eut un bel accroissement dans la Suisse alémanique, mais l’œuvre dans le territoire français stagnait à un point insoupçonné. On accorda donc une attention particulière à ce territoire par le moyen de discours publics et de projections du Photo-Drame de la Création. Ce qui porta de bons fruits.
En 1912, le dépôt de publications d’Yverdon fut transféré à Genève où l’on ouvrit un bureau de filiale. De là, l’œuvre était supervisée non seulement dans la Suisse romande, mais aussi dans tous les territoires francophones d’Europe. Ce bureau fut ensuite transféré ailleurs dans la même rue. Il s’occupait alors de 23 congrégations et le rapport du Mémorial pour 1916 indique une assistance de 256 personnes en Suisse romande et de 108 en France. En 1917, 56 550 personnes ont assisté aux projections du Photo-Drame.
L’ÉPREUVE DE LA FIDÉLITÉ ENTRAÎNE UNE ÉPURATION
L’année 1918 fut un temps d’épreuve pour les fidèles, mais il s’ensuivit une épuration, si bien que les scories ayant été éliminées, ceux qui aimaient vraiment les voies de Jéhovah furent révélés (Mal. 3:1-3). Il y eut des restrictions dues à la guerre, particulièrement pour ce qui est du fuel, ce qui entraîna l’annulation de certaines réunions. En outre, les événements survenus au siège de la Société à Brooklyn eurent une incidence malheureuse sur l’activité des frères de Suisse. Certains devinrent craintifs, d’autres croyaient que l’œuvre approchait de son terme et attendaient Harmaguédon à tout moment. Quant aux frères en charge, ils étaient avares d’encouragements. Voilà décrite la situation quand la guerre cessa, le 11 novembre 1918.
Mais bien plus graves furent les difficultés causées par Freytag, responsable du bureau de Genève. Il avait été autorisé à publier la traduction française de l’édition anglaise de La Tour de Garde ainsi que des Études des Écritures. Or, il abusa de sa position en publiant ses idées personnelles. Dès qu’il en fut informé, frère Rutherford, président de la Société, démit Freytag de sa charge et ferma le bureau de Genève. Mais Freytag voulait garder la mainmise sur les biens de la Société à Genève et refusait de rendre compte de sa gestion financière. De surcroît, il avait l’intention de publier son propre périodique sous le nom de La Tour de Garde. Déformant grossièrement les faits, il prétendit que la Société lui avait réclamé ce qui était sien. Il fallut porter l’affaire devant les tribunaux. Freytag perdit les trois procès et fut finalement contraint de restituer à la Société ses biens, les publications ainsi que le Photo-Drame de la Création, et de rendre compte de sa gestion. Toutes relations ayant été rompues, Freytag fonda sa propre secte.
Bien que les congrégations eussent été sérieusement mises en garde et exhortées avec bienveillance, beaucoup suivirent Freytag. Malheureusement, sur les 304 personnes d’expression française rassemblées pour le Mémorial en 1919, 75 seulement restèrent attachées à la Société et même un bon nombre d’entre elles retournèrent par la suite dans le monde.
Mais ces difficultés n’empêchèrent pas l’esprit de Jéhovah de continuer d’affermir les fidèles. Davantage de personnes bien disposées se manifestèrent dans tout le pays, et elles connurent les joies de l’œuvre du Royaume qui s’annonçait. Alice Berner était de leur nombre. Petite fille, elle avait appris par cœur le Psaume 103 et ce passage avait fait impression sur elle: “Mon âme, bénis l’Éternel! Et que tout ce qui est au-dedans de moi, bénisse son saint nom!” (Da). Cette jeune fille inquiétait les pasteurs de son Église. Elle dit: “Mon retrait de l’Église protestante fit grand bruit. Deux ministres tentèrent de me convaincre de demeurer dans leur troupeau, mais ces discussions m’aidèrent plutôt à voir plus clairement la nécessité impérieuse de me séparer d’un système qui n’était pas totalement fondé sur la vérité de la Bible.” Quelques années plus tard, sœur Berner consacrait tout son temps au service de Jéhovah. Le fait qu’à 85 ans elle est toujours joyeuse et active comme membre du Béthel (en Allemagne) prouve qu’elle n’a jamais regretté sa décision.
Au printemps 1919, l’année même où Alice Berner entendait pour la première fois parler de la vérité, une bonne nouvelle nous parvenait d’outre-Atlantique: les frères du siège de Brooklyn, y compris le président Rutherford, injustement emprisonnés, avaient été libérés le 25 mars 1919. Le peuple de Jéhovah ne tarda pas à recevoir les instructions nécessaires dans les pages de La Tour de Garde, instructions qui l’aideraient à discerner le grand travail qui restait encore à accomplir. Loin d’être près de sa fin, l’œuvre de témoignage devait progresser comme jamais auparavant.
CRÉATION D’UN BUREAU CENTRAL EUROPÉEN
L’année suivante frère Rutherford visita la Suisse pour donner une impulsion nouvelle à l’œuvre. Afin de réorganiser les activités dans une Europe ravagée par la guerre, le mieux semblait de créer un bureau central européen, et l’on estima que la Suisse conviendrait puisqu’elle n’avait pas pris une part active à la guerre. Finalement, le bureau de la filiale suisse et le bureau central européen en vinrent à être réunis au 19 Usteristrasse à Zurich. Dix personnes y travaillaient en 1924. Frère Conrad Binkele en avait la charge et l’un des membres du personnel se nommait Max Freschel. Celui-ci servit par la suite au siège de Brooklyn où il en vint à être connu et aimé sous le nom de Maxwell Friend.
Le bureau central européen supervisait l’œuvre en Suisse, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Autriche, en Italie, en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie, en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie, en Pologne et même en Allemagne pendant un temps. Certains pays avaient leurs propres directeurs, mais ceux-ci étaient en relations étroites avec le bureau central européen auquel ils envoyaient leur rapport mensuel. C’est lui qui compilait les rapports et les transmettait à Brooklyn. Ce bureau avait également pour tâche de fournir des publications en différentes langues aux pays placés sous sa responsabilité.
En ce temps-là frère Zaugg était responsable de l’œuvre dans les territoires français; il avait son bureau à Berne. À Berne également, des frères ayant monté leur propre imprimerie s’étaient mis à produire des publications pour la Société à des prix avantageux, le travail étant fait par des personnes vouées à Dieu. Par la suite la Société prit la direction de cette imprimerie, l’agrandit et y installa une presse rotative sur laquelle on imprima le périodique L’Âge d’Or en allemand à partir d’octobre 1922. On produisit également en grande quantité des brochures et des tracts en plus d’une douzaine de langues.
Au cours de la visite de frère Rutherford en 1924, il apparut qu’une plus grande imprimerie était nécessaire pour satisfaire les nombreuses commandes de publications pour l’Europe de l’après-guerre. On fit l’acquisition d’un terrain de l’autre côté de la rue et le travail de construction commença. La nouvelle “Maison de la Bible” fut achevée au printemps 1925. On y installa une presse rotative supplémentaire. Au fil des années, le rendement de cette imprimerie ne cessa de croître au point d’imprimer chaque année 500 000 livres reliés et un million de brochures, sans compter les périodiques et les tracts en 16 langues au moins.
CHANGEMENT D’ADRESSE ET DE DIRECTION
Ce fut un grand événement quand le bureau central européen fut transféré dans le nouveau bâtiment situé au 39 Allmendstrasse, le 1er avril 1925.
Joseph Bick se souvenait très bien des circonstances liées à ce transfert. “Nous étions impatients d’avoir ce nouveau bâtiment, dit-il, mais tous les membres du personnel se posaient cette importante question: Qui va être chargé de la direction? Ce pouvait être l’un de ces trois frères: Conrad Binkele, jusque-là responsable du bureau de Zurich, Ernest Zaugg, déjà à Berne et en charge de l’œuvre dans cette ville et du territoire français, ou Jacob Weber, qui s’occupait de l’œuvre de colportage et de prédication.”
Ces frères avaient-ils pour premier souci l’expansion du culte pur, ou bien l’orgueil et l’ambition les empêcheraient-ils d’accomplir leur service avec humilité? Selon frère Bick, “la tension était grande en ces jours-là, mais le président évalua très bien la situation”. La santé de frère Binkele étant chancelante, on lui suggéra de se faire soigner aux États-Unis. À sa place, frère Zaugg fut chargé de la supervision de l’œuvre. Mais par la suite frères Binkele et Zaugg abandonnèrent le culte pur.
1925, UNE ANNÉE D’ÉPREUVES
L’année 1925 s’annonçait pleine de promesses avec le nouveau Béthel et l’imprimerie de Berne. Les frères étaient heureux et incités à aller de l’avant dans l’œuvre. Mais certains avaient leurs propres idées sur l’année 1925. Allaient-ils tenir compte de l’avertissement donné dans La Tour de Garde du 1er mars 1925 où l’on pouvait lire:
“Nous voici en 1925. Les chrétiens ont ardemment attendu cette année. Beaucoup ont espéré en secret que durant celle-ci, tous les membres du corps de Christ seraient changés à la gloire céleste. Il pourrait en être ainsi, comme aussi ne pas l’être. Au temps voulu Dieu accomplira ses desseins concernant son peuple. Les chrétiens ne devraient pas tant chercher à connaître ce qui se passera durant cette année, que s’efforcer à faire joyeusement ce que le Seigneur voudrait qu’ils fassent.”
Parmi ceux que cet article ne toucha pas, il y avait Jacob Weber, responsable du bureau du service au Béthel. Il était à ce point convaincu que tous les oints seraient glorifiés dans les cieux à la fin de cette année-là, qu’il décida la “liquidation du stock”. Il envoya de grandes quantités de publications dans les congrégations, alors qu’elles n’avaient pas passé commande, en leur donnant pour instruction de les distribuer gratuitement dans leur territoire avant la fin de l’année 1925.
C’est en vain que les frères du Béthel s’efforcèrent de le raisonner. Il finit par quitter le Béthel et aussi la vérité, plongeant les frères du pays dans l’affliction, car il en entraîna beaucoup à sa suite. Certaines congrégations furent réduites de moitié.
Un autre malheur frappa la famille du Béthel. En effet, certains s’étaient livrés à l’impureté. Le bureau du président prit donc des mesures immédiates. Et, en février 1926, Martin Harbeck arriva de Brooklyn pour prendre la direction du bureau de Berne.
LES PROCLAMATEURS SUISSES S’OCCUPENT DU LIECHTENSTEIN
Il conviendrait maintenant que nous parlions du Liechtenstein, l’un des plus petits pays du monde, situé de l’autre côté du Rhin, entre la Suisse et l’Autriche. Les habitants l’appellent volontiers Ländle (petit pays); ce diminutif lui va bien puisque sa longueur n’est que de 27 kilomètres et que sa largeur moyenne n’atteint pas 6 kilomètres. La plupart de ses 27 076 habitants résident à la campagne, à l’abri des pressions de la vie citadine. Vaduz, la capitale, ne compte que 4 927 habitants, qui vivent dans le site remarquable des Alpes.
Faire briller la lumière de la vérité biblique dans ce bastion catholique, telle a été la responsabilité des proclamateurs suisses. Dans les années 20, des frères de Rorschach rencontrèrent une vive opposition dans leur prédication au Liechtenstein. Ils furent arrêtés et expulsés du pays. Mais conformément à la prophétie de Jésus consignée en Marc 13:10, Louis Meyer, ancien officier de l’Armée du Salut qui accepta la vérité en 1923, comprit vraiment la nécessité de veiller à ce que les “brebis” du Liechtenstein aient l’occasion d’entendre parler de la vérité. Il dit: “Un jour nous avons décidé de toucher tous les habitants en envoyant une brochure par foyer. Les autorités réagirent en portant plainte contre ‘l’expéditeur inconnu’, mais ce fut sans succès, car les services postaux suisses refusèrent de donner l’adresse de l’expéditeur en question.”
Avec l’accord du bureau de la filiale, frère Meyer organisa une assemblée d’une journée à l’hôtel Rosengarten de Ragaz, non loin de la frontière du Liechtenstein. La matinée était réservée à la prédication de maison en maison. Les frères en charge du bureau du service du champ et du service juridique du Béthel seraient présents, en cas de difficulté. Les instructions pour le service étaient très claires: donner un bref témoignage, remettre une publication, noter l’intérêt et s’en aller. Au cas où la police interviendrait, téléphoner immédiatement à l’hôtel.
Frère Meyer rapporte: “Tout semblait bien se passer. Mais au repas de midi les proclamateurs envoyés au Liechtenstein étaient manquants. C’est alors que sonna le téléphone: ‘Tous sont en état d’arrestation et l’on exige une caution très élevée.’ Ils étaient retenus dans leur autocar, devant le siège du gouvernement, et ils chantaient des cantiques tirés du recueil ‘Cantiques de Sion’. Cela, les autorités ne pouvaient le leur interdire, mais leurs chants les agaçaient plutôt, car ils attiraient l’attention des gens alentour.”
Sur l’intervention d’un frère du service juridique de la Société on relâcha finalement les frères, sans exiger de caution. Ils avaient le sentiment que leurs chants avaient aussi contribué à leur libération.
DES MESSAGES INOUBLIABLES
Au fil des années, les Témoins de Jéhovah de longue date ont eu le privilège d’annoncer au public suisse de nombreux messages inoubliables. Il y eut entre autres le discours “Des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. Des foules l’ont entendu. Encore aujourd’hui, les personnes âgées à qui nous donnons le témoignage se souviennent du titre de ce discours. Pour plaisanter, certains ont légèrement changé le titre allemand en supprimant les lettres st du mot sterben (“mourir”), si bien que le titre se lisait ainsi: “Des millions actuellement vivants n’hériteront (en allemand erben) jamais.” Mais l’important est que les gens se souviennent du message.
Inoubliable aussi, le message renfermé dans le tract intitulé Acte d’accusation contre le clergé. La diffusion de ce tract vers le milieu des années 20 fut passionnante. La congrégation de Zurich fut désignée pour couvrir une partie du canton catholique de Schwyz. Pour sa part, Gottfried Honegger, un frère intrépide, avait décidé de distribuer ces tracts à la porte de l’église, à la sortie de la messe; mais les frères le raisonnèrent, disant: “Tu n’y penses pas. Ils vont te maltraiter si tu les provoques avec une telle audace.”
Frère Honegger renonça donc à son projet, mais il agit néanmoins courageusement. Après le service religieux, une fois que tous les hommes se furent rendus à l’auberge pour prendre leur consommation dominicale, il alla d’auberge en auberge et de table en table, remettant rapidement un tract à chacun. Quand ils comprirent de quoi il s’agissait, ils se mirent à protester bruyamment; frère Honegger se retira alors discrètement dans la salle d’attente de la gare toute proche et y resta jusqu’à ce que le calme fût revenu.
Jules Feller se souvient des efforts que chacun fit pour diffuser ce tract. Il dit: “Cinq d’entre nous, membres de la famille du Béthel, avions décidé de répandre ce tract dans le val de Conches. Étant tous des cyclistes entraînés, nous étions convenus de nous y rendre à bicyclette, mais l’expédition prendrait deux jours. Nous nous sommes donc mis en route très tôt, un samedi matin de la fin mai. Tout alla bien jusqu’à ce que nous ayons atteint un col encore tout couvert d’une neige abondante. C’était un obstacle imprévu!”
Qu’allaient-ils faire? Rebrousser chemin? Non, Jules Feller poursuit: “Nous avons mis sur l’épaule notre bicyclette chargée et nous avons commencé d’escalader en zigzag la colline escarpée qui se dressait devant nous. Mais c’était bien plus difficile que nous ne l’avions imaginé, et dangereux de surcroît. En outre, l’un de nous n’avait pas de bonnes chaussures, il glissait donc sans cesse sur la neige gelée et reculait plus qu’il n’avançait. Il se découragea au point d’abandonner.”
Les quatre autres frères lui proposèrent de l’aider à porter sa charge et, finalement, après trois heures d’escalade sous un orage qui les trempa jusqu’aux os, ils atteignirent le premier village situé de l’autre côté du col. Là, un repas et quelques heures de sommeil les revigorèrent. Frère Feller conclut son récit:
“Le lendemain matin à trois heures, nous avons commencé à glisser les tracts sous les portes et dans les boîtes à lettres. Plus tard, quand les habitants furent levés, nous les leur avons remis en mains propres. Certains se fâchèrent et les déchirèrent. Mais nous avons calmement poursuivi notre activité et couvert les 20 villages de ce territoire foncièrement catholique.”
PRÉDICATION DANS L’IMMEUBLE DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Le surveillant de filiale, Martin Harbeck, était un homme dynamique, capable de présenter agréablement la vérité aux gens haut placés. Il se procura une carte de journaliste pour être admis à certaines sessions de la Société des Nations à Genève. Faisant tout son possible pour parler à certains de ces hommes, il eut l’occasion de remettre des publications à l’Anglais Anthony Eden, à l’homme d’État allemand Gustav Stresemann et au Russe Maksim Litvinov, chacun d’eux représentant son propre pays à la Société des Nations. Leur attention fut attirée sur le moyen réel d’unir les nations dans la paix et la justice, à savoir le Royaume de Dieu et du Christ.
En 1932, à l’occasion de la Conférence sur le désarmement tenue à Genève, on fit une nouvelle tentative pour toucher les personnes influentes et les dirigeants. En conformité avec les paroles séculaires de Psaume 2:10-12, on leur envoya à eux et aux autorités ecclésiastiques un exemplaire de la brochure Le Royaume, Espérance du Monde avec un mot d’accompagnement les invitant à prêter la plus grande attention à ce message. C’est ainsi qu’un témoignage fut donné à 292 de ces hommes politiquement puissants sur la terre.
UNE PRESSE ROTATIVE POUR LA RUSSIE?
En Allemagne, Hitler était venu au pouvoir en 1933 et l’œuvre des Témoins de Jéhovah avait aussitôt été frappée d’interdiction. Frère Harbeck se rendit à Magdebourg afin de voir comment protéger les biens de la Société, mais il fut arrêté. Après dix jours de détention, on le relâcha à condition qu’il quittât le pays immédiatement.
Un frère de Brooklyn fut ensuite envoyé en Allemagne pour tenter de se faire restituer la presse rotative confisquée par les autorités, afin de l’expédier en Russie. La Société cherchait, en effet, à étendre la prédication de la bonne nouvelle du Royaume dans ce pays. Mais les dirigeants soviétiques estimèrent que leur peuple avait plus besoin de chaussures que de Bibles, aussi la presse rotative de Magdebourg fut-elle finalement envoyée à Berne, où elle servit jusqu’à ce qu’on la renvoyât en Allemagne, quelques années après la guerre.
L’ACTIVITÉ AVEC LE PHONOGRAPHE
L’activité avec le phonographe commencée en 1934 fut un aspect nouveau de l’œuvre de prédication du Royaume. Le proclamateur proposait à la personne de lui faire écouter un sermon biblique de cinq minutes. Généralement la réponse était: “Oh, mais nous n’avons pas de phonographe!” Quand le proclamateur montrait celui qu’il avait avec lui, la curiosité l’emportait et la personne acceptait d’écouter. Cette méthode suscita beaucoup d’intérêt pour la vérité, et l’on diffusa de grandes quantités de publications.
L’activité avec le phonographe était assez facile, à la portée des enfants. Ruth Bosshard (aujourd’hui au Béthel) se souvient qu’adolescente, les après-midi où il n’y avait pas classe, elle se rendait dans son territoire munie d’un phonographe, pour faire entendre le message à certaines femmes qui appréciaient ses visites. Au moins l’une d’elles s’est finalement vouée à Dieu, à la grande joie de la jeune fille.
Les réactions étaient parfois étranges. Heinrich Heuberger raconte: “Un jour, une famille de six personnes accepta que je lui fasse écouter un discours biblique enregistré. Tous s’étaient réunis dans la salle de séjour. Or, pendant l’audition ils ont quitté sans bruit la pièce les uns après les autres. À la fin du sermon de cinq minutes j’étais seul. Que pouvais-je faire? J’ai refermé mon phonographe et, en disant bien haut ‘Auf Wiedersehen!’ (‘Au revoir’) je suis parti.”
Il a fallu de la patience et des visites répétées pour faire pénétrer de nouvelles pensées dans l’esprit de ces gens esclaves de la tradition.
‘NOTRE DIEU N’EST PAS UN DIEU DE DÉSORDRE’
C’est ce qu’Erwin Saner, de Bâle, avait coutume de dire en pointant l’index sur la pendule, quand un enfant arrivait en retard à l’École du dimanche de la congrégation. — I Cor. 14:33.
L’École du dimanche? Eh! oui, pendant un temps il y avait un groupe séparé pour les jeunes de 13 à 25 ans et une École du dimanche pour les plus jeunes, laquelle était basée sur le livre Le chemin du Paradis (The Way to Paradise de W. Van Amburgh, édité en 1924 et “dédié aux jeunes pour l’étude des Saintes Écritures”). À tour de rôle, des membres adultes des congrégations instruisaient les enfants le dimanche matin. Ulrich Engler, de Thalwil, explique: “Nous, parents, nous allions prêcher le dimanche et nous n’avions pas l’habitude d’emmener nos enfants; ils ne nous accompagnaient pas davantage aux réunions tenues en soirée. Aussi, quand un groupe pour enfants fut formé à Zurich, nous nous sommes réjouis de ce que les jeunes de la congrégation de Thalwil étaient invités à s’y joindre.”
L’Association “Les jeunesses de Jéhovah” avait même son propre secrétariat à Berne. Un périodique spécial intitulé Les jeunesses de Jéhovah était édité et imprimé sur les presses de la Société. Le premier numéro fut préfacé par frère Rutherford. Ces jeunes tenaient des réunions et prenaient une part active à l’œuvre de prédication. Ils jouaient également des drames bibliques et organisaient de grands rassemblements pour les jeunes. Mais ils constituaient en fait une organisation dans l’organisation. La Bible montre que dans l’ancien Israël Jéhovah avait fait en sorte que les adultes et les enfants se réunissent ensemble pour être enseignés (Deut. 31:12). Dès que nous avons eu une meilleure intelligence de ce principe, nous avons abandonné ces dispositions spéciales pour les jeunes. Ce fut en 1936, lors de la visite de frère Rutherford.
NOUS FAISONS BRILLER LA LUMIÈRE EN ITALIE
Le bureau central européen s’inquiétait au sujet de l’Italie. Le dictateur Mussolini avait pris le pouvoir et l’activité des serviteurs de Jéhovah était interdite. Il y avait très peu de frères dans ce pays et ils étaient étroitement surveillés par la police fasciste. Néanmoins, 500 000 exemplaires de la brochure Le Royaume, Espérance du Monde étaient sortis des presses d’un imprimeur de Milan; il restait donc à les distribuer.
On décida que quelques frères suisses, prêts à en prendre le risque, se rendraient dans le nord de l’Italie et, grâce à une distribution rapide de ces brochures, feraient briller la lumière dans cette région enténébrée. Alfred Gallmann, de Bâle, était de ceux qui participèrent joyeusement à cette activité. Il dit:
“Avec quelques autres frères et sœurs nous nous sommes rendus à Milan, où l’on nous donna des instructions. La campagne était bien organisée. Nous allions par deux, chaque groupe de deux ayant 50 000 brochures à distribuer, lesquelles avaient déjà été envoyées dans les villes de distribution. Mon compagnon et moi, nous étions chargés de couvrir les villes de Vérone, de Vicence et de Venise. Il fallait agir vite de manière à éviter les plaintes du clergé et la confiscation des brochures par la police.
“En arrivant nous avons cherché quelques jeunes garçons susceptibles de nous guider vers les rues et les ruelles qui nous étaient assignées. Pour un pourboire, ils étaient prêts à nous aider à mettre les brochures dans les boîtes à lettres. Cette activité étrange plaisait beaucoup à ces jeunes garçons qui en ignoraient tout.”
Cette campagne s’est-elle déroulée sans incident? Presque. Quelques frères ont été interpellés par la police, mais après s’être brièvement expliqués dans un mauvais italien, ils furent relâchés. À la fin de la semaine tous se retrouvèrent à Milan, heureux de ce qui avait été accompli. L’attention d’une petite partie au moins de la grande population italienne avait été attirée sur le Royaume de Dieu, le seul espoir de liberté et de justice.
LA NOURRITURE SPIRITUELLE PÉNÈTRE DANS L’ALLEMAGNE NAZIE
L’une des tâches du bureau central européen consistait à maintenir le contact avec les frères persécutés. Bien que l’Allemagne ne fût pas sous leur responsabilité, les frères de Berne faisaient de grands efforts pour fournir à ceux d’Allemagne la nourriture spirituelle indispensable.
Ainsi, le bureau envoyait des articles dactylographiés de La Tour de Garde à Karl Kalt, surveillant à Bâle. Celui-ci raconte: “Ma responsabilité consistait à trouver quelques frères ou sœurs dignes de confiance et à leur faire dactylographier sur papier fin environ 30 exemplaires de ces articles. Tout devait être prêt pour la date fixée. Nous avions l’habitude de travailler chaque soir jusqu’à minuit.”
Comment ces articles parvenaient-ils aux frères d’Allemagne? Bâle étant une ville frontalière, elle s’en trouvait à faible distance, et dans ces années de l’avant-guerre il y avait beaucoup de passage au poste frontière. Mais il arrivait que les voyageurs subissent une fouille en règle. Frère Kalt poursuit en disant:
“Des personnes de confiance venaient d’Allemagne chez moi. Je leur remettais les copies des textes qu’elles passaient de l’autre côté, soit sur elles soit dans la double semelle de leurs chaussures, et qu’elles livraient à l’adresse convenue. Elles l’ont souvent fait au péril de leur vie. Cette nourriture spirituelle parvenait non seulement aux Témoins en liberté, mais aussi à ceux qui se trouvaient dans les camps de concentration.”
SOLIDARITÉ AVEC LES TÉMOINS D’ALLEMAGNE
Les Témoins allemands subissaient des pressions extrêmes et leurs compagnons de service de la terre entière compatissaient à leurs souffrances. Comme le dit l’apôtre Paul: “Si un membre souffre, tous les autres membres souffrent avec lui.” (I Cor. 12:26). C’est ce qui fut mis en évidence lors de la réunion spéciale tenue par toutes les congrégations le 7 octobre 1934, à 9 heures du matin. Ce jour-là, une enveloppe cachetée devait être ouverte. Elle renfermait le texte d’un télégramme à envoyer au gouvernement de Hitler. Le voici:
“Au gouvernement hitlérien, Berlin, Allemagne. Les mauvais traitements que vous infligez aux Témoins de Jéhovah révoltent tous les honnêtes gens et déshonorent le nom de Jéhovah. Cessez les persécutions contre les Témoins de Jéhovah, sans quoi Dieu vous détruira vous et votre parti.”
Ce télégramme fut envoyé le même jour par les congrégations de 50 pays différents, y compris d’Allemagne. Imaginez l’avalanche de télégrammes qui déferla ce jour-là sur Berlin! Ces messages constituaient certes un avertissement pour Hitler et son parti, mais ils démontraient aussi l’unité et la solidarité des Témoins de Jéhovah du monde entier. Pour ce qui est de l’issue de cette affaire, nul n’ignore le sort que Hitler et son parti ont connu.
“CROISADE CONTRE LE CHRISTIANISME”
Afin d’attirer l’attention du public sur la résistance des Témoins de Jéhovah à la terreur nazie, le bureau de la Société à Brooklyn autorisa la publication du livre Kreuzzug gegen das Christentum (Croisade contre le christianisme). Il décrit en détail le calvaire enduré par les Témoins de Jéhovah dans l’Allemagne nazie. Il expose l’expérience vécue par plus d’une centaine de frères et de sœurs, mais, par-dessus tout, il témoigne en faveur du fait que des hommes et des femmes ont combattu, souffert et perdu la vie dans l’Allemagne nazie à cause de leur foi. Ce livre a été publié par l’Europa-Verlag, à Zurich, et mis en vente dans les librairies et kiosques à journaux. Il fut traduit en français et en polonais, mais pas en anglais.
Thomas Mann, écrivain bien connu aujourd’hui décédé, écrivit ce qui suit dans une lettre adressée à la Société: “Vous avez fait votre devoir en offrant ce livre au public, et il me semble qu’il ne peut y avoir de plus pressant appel à la conscience du monde.” T. Bruppacher, ministre protestant, déclara ce qui suit dans un journal suisse le 19 août 1938: “Le futur historien de l’Église devra reconnaître un jour que ce ne sont pas les grandes Églises, mais ces hommes calomniés et ridiculisés, qui osèrent les premiers s’élever contre le démon nazi et résister à sa fureur, conformément à leur foi. Ils souffrent et saignent, parce qu’en leur qualité de Témoins de Jéhovah et de candidats au Royaume de Christ, ils refusent le culte de Hitler, la croix gammée, le salut allemand et la participation obligatoire aux élections.”
UN REFUGE POUR LES PIONNIERS
En 1936, la Société fit l’acquisition de la ferme “Bärenmoos”, près de Steffisburg/Thoune, pour que la famille du Béthel puisse se procurer une nourriture saine au meilleur prix. Deux ans plus tard, elle acheta une autre ferme, appelée Chanélaz, près de Neuchâtel. Les deux fermes servirent de refuge aux pionniers obligés de quitter leurs territoires à l’étranger et dans l’impossibilité de rentrer dans leur pays. C’était particulièrement le cas des pionniers allemands affectés dans les Balkans. Jusqu’à 30 frères et sœurs travaillaient dans ces fermes comme valets et filles de ferme; c’était d’ailleurs le seul type de travail pour lequel les autorités suisses accordaient un permis de séjour.
Frère Heinrich Dwenger servait à Bärenmoos. Né en Allemagne en 1887, il fut baptisé à Barmen en 1909 un jour qu’il y visitait le bureau de la filiale. Sur-le-champ on l’invita à entreprendre le service à plein temps. La décision n’était pas aisée, car ses parents, qui n’étaient pas dans la vérité, avaient des ambitions pour lui. Il s’engagea néanmoins dans le service à plein temps en octobre 1910; il servit d’abord à la filiale de Barmen puis de Magdebourg. Par la suite il remplit des missions difficiles en Pologne, en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Traqué par la Gestapo, il gagna finalement la Suisse sur l’ordre de la Société. Valet de ferme à Bärenmoos, il était heureux de s’occuper des porcs. Par la suite il travailla au service des abonnements à la filiale de Suisse.
Voici ce que frère Dwenger a dit de sa vie passée dans le service de Jéhovah: “Je suis vraiment très heureux d’avoir endossé avec sérieux la responsabilité biblique de prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. J’ai servi pendant des années dans les Béthels de différents pays où il ne m’appartenait pas de choisir la tâche qui me plaisait, mais plutôt d’accomplir celle qui m’était assignée. Je suis néanmoins profondément heureux d’avoir toujours cherché à suivre la direction de Jéhovah par l’entremise de son organisation terrestre en remplissant fidèlement toutes ces tâches. En vérité, c’est ce genre d’obéissance qui a été pour moi une source d’abondantes bénédictions.”
Le 30 janvier 1983, à l’âge de 96 ans, frère Dwenger acheva sa course terrestre. Dans la mémoire de nombreux frères et sœurs, tant en Suisse qu’à l’étranger, Heinrich Dwenger est un exemple de modestie, d’humilité et d’obéissance, un exemple à imiter.
Tandis qu’ils travaillaient temporairement à la ferme Chanélaz, Oscar Hoffmann et sa femme Annie apprécièrent particulièrement la compagnie d’Adolphe Weber qui, dès 1900, commença l’œuvre de prédication de la bonne nouvelle en Suisse. Il en avait vu beaucoup faire des débuts prometteurs dans le service de Jéhovah et retourner ensuite vers les choses qui sont derrière. Alors que certains étaient devenus présomptueux, frère Weber avait continué à servir Jéhovah humblement et fidèlement. Ayant pris de l’âge et étant de santé fragile, il passait les mois d’hiver à la ferme. Sa modestie, sa foi inébranlable et son zèle dans le service ont fait forte impression sur tous ceux qui l’ont connu. C’est en février 1948, à l’âge de 85 ans, qu’il acheva sa course terrestre.
ATTAQUE D’UN BASTION CATHOLIQUE
En 1922, lors d’une visite de frère Rutherford, il a été décidé qu’une réunion publique serait organisée à Lucerne, bastion du catholicisme. Les frères avaient pu trouver une salle de 850 places et tous les sièges étaient occupés. Les assistants se montraient attentifs et aucun d’eux n’a quitté la salle avant la fin. Manifestant leur plein accord par des applaudissements prolongés et répétés, ils ont obligé frère Rutherford à revenir sur la scène. Il prit alors congé du public par un puissant “Auf Wiedersehen!”.
Conformément à sa promesse, une assemblée se tint à Lucerne du 4 au 7 septembre 1936. Elle réunit des frères venus de presque tous les pays d’Europe, y compris de l’Allemagne nazie, bien que ce fût au péril de leur vie ou de leur liberté. En fait, des agents nazis photographièrent à la dérobée des congressistes allemands, qui furent arrêtés aussitôt rentrés chez eux.
Le discours de frère Rutherford intitulé “Harmaguédon — La guerre du Dieu tout-puissant” avait fait l’objet d’une grande publicité. Or au dernier moment les autorités cantonales de Lucerne l’interdirent au public. Les frères ont néanmoins pu l’entendre, mais une foule d’environ 2 000 personnes fut empêchée d’entrer dans la salle par la police. Toutefois, les frères étaient résolus à répandre ce message dans le public. Ils ont trouvé un imprimeur disposé à imprimer le texte en six heures; il a donc pu être distribué à tous ceux que l’on avait empêchés d’entrer. Ainsi, un témoignage durable fut donné dans la ville de Lucerne, au grand dam du clergé qui était à l’origine de l’interdiction.
Quand la suppression de la liberté de se réunir fut connue du public, la presse suisse exprima une vive indignation. Le National-Zeitung de Bâle posa la question suivante en conclusion d’un long article: “Où s’enfuit la liberté, celle dont nous étions si fiers?”
EFFET EN RETOUR SUR LE CLERGÉ
Frère Rutherford, homme courageux et direct, présenta le lendemain une résolution aux congressistes. Elle disait entre autres: “Nous faisons retentir les avertissements divins aux oreilles des gouvernants allemands, de la Hiérarchie catholique romaine, et de toutes les organisations qui persécutent les fidèles et inoffensifs disciples du Christ, et nous les prévenons que le sort qui leur est réservé sera, selon la parole de Dieu, la destruction complète (Psaume 145:20).” Un exemplaire de cette résolution fut envoyé sous pli recommandé au pape et à Hitler.
Mais ce n’était pas tout. Le dernier jour de l’assemblée environ un millier de Témoins diffusèrent dans Lucerne et aux alentours plus de 10 000 exemplaires de la brochure Choisissez — Richesses ou Ruine. Certains proclamateurs furent arrêtés et leurs publications confisquées. Plusieurs journaux critiquèrent les mesures prises par les autorités, mais en réalité un bien plus grand témoignage fut ainsi donné. Bien mieux, on prépara un numéro spécial de L’Âge d’Or qui exposerait tous les faits relatifs à cette assemblée.
Voici la couverture de ce périodique reproduisant un chapeau noir de prêtre suspendu à un poteau sur un arrière-plan de la ville de Lucerne. Cette illustration a pour légende “Der neue Gesslerhut” ou “Le nouveau chapeau de Gessler”. De qui s’agit-il? Dans Guillaume Tell, drame du poète Friedrich Schiller, Gessler représente un bailli tyrannique qui, au XIIIe siècle, tenta d’asservir les habitants des rives du lac des Quatre-Cantons, lesquels étaient épris de liberté. Il aurait, dit-on, piqué son chapeau en haut d’un poteau et obligé le peuple à le saluer en signe d’allégeance. Ainsi, le chapeau de Gessler, symbole du despotisme, représenté sur la couverture de ce numéro spécial de L’Âge d’Or évoquait la suppression de la liberté de parole, suppression inspirée par le clergé.
On imprima 100 000 exemplaires de ce numéro dont 20 000 furent envoyés gratuitement à tous les habitants de Lucerne et des environs. Il fallut en réimprimer 18 000 exemplaires qui furent, eux aussi, diffusés en quelques jours. Encore aujourd’hui, cette assemblée de Lucerne de 1936 est présente à la mémoire de beaucoup.
Ce numéro spécial de L’Âge d’Or retint particulièrement l’attention d’Edouard Zysset, un habitant de Berne. Il contacta le bureau de la Société et, à l’issue d’une discussion animée avec le rédacteur en chef, frère Zürcher, il s’en retourna chez lui, une pile de publications sous le bras. Quatre ans plus tard, en 1940, sa femme Yvonne et lui se faisaient baptiser. Depuis lors, tous deux ont été d’une grande aide pour la Société en travaillant comme correcteurs, en participant à la préparation de notre concordance biblique en français et en affermissant les congrégations d’expression française. À deux reprises ils ont été membres de la famille du Béthel.
COMBATS JURIDIQUES DANS LES ANNÉES TRENTE
La Suisse est réputée dans le monde pour être l’une des plus anciennes démocraties. Les historiens célèbrent le combat pour la liberté mené par les fondateurs de la Confédération contre les dominateurs étrangers, et les Suisses tirent orgueil de leur Constitution qui garantit, entre autres choses, la liberté de religion et de conscience. D’autant plus étonnantes furent les dures batailles juridiques rendues nécessaires pour ‘défendre et affermir légalement’ notre droit de prêcher de maison en maison, en paroles et au moyen de la page imprimée (Phil. 1:7). Ce fut une bataille de presque trente ans. Rien qu’en 1935, 111 affaires ont été traitées, dont la moitié environ en notre faveur.
Pourquoi toutes ces difficultés créées aux proclamateurs du Royaume de Dieu, et à l’instigation de qui? Du haut clergé de “Babylone la Grande”, que l’activité croissante des Témoins de Jéhovah irritait. La plaie symbolique de sauterelles décrite dans les prophéties de Joël et de la Révélation l’avait frappé, et le message de jugement lui causait du tourment.
Par exemple, la brochure Fuyez vers le Royaume amena un prêtre catholique à déclarer: “Cette publication est truffée d’altérations de la Bible, d’absurdités, de diffamations grossières visant à tromper les gens; elle fait appel aux bas instincts de l’humanité. Nous, catholiques, allons-nous tolérer ces manipulations? À coup sûr, il y a des lois pour rendre inoffensifs ces vils démagogues. N’allons-nous pas user de notre pouvoir? Nous pressons les autorités compétentes de ne pas ménager ces Étudiants de la Bible malveillants, et de les traiter comme ils le méritent.”
ILS FONT USAGE DE LEUR POUVOIR
Les effets des pressions constantes exercées par le clergé sur les autorités commencèrent à se faire sentir. Poussée par les prêtres des paroisses, la police arrêtait fréquemment les proclamateurs dans leur activité de prédication. On nous accusait d’offenser les sentiments religieux dans nos écrits par des illustrations et un langage durs, de troubler la paix confessionnelle et de transgresser les lois relatives au repos dominical. On nous a aussi souvent accusés de colportage sans licence.
Dans le canton de Lucerne, le premier tome du livre Lumière fut interdit en raison de certaines de ses illustrations. Dans le canton de Fribourg, également catholique, des proclamateurs ont eu à comparaître devant le tribunal pour critiques outrageantes à l’égard de l’Église catholique au moyen de la diffusion du livre Délivrance; nous avons perdu le procès. Le canton des Grisons interdit la diffusion de toutes nos publications et le canton catholique de Zoug déclara illicite “l’activité perturbatrice” des Témoins de Jéhovah. En conséquence, le gouvernement cantonal de Lucerne en fit autant.
Pour ces cas-là et des dizaines d’autres, nous avons contesté la légalité des mesures prises à notre encontre. Il a donc fallu aller devant les tribunaux et parfois même remonter jusqu’à la Cour fédérale suprême. Certes, nous avons essuyé des défaites, mais nos victoires nous ont aussi réjouis. Jéhovah soutenait son peuple, et notre foi s’affermissait en voyant comment les proclamateurs livraient ce combat pour la liberté de prêcher la vérité. Ils continuaient à prendre part au service du champ, bien que dans certains territoires leur arrestation fût pour le moins certaine.
OBJECTIF DE L’ENNEMI: L’INTERDICTION COMPLÈTE
“Il est grand temps de mettre fin à l’activité des Étudiants de la Bible, alias les Témoins de Jéhovah”; voilà qui revenait fréquemment dans la presse catholique en particulier. Voyant que les Témoins de Jéhovah avaient été interdits dans l’Allemagne nazie, nos ennemis en Suisse se sentaient encouragés à poursuivre le même but. La calomnie et la falsification des faits étaient leurs armes favorites.
Un instrument puissant fut le Schweizerische Pressekorrespondenz, mensuel d’information envoyé à toutes les autorités et aux éditeurs. Il était en relation étroite avec “l’Association pour l’Église et le pape” fondée à Saint-Gall en 1931. Ce journal s’acharnait à présenter les Témoins de Jéhovah comme une organisation suspecte, hostile à l’État et favorable à un gouvernement mondial juif. Travaillant à l’interdiction de notre œuvre et de la diffusion de nos écrits, il déclara: “Ce flot de boue qui déferle de Berne sur toute l’Europe nous impose, à nous catholiques de Suisse, de veiller à ce que le siège [suisse] soit dissous. Nous ne pouvons tolérer que notre beau pays soit souillé en servant de point de départ à cette insidieuse agitation bolchevique.” Autre assertion absurde!
M. Toedtli, directeur de ce journal, intenta une action en justice contre Martin Harbeck et Franz Zürcher, représentant la Société, pour “dégradation de la religion”. Au cours de ce procès la valeur de nos écrits devait être jugée: Étaient-ils ou non “de la mauvaise littérature”? Les accusations portées par Toedtli reposaient sur l’argumentation verbeuse de M. Fleischhauer, membre du Front national et directeur du Centre de propagande nazie et antisémite d’Erfurt en Allemagne. Cet homme prétendait que les Étudiants de la Bible étaient des communistes déguisés “qui travaillaient aux côtés des francs-maçons et des Juifs au renversement de tous les gouvernements chrétiens en vue de l’érection d’un empire juif sur les ruines de la chrétienté”.
FRÈRE RUTHERFORD ASSISTE AUX AUDIENCES
Quand l’affaire fut jugée à Berne le 26 août 1936, frère Rutherford était présent. Il comparut en justice et témoigna en qualité d’auteur de la publication en question. “Si les écrits mis en accusation sont ‘de la mauvaise littérature’, dit-il, alors la Parole du Dieu tout-puissant est également ‘de la mauvaise littérature’”, puisque les comparaisons et les illustrations critiquées sont empruntées aux livres bibliques d’Ézéchiel, de Jérémie et de la Révélation. “Il est manifeste qu’il n’entrait pas dans les intentions des légistes d’interdire la diffusion des Saintes Écritures et la publication d’ouvrages les expliquant. Ces écrits exposent la vérité, rien que la vérité et, comme l’a dit le Seigneur Jésus Christ, ‘Sanctifie-les au moyen de la vérité; ta parole est vérité’. (Jean 17:17.)” Ainsi concluait frère Rutherford.
Après cinq heures de débats, le président du tribunal, M. Lehmann, arriva à la conclusion que les représentants de la Société Watch Tower Martin Harbeck et Franz Zürcher ne pouvaient être accusés d’avoir contrevenu à la loi contre la “mauvaise littérature”, et que la religion n’avait pas non plus été avilie dans les écrits publiés par l’imprimerie de la Société à Berne. Les défendeurs furent acquittés et les plaignants condamnés aux dépens à raison d’une somme de 150 francs suisses par défendeur.
TOEDTLI FAIT APPEL
Dans tout le pays la presse catholique s’indigna contre le Tribunal, qualifiant son jugement d’“erroné et d’incroyable”. Toedtli interjeta appel et l’affaire fut jugée de nouveau le 28 mai 1937 par le tribunal cantonal de Berne. Celui-ci cassa le jugement précédent et les représentants de la Société furent condamnés à payer une amende de 100 francs suisses pour “dégradation de la religion”. La cour a néanmoins maintenu qu’il n’y avait pas eu transgression de la loi contre la “mauvaise littérature”.
Moins d’un an plus tard, les instigateurs de Toedtli furent démasqués quand on le jugea et condamna à trois mois d’emprisonnement pour espionnage au profit de l’Allemagne nazie. Mais il s’était déjà enfui et fut condamné par contumace.
INTERDICTION D’UNE BROCHURE
En 1939 la situation était tendue en Europe. La Suisse se trouvait presque encerclée par des puissances totalitaires. Tout en rejetant généralement leurs idéologies, les autorités suisses se gardaient de provoquer ces dangereux voisins. La situation s’aggrava encore quand les troupes de l’Allemagne nazie cernèrent la Suisse de toutes parts. À l’ouest, elles occupaient la France, à l’est, l’Autriche et au sud, l’Italie. La Suisse et le Liechtenstein étaient complètement isolés: des îlots sur une mer déchaînée. C’est dans ce contexte que le peuple de Jéhovah distribua courageusement la brochure Fascisme ou Liberté, qui soulevait cette question: “Le monde sera-t-il gouverné, avec justice, par Christ, le Roi que Jéhovah a établi, ou par des dictateurs égoïstes et arbitraires?” Cette brochure qualifiait Hitler de ‘représentant de Satan’ et accusait la Hiérarchie catholique romaine ‘d’agir d’intelligence avec les fascistes’.
Des millions d’exemplaires de cette brochure furent distribués dans les pays placés sous la responsabilité du bureau central européen. Il n’y eut aucune surprise quand elle fut interdite par le procureur général à la suite de la décision prise par le Conseil fédéral. Mais cette mesure fit néanmoins couler beaucoup d’encre. La Société réagit en produisant un tract dont on distribua 400 000 exemplaires à travers toute la Suisse. Il s’ensuivit une vive opposition, car on nous accusait fréquemment de faire de la propagande communiste. Des réunions furent annulées ou interrompues, mais d’après Joseph Dvorak, de Lucerne, “plus grandes étaient les difficultés, meilleur l’esprit qui animait la congrégation”. Sans le soutien de l’esprit de Jéhovah les frères se seraient peut-être lassés d’affronter les attaques incessantes de l’ennemi. Au lieu de cela, ils étaient prêts à “combattre énergiquement pour la foi”, et leur confiance en Jéhovah fut récompensée. — Jude 3.
La congrégation de Buchs, Saint-Gall, fournit un bel exemple de cet esprit combatif. Elle disposait d’un stock assez important de brochures Fascisme ou Liberté, interdites en Suisse. Les frères décidèrent que le mieux serait de l’écouler à l’étranger, en l’occurrence au Liechtenstein voisin. En raison des accords douaniers avec la Suisse, il n’y a pas de contrôle à la frontière. Karl Dangelmeier fut l’un des frères qui consacrèrent leurs soirées à distribuer cette brochure au Liechtenstein. “Vous imaginez l’émotion soulevée parmi la population, dit-il, car la couverture représentait le pape en compagnie de Hitler et de Mussolini. Les journaux exprimaient leur indignation et le Mouvement de la jeunesse catholique se tenait prêt à nous attaquer, mais nous étions prudents et n’emportions jamais de sac. Nous avons donc achevé notre campagne sans être découverts, et les brochures furent diffusées.”
1939, LA SECONDE GUERRE MONDIALE ÉCLATE!
Il était malaisé pour le gouvernement suisse de manœuvrer à l’ombre des puissances totalitaires qui envahissaient un pays après l’autre. L’armée avait été mobilisée pour garder les frontières. Le service militaire étant obligatoire, les hommes exclusivement voués à Dieu se trouvaient dans le creuset de l’épreuve. Fidèles aux directives de leur conscience, la plupart des Témoins de Jéhovah refusèrent le service armé (És. 2:2-4; Rom. 6:12-14; 12:1, 2). Bon nombre d’entre eux eurent donc à comparaître devant les tribunaux militaires. Les sentences variaient de quelques mois à cinq ans de prison. Il arrivait fréquemment qu’à la fin d’une peine les frères soient de nouveau appelés à l’armée; alors tout recommençait. La seconde condamnation était toujours plus lourde que la première.
De tous les Témoins condamnés comme objecteurs de conscience, Fernand Rivarol, de Genève, resta le plus longtemps en prison. Cela lui coûta son emploi, ce qui, bien évidemment, fut cause de difficultés pour sa femme et sa petite fille. Mais Jéhovah lui prodigua des encouragements par l’entremise d’un gardien de prison qui, à l’époque, s’intéressait déjà à la vérité. Chaque fois que les devoirs de sa charge le lui permettaient, il saisissait l’occasion de réconforter, tant matériellement que spirituellement, frère Rivarol et les deux autres frères incarcérés avec lui. La prise de position de ces serviteurs de Jéhovah aida ce gardien à devenir un frère zélé. Il s’agit d’Émile Bolomey.
Vu l’attitude de nos frères, les autorités en conclurent à tort que les activités de la Société étaient dirigées contre les intérêts de l’État, qu’elles incitaient ouvertement à l’antimilitarisme. On alla même jusqu’à accuser la Société de mener des actions subversives, accusation des plus injustes.
FERMETURE DU BUREAU CENTRAL EUROPÉEN
Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, l’activité du bureau central européen fut grandement entravée à mesure que les différents pays tombaient sous la coupe du totalitarisme. Maintenir le contact avec les frères devint difficile et même impossible, les ponts étant coupés. Le bureau central perdit donc sa raison d’être et au début de l’été 1940 frère Harbeck et sa femme rentrèrent aux États-Unis, où on les affecta au service de zone et de circonscription.
La responsabilité de l’œuvre en Suisse reposait maintenant sur les épaules de Franz Zürcher, qui avait commencé son service au Béthel en 1923. Il avait présenté le Photo-Drame en Belgique, dans la Sarre, dans la vallée du Nahé, en Rhénanie, en Alsace-Lorraine et bien sûr en Suisse. Par la suite, il fut chargé de la publication de l’édition allemande de L’Âge d’Or. En relation avec le bureau du service du champ, il eut également le privilège de s’occuper d’une centaine de pionniers répartis dans les pays supervisés par le bureau central européen.
Frère Zürcher prit en charge la filiale de Suisse en des temps très difficiles. Il lui fallut vraiment s’en remettre à la direction de Jéhovah. Nos ennemis visaient rien moins que la prohibition totale de l’œuvre des Témoins de Jéhovah. La presse catholique les accusait de se livrer à des activités politiques et hostiles à l’État. Voici quelques titres d’articles: “Les fervents Étudiants de la Bible: des pionniers du bolchevisme” et “Des suppôts de Moscou: les Étudiants de la Bible”.
Cette atmosphère amena les autorités militaires à prendre des mesures. Tôt dans l’après-midi du 5 juillet 1940, un camion rempli de soldats s’arrêta devant le bâtiment de la filiale et de l’imprimerie à Berne. Les militaires occupèrent les lieux. Ordre fut donné aux membres de la famille de se réunir dans la salle à manger et d’y rester jusqu’à ce que la perquisition minutieuse fût terminée. Les militaires apposèrent les scellés sur la porte de certains locaux et emportèrent les nombreuses publications qu’ils avaient confisquées. En fait, ils cherchaient quelque preuve écrite attestant que la Société encourageait ouvertement le refus du service militaire. Une enquête fut ouverte.
PERQUISITIONS CHEZ LES FRÈRES
Peu après, au jour dit et à l’heure fixée, dans toute la Suisse on perquisitionna au domicile de certains surveillants et de proclamateurs. Des publications furent confisquées et les interrogatoires enregistrés.
Emile Walder raconte: “À sept heures du matin, il y eut un coup de sonnette à notre appartement situé au 37 Marchwartstrasse à Zurich-Wollishofen. Deux grands gaillards, des inspecteurs de la police cantonale, présentèrent un mandat de perquisition et entrèrent résolument. Ils fouillèrent partout et trouvèrent ma sacoche avec des documents et l’argent des contributions que j’avais relevé la veille au soir, lors de la réunion, car j’étais serviteur aux comptes à l’époque. Après vérification, ils confisquèrent le tout. Il me fallut les accompagner au bureau de police principal. Là, ils tentèrent une sorte de lavage de cerveau, espérant que je leur livrerais d’autres noms et adresses de frères, mais en vain. Puis un inspecteur m’accompagna à la banque où je travaillais et vérifia mon coffre personnel, pour voir s’il n’y avait pas matière à imputer quelque délit à la Société. Mais ce fut l’échec.
IMPOSITION D’UNE CENSURE
Sans attendre les conclusions de l’enquête, les autorités militaires suisses décidèrent d’imposer une censure au périodique La Tour de Garde. La Société ne pouvait accepter cela. Il était impensable que la nourriture spirituelle émanant de Jéhovah puisse être censurée par les militaires du présent système de choses. La publication de La Tour de Garde cessa donc officiellement. Mais les frères, maintenant plus d’un millier, n’ont pas été privés sur le plan spirituel. Ils recevaient des articles dactylographiés et polycopiés pour l’étude personnelle, qu’ils se passaient les uns aux autres dans les congrégations. Ainsi, ils se sont tenus à jour avec la lumière spirituelle qui va sans cesse croissant.
De manière à disposer de publications pour le service du champ, ils ont obtenu de la commission de censure l’autorisation d’imprimer le périodique Consolation (anciennement L’Âge d’Or) et des brochures. L’insistance avec laquelle les autorités nous demandaient d’être prudents dans le choix des termes décrivant la situation mondiale reflétait assez la crainte qu’elles avaient de leurs puissants voisins.
Frère Jules Feller, dans le service au Béthel depuis plus de 60 ans, fut désigné pour porter les manuscrits à la censure. “En général, les textes étaient acceptés, dit-il. De temps à autre, la commission de censure relevait une expression trop directe à son goût, et demandait que l’idée soit formulée différemment. Il va de soi que les choses peuvent être dites de plusieurs manières, sans nuire à la vérité. Or, un jour on m’a reçu avec hostilité. On reprochait aux Témoins de Jéhovah de profiter de l’État mais de ne rien faire pour lui, le service militaire par exemple. On nous attaquait bel et bien.
“Il s’ensuivit une longue discussion. Pendant deux heures il m’a fallu essuyer le feu roulant des questions posées par les quatre hommes qui me faisaient face. J’ai vraiment éprouvé la véracité des paroles de Jésus qui a dit selon Matthieu 10:18, 19: ‘Vous serez traînés devant des gouverneurs et des rois à cause de moi, en témoignage pour eux et pour les nations. Mais (...) ne vous inquiétez pas de ce que vous devez dire ni comment, car ce que vous devez dire vous sera donné en cette heure-là.’ La vérité sortit victorieuse de cet entretien. Après cela on nous traita aimablement jusqu’à la fin de la guerre.”
FRÈRE ZÜRCHER EST CONDAMNÉ
Conséquemment à l’enquête menée par les autorités militaires, frère Zürcher, le surveillant de filiale, fut poursuivi en justice. On l’accusa faussement d’ébranler la discipline militaire et de contrevenir à l’interdiction frappant la propagande dangereuse pour l’État. Deux années passèrent avant que le jugement n’ait finalement lieu les 23 et 24 novembre 1942. Le réquisitoire du procureur militaire cingla telle une averse de grêle. Il qualifia frère Zürcher de démagogue de la pire espèce, de celle que l’on met derrière les barreaux. Il cita des extraits du second volume du livre Lumière, pages 179 à 183, où il est dit que le reste se tiendra en un lieu abrité et assistera au massacre de ceux qui composent l’organisation de Satan, y compris les rois, les capitaines et les puissants. Et comme l’un des chefs d’accusation portait sur le fait que cet ouvrage sapait la discipline militaire, on comprend sans mal que ce genre de déclaration ait provoqué la colère du procureur. Il vociféra: “C’est se dérober au service militaire, la pire des lâchetés! Vous avez là un exemple de leur attitude à l’égard du service armé suisse.”
Maître Johannes Huber, avocat de la défense, parlementaire hautement respecté et membre du Conseil national, déclara qu’en 40 ans de carrière il n’avait encore jamais eu à défendre une affaire dans une atmosphère aussi lourde de préventions. Selon lui, ce n’était pas un accusé que l’on jugeait mais plutôt les Témoins de Jéhovah dans leur ensemble. On cherchait à les réduire au silence. Il déclara dans sa péroraison: “Ainsi donc, il ne s’agissait pas uniquement pour moi de satisfaire à la requête d’un client; non, malgré nos opinions divergentes, j’ai senti qu’il était de mon devoir de défendre ces gens si mal compris et qui font l’objet d’une si grave injustice. Je prie donc la cour de prononcer l’acquittement.” Malgré cela, frère Zürcher fut condamné à deux ans de prison et à la privation de certains droits civiques.
Notre avocat porta l’affaire devant la Cour d’appel et le jugement définitif fut rendu le 16 avril 1943. Verdict: un an de prison avec sursis et cinq ans de privations de certains droits civiques. Compte tenu des circonstances, c’était là une condamnation extrêmement légère.
COUPÉS DE BROOKLYN EN 1942
Dès le début des hostilités, tout le courrier adressé à la Société passait à la censure, mais lorsque les États-Unis entrèrent en guerre, les relations avec le siège à Brooklyn furent interrompues. Aussi, la dernière édition anglaise de La Tour de Garde que nous ayons reçue est celle du 1er octobre 1942, laquelle renfermait l’article “L’unique lumière”. Maintenant qu’il était devenu impossible d’obtenir les éditions anglaises, comment la filiale allait-elle transmettre la nourriture spirituelle aux frères dont elle avait la charge?
Jéhovah rendit possibles les relations avec la filiale de Suède, l’un des rares pays d’Europe non engagés dans la guerre. Elle nous envoyait donc les numéros de La Tour de Garde, mais en suédois. Aucun frère de Suisse ne maîtrisait cette langue; en revanche, on nota une similitude certaine entre l’allemand et le suédois. Stimulée par cette constatation, Alice Berner, aujourd’hui au Béthel d’Allemagne mais à l’époque membre de la famille du Béthel de Berne, se mit à étudier le suédois. En un temps relativement court, elle fut capable de traduire La Tour de Garde en allemand; ainsi, les frères ont pu recevoir la nourriture spirituelle durant les deux années qui ont suivi, soit 42 articles et deux brochures.
Après la guerre, le siège de Brooklyn envoya la collection complète de tous les articles parus dans La Tour de Garde en anglais pendant la durée de l’interruption. Les frères de Suisse avaient-ils été privés d’articles pendant la guerre? Pas un seul ne leur avait manqué! La première édition reçue de Suède renfermait les articles du numéro anglais qui avait suivi celui sur “L’unique lumière”. Le flot des eaux de la vérité avait roulé sans que la guerre y fasse obstacle. Vous imaginez combien nous étions reconnaissants envers Jéhovah, le Dieu qui pourvoit! — Voir Genèse 22:14.
PROBLÈMES FINANCIERS
Jéhovah a secouru son peuple spirituellement, mais aussi matériellement. Il y eut néanmoins des problèmes financiers. En effet, l’œuvre était soutenue par des contributions volontaires, et bon nombre de frères étaient à court d’argent pendant la guerre. En outre, comme nous avions cessé d’imprimer La Tour de Garde et qu’aucune publication ne pouvait être envoyée aux autres pays d’Europe, les rentrées d’argent étaient faibles. Dans ces conditions, il n’y avait pas assez de travail pour tous les membres de la famille du Béthel; aussi, des frères et des sœurs se déclarèrent-ils prêts à quitter le Béthel, non sans reconnaître que les années qu’ils y avaient passées avaient été les plus heureuses de leur vie.
Mais nous avions toujours de graves problèmes financiers. Il fallut donc, entre autres choses, réduire l’allocation des membres du Béthel et de la ferme, la ramener à 10 francs suisses par mois, mais les frères acceptèrent cette restriction sans se plaindre.
UN LIVRE DE LA COULEUR DE VOTRE CHOIX
Au beau milieu de la guerre, une joyeuse assemblée eut lieu à Zurich en 1942. Le dimanche matin, aux premiers rangs de la salle d’assemblée, on ne voyait que des visages jeunes et rayonnants. L’événement allait être marquant pour eux. Dans le discours qui leur fut adressé, l’orateur leur rappela d’être appliqués, serviables, aimables, obligeants et par-dessus tout d’obéir à leurs parents, conformément au conseil de la Bible. À la fin de ce discours on présenta le livre Enfants; chacun de ces jeunes devait en recevoir un exemplaire gratuit.
Des frères montèrent sur l’estrade, chacun portant une certaine quantité de livres en neuf teintes différentes. Chaque enfant a alors été invité à traverser la scène pour se faire remettre un livre de la couleur de son choix. Quelle joie ce fut pour eux! Plus de 400 livres furent remis entre les mains de ces Témoins en herbe. Bon nombre de ces enfants devinrent des serviteurs de Jéhovah zélés, et sont toujours actifs dans son organisation.
L’ÉCOLE DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE SUPPLANTE LE PHONOGRAPHE
En 1944 a été inaugurée dans les congrégations en Suisse l’École du ministère théocratique. Au début de l’année, cette école fut ouverte au Béthel de Berne. Dans les mois qui ont suivi, le cours d’art oratoire accompagné de conseils utiles sur la façon de présenter le message du Royaume au public entra en vigueur dans toutes les congrégations du pays. À mesure que les proclamateurs devenaient plus habiles à expliquer la bonne nouvelle, ils se mettaient à présenter de brefs sermons, délaissant ainsi le phonographe.
Pour de nombreux Témoins, ce changement de méthode de prédication fut vraiment le bienvenu, certains étant d’avis qu’un phonographe pesant et un sac rempli de publications constituaient une lourde charge pour le service du champ. Et mieux encore, ce changement marquait un progrès dans la qualité de notre ministère.
FIN DE LA GUERRE EN VUE
Le 6 juin 1944 il y eut le débarquement allié en Normandie et le 15 août en Provence. Il devenait de plus en plus évident que le nazisme était à son déclin et que la victoire appartenait aux puissances alliées; aussi les autorités suisses montrèrent-elles plus de souplesse dans les mesures prises à l’encontre des Témoins de Jéhovah et de la Société. La prédiction suivante faite en Révélation 12:16 se réalisait: “La terre [les puissances démocratiques plus stables] est venue au secours de la femme, et la terre a ouvert sa bouche et a englouti le fleuve [de l’opposition totalitaire] que le dragon vomissait de sa bouche.”
Les frères en charge du bureau de la filiale soupirèrent de soulagement. Frère Rutherford leur avait recommandé d’éviter, si possible, l’interdiction totale de l’œuvre et la fermeture de la filiale en Suisse. Ils avaient connu bien des situations difficiles, mais le pire appartenait au passé. La filiale était encore en activité et l’œuvre se poursuivait. Les frères éprouvaient les mêmes sentiments que David qui écrivit en Psaume 34:19: “Nombreux sont les malheurs du juste, mais de tous Jéhovah le délivre.”
Les publications confisquées en juillet 1940 par les autorités militaires suisses ne tardèrent pas à être rendues à la Société. Les soldats mirent plusieurs jours à en faire le compte exact. On en fit par la suite un bon usage dans le service du champ.
Qu’éprouveriez-vous si, après quatre années d’interruption, vous teniez de nouveau entre les mains un exemplaire de La Tour de Garde? Imaginez la joie des frères d’expressions allemande et française quand, à partir du 1er octobre 1944, ce périodique fut de nouveau publié régulièrement, bien que mensuellement. Un an plus tard, il l’était bimensuellement.
FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, MAIS POURSUITE DE NOTRE COMBAT
Le 8 mai 1945, les nations occidentales célébraient la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais en Suisse le combat pour la liberté de culte et le droit de prêcher se poursuivait. En maints endroits nous avions une plus grande liberté d’action que durant la guerre, mais dans les régions catholiques il y avait encore beaucoup d’opposition.
Par exemple, quand on présenta en janvier 1946 le discours public “L’homme réussira-t-il à édifier un monde nouveau?” dans la ville de Zoug, la police fit tout à coup irruption dans la salle et interrompit l’orateur. La Société porta l’affaire devant la Cour fédérale suprême de Lausanne et l’interdiction anticonstitutionnelle imposée par les autorités de Zoug fut levée. Les journaux titrèrent entre autres “Les Témoins de Jéhovah ont acquis leur droit”, “La liberté de culte doit être maintenue”. Mais inutile de vous préciser que la presse catholique n’a pas commenté positivement ce verdict.
AIDE AUX FRÈRES D’ALLEMAGNE
Quand ils ont appris la situation misérable de leurs frères fidèles à peine sortis des camps de concentration, les Témoins de Suisse n’ont pas ‘fermé la porte de leurs tendres compassions’. (I Jean 3:17.) Ils se portèrent aussitôt à leur secours dans l’esprit des communautés chrétiennes du Ier siècle (Actes 11:29, 30; II Cor. 8:1-4). De grandes quantités de vêtements et de denrées furent rassemblées et des sœurs offrirent leur temps et leurs services pour s’assurer du bon état de ces dons. Finalement, entre 1946 et 1947 on expédia en Allemagne 444 caisses d’un poids total de 25 tonnes. La valeur des secours ainsi recueillis s’éleva à 262 000 francs suisses de l’époque. “Quand on nous dit toute la joie et la reconnaissance de nos frères allemands, nous en avons été très heureux et nous nous sommes sentis récompensés du surcroît de travail que cette campagne nous avait donné”, raconte une sœur qui fut parmi les volontaires.
Autant que l’aide matérielle, la nourriture spirituelle était nécessaire pour affermir les frères et leur donner un bon départ en vue de l’activité de l’après-guerre. La filiale de Suisse envoya donc également des écrits bibliques en Allemagne, et nous avons regardé comme un grand privilège le fait de pouvoir contribuer dans une faible mesure au relèvement de l’œuvre dans ce pays.
LA VISITE TANT ATTENDUE DE FRÈRE KNORR
Avec une grande impatience nous attendions la première visite de frère Knorr après la guerre. Huit années fertiles en événements avaient passé, et Nathan Knorr était devenu président. Sa visite à Berne en 1945 avait été très brève, mais il revint en mai 1947. Désireux d’en faire un grand événement, nous avions prévu de tenir une assemblée dans la belle Maison des congrès de Zurich.
“La joie pour tous les hommes”, tel était le thème du discours public qu’il prononça le vendredi soir de l’assemblée. Ils étaient vraiment joyeux tous ces proclamateurs qui ont distribué 100 000 feuilles d’invitation, placardé des affiches et fait les hommes-sandwiches dans les rues de la ville. Les journaux aussi annoncèrent le discours public. Nous voulions que chacun à Zurich fût informé de l’événement.
Finalement, 1 540 personnes furent rassemblées pour le discours. À la fin de la réunion, on remit une brochure à tous les invités non Témoins. Un total de 800 brochures ayant été distribuées, nous en avons conclu que la majorité des assistants étaient des personnes bien disposées, qui avaient accepté notre invitation. Un résultat satisfaisant, en vérité.
L’ACCENT EST MIS SUR LE SERVICE DE PIONNIER
Dès l’époque des premiers colporteurs, il y a toujours eu quelques prédicateurs à plein temps fidèles tant dans le territoire allemand que français. Mais il faut reconnaître qu’ils étaient peu nombreux. Par exemple, sur les 1 462 proclamateurs actifs en 1945, il y avait seulement trois pionniers. Frère Knorr estima ce chiffre disproportionné comparativement aux grandes possibilités qui s’offraient dans le pays. Selon lui, ce faible nombre de pionniers s’expliquait par le fait que les publications étaient en grande partie offertes gratuitement pour éviter toute difficulté en rapport avec la loi sur le colportage, ce qui obligeait les proclamateurs à supporter eux-mêmes tous les frais occasionnés par l’œuvre de prédication.
Sa constatation était fondée. Certains frères avaient dû renoncer à la prédication à plein temps parce qu’ils ne pouvaient faire face aux dépenses. Afin d’aider les proclamateurs susceptibles de devenir pionniers, il fallait envisager de demander des contributions volontaires.
LA SOLUTION APPORTÉE À CE PROBLÈME
À l’occasion de ce voyage, frère Hayden Covington, à l’époque avocat de la Société à Brooklyn, accompagnait frère Knorr. Lors de l’assemblée, il expliqua la lutte juridique menée aux États-Unis pour obtenir le droit d’accepter, sans licence de colportage, des contributions volontaires pour des écrits diffusés dans le cadre de la prédication de l’Évangile. La filiale de Suisse aurait à combattre devant les tribunaux pour les droits et les privilèges attachés au ministère chrétien, jusqu’à ce qu’ils leur soient reconnus. Ce devrait être une action concertée de tous les proclamateurs de Suisse. Ceux-ci manifestèrent leur volonté de coopérer par des applaudissements enthousiastes. Cette assemblée de Zurich fut un jalon dans l’histoire de l’œuvre du Royaume en Suisse.
LA QUESTION DU COLPORTAGE SANS LICENCE
Déjà dans les années 30 des frères avaient été arrêtés et condamnés à une amende pour “colportage sans licence”. Mais avec l’encouragement donné à l’assemblée de Zurich, cette question allait être réglée. Comme l’apôtre Paul l’avait fait dans l’antique ville de Philippes, les frères s’apprêtaient à ‘défendre et à affermir légalement la bonne nouvelle’. — Phil. 1:7.
Les proclamateurs accepteraient de nouveau des contributions volontaires pour les publications placées dans le ministère du champ. Immédiatement, une avalanche de plaintes déferla des quatre coins du pays. Mais la Société était déterminée à gagner la partie. Qu’en résulta-t-il?
Par exemple, le Tribunal cantonal de Berne, ville où prédomine le protestantisme, maintenait depuis longtemps que le placement de publications sur la base d’une contribution volontaire nécessitait une licence de colportage. Depuis des décennies ce tribunal rendait des jugements qui nous étaient défavorables. Or, en cette année 1948, un frère fut de nouveau condamné à une amende de 20 francs suisses par un tribunal de première instance; on porta donc l’affaire devant le Tribunal cantonal. Mais cette fois il y eut une percée. Le Tribunal cantonal de Berne statua en ces termes:
“En l’occurrence, indépendamment du fait qu’aucun profit n’a été réalisé, rien dans l’attitude du prévenu ne révèle le caractère professionnel de son activité. L’intention d’obtenir un profit — soit pour lui-même, soit pour le compte des “Témoins de Jéhovah” — par le moyen du colportage ne peut être établie. Les circonstances permettent de déduire que le prévenu, écartant tout instinct égoïste, a agi uniquement dans un but noble et désintéressé. L’offre des brochures n’a pas été effectuée dans l’attente d’une contre-prestation qui couvrirait au moins les frais de production. La meilleure récompense du prévenu consistait certainement dans l’augmentation du nombre des adeptes de la secte et dans l’accueil favorable réservé à son évangélisation. S’il est vrai que la réglementation sur le colportage a aussi pour but de protéger le public contre ceux qui veulent le molester, il serait cependant exagéré d’empêcher la propagande religieuse à domicile sous le couvert de la loi sur le commerce des marchandises et de violer ainsi la liberté d’opinion garantie par la Constitution.”
Par cet acquittement, le Tribunal cantonal de Berne faisait volte-face; pendant 40 ans, il avait rendu des jugements contraires. Bien que cette décision ne pesât en rien sur les autres cantons, elle souleva néanmoins un vif intérêt auprès des autres tribunaux cantonaux.
TRÈS DUR COMBAT DANS LE CANTON DE VAUD
Le combat le plus dur et le plus long sur la question du colportage eut lieu dans le canton francophone de Vaud. En 1935, on modifia par amendement la loi sur le colportage. Cet amendement stipulait que l’offre de marchandises, dont le prix non fixé était laissé à l’appréciation de l’acheteur, équivalait à du colportage. Le procureur général de Lausanne se réjouit de ce que cet amendement permettrait d’engager des poursuites contre les Témoins de Jéhovah.
En 1948, le Tribunal de district de Payerne condamna un pionnier, frère Jean Siegenthaler, à une amende pour colportage sans licence. On interjeta appel, et le Tribunal cantonal confirma le jugement de la cour inférieure, à savoir que l’activité de l’appelant relevait bel et bien de cette loi.
C’est ainsi que s’engagea une lutte pour la défense de nos droits et de notre liberté; celle-ci devait durer plus de cinq ans. Dans la plupart des cas, les tribunaux de district, instances inférieures, protégeaient nos droits en prononçant l’acquittement. Mais le procureur général, un opposant acharné, interjetait appel et le Tribunal cantonal infirmait la décision de l’instance inférieure. La Société porta même une affaire devant la plus haute instance, la Cour fédérale suprême, mais scandaleusement, celle-ci rejeta l’appel.
UN JUGE COURAGEUX
Le 3 septembre 1951, le Tribunal de district de Lausanne eut à se prononcer sur une nouvelle affaire, celle de Gilberte Schneeberger. L’espoir était mince, et la Société avait décidé de se passer des services d’un avocat. Imaginez quels étaient les sentiments de cette jeune sœur pionnier quand elle prit place, seule, sur le banc des accusés.
Le juge Zweifel entra. Ouvrant la session, il dit d’un ton paternel: “Chère mademoiselle, votre cas est identique à celui pour lequel la Cour fédérale suprême a rendu un verdict de condamnation. Je suis moi-même lié par la loi et dans l’impossibilité de la changer.”
Alors notre jeune sœur se leva et demanda l’autorisation de présenter sa défense.
“Parlez, mademoiselle, parlez, je vous prie. Je vous écoute.” S’appuyant au dossier de son fauteuil, il concentra toute son attention sur l’exposé de la jeune fille. Elle lut un mémorandum préparé par le service juridique de la Société.
Les arguments utilisés firent forte impression sur le juge Zweifel. Il se mit réellement à douter (c’est ce que signifie son nom, Zweifel, en allemand) et ajourna le verdict. Deux jours plus tard il prononçait l’acquittement.
Quelle surprise! Quel courage il avait fallu au juge Zweifel pour se prononcer ainsi! Qui plus est, il osa qualifier de douteux et de peu satisfaisants les jugements rendus par le Tribunal de district et par la Cour fédérale suprême. Mais que nous réservait l’avenir?
UN ECCLÉSIASTIQUE SINCÈRE TÉMOIGNE EN NOTRE FAVEUR
Quelque temps plus tard, une autre affaire passa devant le Tribunal de district d’Aigle. Entre autres témoins, on appela à la barre un ministre protestant. Il avait accepté deux livres de la main d’un proclamateur et donné 4 francs suisses comme contribution volontaire. Cet ecclésiastique établit clairement devant la cour que le Témoin de Jéhovah était venu chez lui, non dans le but de vendre des livres, mais pour parler de sujets religieux. Sans l’ombre d’une hésitation, il voyait en ce jeune homme un évangéliste et non un colporteur. Le proclamateur fut acquitté.
En revanche, Karl Maurer, un fidèle pionnier de Payerne, passa un jour et une nuit en prison parce qu’il refusait de payer l’amende qu’on lui imposait.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL S’OBSTINE MAIS PERD FINALEMENT LA BATAILLE
En 1953 eut finalement lieu l’épreuve de force. Cherchant à l’emporter sur les Témoins de Jéhovah et irrité de ce que les instances inférieures ne tenaient aucun compte des verdicts de condamnation rendus par les instances supérieures, le procureur général fit, à plusieurs reprises, appel d’un jugement d’acquittement rendu par les instances inférieures. Ainsi, pour la quatrième fois depuis 1948, le Tribunal cantonal de Vaud avait à statuer sur le même cas.
Et l’inattendu se produisit: La cour, composée de nouveaux juges, examina l’affaire depuis le début et, le 26 janvier 1953, elle décida à l’unanimité que l’activité des Témoins de Jéhovah ne pouvait être assimilée au colportage. Le pourvoi en appel du procureur général fut rejeté. Enfin le Tribunal cantonal de Vaud prenait une décision sensée et libérale, conforme à l’esprit et à la lettre de la loi sur le commerce!
Cette victoire mettait le point final à un chapitre brûlant de l’histoire des Témoins de Jéhovah en Suisse, qui rend hommage à la hardiesse des proclamateurs et à l’amour de la liberté manifesté par bon nombre de juges. Et par-dessus toutes choses, il démontre que Jéhovah bénit ses serviteurs qui combattent avec zèle pour les droits qu’il leur a donnés et pour la liberté de culte.
LA NEUTRALITÉ, TOUJOURS UN DÉFI
Nous avons déjà expliqué quelle était la situation des frères qui adoptèrent une position de neutralité durant la Seconde Guerre mondiale. Bien que la Suisse ne fût pas activement engagée dans la guerre et qu’elle eût officiellement déclaré sa neutralité, elle agit avec inconséquence en condamnant et en jetant en prison ses citoyens qui revendiquaient le même droit pour eux-mêmes en invoquant des motifs religieux.
Les sentences étaient moins sévères après la guerre, mais les condamnations successives étaient encore à l’ordre du jour. Toutefois, avec le temps le public porta de plus en plus d’intérêt au problème des “objecteurs de conscience” et la presse s’étendit longuement sur le sujet. Les remarques de Jörg Zumstein, ancien chef d’état-major de l’armée suisse, ne sont pas dénuées d’intérêt. Voici ce qu’il déclara au sujet des affaires impliquant le refus du service militaire, propos rapportés dans un journal de février 1984:
“J’ai assisté à ces audiences par curiosité. Les affaires impliquant les Témoins de Jéhovah se distinguent en elles-mêmes de par leur niveau; cela est également valable de leurs défendeurs. Ces gens-là ainsi que leurs parents se présentent au tribunal dans leurs habits du dimanche; ils plaident leur cause avec dignité. Les juges connaissent leur position et prononcent la condamnation qui est devenue coutumière, savoir cinq ou six mois. De façon ou d’autre, les Témoins de Jéhovah acceptent que l’État punisse ceux qui ne satisfont pas à ses exigences. Mais ils ne salissent pas l’État par des propos injurieux comme le font souvent ceux qui comparaissent de nos jours devant les tribunaux militaires.”
Les efforts visant à trouver une solution au problème des “objecteurs de conscience” ont néanmoins eu un effet sur les tribunaux militaires. Aujourd’hui les condamnations varient entre trois et cinq mois d’emprisonnement, et en général les frères sont dispensés d’obligations militaires ultérieures au moment de leur jugement. Souvent, ils purgent leur peine en travaillant le jour dans les hôpitaux ou dans des hospices pour personnes âgées, puis ils retournent à la prison où ils ne passent que la nuit en cellule. Il continue néanmoins d’y avoir entre 60 et 70 jugements devant les tribunaux militaires chaque année, particulièrement en rapport avec nos jeunes frères qui optent pour la neutralité.
Comme ‘d’excellents soldats de Christ’, ces jeunes Témoins ‘prennent leur part pour ce qui est d’endurer le mal’ à cause de la neutralité chrétienne (II Tim. 2:3). Ils s’offrent volontairement pour accomplir le service requis par Dieu, comme l’a si bien dit sœur Adèle Reichenbach, l’un des premiers Témoins oints de la région alpine de Gstaad. Alors qu’elle revenait visiter la femme d’un officier, le colonel lui-même ouvrit la porte et, en lui rendant le livre que sa femme avait accepté, il lui dit sur un ton méprisant: “Allez-vous-en et remportez cette camelote, vous qui refusez le service militaire.” Et sœur Reichenbach de répondre: “Monsieur nous faisons, nous, le service que vous, vous refusez de faire.”
DES EFFORTS POUR VISITER LES “TERRITOIRES NON ATTRIBUÉS”
À partir de 1952, des efforts spéciaux ont été faits pour prêcher dans les “territoires non attribués”. La plupart étaient constitués de vallées perdues et de fermes isolées, de villages où trônaient de grandes églises, les chemins étant bordés çà et là de crucifix bien en vue. Les habitants, catholiques bon teint, avaient peut-être reçu des tracts dans le passé, mais aucun témoignage complet n’avait jamais été donné dans certains de ces territoires éloignés.
Parmi ces gens, il en est qui n’avaient jamais entendu parler des Témoins de Jéhovah. Pratiquement personne ne possédait une Bible et la plupart n’en avait jamais vu. C’était un territoire vierge! Les proclamateurs se mirent à l’œuvre avec courage et enthousiasme. Dans maints endroits leur succès les surprit. Ce fut aussi une surprise pour les membres du clergé qui n’attendaient pas une telle invasion dans ce qu’ils regardaient comme leur pâturage. Ils mirent en garde leurs ouailles du mieux qu’ils purent, leur enjoignant de refuser les publications ou bien de les brûler et d’appeler la police. Dans un village, une cinquantaine de jeunes catholiques allèrent de maison en maison recueillir les écrits laissés par les Témoins. On menaça les frères et on alla même jusqu’à les molester.
Par exemple, après qu’un frère eut donné le témoignage à un villageois, l’homme téléphona immédiatement à la police pour porter plainte. Mais il n’obtint pas la réponse qu’il attendait: “Laissez ces gens poursuivre tranquillement leur œuvre; ils connaissent la loi bien mieux que nous et savent parfaitement ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.” Notre combat pour la liberté de culte n’avait pas été vain!
L’INTÉRÊT EST SUSCITÉ GRÂCE AU “MESSAGER PAROISSIAL”
Il est arrivé que les efforts du clergé pour éloigner ses ouailles de la vérité aient l’effet inverse. Ce fut le cas pour un couple. Quand deux jeunes pionniers se présentèrent à la porte, la femme les écouta attentivement et les invita à entrer. “Cela va intéresser mon mari”, leur dit-elle. Pendant environ une heure le couple suivit avec un intérêt peu commun les explications bibliques données par les pionniers sur l’établissement par Dieu d’un nouveau système de choses. L’homme et sa femme acceptèrent des écrits bibliques et rendez-vous fut pris pour une nouvelle visite. Avant peu tous deux avaient beaucoup progressé dans l’étude de la Bible.
Après la troisième visite, le mari révéla la cause de son intérêt initial. “J’avais lu un bref article sur les Témoins de Jéhovah dans le Messager paroissial. Il y était dit: ‘Dans le cas où deux jeunes gens bien vêtus, aimables, se présentent à votre porte et cherchent à donner leur propre interprétation de la Bible, il ne faut pas les écouter. Dites-leur simplement que vous avez votre religion, que votre ministre vous enseigne toutes ces choses et fermez la porte.’ Or, voyez-vous, je suis un homme libre, et je veux examiner les choses par moi-même. Voilà pourquoi je vous ai écoutés.”
Ce jeune couple fit de bons progrès, commença à fréquenter les réunions et ne tarda pas à participer au service du champ. Tous deux symbolisèrent aussi l’offrande de leur personne à Jéhovah par le baptême. Tout cela parce que le Messager paroissial avait attiré leur attention sur la vérité!
Certains membres du clergé ont également fait exception: il en est qui ont reconnu que leurs ouailles avaient besoin d’aide et que les visites des Témoins de Jéhovah pouvaient leur être salutaires. Par exemple, voici ce qu’un ministre publia dans un journal paroissial:
“Chers Témoins de Jéhovah,
“Je vous suis sincèrement reconnaissant, oui, très reconnaissant, de ce que vous alliez si courageusement de maison en maison dans notre région. Bien que vous ne soyez pas reçus partout, vous amenez néanmoins nos gens à se souvenir peut-être, seulement peut-être, que:
“Outre le pain et les divertissements, la joie et le deuil, le succès et l’échec, outre le combat pour l’existence, les affaires, le travail, la détente, il y a aussi d’autres choses telles que la religion, la foi, la croyance en Jésus Christ. Votre visite constitue en elle-même un puissant sermon. On vous a peut-être répondu: ‘Merci, nous n’avons besoin de rien, nous avons notre religion.’ Mais puis-je vous suggérer, lorsqu’on vous fait cette remarque, de demander: ‘Quelles sont vraiment vos croyances?’
“Voyez-vous, c’est pour cela que je vous suis si reconnaissant. Il se peut que çà et là vous réussissiez à réveiller nos gens. Mais je serai honnête en reconnaissant que j’ai besoin autant qu’eux de cette visite pour me réveiller moi-même. J’admire votre courage. (...) Tout mon respect pour cette activité désintéressée; mes félicitations pour votre bonne volonté. Je suis convaincu qu’elle sera pour nous riche d’enseignement.”
DES MAISONS DE MISSIONNAIRES
En 1947, les premiers missionnaires de l’École de Galaad arrivèrent en Suisse; il s’agissait de trois frères et d’une sœur de notre propre filiale qui avaient été invités à suivre la huitième classe et renvoyés en Suisse. Leur formation était d’une grande aide, vu l’expansion de l’activité à la filiale et dans le champ. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, trois de ces missionnaires sont encore membres du Béthel. Il s’agit de Fred Borys, de Willi Diehl, pour la Suisse, et d’Alice Berner, qui est en Allemagne depuis 1956.
En 1948 d’autres missionnaires arrivèrent: Charles Renye et Raymond Leistikow; ils furent affectés au service de la circonscription. Ils travaillèrent dur pour apprendre l’allemand afin de remplir leur tâche. Deux couples des États-Unis, Robert et Elaine Honey, William et Ione Strege, furent envoyés à Genève où l’on ouvrit la première maison de missionnaires en 1950. Ils firent de grands efforts pour maîtriser la langue française en vue de collaborer avec les frères locaux. Françoise Trackova, de la quinzième classe de Galaad, sert maintenant fidèlement comme missionnaire à Lausanne. Les efforts conjugués de ces missionnaires ont été bénéfiques pour la congrégation de Genève comme en témoigne l’accroissement qu’elle connaît.
En 1951, l’installation à Lausanne d’une maison de missionnaires pour quatre sœurs de la dix-septième classe causa une certaine animation. Ces jeunes filles aidèrent particulièrement les sœurs à améliorer leurs présentations aux portes en utilisant un thème.
UN NOUVEAU SURVEILLANT DE FILIALE
Au fil des années, un certain nombre de frères, surveillants de filiale, ont donné une bonne direction à l’œuvre en Suisse. Jusqu’en 1953 Franz Zürcher assuma cette fonction, puis le moment vint de déposer le fardeau des responsabilités sur de plus jeunes épaules. Philippe Hoffmann fut envoyé d’Allemagne. Remplacé en 1957 par Jules Feller, frère Hoffmann sert maintenant à la filiale du Danemark. En 1963 la responsabilité de la filiale de Suisse fut confiée à Günter Kulschewski. Enfin, le 1er novembre 1965, Willi Diehl devint surveillant de filiale.
Frère Diehl a commencé le service à plein temps en 1931, au Béthel de Berne, où il était conducteur de presse. Quinze ans plus tard, il fut invité à suivre les cours de l’École de Galaad. Après son mariage, sa femme et lui ont été pionniers pendant deux ans. Il servit également en tant que surveillant de circonscription et de district. En 1964 il fut de nouveau invité à Galaad, cette fois en compagnie de sa femme, avec qui il bénéficia d’un programme de cours plus étendu. C’était là une excellente formation en vue de son travail de surveillant de filiale.
Comme toutes les autres filiales de la Société, la Suisse a un Comité de filiale depuis 1976. Willi Diehl en est le coordinateur et les autres membres sont Armin Beetschen, Jean-Jules Guilloud, Lars Johansson et Hans Klenk.
L’ATTENTION SE PORTE SUR LE CANTON DU TESSIN
Dans le sud ensoleillé de la Suisse, entre les Alpes et la frontière italienne, se trouve le canton du Tessin. On y parle l’italien et les habitants sont presque tous de confession catholique. Il ne fut pas facile d’y faire pénétrer le message du Royaume, mais la Société veilla à ce que fût suivi le peu d’intérêt qu’on pouvait y trouver. Les frères étaient loin de se douter qu’ils allaient amasser une abondante moisson.
Andreas Monstein, un Suisse allemand parlant l’italien, avait été dirigé sur Lugano en 1944. Il prêcha dans le territoire, s’occupa de quelques petits groupes de personnes bien disposées et donna des discours publics. C’était un petit commencement qu’il ne fallait pas mépriser. — Zach. 4:10.
Avec le temps, d’autres pionniers se mirent également à semer les graines de vérité dans le Tessin. C’était loin d’être facile, les gens ignorant tout de la Bible et beaucoup étant pris au piège de la superstition et de la crainte du clergé. Mais la petite troupe de proclamateurs montra de l’endurance, et finalement l’aide arriva de façon inattendue.
DES MISSIONNAIRES VENUS D’ITALIE
Quand des missionnaires de Galaad furent expulsés d’Italie, ils s’installèrent dans le Tessin. Par la suite, la plupart de ces missionnaires retournèrent en Italie ou partirent pour d’autres raisons, mais dans l’intervalle les fondements avaient été posés en vue de l’établissement de plusieurs congrégations. L’un d’eux, Angelo Fraese, restera longtemps dans nos mémoires. Il demeura dans la maison de missionnaires de Lugano pendant 20 ans; on l’appelait parfois en plaisantant “l’ange de la congrégation de Lugano”.
Des années ont passé depuis que le message a été annoncé pour la première fois dans le Tessin, et un témoignage plus grand encore a été donné. Avec quel résultat? Aujourd’hui il y a 11 congrégations florissantes, soit environ 950 proclamateurs. Rien qu’à Lugano, il y a quatre congrégations actives, et ce n’est pas la fin!
PRÉDICATION AUX TRAVAILLEURS ÉTRANGERS
La Suisse connut une vague de prospérité après la guerre. La population active occupait ce qui était regardé comme les meilleures positions, mais qui allait se charger des petites besognes? Dans les pays déchirés par la guerre, il y avait abondance de main-d’œuvre. Une vague d’immigrés déferla donc sur le pays. À la fin de 1968, les résidents étrangers y étaient au nombre de 933 000, ce qui représentait 15 pour cent de la population suisse. La majorité de ces “travailleurs étrangers” venaient d’Italie. Dans l’exercice de leur ministère, nos frères ne tardèrent pas à rencontrer des Italiens dans toutes les parties du pays. Bon nombre d’entre eux manifestèrent de l’intérêt pour la vérité.
Le fait suivant, rapporté par Rudolf Wiederkehr, est vraiment typique. Il rencontra un ouvrier italien dans une vieille maison de Hunzenschwil. Seulement voilà, ils ne parlaient pas la même langue. Que faire? Notre frère remit à l’homme un exemplaire de La Tour de Garde en italien. Malgré la barrière de la langue, frère Wiederkehr revint. En le voyant, l’Italien courut chercher La Torre di Guardia et s’exclama tout joyeux: “Questo è la verità!” (“C’est la vérité!”) Encouragé par cet accueil, le frère se procura trois livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” en italien et commença à étudier avec l’homme, Signor Pelagatti, sa femme et Gianni, leur fils de douze ans. La famille suivait dans les livres en italien et frère Wiederkehr dans le sien, en allemand. Quand le vocabulaire faisait défaut, on s’expliquait avec force gestes. Parfois, le jeune garçon qui apprenait l’allemand à l’école servait d’interprète.
À l’étude conduite avec la famille Pelagatti se joignirent la fille aînée et son mari, Signor Trombi. Tous les cinq firent de bons progrès. À la fin du livre, la famille tout entière signifia spontanément son retrait de l’Église catholique et se fit baptiser en symbole de l’offrande de soi à Jéhovah. Témoins zélés, tous aidèrent de nombreuses familles italiennes à connaître la vérité. À présent, frère Pelagatti père dort dans la mort, mais Gianni et sa famille persévèrent, tels des Témoins fidèles, dans la congrégation italienne de Reinach, et la famille Trombi poursuit ses activités dans les environs de Parme en Italie. Et quels sont les sentiments de frère Wiederkehr? “Vous n’imaginez pas la joie que me donne encore cette expérience!” dit-il.
UN TÉMOIGNAGE OCCASIONNEL DES PLUS FRUCTUEUX
À Lucerne, Irène Frenzel (qui fut pionnier dans cette région pendant des années) dit un jour à son coiffeur italien qu’elle allait se rendre aux États-Unis pour assister à l’assemblée des Témoins de Jéhovah de 1953. Le coiffeur n’avait jamais entendu parler des Témoins, il se renseigna donc à leur sujet. Rendez-vous fut pris pour un entretien après les heures de travail; avec l’aide d’une sœur parlant l’italien, Irène commença l’étude.
Le coiffeur, Bruno Quilici, avait soif d’apprendre, mais il défendait aussi ses croyances catholiques. Il y eut des discussions passionnées pour et contre l’enfer. “On nous a appris qu’il y a un enfer”, répétait-il avec acharnement en frappant du poing sur la table. Mais finalement la Bible l’emporta sur la fausse doctrine, et M. Quilici s’absorba dans l’étude de la Bible au point de vouloir étudier deux fois par semaine. Mais pendant tout ce temps il continuait de chanter à l’église. Pourtant, il finit par secouer le joug du faux culte et par se vouer au Dieu de la vérité, Jéhovah. Mais laissons-le parler lui-même du fruit de son travail.
“Tout d’abord je fus très heureux que ma femme, d’origine suisse-alémanique, accepte également la vérité. Nous avons donc pu élever nos deux enfants selon les principes bibliques. Quand j’ai déménagé pour m’installer dans le canton d’Argovie, je me suis trouvé parmi les tout premiers proclamateurs italiens de cette région, et je me suis senti poussé à prêcher partout aux ouvriers italiens. Mes efforts furent récompensés, car de nombreuses familles acceptèrent la vérité, et quand je songe aux sept congrégations d’expression italienne qui ont été formées avec le temps, je remercie sincèrement Jéhovah pour la joie que cela m’apporte.”
Frère Quilici se contenta-t-il des résultats obtenus dans son voisinage immédiat? Non, il songea aussi à ses parents en Italie. Il dit: “Dès que cela m’a été possible, je me suis rendu en Italie, afin d’éveiller l’intérêt des membres de ma famille pour la vérité. Ce ne fut pas en vain. Deux de mes sœurs et leur famille sont devenus les premiers Témoins des environs de Lucques, et aujourd’hui il y a là cinq congrégations actives.”
Par la suite frère Quilici a pris sa retraite et a rejoint sa fille dans les rangs des pionniers permanents. Son fils et sa belle-fille servent également Jéhovah à plein temps.
ACCROISSEMENT ÉTONNAMMENT RAPIDE
Pour les proclamateurs suisses, l’accueil favorable et l’accroissement rapide parmi la population italienne furent une surprise. Ils étaient accoutumés à conduire avec les Suisses des études qui traînaient en longueur, mais avec les Italiens c’était tout autre chose! Dès qu’ils avaient compris un enseignement biblique, ils le mettaient immédiatement en pratique. Il ne fallait pas les inviter deux fois pour qu’ils viennent aux réunions, et ils y venaient rarement seuls. Ils amenaient des parents et des amis, sans craindre le qu’en-dira-t-on. Bien que certains aient eu à surmonter l’opposition familiale, le fait d’être loin et quelque peu isolés parmi la population suisse a favorisé la croissance rapide de la semence du Royaume dans leurs cœurs réceptifs.
Selon Arturo Leveris, il y avait neuf congrégations italiennes et quelques petits groupes à visiter quand il entreprit le service de la circonscription au début des années 60. Il dit: “Bientôt, les congrégations italiennes poussaient tels des champignons dans tout le pays. Ainsi, même dans la Suisse alémanique et francophone on forma des congrégations italiennes pour s’occuper de cette population.” Avec le temps, cinq circonscriptions italiennes furent constituées, et la nombreuse assistance réunie aux assemblées de circonscription a donné une impulsion plus grande encore à l’œuvre parmi les Italiens.
LES BELLES QUALITÉS DES ANCIENS
Les liens familiaux sont très étroits chez les Italiens. Ils portent un amour excessif à leurs enfants, mais ils ont également un grand respect pour leurs parents âgés et prennent généralement bien soin d’eux. Ces sentiments affectueux les aident, semble-t-il, à devenir de bons anciens dans la congrégation, la grande famille chrétienne. L’amabilité et la sollicitude des anciens, qui sont néanmoins fermes, ont énormément contribué à l’expansion dans le champ italien.
Ils donnent un bon exemple en amenant régulièrement toute leur famille aux réunions, appliquant ainsi les conseils donnés en Hébreux 10:25 et en Deutéronome 31:12. Cette bonne habitude est adoptée par les nouveaux qui amènent également leurs enfants. Il arrive parfois que les tout-petits, qui ne comprennent pas l’enseignement donné à la salle, soient agités ou pleurent; mais il est bien mieux de les amener là que de les laisser à la maison. Avec le temps ils apprendront et grandiront en sagesse.
Souvent les salles sont remplies au delà de leur capacité, et l’atmosphère devient étouffante. Mais les frères prennent leur mal en patience en attendant qu’une solution soit apportée au problème. Bon nombre de congrégations françaises et allemandes ont dû chercher une salle plus grande, non pas pour leurs besoins propres, mais pour ceux de la congrégation italienne qui partage la même salle.
Un exemple typique est celui de la congrégation de Neuchâtel. Il y avait une congrégation française et une allemande dans cette ville. Plus tard, on en forma une italienne et une espagnole, puis la première congrégation portugaise du pays y fut établie. Ainsi, l’accroissement parmi la population étrangère a obligé les frères à rechercher un lieu de réunion plus adéquat. Ils ont acheté un étage dans un immeuble et l’ont divisé en deux Salles du Royaume; actuellement cinq congrégations s’y réunissent.
APRÈS LES ITALIENS, LES ESPAGNOLS
Les Espagnols forment un autre groupe de “travailleurs étrangers”, moins important celui-là. Des proclamateurs dynamiques en ont aidé beaucoup à connaître le message du Royaume, comme le dit Hans Bodenmann père, de Bâle:
“Un jour que je m’en revenais d’une visite infructueuse, je remarquai deux jeunes hommes au bord de la route; l’un d’eux lisait un livre qui paraissait être la Bible. Je les saluai et découvris qu’ils étaient Espagnols. Le livre en question était bien une Bible. Avec quelque difficulté je leur fis comprendre que je reviendrais le lendemain soir au même endroit avec une personne parlant l’espagnol.
“Le lendemain soir frère Siegenthaler, qui avait vécu en Espagne pendant des années, m’accompagna. Quatre Espagnols nous attendaient. Ils n’avaient encore jamais rencontré de Témoins de Jéhovah, mais ils acceptèrent immédiatement de se réunir une fois par semaine dans un foyer pour étudier la Bible.
“À la première réunion, il y avait six personnes, puis huit. Nous leur avons projeté l’un des films de la Société qui leur fit excellente impression. Dans la première année, il y eut des hauts et des bas. Certains cessèrent d’étudier, d’autres rentrèrent en Espagne, mais de nouveaux venaient les remplacer. Je fus heureux de voir Juan Pérez, l’un des deux hommes à qui j’avais parlé au bord de la route, ainsi que sa femme devenir des proclamateurs très actifs.”
Finalement, en décembre 1969, le groupe d’étude espagnol fut constitué en congrégation, Bâle-Espagnole, la deuxième congrégation espagnole de Suisse. (La première avait été formée à Lucerne en 1965.) Juan Pérez devint le surveillant de congrégation. En mai 1970, sa femme et lui sont retournés en Espagne pour entreprendre le service de pionnier spécial.
D’autres congrégations espagnoles ont été formées et, à partir de 1972, elles ont été constituées en circonscription. À la première assemblée il n’y avait que 185 personnes, mais depuis la circonscription a grossi: elle compte à présent 16 congrégations et environ 1 200 proclamateurs.
À propos de ces champs italien et espagnol, nous sommes heureux d’avoir des frères qui parlent ces langues, en plus de leur langue maternelle. Par exemple, tout en subvenant aux besoins de sa famille, Max Wörnhard, un Suisse allemand très doué pour les langues, travaille également à temps partiel au Béthel et assume la fonction de surveillant de district pour les circonscriptions italienne et espagnole.
LES FILMS DE LA SOCIÉTÉ SONT APPRÉCIÉS
Les “travailleurs étrangers” espagnols ne sont pas les seuls à avoir tiré profit de la projection des films de la Société. Nous aussi nous en avons été enthousiasmés. Comme bon nombre de frères fréquentent de petites congrégations dans les régions rurales, il leur était difficile de se représenter l’œuvre de Jéhovah à l’échelle mondiale. Aussi furent-ils impressionnés, et le public aussi, de voir différents films qui montraient des frères de toutes races et nationalités. Ils ont vu, non pas un groupe insignifiant, mais une organisation mondiale.
Il y eut de nombreux commentaires favorables au sujet des scènes représentant nos frères noirs à l’œuvre dans le service du Royaume. Une spectatrice s’inquiéta en voyant que les candidats au baptême en Afrique se faisaient immerger tout habillés. Elle craignait qu’ils ne s’enrhument en gardant leurs vêtements mouillés. C’est que la température en Afrique n’est pas celle de la Suisse!
Ces films ont été un excellent moyen pour amener des gens dans nos Salles du Royaume, afin qu’ils soient les témoins oculaires de la réalisation de ces paroles de Jésus: “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par toute la terre habitée, en témoignage pour toutes les nations.” — Mat. 24:14.
LES PIONNIERS OUVRENT LA VOIE AU LIECHTENSTEIN
Nous avons déjà évoqué le Liechtenstein à propos de la brochure Fascisme ou Liberté. Mais que se passa-t-il ensuite dans ce beau pays?
Une sœur pionnier, Hélène Knechtli, y fut envoyée en 1956. Elle s’installa à Buchs, sur la rive suisse du Rhin, et chaque jour elle empruntait le pont pour se rendre au Liechtenstein. Elle prêchait de maison en maison uniquement à l’aide de la Bible, et lorsqu’une personne manifestait de l’intérêt, elle proposait des publications lors de nouvelles visites. Sœur Knechtli était une personne très aimable et patiente; ces qualités ont suscité un accueil favorable de la part de beaucoup. Elle réussit à conduire plusieurs études bibliques. Enfin, la vérité prenait pied dans le Ländle!
Environ deux ans plus tard, Blanka Hertenstein, qui avait été à Galaad, était transférée d’Autriche en Suisse et affectée au Liechtenstein. Elle organisa son activité avec une telle adresse qu’il fallut un an et demi de recherches à la police — dans un pays de 160 km2 — pour la trouver enfin. Suivant le conseil du Christ qui dit d’être “prudents comme des serpents, mais innocents comme des colombes”, sœur Hertenstein visitait quelques personnes dans un territoire puis se rendait dans un autre (Mat. 10:16). Profitant de la voiture que des frères généreux avaient mis à sa disposition, elle commençait le matin à une extrémité du pays, prêchant de village en village, et finissait sa journée à l’autre extrémité. Aussi, chaque fois qu’un habitant appelait la police et que celle-ci la recherchait, Blanka avait disparu, comme engloutie par la terre.
Les policiers lui interdirent d’aller de porte en porte, mais Blanka avait déjà trouvé un certain nombre de personnes intéressées par la vérité; elle continua donc d’entretenir leur intérêt. La police ne pouvait interdire ces visites privées.
LE LÄNDLE COMMENCE À PORTER DU FRUIT
En 1961 la première sœur du Liechtenstein fut baptisée à l’assemblée de Hambourg. Un an plus tard, il y avait sept proclamateurs du Royaume et une étude hebdomadaire de La Tour de Garde se tenait dans un foyer.
Bien que l’Église catholique eût beaucoup de prise sur la population en ce temps-là et qu’elle employât adroitement le pouvoir de l’État contre les Témoins de Jéhovah, l’œuvre du Royaume alla de l’avant. En 1965, onze proclamateurs étaient actifs. Certains d’entre eux déménagèrent et deux frères venus d’Allemagne pour servir là où le besoin était grand durent quitter le pays. D’autres proclamateurs devinrent inactifs. Mais la lumière de la vérité a continué de briller au Liechtenstein.
UN ARTICLE DE RÉVEILLEZ-VOUS! RENVERSE LES PRÉJUGÉS
Le numéro du 8 septembre 1966 de Réveillez-vous! renfermait un article intéressant intitulé “Le Liechtenstein, un bijou dans les Alpes”. Ce numéro fut distribué dans tout le pays, et les proclamateurs de Suisse et du Liechtenstein participèrent avec enthousiasme à cette campagne spéciale.
L’article en question fut grandement apprécié. Le contact était facilité et les gens acceptèrent volontiers le périodique. Il leur plaisait de savoir que le rapport sur leur pays serait lu dans le monde entier, en 26 langues (celles dans lesquelles était imprimé Réveillez-vous! à l’époque). La Société reçut une lettre du service de presse du gouvernement la remerciant pour cet excellent article.
Après cette campagne, les frères ont eu le sentiment que les préjugés contre l’œuvre des Témoins de Jéhovah s’atténuaient. En conséquence, depuis 1966 l’activité de prédication rencontre moins d’opposition qu’autrefois.
UNE AMIE EMPLOYÉE AU CHÂTEAU
À mesure que vous approchez de la capitale du Liechtenstein, vous apercevez de loin le château qui domine les belles maisons de Vaduz. Non, il ne s’agit pas là d’un vestige des siècles passés, mais de la résidence actuelle du prince régnant. En fait, le Liechtenstein est une monarchie constitutionnelle héréditaire, qui a un parlement telle une démocratie.
Il arriva qu’Amalija, une jeune femme yougoslave intéressée par la vérité biblique, trouva un emploi dans la maison du prince. Elle avait connu les Témoins de Jéhovah dans son pays d’origine et avait acquis une certaine connaissance de la Parole de Dieu. Comme le veut la coutume, on s’attendait à ce qu’elle fût présente aux prières prononcées dans la chapelle du château, mais en raison de ce qu’elle avait appris de la Bible, elle refusa d’y assister. “Son Altesse sera mécontente si vous ne vous joignez pas à nous dans la chapelle”, lui dit son supérieur. “Mais Dieu sera mécontent de moi si je le fais”, lui répondit-elle. Alors on la laissa en paix.
Or Amalija avait un problème que la barrière de la langue aggravait encore: Comment allait-elle entrer en contact avec les Témoins de Jéhovah? Se munissant du livre Du paradis perdu au paradis reconquis, elle se rendit à la gare de Buchs en Suisse, qui était proche. Montrant le livre aux passants, elle essayait avec force gestes de savoir où trouver les gens qui diffusaient de tels écrits. Mais personne ne la comprenait. Déçue, elle écrivit dans son propre pays pour avoir de l’aide et, finalement, par l’intermédiaire des bureaux de filiale, elle fut mise en relations avec les frères.
Bonne employée et personne de confiance, cette jeune femme était très appréciée parmi le personnel de la maison princière. Aussi lui fut-il permis, en 1969, de se rendre à l’assemblée internationale “Paix sur la terre” de Nuremberg, où elle assista, enthousiaste, aux sessions organisées pour les Yougoslaves. Elle était du nombre des 5 095 personnes qui se firent baptiser en la circonstance.
FORMATION D’UNE CONGRÉGATION
Depuis 1967, la petite troupe de proclamateurs du Royaume au Liechtenstein est soutenue par un couple de pionniers spéciaux, Oscar et Annie Hoffmann. Fidèlement et avec persévérance, ils ont labouré le champ et semé les graines de la vérité du Royaume; ils ont cultivé et soigné les jeunes plantes en pleine croissance. Certes, la moisson n’est pas abondante, mais une congrégation de 45 proclamateurs actifs est maintenant établie à Schaan, et elle se réunit dans une Salle du Royaume attrayante. Certains proclamateurs de Suisse apportent leur soutien à cette congrégation qui a besoin d’anciens compétents.
Concluant le rapport sur l’œuvre dans la Principauté du Liechtenstein, frère Hoffmann dit: “Nous avons supporté l’opposition du clergé et l’ingérence de la police. Tout cela est du passé. Aujourd’hui il nous faut faire face à l’esprit matérialiste et à l’indifférence pour les questions spirituelles. Mais nos frères fidèles du Liechtenstein sont déterminés à relever le défi.” C’est ce qu’ils feront sans aucun doute avec l’aide de Jéhovah.
SUR LES ONDES, UNE OCCASION RARE
Comme les Églises protestante et catholique sont les religions principales en Suisse, les dénominations moins importantes ont rarement été entendues sur les ondes. Mais une occasion s’est offerte à nous en 1956.
Plusieurs mouvements religieux dissidents avaient été conviés à une discussion radiodiffusée avec des représentants de l’Église évangélique réformée, mais nous avons été les seuls à accepter l’invitation. L’Église était représentée par un professeur de théologie à l’université de Berne, un professeur de l’enseignement secondaire et une enseignante; la Société, quant à elle, délégua Alfred Rütimann et Fred Borys, du bureau de la filiale. La discussion débuta par leur bref rapport sur les Témoins de Jéhovah, suivi d’un exposé tout aussi bref du professeur de théologie. Puis s’ouvrit un débat sur différents sujets.
Ce programme passa sur les ondes le samedi soir, à une heure de grande écoute. Cette émission suscita dans tout le pays une réaction spontanée et non équivoque en faveur des Témoins de Jéhovah. Apparemment, il n’y avait pas que nos frères parmi les auditeurs attentifs et enthousiastes. Des dizaines de lettres envoyées à la filiale félicitaient les Témoins de Jéhovah pour la façon dont ils s’étaient défendus. Beaucoup avaient été choqués de l’attitude moqueuse des représentants de l’Église. Ce qui a le plus impressionné, c’est que d’un bout à l’autre de la discussion nos frères se sont appuyés sur la Bible, alors que les représentants de l’Église ne l’ont pas utilisée, pas même une seule fois.
“Chapeau bas devant les Témoins de Jéhovah!”, téléphona un homme à la filiale juste après l’émission. Un autre envoya la copie de son retrait de l’Église consécutivement à ce qu’il avait entendu. Il écrivit: “J’ai enfin trouvé ce que je recherchais.”
Le journal Oberländer Tagblatt publia ce commentaire: “Des discussions sur l’interprétation de la Bible requièrent des participants une très grande sincérité, la pratique du christianisme ainsi qu’une aptitude naturelle à traiter avec les dissidents. Les représentants de l’Église évangélique réformée ne se sont pas montrés à la hauteur de la situation. À regret, nous disons que, s’il nous fallait choisir entre l’un ou l’autre des débatteurs, nous pencherions plutôt pour les représentants de la secte des Témoins de Jéhovah.”
ÉMISSIONS À LA STATION DE RADIO FRANÇAISE
Évidemment, nos frères francophones souhaitaient vivement qu’un bon témoignage soit également donné à la radio dans leur langue. Cela eut lieu le dimanche soir 20 décembre 1970. Quelques semaines auparavant, la direction de Radio Sottens, la station de radio francophone suisse, avait contacté André Eiselé, surveillant de la congrégation de Prilly. À l’occasion d’une série d’émissions portant sur les différents groupes sociaux et religieux du pays, les Témoins de Jéhovah devaient être interviewés.
Frère Eiselé ainsi que deux autres frères et une sœur prirent part à la discussion. Ils répondirent aux questions du présentateur sur nos relations avec Dieu, avec nos semblables et avec la société humaine en général. Et comme Noël approchait, ils mirent l’accent sur l’importance du culte pur non entaché par des idées et des coutumes païennes.
“Deux jours seulement après cette émission, on me contactait de nouveau, dit frère Eiselé. Le présentateur proposait une autre émission qui traiterait des sentiments personnels et des conflits intérieurs résultant de la position de neutralité du chrétien fondée sur l’observance des principes bibliques. J’acceptai et l’émission eut lieu le vendredi 8 janvier 1971, de 22 h à 22 h 35.” Nous avons reçu de nombreux témoignages d’estime, particulièrement de la part de sœurs dont les maris s’opposaient à la vérité. Ces hommes s’étaient fait une meilleure idée des Témoins de Jéhovah et ne s’opposaient plus aussi catégoriquement à ce que leurs femmes assistent aux réunions et participent au ministère chrétien.
À LA TÉLÉVISION
La Télévision suisse se montrerait-elle un jour assez libérale pour présenter les Témoins de Jéhovah au petit écran? Lors de l’assemblée internationale de 1965 à Bâle, il y eut une ouverture. Dans les bulletins d’information quotidiens les journalistes ont fait des comptes rendus brefs mais favorables sur cette assemblée. Et depuis, les chaînes de télévision allemande et française présentent des interviews ou de brefs comptes rendus sur les assemblées de district. Bien que très brèves, ces séquences ont suscité de l’intérêt chez beaucoup de gens.
L’émission la meilleure et la plus complète sur les Témoins de Jéhovah est passée à la télévision italienne le 26 janvier 1979. Elle dura 40 minutes et présenta de nombreux aspects de notre mode de vie chrétien. Les téléspectateurs ont d’abord assisté à l’étude biblique familiale chez frère Soldati, à Bellinzona; on les emmena ensuite à une assemblée à Milan, en Italie, puis on leur montra les activités de notre organisation dans le cadre d’une visite des bureaux et de l’imprimerie de la Société à Thoune. Il y eut aussi l’intéressant interview de Teresa Medici, de Lugano, une sœur de 98 ans à l’époque, qui s’était fait baptiser à l’âge de 80 ans et défendait toujours courageusement ses convictions. Cette sœur nous a quittés à l’âge de 102 ans, confiante en la réalisation de la promesse faite par Christ d’une résurrection. — Jean 5:28, 29.
LE PLUS GRAND DE TOUS LES RASSEMBLEMENTS
Le plus grand des rassemblements jamais réalisés en Suisse eut lieu en 1965, à l’occasion de l’assemblée “La Parole de vérité”, organisée à Bâle, une ville d’environ 200 000 habitants. Cette assemblée devait réunir des milliers de frères venus du sud de l’Allemagne, de France et d’autres pays d’Europe. Entre 30 000 et 40 000 visiteurs étaient attendus. Pour la Suisse, cette assemblée était gigantesque, et la préparer tenait du défi.
“‘Où allons-nous loger tous ces délégués?’ Voilà ce qui me préoccupait”, se souvient Hans Klenk, le surveillant de district suisse qui, avec Karl Hägele, un surveillant de district allemand, était chargé de l’organisation.
Le programme devait être présenté en cinq langues: allemand, français, italien, espagnol et portugais. Oui, c’était un grand événement pour les quelque 2 000 frères d’Espagne et du Portugal qui, bien que l’œuvre fût encore frappée d’interdiction dans leur pays, espéraient obtenir l’autorisation de se rendre en Suisse. Malheureusement certains d’entre eux en ont été privés: les autorités ayant appris qu’ils envisageaient de se rendre à une assemblée chrétienne refusèrent de leur délivrer un passeport.
Lors de la réunion préliminaire tenue à Bâle bien avant l’assemblée, environ 800 proclamateurs, y compris quelques-uns de l’Allemagne voisine, furent instruits sur la façon de trouver des logements dans les hôtels, les dortoirs des écoles, les campings et les foyers de la ville ainsi que des villes et des villages environnants. Ils consacrèrent 18 000 heures à cette activité. Leur amour pour les frères et leur enthousiasme les aidèrent à mener à bien cette tâche, et quand le flot de délégués se répandit dans Bâle, personne n’eut à dormir à la belle étoile.
NOTRE BONNE VOLONTÉ SOULÈVE L’ADMIRATION
L’emplacement de l’assemblée étant un terrain de sport, il fallut prévoir de nombreuses constructions, entre autres cinq estrades pour les sessions en cinq langues et aussi d’autres installations. Soixante-dix-sept frères et sœurs offrirent leur temps, leurs forces et leur savoir. Par exemple, Frieda Hemmig était en train de creuser des fosses pour l’installation de W.-C. supplémentaires le jour de ses 65 ans. Elle pense toujours que ce fut un privilège de participer à ces travaux par amour pour “toute la famille des frères”. — I Pierre 2:17.
Le plus surpris sur les lieux fut le chef des pompiers de la ville. Il s’exclama: “Comment faites-vous? Vous avez ici en abondance des travailleurs bénévoles, et en ville il y a pénurie de main-d’œuvre, bien que les salaires proposés soient élevés.”
Frère Rohleder, d’Allemagne, surveillant de circonscription et responsable du service des volontaires, lui répondit en citant l’exemple d’un frère d’Australie qui avait fait un voyage de quatre semaines pour joindre la ville de l’assemblée. En arrivant à Bâle il s’est immédiatement présenté au service des volontaires pour offrir son aide en tant que plombier. Hochant la tête, le chef des pompiers dit: “C’est absolument remarquable! Je ne peux y croire. De nos jours, personne ne fait rien pour rien.” Bien évidemment, il n’avait jamais été témoin de l’action de l’esprit de Jéhovah sur ceux qui se laissent utiliser par lui.
Le dernier jour de l’assemblée, le 18 juillet 1965, 36 785 personnes au total assistaient au discours public “Le gouvernement mondial sur les épaules du Prince de paix” prononcé par frère Knorr. L’assemblée elle-même avait fait la preuve que les Témoins de Jéhovah sont déjà unis et en paix. Voici le nombre des assistants par session: allemande, 29 827; française, 3 385; italienne, 1 340; espagnole 1 886; portugaise, 347.
UN NOUVEAU BÉTHEL EST NÉCESSAIRE
Lors de la visite de frère Knorr en 1968, une importante décision fut prise. Le président lui-même annonça la nouvelle à l’occasion d’une réunion spéciale tenue à Berne le 29 mai: la filiale allait faire l’acquisition d’un nouveau bâtiment pour abriter le Béthel et l’imprimerie. Nous avions impérieusement besoin de locaux mieux adaptés, cette nouvelle réjouit donc grandement les frères. Elle reflétait la bénédiction de Jéhovah sur leurs efforts. On acheta à Thoune un terrain situé à 32 kilomètres de l’ancien Béthel de Berne. C’est un endroit très agréable, non loin du lac de Thoune, d’où l’on a une vue magnifique sur les Alpes. Vous imaginez l’enthousiasme de la famille du Béthel.
Le 11 février 1969 on commença les travaux de terrassement et à la fin mars on coulait la chape. Après cela, les travaux de construction proprement dits avancèrent rapidement. Le bâtiment serait deux fois plus grand que l’ancien. Il devait avoir quatre étages, 53 chambres pour la famille, un emplacement suffisant pour l’imprimerie, des locaux pour le stockage et les bureaux. La plus grande partie des finitions, comme le revêtement des sols et la menuiserie, furent assurées par les frères. Le renforcement du sol de l’étage principal exigea 80 tonnes de barres de fer, dont 50 tonnes pour renforcer le sol en béton de l’imprimerie. Des années plus tard, la solidité de ce sol devait s’avérer providentielle.
UNE NOUVELLE PRESSE ROTATIVE
Afin de faire face à la demande croissante de publications, il fallut installer une deuxième presse dans la nouvelle imprimerie. Il s’agissait d’une rotative M.A.N. de 35 tonnes, que frère Milan Miller de Brooklyn nous aida à installer. Bien sûr, nous avions aussi la vieille presse rotative que la Société avait achetée en 1924. Reinhard Pletscher la conduisit pendant des années. Il en avait si grand soin, qu’il prenait de son temps libre pour nettoyer et astiquer “sa” machine. Cette affection amena certains membres de la famille à appeler la presse noire “la femme noire de Reinhard”. Sœur Pletscher n’en était pas jalouse; elle en riait avec le reste de la famille. Quoi qu’il en soit, grâce à ces soins attentifs et à une révision complète, cette machine a encore servi pendant de nombreuses années après son installation à Thoune. Elle a même survécu à frère Pletscher, qui acheva sa course terrestre en 1973.
LES NOUVEAUX LOCAUX SONT APPRÉCIÉS
Lors de l’inauguration du bâtiment le 16 mai 1970, frère Knorr rappela le rôle important des bâtiments réservés au culte de Jéhovah dans les temps anciens. Il y a eu le tabernacle pour l’antique Israël et le magnifique temple construit par Salomon. Il dit: “Ce nouveau Béthel, quoique voué au vrai culte, ne serait d’aucune valeur si ceux qui y travaillent ne se consacraient pas de tout cœur aux intérêts de l’œuvre de Jéhovah sur terre.”
La famille du Béthel fut profondément reconnaissante pour ce nouveau bâtiment résidentiel et fonctionnel, mais aussi les 4 000 frères et personnes bien disposées qui le visitèrent au cours des deux week-ends prévus à cet effet en octobre de la même année. “Nous avons été impressionnés par ce nouveau bâtiment et cette imprimerie spacieuse, dit une sœur. Nous sommes très heureux à l’idée qu’ils serviront à fournir la nourriture spirituelle aux proclamateurs de Suisse, et aussi à ceux de nombreux autres pays.”
La lettre suivante envoyée par une jeune sœur vous dira le vif intérêt et l’esprit de générosité qui permirent de faire face aux engagements financiers liés à cette nouvelle construction:
“Chers frères,
“Je viens juste de terminer mon apprentissage. En récompense de mon bon travail, j’ai reçu un prix sous la forme d’une certaine somme d’argent. J’en suis ravie. Comme je ne vois pas de meilleur usage que de mettre cette somme à votre disposition pour le nouveau Béthel de Thoune, veuillez, je vous prie, trouver ci-joint la somme de 80 francs suisses.
“Unie à vous dans le service de Jéhovah, soyez assurés de tout mon amour et de mes meilleurs vœux.
Votre sœur,
Marie-Louise.”
LA PERSÉVÉRANCE, UNE EXIGENCE
Dans notre pays, les gens ne viennent généralement pas à la vérité dès qu’on se met à étudier la Bible avec eux. Il nous faut beaucoup de patience et de persévérance. L’expérience a montré que la plupart des études bibliques ne sont commencées que lorsque les gens font vraiment confiance au proclamateur. Il leur faut acquérir la conviction que nous nous intéressons sincèrement à leur bien-être. Pour illustrer cela, voici l’expérience vécue par Grete Schmidt qui est pionnier spécial depuis longtemps:
“Il y a quelques années, mon mari et moi avons fait la connaissance d’une gentille famille tchèque qui habite Lucerne. La femme était enseignante et son mari un champion de l’aviron. Tous deux avaient été élevés dans l’athéisme, mais ils appréciaient néanmoins la discussion. Toutefois, lorsqu’on abordait le sujet de Dieu ou de la Bible, ils se contentaient de sourire. (...) Nous avons finalement cessé de les visiter.”
Deux ou trois années passèrent. C’est alors que parut un article dans La Tour de Garde du 1er novembre 1976 à propos d’un frère qui avait gagné une médaille d’or à la course, aux jeux Olympiques de Tokyo. “Quand j’ai lu l’article, dit sœur Schmidt, je me suis souvenue du couple tchèque, car le mari avait gagné une médaille d’argent aux mêmes jeux. Je décidai donc de revoir cette famille et de lui proposer le périodique en question. Tout d’abord ils m’ont parlé sport et je me suis contentée d’écouter. Lors des visites suivantes, je leur ai parlé et reparlé de la Bible.”
Quelle fut la réaction du couple? “Excusez-nous, Madame Schmidt, vous avez oublié que nous sommes athées.”
“J’ai néanmoins continué de visiter cette gentille famille. J’avais comme l’impression que quelque chose n’allait pas. Finalement, j’ai remarqué qu’ils avaient des problèmes conjugaux. Ils parlaient déjà de divorce.”
La sœur leur montra à l’aide de la Bible comment résoudre de tels problèmes. Étonnés de voir que ce livre renferme des conseils pratiques, le mari et la femme acceptèrent une étude biblique. Leurs liens se resserrèrent sans cesse davantage. Ils finirent par accepter la vérité et se firent baptiser au printemps 1979. Quels sont les sentiments de frère Jiri Lundák maintenant?
“Autrefois, je ne pouvais supporter d’entendre les mots ‘saint’, ‘ange’, etc.; ils m’échauffaient les oreilles. Il ne fallait pas davantage me parler de réunions. Maintenant tout est changé. Mon temps libre appartient à Dieu et à ma famille. Pour ce qui est des amis, nous avons également opéré des changements. Je connais à présent toute l’importance des réunions. J’ai appris à m’acquitter de ma responsabilité de père, et nous avons une vie de famille heureuse. Je veux encore remercier Jéhovah de nous avoir permis d’apprendre à prier, et de nous avoir tendu la main avant que nous ne l’ayons recherché.” Vraiment, la persévérance produit de bons fruits.
BEAUCOUP DE JEUNES CANDIDATS AU BAPTÊME
En 1975, 1 138 personnes (chiffre jamais atteint) se sont fait baptiser à nos assemblées de circonscription et de district tenues en quatre langues. Les années suivantes il y en eut moins mais, fait remarquable, sur la moyenne annuelle de 560 candidats au baptême, il y avait beaucoup de jeunes. Certains d’entre eux ont à mener un dur combat pour se libérer des traditions familiales, mais leur ardeur affermit notre foi. Voici l’histoire de l’un de ces jeunes hommes:
“Je me trouvais dans un restaurant, lorsqu’une touriste allemande me demanda si le siège à côté du mien était libre. Sur ma réponse affirmative, la femme s’est assise et nous avons engagé la conversation. Elle me dit que, travaillant à l’université de Constance, en Allemagne, elle s’occupait de jeunes gens. D’après elle, il était très important de montrer aux jeunes le meilleur mode de vie. Je ne pouvais qu’acquiescer, étant moi-même témoin des ravages de l’alcool et de la drogue sur les jeunes. Finalement elle me parla d’un livre très intéressant pour les jeunes: Votre jeunesse — Comment en tirer le meilleur parti. Elle était désolée de ne pas en avoir un exemplaire avec elle, mais elle promit de m’en apporter un. C’est ce qu’elle fit; toutefois, comme j’étais très occupé, elle m’a simplement remis le livre en me disant qu’il lui fallait rentrer en Allemagne et que quelqu’un d’autre viendrait discuter de ce livre avec moi.
“Un frère m’a rendu visite, et je n’ai pas tardé à étudier et aussi à assister aux réunions. Mon amour pour Jéhovah grandit. Ma vie avait un but, et je me retrouvais avec de nombreux amis. Je compris la nécessité de sortir de ‘Babylone la Grande’. En février 1979 je décidais de quitter l’Église. Comme j’étais loin de chez moi, personne n’a cherché à m’en dissuader.
“Mais hélas, quand j’en ai informé mes parents, ils réagirent violemment. Ils me téléphonèrent pour me demander si j’étais devenu fou. Ils cherchèrent par tous les moyens à me faire changer d’avis. Je leur expliquai gentiment que j’avais reconnu la nécessité de servir le seul vrai Dieu et que ma décision était irrévocable. Le lendemain mon père arriva et me dit: ‘Tu rentres à la maison avec moi, espèce de gredin!’ Vous imaginez mes sentiments.”
Qu’est-il arrivé à notre jeune ami? Il a dû accompagner son père chez le prêtre, qui tenta de le détourner de sa décision, mais refusa toute discussion biblique. Alors les parents décidèrent de l’envoyer dans un collège catholique. Qu’en pensait-il?
“J’étais très déprimé, mais je mettais ma confiance en Jéhovah conformément aux paroles de Salomon qui a dit: ‘Confie-toi en Jéhovah de tout ton cœur et ne t’appuie pas sur ta propre intelligence. Dans toutes tes voies tiens compte de lui, et lui, il rendra droits tes sentiers.’ (Prov. 3:5, 6). Au début c’était très difficile. Chaque dimanche il me fallait aller à l’église, mais je m’asseyais et priais Jéhovah pendant que les autres participaient au culte. J’avais très souvent l’occasion de donner le témoignage, et à l’heure de la réunion j’étudiais personnellement au collège. Au bout de trois mois les prêtres ont estimé qu’il était inutile de continuer à me forcer d’aller à l’église. Plus tard, on m’autorisa à passer la journée du dimanche hors du collège. Devinez où j’allais.”
Le jeune homme eut plusieurs entretiens avec l’abbé, et il lui offrit des périodiques. En retour, l’abbé l’invita à parler des Témoins de Jéhovah devant les élèves de trois classes. Il a donc pu donner un témoignage devant 90 élèves et leur placer des publications. Dans deux classes, les élèves posèrent de si nombreuses questions qu’on lui laissa deux heures supplémentaires pour y répondre.
Voici comment notre jeune frère conclut son histoire: “À la fin de l’année mes supérieurs m’ont même félicité, disant qu’ils n’avaient jamais eu un élève aussi appliqué. Aujourd’hui, je mène une vie qui a un but, celui que Jéhovah m’a donné par le moyen de son organisation terrestre. En été 1980 j’ai été baptisé à l’assemblée de district de Zurich, et maintenant j’ai de nombreuses joies dans le service de pionnier. Je suis reconnaissant envers Jéhovah pour sa miséricorde et sa bonté de cœur.”
LE NOUVEAU BÉTHEL DOIT ÊTRE AGRANDI
Après seulement quelques années d’activité dans notre nouveau Béthel, un agrandissement s’avéra nécessaire en raison de l’accroissement de la production. Nous imprimions alors les périodiques en six langues, et la production a atteint le chiffre maximum de 31 millions en 1975. L’œuvre des Témoins de Jéhovah ayant été légalement reconnue en Espagne en 1970, les proclamateurs avaient besoin de grandes quantités de périodiques, car ils participaient toujours davantage aux différentes formes de service. Nous avions le privilège de satisfaire à leurs besoins. Il en fut de même du Portugal, où l’œuvre a été officiellement reconnue en décembre 1974. Nous imprimions déjà les périodiques en français, en allemand, en anglais et en italien. En 1981 on ajouta le grec et le turc, ce qui fit un total de 15 éditions chaque mois en 8 langues. Par la suite on imprima également l’édition trimestrielle de Réveillez-vous! en turc.
“Il nous fallait donc de la place, explique Lars Johansson, actuellement surveillant de l’imprimerie. Nous avons alors jugé utile d’amputer une partie du jardin pour ajouter un bâtiment à celui existant. Il comprendrait un grand local pour le stockage du papier, et un autre, mieux équipé, pour le service de l’expédition. Nous envisagions également la nécessité d’avoir davantage de chambres, aussi avons-nous prévu de quoi loger 12 personnes dans ce nouveau bâtiment.” L’inauguration eut lieu en février 1978.
DE NOUVELLES MÉTHODES D’IMPRESSION
La déclaration de Paul selon laquelle “la scène de ce monde est en train de changer” est certainement vraie en ce qui concerne le présent système de choses, mais elle peut aussi s’appliquer aux méthodes d’impression (I Cor. 7:31). Nous avions entendu parler des méthodes modernes adoptées dans les imprimeries de la Société aux États-Unis et ailleurs afin de suivre le progrès, et nous nous demandions quand viendrait notre tour.
Les préparatifs commencèrent dans l’hiver 1980-1981. Petit à petit on installa dans le nouveau bâtiment le service des arts graphiques. On produisit tout d’abord Le ministère du Royaume en quatre langues par photocomposition, et en juillet nous avons commencé à imprimer les éditions grecques de La Tour de Garde et de Réveillez-vous! sur notre nouvelle presse offset à feuilles.
Puis arriva de Brooklyn en juin 1982 notre première presse rotative reconvertie (ancienne presse typographique adaptée au système offset). Pour lui faire de la place nous avons démonté notre “vieux cuirassé”, la presse rotative achetée en 1924. Elle avait imprimé des millions et des millions de périodiques au cours de ses 58 années de service!
Et Brooklyn nous informa qu’une seconde presse rotative adaptée au système offset serait envoyée à la filiale de Suisse. Inutile de vous dire que nous étions heureux d’avoir prévu un sol aussi solide lors de la construction de notre Béthel de Thoune. La presse arriva en décembre 1983. Notre imprimerie était maintenant bien équipée pour produire des périodiques en huit langues à l’usage personnel de nos frères et pour la diffusion parmi le public dans près de 100 pays.
ILS S’OFFRENT VOLONTAIREMENT
Nous sommes heureux de constater que l’esprit pionnier qui se manifeste dans l’organisation visible de Jéhovah a également touché nos frères et sœurs de Suisse. Pendant des années, le nombre des pionniers avait été un point faible dans notre pays, mais depuis 1980 les pionniers permanents sont passés de 101 à 271, chiffre maximum, sans compter 64 pionniers spéciaux (y compris 2 au Liechtenstein et 3 missionnaires en Suisse). Nous espérons que beaucoup d’autres seront incités à saisir ce privilège pendant le peu de temps qui reste encore. — I Cor. 7:29.
Beaucoup de proclamateurs aimeraient entreprendre le service à plein temps mais en sont empêchés, comme en témoigne le nombre croissant de ceux qui saisissent l’occasion d’être pionniers auxiliaires. En mai 1986, un maximum de 1 117 proclamateurs ont fait ce service, alors qu’ils n’étaient que 361 en 1980. C’était là un progrès remarquable.
La congrégation de Dittingen offre un excellent exemple montrant comment l’attitude positive des anciens peut être fructueuse. Samuel Hurni présenta 15 pionniers auxiliaires dans le cadre du programme de l’assemblée de circonscription de l’automne 1985 tenue à Bâle. Il expliqua: “Notre congrégation compte 26 proclamateurs baptisés; 57 pour cent d’entre eux, soit 15, ont eu la joie d’être pionniers auxiliaires en mai ou en septembre ou les deux mois.” Il précisa que les anciens s’étaient mis d’accord pour donner l’exemple dans cette activité. Puis ils sont allés vers d’autres membres de la congrégation et leur ont dit: “Les anciens seront pionniers auxiliaires en mai. Aimeriez-vous tenter l’expérience avec eux?” Certains étaient si heureux de ce que les anciens les avaient jugés capables de faire ce service, qu’ils l’entreprirent avec enthousiasme. Cet effort en commun a été une réussite et un bienfait pour la congrégation. L’esprit joyeux de ces pionniers a affermi et réjoui tout le monde. — Ps. 110:3.
NOUS PRÉSERVONS L’UNITÉ EN DÉPIT DE LA DIVERSITÉ
L’une des particularités de l’organisation du peuple de Jéhovah en Suisse est la diversité des langues et des cultures. Préserver l’unité et faire en sorte que tous progressent est le principal souci du Comité de la filiale.
La formation de congrégations étrangères nécessite beaucoup de travail. Il y a des tâches administratives comme la correspondance avec les congrégations et les surveillants de circonscription, l’analyse des rapports, la coordination et l’organisation des assemblées, l’envoi de lettres circulaires, d’instructions pour le service du champ et de publications, et tout cela en 4 langues: allemand, français, italien et espagnol. Comme tous les frères du bureau de la filiale ne parlent pas ces langues, cela requiert un grand travail de traduction.
L’accroissement de la population étrangère a constitué un défi pour les proclamateurs. Allaient-ils laisser de côté ces gens-là sous prétexte que toute communication était impossible? Ou bien se renseigneraient-ils sur leur origine et se procureraient-ils des publications dans leur langue? Certains proclamateurs dynamiques allèrent même plus loin. Ils apprirent une autre langue pour aider ces personnes. — I Tim. 2:4.
Ainsi, outre les groupes linguistiques déjà mentionnés, il y a des Yougoslaves, des Portugais, des Grecs, des Turcs et des réfugiés tamouls et vietnamiens. Eux aussi reçoivent le témoignage et un certain nombre manifestent un intérêt sincère ou bien ont déjà pris position pour Jéhovah. D’autres personnes encore, issues de nationalités diverses, vivent à l’intérieur de nos frontières et nous donnent l’impression d’avoir un champ missionnaire à notre porte.
LA FAMILLE DU BÉTHEL AUSSI REFLÈTE LA DIVERSITÉ
Notre famille du Béthel compte 65 personnes. La filiale de Suisse étant l’une des plus anciennes, certains de ses membres étaient là tout au début, ce sont nos piliers. Les visiteurs sont souvent impressionnés par le groupe relativement important de travailleurs anciens. Nous voudrions vous présenter les 12 frères et sœurs âgés de plus de 65 ans. (Voir page 215.) Ils totalisent à eux tous 552 années de Béthel, soit en moyenne 46 ans chacun.
Tous travaillent encore avec zèle. Par exemple, Lydia Wiedenmann, 87 ans, dresse les tables chaque jour; Jules Feller, 86 ans, travaille au bureau de la réception; Arnold Rohrer, 86 ans, entretient nos nombreuses bicyclettes; Paul Obrist, 81 ans, travaille au bureau; Willi Diehl, 75 ans, sert en qualité de coordinateur du Comité de la filiale.
Sur la photo il manque deux frères aimés de tous, qui ont récemment achevé leur course terrestre; il s’agit de David Wiedenmann, 82 ans, qui a travaillé comme membre du Comité de filiale jusqu’à son dernier souffle, nous laissant un modèle de simplicité et de contentement, et de Gottfried Feuz, 88 ans, qui a passé 63 ans dans le service à plein temps. Ces dernières années il travaillait avec beaucoup de conscience au service des abonnements et son amabilité restera longtemps gravée dans nos mémoires.
On peut vraiment dire de ces frères et sœurs: “Les cheveux gris sont une couronne de beauté quand ils se trouvent dans la voie de la justice.” (Prov. 16:31). Leur longue expérience est précieuse pour les membres plus jeunes de la famille. La diversité d’âges n’est certainement pas un obstacle à l’unité, pas plus que celle des langues. Rien qu’au Béthel, trois groupes linguistiques officiels sont représentés. C’est ce qui frappe lors de la discussion du texte du jour et de l’étude familiale de La Tour de Garde, où les commentaires sont donnés en trois langues.
CHANGEMENTS AU BÉTHEL
Comme le savent la plupart des Témoins de Jéhovah du XXe siècle, de très grands progrès techniques ont été réalisés au cours des dernières années. Sans aucun doute Jéhovah a veillé à ce que cet équipement moderne soit disponible pour la prédication de “cette bonne nouvelle du royaume (...) par toute la terre habitée, en témoignage pour toutes les nations”, et ceci pendant la vie d’une génération. — Mat. 24:14, 34.
Gardant ce fait présent à l’esprit, la raison qui incite la Société à faire le meilleur usage possible de l’ordinateur apparaît clairement. La filiale de Suisse fut équipée du MEPS (système électronique de photocomposition multilingue) en juillet 1983, et nous continuons d’apprendre à exercer notre travail à l’aide de ce système aux multiples possibilités. Tout le travail assumé par le service des abonnements a été grandement simplifié et se fait au moyen de quelques ordinateurs seulement; il en a été de même pour le service de l’expédition.
D’autre part, la majorité du travail d’imprimerie que nous faisions pour les autres filiales est maintenant effectué par ces dernières, qui sont équipées de nouveaux bâtiments et de presses rotatives offset. Cette décentralisation a permis de gagner du temps et d’économiser des frais d’expédition. Actuellement, les quantités imprimées pour chaque édition sont considérablement réduites, mais nous produisons encore régulièrement une douzaine de périodiques différents en six langues.
Ces changements ont libéré plusieurs membres du personnel de notre filiale qui poursuivent leur activité dans la prédication à plein temps, et nous sommes heureux de recevoir le rapport de leur excellent travail. Il est évident que Jéhovah bénit ceux qui se laissent utiliser par lui à quelque fonction que ce soit, et qu’il veille sur eux tel un Père aimant.
DES ASSEMBLÉES DE DISTRICT À CARACTÈRE INTERNATIONAL
Quand la Société annonça que les assemblées de 1985 auraient un caractère particulier, nous étions impatients d’en savoir davantage. En temps utile nous avons été informés, et nous nous sommes affairés à préparer nos assemblées de district “Les hommes d’intégrité” en langues allemande et française, tout en songeant aux visiteurs étrangers.
Comme le groupe anglophone devait être particulièrement important, nous avons prévu un programme anglais de quatre jours conjointement avec l’assemblée allemande de Zurich, qui se tint du 1er au 4 août. Des frères des États-Unis, du Canada et d’Angleterre, ainsi que d’autres parlant l’anglais et vivant en Suisse étaient disposés à servir d’orateurs. Nous avons donc pu présenter tous les discours, à l’exception des drames que nos visiteurs ont pu suivre à la session allemande. À l’assemblée française de Genève, le programme en anglais n’était pas aussi complet. Mais aux deux assemblées, les frères locaux ont eu la joie d’entendre des rapports enthousiastes donnés par les délégués venus des différents pays.
Avant et après le programme et plus spécialement à la cafétéria, les frères suisses et étrangers ont eu l’occasion de faire plus ample connaissance. Il était touchant de voir certains s’efforcer de vaincre la barrière de la langue en faisant appel à l’anglais ou à l’allemand qu’ils avaient appris à l’école. Mais ils se comprenaient sinon en paroles, par gestes, par une étreinte ou un regard. C’était la démonstration d’une vraie fraternité, comme seul le fruit de l’esprit de Dieu qu’est l’amour peut produire, “car c’est un parfait lien d’union”. — Col. 3:14.
Beaucoup parmi les 1 800 délégués étrangers accompagnèrent les proclamateurs suisses dans l’œuvre de prédication, montrant ainsi leur intérêt pour les activités déployées par leurs frères d’ici. Beaucoup ont également visité notre Béthel et l’imprimerie, ce qui fut un encouragement pour nous.
Nos frères présents à l’assemblée de Genève nous ont adressé un message d’adieu touchant qui déclarait entre autres: “Nous ne voulons pas vous quitter sans vous dire que ce ne sont ni vos hautes montagnes ni vos lacs profonds qui resteront gravés dans nos mémoires; non, c’est la profondeur de votre amour pour notre grand Créateur et la fidélité avec laquelle vous vous efforcez d’observer les principes justes de notre Père. Votre détermination à demeurer des hommes d’intégrité a été pour nous un puissant encouragement.
“Nous avons également apprécié vos efforts pour communiquer avec nous en dépit de la barrière de la langue.
“Jamais nous n’oublierons vos visages amicaux et souriants qui nous ont mis à l’aise et nous ont donné le sentiment d’être les bienvenus. Oui, ‘comme il est bon et comme il est agréable pour des frères d’habiter dans une étroite union’! Et combien nous sommes reconnaissants d’appartenir à la famille universelle des frères!” — Ps. 133:1.
Vraiment, les assemblées de district de 1985 qui ont réuni 20 601 personnes nous ont laissé d’heureux souvenirs. Elles nous ont encouragés à aller de l’avant, épaule contre épaule, avec nos frères du monde entier en demeurant intègres vis-à-vis de Jéhovah et de Jésus Christ, et en attendant d’autres occasions de goûter à la fraternité chrétienne.
DÉTERMINÉS À ALLER DE L’AVANT
Nous venons de survoler ensemble 95 années de l’histoire théocratique en Suisse, depuis la première visite de frère Russell en 1891 jusqu’à l’époque actuelle. Le ruisseau des eaux de la vérité est devenu un flot impétueux qui a arrosé chaque vallée et jusqu’aux chalets de montagne les plus reculés. Quand nous allons de maison en maison dans les villes, les gens nous identifient comme Témoins de Jéhovah avant même que nous ayons commencé à leur parler. Ainsi le message du Royaume a été proclamé et les habitants l’ont entendu. Malheureusement, la majorité se sentent en sécurité et sont satisfaits de leur situation, se souciant fort peu de ce qu’ils considèrent comme étant impossible, à savoir une paix durable sur terre grâce au Royaume de Dieu.
Pourtant, les efforts des Témoins de Jéhovah n’ont pas été vains. Bien que beaucoup aient servi Jéhovah pendant un temps et soient retournés dans le monde, nous sommes heureux d’avoir atteint le chiffre maximum de 13 659 proclamateurs fidèles du Royaume en mai 1986 (y compris 42 au Liechtenstein). L’assistance au Mémorial en 1986 a été de 25 698 (y compris 82 au Liechtenstein), ce qui nous laisse des perspectives d’accroissement tant que durera la patience de Jéhovah. Nous notons avec intérêt que bon nombre des proclamateurs, peut-être la moitié, sont des étrangers venus en Suisse pour améliorer leur situation matérielle et qui ont acquis, de manière inattendue, des richesses spirituelles. Beaucoup sont rentrés dans leur pays et y ont fait progresser les intérêts du Royaume. La bonne nouvelle du Royaume s’est donc répandue dans ces pays, et les Témoins suisses se sentent privilégiés d’y avoir contribué dans une certaine mesure.
Les membres de la “grande foule” sont eux-mêmes désignés en Ésaïe 56:6 comme des “étrangers qui se sont joints à Jéhovah pour le servir et pour aimer le nom de Jéhovah, afin de devenir pour lui des serviteurs”. Ces “étrangers” en Suisse sont déterminés à persévérer dans le service de Jéhovah aux côtés des 73 membres du reste oint encore vivants ici et au Liechtenstein, et à proclamer dans l’unité l’espérance du Royaume à ceux qui désirent écouter.
[Carte, page 114]
(Voir la publication)
SUISSE ET LIECHTENSTEIN
FRANCE
RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE
SUISSE
Berne
Schaffhouse
Bâle
Rhin
Lac de Constance
Brugg
Zurich
St-Gall
Thalwil
Aare
Les Convers
Zoug
Buchs
Neuchâtel
Lucerne
Ragaz
Payerne
Steffisburg
Yverdon
Fribourg
Thoune
Prilly
Lausanne
Lac Léman
Gstaad
Aigle
Rhône
Genève
Bellinzona
Lugano
LIECHTENSTEIN
Schaan
Vaduz
AUTRICHE
ITALIE
LANGUES
Allemand
Français
Italien
Romanche
[Illustration, page 119]
Adolphe Weber, qui revint dans son pays natal en 1900 pour y porter le message du Royaume.
[Illustration, page 130]
Zurich: À l’aide de la “cloche de la paix” montée sur une charrette hippomobile, les frères suscitent l’intérêt pour “L’Âge d’Or”.
[Illustration, page 135]
La filiale de Suisse et l’imprimerie de 1925 à 1970.
[Illustration, page 136]
Martin Harbeck (debout avec sa femme) et Joseph Rutherford.
[Illustration, page 145]
Heinrich Dwenger, membre du Béthel de 1910 à 1983, travaillant au service des abonnements à Thoune.
[Illustration, page 149]
Couverture du numéro spécial de “L’Âge d’Or” exposant les faits relatifs à l’assemblée mémorable de Lucerne.
[Illustration, page 159]
Franz Zürcher fut surveillant de filiale de 1940 à 1953.
[Illustration, page 161]
Jules Feller commença à servir au Béthel en 1924; il est toujours actif à l’âge de 86 ans.
[Illustration, page 183]
Willi Diehl, coordinateur du Comité de filiale, et sa femme Marthe.
[Illustration, page 193]
Le château du Liechtenstein.
[Illustration, page 208]
Le Béthel de Thoune: résidence, bureaux et imprimerie.
[Illustration, page 215]
Une douzaine de vétérans, membres de la famille du Béthel; chacun a passé en moyenne 46 ans dans le service à plein temps. (De gauche à droite: Lydia Wiedenmann, Marthe Diehl, Jules Feller, Willi Diehl, Paul Bigler, Martha Bigler, Paul Obrist, Ernst Zedi, Hans Russenberger, Arnold Rohrer, Johannes Förster, Joséphine Förster.)