Kenya et pays voisins
VOILÀ cent quarante-quatre ans, Londres était en proie à une grande agitation. Johannes Rebmann, explorateur allemand, affirmait avoir vu en Afrique orientale une haute montagne, une montagne si élevée que son sommet en était couronné de neige. Beaucoup se sont émerveillés en apprenant cette nouvelle sensationnelle, mais les géographes, pour leur part, émettaient de sérieuses réserves. De la neige au niveau de l’équateur? Inconcevable, si ce n’est dans l’imagination par trop fertile de Rebmann.
Dans les années qui suivirent, d’autres explorateurs européens affirmèrent avoir entendu des récits qui disaient que dans les forêts vivaient des humains primitifs, ressemblant à des nains et qu’aucun blanc n’avait jamais vus. De nouveau, les spécialistes se sont montrés sceptiques. Pour eux, cela ne faisait pas de doute, ces récits tenaient de l’affabulation.
Mais dans les deux cas, les spécialistes se fourvoyaient. D’autres expéditions confirmèrent l’existence du majestueux Kilimandjaro, sommet paré de neiges éternelles. L’on confirma également l’existence des pygmées: la taille moyenne des hommes est chez eux de 1,37 mètre.
L’Afrique orientale est véritablement une contrée enchanteresse! De toutes les régions de la terre, rares sont celles qui portent en elles autant de féerie, de couleur, de beauté et de charme que ce coin d’Afrique. S’y rencontrent des sommets enneigés, mais aussi des déserts torrides. Dans cette région vivent non seulement les plus petits hommes de la terre, mais aussi les plus grands: les Tutsis et les Dinkas, chez qui il n’est pas rare de trouver des hommes mesurant 2,13 mètres.
Peuples et langues
Cette contrée recèle une variété étonnante. Les 150 millions de personnes qui y vivent représentent plus de 350 groupes ethniques. La Tanzanie à elle seule compte quelque 125 ethnies. Au Kenya vivent 40 groupes ethniques, depuis les Kikuyus, très représentés dans la région de Nairobi, ville d’économie moderne, jusqu’aux Massaïs, peuple pasteur qui se nourrit surtout du lait et du sang de ses troupeaux.
Les langues parlées en Afrique orientale sont en conséquence tout aussi nombreuses. Bien que l’on puisse les classer en quelques grandes familles linguistiques, de sous-groupes en idiomes locaux leur nombre atteint les centaines. Rien qu’en Éthiopie, on parle plus d’une centaine de langues, dont “une langue pure”, qui unira non seulement l’Est africain, mais la terre entière. — Soph. 3:9.
Montagnes, lacs et faune
Bien que l’Afrique orientale connaisse en majeure partie des températures tropicales, l’intérieur des terres, formé de hauts plateaux, bénéficie d’une certaine fraîcheur par rapport à la canicule des régions côtières. La région est coupée sur un axe nord-sud par la vallée du Rift, effondrement de l’écorce terrestre long de 6 400 kilomètres. Cette vallée est parsemée de cônes volcaniques, dont le plus célèbre est le mont Kilimandjaro. Sommet le plus élevé d’Afrique, il culmine à près de 6 000 mètres. Plus au nord se trouve le mont Kenya. Paradoxe de la topographie, alors que sa base se situe au niveau de l’équateur, accablé par le soleil, ses deux sommets sont, quant à eux, parés de neige.
Entre ces deux chaînes de montagnes, des lacs abritent un foisonnement d’oiseaux aquatiques d’une extrême variété: pélicans, martins-pêcheurs, oies, grues, hérons, cigognes, ibis et spatules blanches, pour n’en citer que quelques-uns. La haute teneur en carbonate de soude des lacs parsemant le Rift est propice aux menus crustacés et aux petites algues dont se nourrissent les flamants roses. Presque deux millions de ces oiseaux gracieux vivent en Afrique orientale. L’un des spectacles les plus fascinants de tout le continent africain est assurément celui d’une nuée de flamants en vol, traînée rose se détachant sur l’azur.
Les oiseaux sont partout — étonnants, passionnants, magnifiques. Ici, un sucrier au plumage chatoyant se délecte du nectar d’une fleur. Là, un tisserin d’un jaune vif construit un nid d’une grande complexité au milieu des papyrus. Là-haut, un vautour glisse sans effort apparent parmi les nuages.
Mais vous rencontrerez également de grands animaux. Voyez dans les prairies les éléphants, les zèbres, les rhinocéros, les buffles, les girafes, les lions, les léopards et plus de 60 variétés d’antilopes. Ici vous pourrez apercevoir un troupeau de gnous, fort de 10 000 têtes, déferlant à travers les plaines dans un bruit de tonnerre, un singe vert qui vous observe du haut d’un acacia ou une autruche en train de fouiner le sol à la recherche de sa pitance.
Oui, que ce soit dans la plaine des Danakils, l’un des endroits les plus chauds de la terre, ou dans les Montagnes de la Lune, où vivent des gorilles, ou encore sur les plages de sable blanc où rampent les tortues centenaires, partout cette contrée s’affirme comme unique en son genre.
Un kaléidoscope religieux
Dans le passé, les peuples de l’Est africain pratiquaient en règle générale des religions tribales, excepté en Éthiopie, où l’Église orthodoxe d’Éthiopie prédomine depuis le IVe siècle. Cependant, La Mecque se trouvant juste de l’autre côté de la mer Rouge et le commerce saisonnier amenant de petits voiliers arabes du golfe Persique, l’islam trouva bien vite des partisans. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, du fait de la lucrative traite des Noirs, que l’on venait prendre surtout entre les grands lacs et le port de Zanzibar, les musulmans ont progressé vers le sud et l’intérieur des terres. Aujourd’hui, près de 40 % de la population de l’Afrique orientale se réclame de l’islam, bien qu’en certains endroits la proportion soit plus faible, comme en Ouganda, au Kenya, au Rwanda et dans les Seychelles.
Le XIXe siècle a pour sa part connu l’arrivée d’explorateurs et de missionnaires européens, ce qui marqua le début de la colonisation. L’Empire britannique jeta son dévolu sur ce qui fut appelé le Soudan anglo-égyptien et le protectorat de l’Est-Africain britannique. La Somalie fut répartie entre les Anglais, les Français et les Italiens. La Belgique administra le Rwanda et l’Urundi (aujourd’hui le Burundi). De manière plus éphémère, l’Italie dirigea l’Érythrée (Éthiopie), et l’Allemagne contrôla l’Afrique-Orientale allemande, l’actuelle Tanzaniea. Les missionnaires de la chrétienté ont divisé ces régions en sphères d’influence, ce qui conférait à chaque “Église” le monopole sur une zone particulière. Ces Églises ont construit des écoles, installé des hôpitaux et traduit la Bible en de nombreuses langues.
De nos jours, les deux tiers de la population kényane se disent chrétiens, tandis que pour l’ensemble de l’Afrique orientale la moyenne se situe juste en dessous des 50 %. Certaines tribus ont conservé leurs croyances animistes, et un cinquième à un quart de la population respecte aujourd’hui encore ces traditions. Les immigrants asiatiques ont gardé leurs religions orientales.
Ces dernières décennies, le nationalisme africain a pris de l’ampleur et, dans les années 60, un pays après l’autre accédait à l’indépendance. Dans la plupart des cas, cela entraînait une plus grande liberté religieuse. Le nationalisme a également servi de tremplin à de nombreux individus se déclarant prophètes qui ont africanisé les religions de la chrétienté et ont fondé des centaines de nouvelles sectes, avec leur lot de rivalités et de confusion. Lorsque ces différences de croyance tournaient à la haine, il s’ensuivait d’implacables persécutions à l’encontre de certaines religions.
Impliquées dans les entreprises politiques et commerciales des forces coloniales, les Églises de la chrétienté n’ont pas donné un exemple digne de Christ, pas plus qu’elles n’ont, dans l’ensemble, produit de changements durables dans la moralité de leurs ouailles. Le temps était maintenant venu pour que brille en Afrique orientale la lumière de la vérité biblique.
Les premiers pionniers allument un flambeau
Quelque 60 ans après la rencontre entre les célèbres explorateurs Stanley et Livingstone, sur les bords du lac Tanganyika, et alors que les sources supérieures du Nil n’avaient pas encore été découvertes, les premiers efforts étaient déployés pour que la clarté de la vérité biblique parvienne à cette partie de l’Afrique. À cette époque, les Étudiants de la Bible étaient déjà très actifs dans d’autres parties du globe, dénonçant les mensonges religieux et attirant l’attention des humains sur la signification des événements. En Afrique, c’est sur la côte ouest et au Cap, pointe sud du continent, que cette œuvre a débuté.
En 1931, année où les Étudiants de la Bible ont adopté leur nouveau nom biblique de Témoins de Jéhovah, la filiale de la Société Watch Tower au Cap cherchait à semer les graines de la vérité sur la côte est et, là où ce serait possible, à l’intérieur des terres. Gray Smith et son frère aîné Frank, deux pionniers courageux du Cap, partirent pour le territoire de l’Est-Africain britannique, afin de juger des possibilités de répandre la bonne nouvelle. Ils convertirent leur De Soto pour la rendre habitable, et embarquèrent avec 40 cartons de publications pour Mombasa, principal port du Kenya. Une ligne de chemin de fer reliait depuis peu Mombasa et l’Ouganda via les Hautes Terres du Kenya. Arrivés à Mombasa, les deux pionniers ont donc expédié par le train leurs précieux livres à Nairobi, la capitale située à 1 660 mètres d’altitude, ville qui, une vingtaine d’années auparavant, ne comprenait encore que quelques dépôts branlants de matériel ferroviaire.
Les frères Smith ont alors pris la route pour Nairobi. Actuellement il faut compter à peu près sept heures pour couvrir les 580 kilomètres qui séparent les deux villes, et cela sur une route goudronnée, tandis qu’à l’époque le voyage avec une camionnette était pure aventure. Le récit envoyé à Joseph Rutherford, alors président de la Société Watch Tower, et qui a paru dans l’édition anglaise de La Tour de Garde du 1er août 1931, nous donne un aperçu de ce que fut ce voyage ainsi que la prédication à Nairobi:
“Bien-aimé frère Rutherford,
“Mon frère et moi t’avons plusieurs fois remercié de la faveur qui nous a été accordée d’aller prêcher dans ce territoire vierge du sud de l’Afrique.
“Au Cap, nous avons embarqué avec notre camionnette pour Mombasa à bord du vapeur ‘Llamtepher’, et après une agréable traversée nous avons entrepris le plus terrible périple que j’aie jamais vécu. Il nous a fallu quatre journées entières pour couvrir les 580 kilomètres qui séparent Mombasa de Nairobi, et nous dormions dans la brousse au milieu des bêtes sauvages.
“Kilomètre après kilomètre, il fallait que je descende de voiture avec ma pelle pour niveler les bosses, boucher les trous, mais aussi pour couper de l’herbe et des buissons et en combler les ornières, afin que les roues aient une prise. Nous roulions le jour et une partie de la nuit, désireux de commencer au plus vite à prêcher.
“Nous avons fini par arriver à Nairobi, la capitale du Kenya, située près de l’équateur et de l’Afrique centrale. Notre cher Seigneur a béni nos efforts par des résultats qui constituent un record du monde. Nous avons tous deux prêché 21 jours, y compris les samedis et les dimanches, et en ce court laps de temps nous avons distribué 600 brochures et 120 jeux de neuf volumes. Certains ont menacé d’appeler la police, nous ont traités de menteurs, nous ont insultés, nous ont mis à la porte; mais nous avons continué et notre mission est presque accomplie. Un flambeau a été allumé, qui illuminera la ténébreuse Afrique. Aux dernières nouvelles, notre activité cause une grande agitation dans les milieux religieux de Nairobi.
“Je retourne au Cap, mais mon frère va essayer de passer par le Congo et la Rhodésie du Nord pour y porter la bonne nouvelle. Il me rejoindra au Cap et nous attendrons notre prochaine attribution.
À tes côtés au service du Maître,
F. W. Smith, Colporteur.”
Sous la domination coloniale, les contacts avec les Africains étaient limités. Les frères Smith ont donc surtout laissé des publications à des immigrants catholiques venus de Goa, sur la côte ouest de l’Inde, participer à la construction de la ligne de chemin de fer. Mais les prêtres catholiques, mécontents des vérités bibliques expliquées dans ces publications, ont rassemblé et brûlé tous les livres qui leur tombaient sous la main.
Les frères Smith ont par la suite contracté le paludisme, maladie qui avait emporté de nombreux voyageurs. Gray s’est remis après quatre mois d’hospitalisation, mais Frank, son frère, est décédé avant d’avoir pu atteindre la ville du Cap.
De courageux successeurs
À cette époque, en Afrique du Sud, deux pionniers, Robert Nisbet et David Norman se préparaient à une aventure du même genre. Robert Nisbet se souvient qu’à son arrivée d’Écosse, il avait vu à la filiale du Cap 200 cartons de publications prêts à être expédiés en Afrique orientale. Cela représentait cinq fois la quantité que les frères Smith avaient emportée!
Ils commencèrent leur campagne de témoignage à Dar es-Salaam, capitale du Tanganyika, le 31 août 1931. Pour se protéger du paludisme, ils dormaient sous des moustiquaires et prenaient chaque jour de la quinine. Ce ne fut pas toujours facile, comme le montre ce commentaire de frère Nisbet: “La réverbération du soleil sur les rues pavées, la chaleur d’étuve et de lourdes charges de publications à porter, voilà quelques-unes des difficultés qu’il a fallu affronter. Mais nous étions jeunes et nous y prenions plaisir.”
Se rendant dans les magasins, les bureaux et les maisons, ces deux pionniers ont distribué près d’un millier de livres et de brochures en 15 jours. Y figuraient de nombreuses “Collections Arc-en-ciel”; c’est ainsi que l’on surnommait un ensemble de 9 livres aux couleurs vives et de 11 brochures expliquant la Bible. Avant peu, l’Église catholique afficha une note interdisant à tout catholique de posséder de tels ouvrages.
De Dar es-Salaam, nos deux pionniers sont partis à Zanzibar, île située à 40 kilomètres au large, ancienne plaque tournante du commerce des esclaves. La vieille ville du même nom, avec son dédale de ruelles étroites et tortueuses, baignait dans l’odeur du giroflier, car Zanzibar était alors le premier exportateur mondial de cette épice. La population, de près de 250 000 personnes, consistait avant tout en musulmans parlant le swahili. Les publications, qui n’étaient disponibles qu’en anglais, étaient surtout distribuées à des Indiens et à des Arabes anglophones.
Après dix jours passés à Zanzibar, les pionniers ont embarqué pour Mombasa, afin de se rendre dans les Hautes Terres du Kenya. De Mombasa, ils prirent le train et prêchèrent dans les localités le long de la voie ferrée jusqu’au lac Victoria, au sud de l’équateur.
Ils se rendirent ensuite en bateau à Kampala, la capitale de l’Ouganda, où ils laissèrent de nombreux livres et enregistrèrent des abonnements à L’Âge d’Or (aujourd’hui Réveillez-vous!). Un homme qui avait vu un ami lire avec enthousiasme le livre Gouvernement parcourut 80 kilomètres pour trouver les frères. Il se procura tous les livres disponibles et s’abonna à L’Âge d’Or.
Par la suite, les deux pionniers retournèrent à Mombasa via Jinja et Kisumu, sur le lac Victoria. À Mombasa, ils distribuèrent encore de nombreuses publications et prononcèrent deux discours bibliques, l’auditoire comprenant de nombreux Indiens originaires de Goa. Ils reprirent alors le bateau pour le Cap, à quelque 5 000 kilomètres de là. Au total, frères Nosbet et Norman avaient remis au public plus de 5 000 livres et brochures et avaient enregistré par ailleurs de nombreux abonnements.
La moitié de l’Afrique en fourgonnette
En 1935, la compréhension progressive des Écritures a révélé le rassemblement d’une grande foule qui vivrait sur une terre paradisiaque. Cette même année, quatre Témoins ont entrepris la troisième campagne de témoignage dans l’Est africain. Il s’agissait de Gray Smith, le survivant de la première campagne, de sa femme, Olga, ainsi que des frères Nisbet, Robert et George. George était arrivé au Cap en marsb.
Cette fois-ci, ils étaient bien équipés, avec deux fourgonnettes de 750 kilos, aménagées, munies de lits, d’un coin cuisine, de réserves d’eau et de carburant, ainsi que de moustiquaires démontables. Même si les routes étaient parfois envahies par des herbes hautes de trois mètres, il devenait à présent possible d’atteindre d’autres villes. Ces pionniers dormaient souvent en pleine brousse. Réellement ils pouvaient voir, entendre et sentir battre le cœur de l’Afrique, avec ses vastes horizons et le foisonnement de ses animaux sauvages; tandis que le rugissement des lions déchire la nuit, le jour paissent tranquillement zèbres, gazelles, girafes — non loin de la carrure imposante des rhinocéros et des éléphants.
Ils empruntèrent sur une longue distance la route du Cap au Caire. Derrière ce nom ronflant se cachaient en réalité de poussiéreuses pistes désolées, des chemins rocailleux truffés de bourbiers, de poches de sable et des rivières à traverser. Après avoir atteint le Tanganyika, ils se séparèrent. Les frères Nisbet prirent la route de Nairobi, tandis que frère et sœur Smith s’activèrent au Tanganyika, pays alors sous contrôle de la couronne britannique.
La police a bientôt arrêté les Smith et leur a intimé l’ordre de retourner en Afrique du Sud. Ils ont préféré suivre les frères Nisbet et partir pour le nord, à Nairobi, où ils ont pu séjourner après avoir versé à la police une caution de 160 dollars. Les pionniers se sont grandement dépensés et ont laissé au public plus de 3 000 livres, près de 7 000 brochures et ont enregistré de nombreux abonnements au périodique L’Âge d’Or. Mais en raison de l’opposition religieuse croissante, des arrêtés d’expulsion ont fini par leur être signifiés. Malgré de vigoureuses protestations, restées sans écho, trois des pionniers ont repris la direction de l’Afrique du Sud, laissant derrière eux Robert Nisbet, hospitalisé à Nairobi pour une typhoïde. Il s’est heureusement rétabli et a pu rallier l’Afrique du Sud.
Robert et George Nisbet ont plus tard eu le privilège d’assister au cours de Galaad, l’École biblique de la Société Watch Tower, et d’être nommés missionnaires en 1951 à l’île Maurice, dans l’océan Indien. Robert Nisbet se trouve actuellement en Australie. Son frère George a travaillé au bureau de la filiale d’Afrique du Sud jusqu’à sa mort, en 1989.
À l’image des missionnaires du Ier siècle dont il est question dans le livre des Actes, ces pionniers ont démontré le profond amour qu’ils portaient à Jéhovah et à leurs semblables, malgré les difficultés et les dangers. Sur les six pionniers venus en Afrique orientale, quatre ont fait des séjours prolongés à l’hôpital, et l’un d’eux est décédé des suites de sa maladie. Mais le témoignage a été donné, et les publications qu’ils ont laissées derrière eux ont produit du fruit. Par exemple, quelque 30 ans plus tard, alors qu’il prêchait dans un territoire isolé au Kenya, un Témoin a rencontré un homme qui possédait le livre Réconciliation, acquis en 1935. Cet homme est maintenant un Témoin.
Un pionnier dans l’empire caché
À la même époque, un autre pionnier courageux, Krikor Hatzakortzian, pénétra en Éthiopie pour répandre la lumière spirituelle dans sa langue natale, l’arménien, mais aussi en français et en grec. Ce pays était insolite sous bien des rapports. Une grande partie du pays est constituée par un vaste plateau triangulaire d’une altitude moyenne de 2 000 mètres. S’y dressent des cimes élancées et des cônes volcaniques écrêtés aux flancs dénudés, aux sommets plats et fertiles, entourés de vallées. Le Nil Bleu y prend sa source et traverse de spectaculaires canyons. De même, le Takazzé descend un canyon qui n’est pas sans rappeler à certains voyageurs le Grand Canyon d’Amérique du Nord. Cette région montagneuse isole l’Éthiopie des basses terres du Soudan à l’ouest et des déserts des Danakils et d’Ogaden à l’est.
L’Éthiopie a constitué très tôt dans l’Histoire un empire séparé. L’empereur Ezana lui a fait adopter la foi chrétienne vers l’époque du Concile de Nicée, au IVe siècle. L’Église orthodoxe éthiopienne, qui accorde une grande importance au culte de Marie et de la croix, et qui a été influencée par le judaïsme, a profondément marqué l’histoire de l’Éthiopie; elle a fait du pays un empire “chrétien” caché, qui a su résister aux avancées islamistes venant des basses terres. L’empereur Hailé Sélassié, dont le nom signifie “Puissance de la Trinité”, arborait des titres comme “Roi des rois”, “Lion de Juda” ou “Élu de Dieu”. Il avait de plus l’obligation constitutionnelle de défendre les intérêts de l’Église. Mais les gens étaient maintenus dans les ténèbres spirituelles et pouvaient aisément être poussés à des actes fanatiques.
C’est dans cet environnement que se retrouvait frère Hatzakortzian en 1935, sans autre pionnier à ses côtés, mais pleinement confiant en Jéhovah. L’extrait suivant de la lettre où il fait le point de son activité, lettre publiée dans l’édition anglaise de La Tour de Garde du 1er novembre 1935, nous donne un aperçu des difficultés qu’il rencontrait:
“Je ne suis pas surpris d’être persécuté pour une cause juste, et je m’attends à d’autres ennuis (...). Jéhovah des armées a su me protéger de la foule par le passé, et il fera de même dans l’avenir.
“À midi, comme je revenais de prédication, un suppôt de Satan s’est jeté sur moi et m’a assené deux coups sur la tête avec un gros bâton; il m’a frappé si fort que le bâton s’est rompu. Mais grâce au Seigneur, mes plaies n’étaient pas très importantes, à la surprise des voisins d’ailleurs. Je ne suis resté couché que deux jours. En une autre occasion, les représentants de l’ennemi m’ont attaqué avec leurs couteaux; mais au moment de me poignarder, ils ont, par l’influence d’une force mystérieuse, jeté leurs couteaux et m’ont laissé aller.
“Mais [ils] poursuivent leurs persécutions. Cette fois-ci, ils ont déposé de fausses accusations pour me faire comparaître devant l’empereur, dans la capitale (Addis-Abeba). Durant mon séjour dans la capitale (quatre mois), je me suis rendu en toutes sortes d’endroits pour rendre témoignage, de maison en maison, dans les hôtels et les cafés. On m’a, en fin de compte, amené devant l’empereur. Il a écouté ma défense et, ne trouvant rien de répréhensible, m’a fait libérer en m’ordonnant de retourner chez moi. Que le Seigneur soit loué pour cette victoire!
“Les gens sont en proie à la peur et à la perplexité, mais pour ma part, je me réjouis dans le Seigneur. Que Jéhovah le Tout-Puissant vous bénisse abondamment et vous fortifie pour achever l’œuvre qu’il vous a confiée.
Votre frère en Christ,
K. Hatzakortzian.”
On fut sans nouvelles de frère Hatzakortzian durant la Deuxième Guerre mondiale, mais au début des années 50, des missionnaires diplômés de Galaad arrivèrent à Addis-Abeba. Ils entendirent parler d’un homme habitant Diredawa “qui parle comme vous autres étrangers”. Haywood Ward se rendit dans cette ville à l’est du pays et rencontra un vieil homme qui ne parlait pas anglais. Lorsque le missionnaire se présenta, le vieil homme éclata en sanglots, leva ses regards vers le ciel et marmonna quelques paroles en arménien, dont le nom de Jéhovah. C’était frère Hatzakortzian. Le jour qu’il avait tant attendu était enfin arrivé! Pleurant de joie, il embrassa frère Ward. Frère Hatzakortzian sortit de vieux cartons et exhiba fièrement des exemplaires cornés de La Tour de Garde et de vieux livres, tout en continuant à s’exprimer dans une langue que son visiteur ne comprenait pas.
Frère Ward fut ravi de cette rencontre et envisagea de venir le revoir, mais il n’en fut rien. Lorsque d’autres missionnaires voulurent lui rendre visite, ils rencontrèrent des personnes endeuillées: frère Hatzakortzian était mort.
Pour les missionnaires, il était semblable à “Melchisédek”. (Hébreux 7:1-3.) De nombreuses questions restent en suspens: Qui était-il? D’où venait-il? Où avait-il connu la vérité? Qu’était-il devenu durant les années agitées de la Deuxième Guerre mondiale? Quoi qu’il en soit, il fut un pionnier courageux d’Éthiopie.
Un nouveau départ au Kenya
En novembre 1949, Mary Whittington quitta la Grande-Bretagne pour s’installer au Kenya avec ses trois enfants, afin d’y rejoindre son mari qui travaillait pour les chemins de fer d’Afrique Orientale, à Nairobi. Bien que baptisée depuis à peine un an, elle a rapidement été en mesure de servir seule. Cette femme frêle et disciplinée, animée par un puissant esprit pionnier, ne se lamentait pas d’être seule dans un pays plus vaste que sa patrie; elle fixait plutôt son esprit sur la possibilité de répandre la vérité biblique dans ce grand territoire.
En cette époque coloniale prévalait la ségrégation raciale et, lorsqu’elle commença à prêcher de maison en maison dans son quartier, sœur Whittington ne put s’adresser qu’à la population européenne. Les gens étaient très amicaux; souvent ils l’invitaient à entrer et acceptaient les publications. On lui demandait fréquemment: “Où tenez-vous vos réunions?” Elle répondait qu’à sa connaissance il n’y avait aucun autre Témoin dans le pays!
Très vite, sa fidélité fut mise à l’épreuve. Au bout de trois mois, son mari s’est entendu dire par ses supérieurs que la prédication de sœur Whittington était mal vue par la police. Si elle continuait, elle pourrait être expulsée de la colonie. Le mari a donc demandé à sa femme de ne prêcher qu’à ses amis. Elle a répondu qu’elle n’avait pas d’amis au Kenya et que sa fidélité chrétienne lui dictait de poursuivre son activité. Son mari lui a alors fait comprendre que si elle était expulsée, il ne lui permettrait pas d’emmener les enfants.
Quelques mois plus tard, les membres d’une unité spéciale de la police sont allés voir M. Whittington à son bureau et lui ont demandé des spécimens des publications que distribuait sa femme. Sœur Whittington a été heureuse de leur en procurer quelques-uns. L’officier qui les a rapportés a convenu qu’il avait apprécié leur lecture. Il ne lui a pas interdit de prêcher, mais lui a recommandé de ne pas s’adresser à la population africaine. Cela ne posait à l’époque pas de problème, puisqu’elle avait suffisamment à faire avec les habitants non africains de Nairobi.
Sœur Whittington trouva rapidement une compagne d’activité, à vrai dire pas de la manière dont elle l’espérait. La filiale de la Société Watch Tower en Rhodésie du Nord lui a indiqué qu’une certaine madame Butler s’intéressait à la Bible. Olga Butler, originaire des Seychelles, avait connu les publications de la Société au Tanganyika plus de dix ans auparavant et s’était installée récemment à Nairobi à la suite du décès de son mari. Elles ont pris contact par courrier et se sont donné rendez-vous à Nairobi, dans un salon de thé du centre-ville. Elles se sont rapidement mises à étudier la Bible ensemble, au départ dans un jardin public, puisque la ségrégation raciale était toujours en vigueur. Deux ans plus tard, Olga Butler a été baptisée dans la baignoire de sœur Whittington.
De l’aide est fournie
Afin de s’occuper de ce vaste territoire et aussi de sortir sœur Whittington de son isolement, des efforts ont été entrepris pour envoyer des missionnaires dans le pays. Mais les autorités coloniales ne le permirent pas. En 1952, le président de la Société Watch Tower, Nathan Knorr, se rendit à Nairobi en compagnie de son secrétaire, Milton Henschel. Il passa une soirée avec une poignée de frères et de sœurs du Kenya et d’Ouganda. On demanda de nouveau l’autorisation de faire entrer des missionnaires, mais à nouveau on essuya un refus.
Des difficultés d’un autre ordre apparurent. L’état d’urgence fut décrété en raison des révoltes mau-mau. Toute réunion de plus de neuf personnes devenait illégale, à moins qu’elle fut reconnue officiellement. On sollicita la reconnaissance légale des réunions chrétiennes en 1956, mais elle fut refusée. Pendant ces années, plusieurs Témoins étrangers sont venus faire de brefs séjours au Kenya, mais seule Mary Whittington, ses enfants, et Olga Butler restaient sur place pour proclamer la bonne nouvelle.
Des missionnaires arrivent
C’est dans ce contexte qu’en 1956 arrivèrent à Nairobi William et Muriel Nisbet, diplômés de Galaad originaires d’Écosse. William Nisbet était le frère des deux pionniers qui, les premiers, arrivèrent d’Afrique du Sud au Kenya dans les années 30. Pour qu’ils puissent s’établir, frère Nisbet a dû prendre un emploi, mais cela ne l’empêchait pas de s’occuper du petit groupe de personnes qui étudiaient la Bible. Dans le même temps, sœur Nisbet et sœur Whittington prêchaient discrètement de maison en maison chaque matin.
Les Nisbet étaient très heureux d’avoir été nommés à Nairobi. La ville prenait les allures d’une métropole bien entretenue et moderne. Le climat tempéré et les collines alentour, les Ngong, leur rappelaient leur Écosse natale. Au sud-est, ils voyaient, par ciel dégagé, étinceler au soleil la neige recouvrant la plus haute montagne d’Afrique, le Kilimandjaro. Au nord se profilait la silhouette dentelée du mont Kenya, montagne qui a donné son nom au pays. Sans oublier la proximité d’un véritable paradis pour les amis des animaux: le parc national de Nairobi où vivent lions, guépards, rhinocéros, buffles, girafes, zèbres et antilopes.
Mais les Nisbet cherchaient avant tout à commencer des études bibliques. L’une d’elles avait lieu avec la famille d’un officier d’une unité spéciale de la police. Ce que les Nisbet ignoraient, c’est que l’officier avait pour mission de se renseigner sur les Témoins de Jéhovah. Mais ses investigations prirent pour lui une tournure inattendue. Non seulement cet officier a remis un rapport favorable au sujet de notre activité, mais il a également découvert un trésor: la vérité. Par la suite, les quatre membres de cette famille ont été baptisés.
D’autres encore étudiaient. Malheureusement, l’état d’urgence était toujours en vigueur, et quelqu’un qui assistait à une réunion de plus de neuf personnes risquait l’expulsion ou une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. À contrecœur, les frères se réunissaient par petits groupes.
1958: une année mémorable
Cette année débuta par l’arrivée à Nairobi de quatre autres missionnaires de Galaad: les Clarke et les Zannet. Tout comme frère Nisbet, les deux hommes devaient travailler tandis que leurs femmes pouvaient être pionnières. Un nouveau maximum de 35 proclamateurs, pour la plupart des étrangers, fut atteint.
C’est également en cette année qu’eut lieu à New York l’assemblée “La volonté divine”, à laquelle assistèrent plus de 250 000 personnes venues de toutes les parties de la terre. Sœur Whittington fut très émue d’être de leur nombre et de présenter un bref rapport sur l’activité au Kenya. Un avion charter rempli de Témoins en provenance de Rhodésie avait fait escale à Nairobi, ce qui donna lieu à une rencontre des plus stimulantes sur le plan spirituel. Cela ne fit qu’ajouter à la joie qui se dégageait de cette année 1958.
Lors de cette assemblée de New York, on a invité des Témoins qualifiés à s’installer dans des pays où le besoin en proclamateurs était grand; le Kenya figurait sur la liste. En conséquence, entre décembre 1958 et septembre 1959, plus de 30 frères et sœurs sont venus du Canada, des États-Unis et d’Angleterre pour apporter leur aide dans le territoire kényan. Certains de ces nouveaux arrivants se sont rendus à Mombasa, sur le littoral, bordé de plages magnifiques. D’autres ont commencé à prêcher à Nakuru, ville située dans la vallée du Rift et renommée pour le lac du même nom, lieu de villégiature pour un million de flamants roses.
Les nouveaux venus s’activent
Ces nouveaux venus formaient un groupe de proclamateurs zélés et d’une grande maturité chrétienne. Ils avaient quitté leurs amis, leur carrière et le confort, mais ils furent abondamment bénis. Pour eux, le Kenya était le pendant moderne de la Macédoine. — Actes 16:9.
Exprimant l’opinion générale, Ron Edwards, d’origine anglaise, s’exprimait ainsi: “Dès le départ, un ferme lien d’amour et d’affection s’est développé entre ceux qui étaient venus servir là où il y avait grand besoin de proclamateurs. Cela tenait sans nul doute au fait que nous avions un objectif commun et que nous nous trouvions dans des situations similaires. Nous étions pour la plupart de la même tranche d’âge (entre 30 et 40 ans), nous étions mariés et avions connu avant notre arrivée une vie de famille bien stable. Suite à l’appel de la Société, nous avons pourtant tout quitté et sommes partis vers l’inconnu.”
Au fil des années, beaucoup ont dû repartir en raison de difficultés personnelles: ennuis de santé, cartes de travail et autres. Certains ont néanmoins pu demeurer dans le pays de nombreuses années, à l’image d’Alice Spencer. Elle a bravé la canicule de Mombasa pendant plus de 25 ans. Margaret Stephenson, qui est âgée de plus de 80 ans, vit au Kenya depuis plus de 30 ans et figure toujours dans les rangs des pionniers permanentsc. Animés du zèle missionnaire, ces frères et sœurs ont largement contribué à jeter les bases qui ont permis à de nombreux Kényans d’édifier leur amour du vrai culte.
L’œuvre demeurait toutefois entravée, malgré cet afflux de nouveaux venus; les Témoins prêchaient surtout parmi les Européens, c’est-à-dire des étrangers blancs, et parmi la communauté asiatique. Certains Témoins étrangers ont appris le swahili, mais ils ne prêchaient en général qu’à des domestiques.
L’expansion se prépare
En 1959, frère Knorr s’est de nouveau arrêté à Nairobi. Le petit groupe de neuf personnes était devenu une congrégation, avec 54 proclamateurs répartis en deux groupes. Comme davantage de frères étaient maintenant en mesure d’assumer des responsabilités, frère Knorr a pris des dispositions pour que les deux groupes soient scindés, afin d’en former quatre. Frère Nisbet fut nommé surveillant de circonscription; il allait visiter ces groupes tout en conservant son emploi. Durant cette période, un nombre étonnant d’étrangers se sont intéressés à la vérité.
Alors que la domination coloniale touchait à sa fin, les Témoins de Jéhovah ont été les premiers à entrer en contact avec les autochtones, ce qu’appuie le fait vécu suivant. Une sœur européenne qui achetait des souliers en ville a demandé à la vendeuse où elle habitait. “À Jéricho”, répondit-elle. “Je connais bien Jéricho, reprit la sœur, j’y vais souvent.” La vendeuse s’exclama immédiatement: “Alors vous devez être Témoin de Jéhovah!”
L’œuvre du Royaume prenait maintenant de l’ampleur au Kenya. Mais avant de poursuivre, arrêtons-nous un peu et intéressons-nous à quelques pays voisins où des efforts étaient entrepris pour prêcher la bonne nouvelle.
L’Ouganda, la “Perle de l’Afrique”
L’Ouganda, à l’ouest du Kenya: quel plaisir dans ce pays luxuriant de flâner sur les rives verdoyantes du lac Victoria, de partir à la conquête des neiges du massif du Ruwenzori (que l’on assimile aux légendaires Montagnes de la Lune), de passer le Nil ou de traverser une majestueuse forêt tropicale humide. Des précipitations abondantes y assuraient de bonnes récoltes de coton et de café, ainsi que la production d’excellents légumes et fruits. La température était supportable, et l’été perpétuel faisait les délices autant des administrateurs anglais que des hommes d’affaires asiatiques. Ils goûtaient aux joies des activités de plein air dans leurs clubs, les piscines, sur les terrains de golf, de cricket et les champs de courses. Pas étonnant que l’on ait surnommé l’Ouganda la “Perle de l’Afrique”.
Il faisait bon vivre en Ouganda en 1950, année où, en avril, un jeune couple de Témoins vint d’Angleterre, désireux de partager la connaissance biblique avec autrui. Moins d’un an plus tard, ils avaient amené un Grec et une famille italienne à apprécier la vérité.
Une petite congrégation a été fondée à Kampala, ville qui partage avec Rome la particularité d’être bâtie sur sept collines. La langue anglaise étant la langue communément parlée en Ouganda, il a progressivement été possible de prêcher parmi la population africaine. On a pour la première fois employé une langue locale à l’occasion d’un discours traduit en luganda, devant un auditoire de 50 africains. On comptait six proclamateurs en 1953.
Deux ans plus tard avait lieu le premier baptême en Ouganda, dans le lac Victoria, près d’Entebbe. Parmi les cinq baptisés figurait le dynamique George Kadu, aujourd’hui encore ancien à Kampala.
L’œuvre a connu une période difficile à la suite de la mauvaise conduite de certains, ce qui a entraîné des exclusions et en a poussé d’autres à quitter le pays ou à trébucher. C’est ainsi que vers la fin de 1957, frère Kadu s’est retrouvé le seul proclamateur d’Ouganda. Mais il avait la conviction d’avoir trouvé la vérité et il aimait Jéhovah.
Les projections, en 1958, du film La Société du Monde Nouveau en action, ainsi que la parution de la brochure “Cette bonne nouvelle du royaume” en luganda ont donné une nouvelle impulsion à l’œuvre. Des nouveaux venus du Canada et de Grande-Bretagne sont arrivés en renfort, et trois ans plus tard, en 1961, 19 proclamateurs remettaient un rapport d’activité. Mais nous reparlerons de ce pays plus loin.
Le Soudan, plus vaste État d’Afrique
Le Nil Blanc, un des affluents du plus long fleuve du monde, passe de l’Ouganda au Soudan en traversant des prairies, de la brousse, des marécages et des étendues semi-arides. Sur ses rives vivent des populations de pasteurs de haute stature. Après un parcours de quelque 2 000 kilomètres, le fleuve rejoint le Nil Bleu qui descend par l’est des hautes terres d’Éthiopie. Sur ce confluent s’élèvent trois villes dont la population globale se compte par millions: Khartoum, Omdurman et Khartoum-Nord.
En aval, le Nil franchit une succession de rapides et pénètre dans une région chargée d’histoire. Ici s’étendait l’empire de Cusch, dont les ruines sont encore visibles dans les sables du Sahara. C’est de cette région, l’Éthiopie des temps bibliques, qu’étaient venus Ébed-Mélec ainsi que l’officier de cour baptisé par le disciple Philippe. — Jér. 38:7-16; Actes 8:25-38.
Le Soudan, anciennement Soudan anglo-égyptien, est le plus vaste État d’Afrique, d’une superficie équivalant au quart des États-Unis. La langue principale est l’arabe. Le Nord est en majorité musulman, tandis qu’au Sud se trouvent davantage d’animistes et de chrétiens de nom. Les Soudanais sont dans l’ensemble des gens remarquablement hospitaliers et aimables.
C’est en 1949 que Demetrius Atzemis, diplômé de Galaad d’origine égyptienne, vint pour la première fois au Soudan. Dans la région de Khartoum, tout comme en Égypte, les bords du Nil se teintaient de vert en raison des champs de concombres, de poireaux et d’oignons. Certaines avenues proches du fleuve offraient d’échapper au soleil dans l’ombre des grands figuiers banians. Mais ces petites taches de végétation luxuriante cédaient vite le pas à la nudité du désert. La teinte dominante était le marron. Le ciel était marron, la terre était marron, les maisons en terre étaient marron, et même de nombreux vêtements étaient marron.
Il fallait également compter avec la chaleur implacable. La nuit la température atteint 39 °C. Au soleil, le mercure grimpe jusqu’à 60 °C. Les conduites d’eau étant exposées au soleil, une douche “froide” vous ébouillantait si vous ne laissiez pas auparavant couler l’eau un moment.
C’est dans ce contexte que frère Atzemis s’est dépensé. Il prêchait principalement à Omdurman, où il a enregistré 600 abonnements. Puis il s’est rendu dans une ville industrielle de taille plus modeste, Wad Medani, avant de retourner en Égypte. Par la suite, une famille de trois personnes vint du Caire s’installer à Khartoum. Le frère, marchand de laine, donnait le témoignage à ses clients, leur proposait l’abonnement et des publications avant de parler “affaires”.
Une petite congrégation a rapidement été fondée, et le nombre des proclamateurs augmenta de mois en mois; à la fin d’août 1951, ils étaient 16. Le moment fort de l’année suivante fut un discours prononcé devant 32 personnes. Afin que les étrangers présents dans l’auditoire puissent en profiter, ce discours fut traduit en trois langues.
En 1953, frère Atzemis revint du Caire, cette fois pour une période de cinq mois, et prit des dispositions pour que le territoire de Khartoum soit visité systématiquement. Sa récompense fut de voir les trois frères Orphanides accepter la vérité. À peine un mois après la première discussion, George Orphanides a mis à la disposition des frères une grande partie de sa maison pour les réunions. Ce frère est devenu plus tard le surveillant de la congrégation et, avec son frère Dimitri, il se dépensa énergiquement pour répandre le message du Royaume. Autant George était ferme et opiniâtre, autant il se montrait bon envers les “brebis”. Il a ainsi œuvré de nombreuses années, jusqu’en 1970 où il a dû quitter le pays. Dimitri a aidé de nombreuses personnes à venir à la vérité. Malgré la canicule et les tempêtes de sable continuelles, ces frères ont persévéré avec un bel état d’esprit. George déclara un jour: “Même si le monde ne nous estimait pas, nous avions l’estime du ciel et l’aide de l’esprit de Jéhovah, et nous nous réjouissions de chaque journée de vie, nous efforçant d’accomplir notre ministère de la façon décrite par Paul en 2 Timothée 4:2-5.”
Frère Atzemis revenait de temps à autre au Soudan, et en 1955 la Société a pu envoyer un autre missionnaire à Khartoum: Emmanuel Paterakis, qui y séjourna dix mois. Plusieurs proclamateurs avaient entre-temps quitté le pays. On déposa une demande en vue de la reconnaissance légale de l’œuvre en juin 1956, mais en raison de l’influence des prêtres coptes et des mollahs musulmans, cette demande fut rejetée. Les Témoins furent sous surveillance pour une courte période, mais ils ne connurent pas de persécution grave et la prédication ne s’arrêta pas.
Des sœurs fidèles
Au Ier siècle, des femmes pieuses sont devenues, spirituellement parlant, des piliers de la congrégation. Il en a été de même durant le XXe siècle au Soudan (Actes 16:14, 15; 17:34; 18:2; 2 Tim. 1:5). Une sœur grecque très dynamique, qui avait épousé un Soudanais au Liban, est venue en 1952 s’installer dans le pays natal de son mari afin d’y soutenir la prédication. Cette sœur, Ingilizi Caliopi, est rapidement devenue pionnière permanente et, par la suite, pionnière spéciale. Elle était enthousiaste, dynamique et persévérante, autant d’atouts pour prêcher aux membres de l’Église orthodoxe copte qui avaient des réactions très vives, s’emportaient facilement et avaient peur des prêtres et de leurs proches.
Parmi ceux qu’elle a aidés à connaître la vérité figurait Mary Girgis, qui devint pionnière spéciale et dont la biographie a été publiée dans La Tour de Garde du 1er juin 1977. Elle habitait la ville historique d’Omdurman, ancienne capitale du Soudan. Elle venait précisément de prier lorsque sœur Caliopi l’a rencontrée pour la première fois en 1958. Elle était troublée par les bêtes décrites dans la Révélation. Que pouvaient-elles bien signifier? Elle était également choquée par les tourments de “l’enfer de feu”. Elle se demandait comment cela pouvait correspondre à la volonté de Dieu. Mais sa plus grande interrogation restait: Où est la vérité?
Sœur Caliopi a répondu à toutes ces questions. Mary a été heureuse d’entendre que Jésus est à présent Roi. Mais son mari, Ibrahim, lui a recommandé: “Ne l’écoute pas, ce doit être une mauvaise femme. L’autre jour elle est tombée du bus, et les gens ont dit ‘Ça lui apprendra à changer de religion’.”
Ibrahim a néanmoins lu les livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” et C’est ici la vie éternelle! Peu de temps après, Ibrahim s’est indigné d’entendre, pendant un office de l’Église copte, le prêtre fustiger les maris qui laissent leur femme étudier et prêcher une autre religion. L’allusion était à peine voilée! Ibrahim quitta l’église. Il devint alors avec sa famille la cible de persécutions. Un jour, alors qu’il tenait son petit garçon dans les bras, une pierre lancée par-dessus un mur le heurta à la tête et fit tomber ses lunettes. Par bonheur, ni son garçon ni lui ne furent blessés!
En 1959, la police accusa Mary Girgis d’aller de maison en maison dans le but de voler. L’affaire passa en justice. Deux plaignants déposèrent contre elle mais, naturellement, ne purent fournir aucune preuve. L’affaire fut classée.
Lors d’un autre procès, des prêtres l’accusèrent d’être favorable au sionisme. Dans sa défense, notre sœur magnifia le nom de Jéhovah devant les quatre juges. Le président du tribunal prononça un jugement favorable, disant: “Vous pouvez aller prêcher dans tout le Soudan, madame. La loi de notre pays est de votre côté, et elle vous protégera.”
Sœur Girgis et, jusqu’à sa mort, sœur Caliopi, ont fourni aux frères et sœurs plus jeunes un exemple remarquable. Au fil des années, ces deux sœurs zélées ont aidé de nombreuses personnes à connaître la vérité. Ibrahim Girgis prit également position pour la vérité et fut toute sa vie durant un Témoin fidèle.
Les efforts entrepris en vue de la reconnaissance légale de l’œuvre échouèrent; elle se poursuivit donc dans l’illégalité, émaillée de persécutions ponctuelles. Il n’empêche que l’accroissement s’est manifesté avec 37 proclamateurs en 1962 contre 27 en 1960. En 1965, l’œuvre a été placée sous la direction de la filiale récemment établie au Kenya, et une assemblée de circonscription fut organisée chaque année. L’année suivante, 81 personnes ont assisté au Mémorial, la commémoration de la mort de Christ. Mais nous reparlerons de ce pays dans la suite du récit.
L’Éthiopie, la “Région des visages brûlés”
Entre le Soudan et la mer Rouge, au nord du Kenya, s’étend l’Éthiopie, dont la superficie équivaut à la moitié de celle du Soudan. En grec, Éthiopie signifie “Région des visages brûlés”. Ce nom désignait dans l’Antiquité la région située au sud de l’Égypte. Ainsi, l’Éthiopie dont parle la Bible correspond principalement au nord du Soudan et à l’extrémité nord de l’Éthiopie actuelle. Le pays qu’avait découvert frère Hatzakortzian dans les années 30 était unique sous bien des rapports, avec une culture originale et une Église orthodoxe éthiopienne très puissante. C’est là que furent nommés trois missionnaires célibataires qui arrivèrent le 14 septembre 1950 dans la capitale Addis-Abeba.
Il leur a fallu s’habituer à de nombreuses choses nouvelles. Premièrement, se faire à l’altitude d’Addis-Abeba qui, à 2 400 mètres, est l’une des capitales les plus élevées du monde. Venaient ensuite la langue amharique, avec ses p, ses t et ses s explosifs ainsi que l’écriture éthiopienne composée de 33 caractères et de plus de 250 variantes. En outre, plus de 70 langues tribales étaient en usage, ainsi que près de 200 autres idiomes et dialectes. Par ailleurs, les prêtres employaient toujours une langue pour ainsi dire morte appelée guèze, à l’image du latin cher à certains érudits.
Mais il nous faut également évoquer les habitants, avec leurs beaux visages hâlés, leurs coiffures originales, leurs habits typiques, leurs costumes de fête. Certains avaient le front tatoué d’une croix. Leurs noms étaient des plus curieux. Les hommes pouvaient s’appeler Gebre Meskal, ce qui signifie “Esclave de la croix”; Habtemariam, “Serviteur de Marie”; ou Tekle Haimanot, “Plante de la religion”. Une femme pouvait porter le nom de Leteberhan, ce qui traduit veut dire “Esclave de la lumière”, ou Amaresh, “Tu es belle”.
Les professeurs-prédicateurs
La première maison de missionnaires fut un logement du quartier de la Case Popolari, à Addis-Abeba. Les missionnaires eurent la surprise d’y recevoir la visite régulière d’un colobe. Ce singe facétieux mettait son nez partout et ne manquait pas une occasion de semer la pagaille. Non content de faire main basse sur la purée de tomates, il la promenait à travers toute la maison et en barbouillait les murs! Naturellement, des visiteurs humains se présentaient également, et les études de la Bible se déroulaient alors sous le porche de la maison de missionnaires.
Afin de protéger les intérêts de l’Église d’Éthiopie, la loi interdisait le prosélytisme parmi les chrétiens; on ne pouvait prêcher qu’aux musulmans et aux “païens”. Les missionnaires ne pouvaient donc entrer dans le pays qu’à condition d’y établir des écoles et d’y enseigner des matières comme l’anglais, la dactylographie ou la comptabilité.
Lorsque les cours du soir pour adultes fonctionnèrent convenablement à Addis-Abeba, les missionnaires durent déménager pour un local plus vaste dans Churchill Road, la rue principale de la capitale. Les frères avaient décidé de ne pas mélanger l’enseignement religieux avec les matières scolaires; les étudiants étaient donc conviés à assister, s’ils le désiraient, aux réunions de la congrégation. Au moment des réunions, une des salles de classe devenait une Salle du Royaume.
En 1952, huit autres missionnaires, de la 18e classe de l’École de Galaad arrivèrent à Addis-Abeba. Harold et Anne Zimmerman étaient du nombre. Ils étaient désignés pour participer aux cours du soir dans la capitale. Deux autres couples, diplômés de la 12e classe, les Brumley et les Luck, ouvrirent une école à l’est du pays, dans la ville historique de Harar, près de la frontière somalienne. Cette ville était autrefois interdite aux étrangers. Aujourd’hui encore les hyènes y rôdent régulièrement. La nuit on peut d’ailleurs assister au spectacle des dénommés hommes à hyènes nourrissant ces bêtes puissantes, à la grande joie des spectateurs. — Voir Réveillez-vous! du 22 novembre 1985.
Dean Haupt et Raymond Egilson, missionnaires de Galaad, ont fondé une école similaire à Dire Dawa, centre commerçant situé en un point stratégique à proximité de Harar, sur l’unique ligne de chemin de fer d’Éthiopie, celle qui relie le port de Djibouti et Addis-Abeba. C’est là qu’était décédé frère Hatzakortzian.
C’était loin d’être la grande vie! Frère Haupt explique: “Notre première nuit reste un souvenir inoubliable. Nous n’avions pas encore de meubles; une malle a donc fait office de table, et nous étions assis sur nos valises pour prendre notre repas. Nous avons posé nos matelas à même le sol, car nos lits n’étaient pas encore arrivés. Ce n’était pas encore trop dramatique; par contre lorsque nous avons éteint les lumières, les punaises ont dévalé les murs pour goûter leurs invités. Cette partie de la maison avait dû rester vide pendant un moment, et les insectes étaient avides de sang frais! Nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit.”
Une petite filiale
Un missionnaire explique l’aspect agréable de l’activité en ces temps-là, malgré les insectes indésirables: “Un jour que je marchais le long d’une route, j’ai rencontré un jeune Éthiopien et je me suis arrêté pour m’entretenir avec lui. Apprenant que j’étais missionnaire, il m’a demandé: ‘S’il vous plaît, Monsieur, parlez-moi de Jésus Christ.’ Je l’ai invité à venir nous voir le lendemain, et dans les dix minutes qui ont suivi son arrivée nous avions commencé l’étude du livre ‘Que Dieu soit reconnu pour vrai!’. Il est revenu le jour suivant en compagnie d’un autre jeune homme, afin de poursuivre l’étude. Ils sont par la suite devenus les premiers proclamateurs éthiopiens.”
De plus en plus de personnes s’intéressant à la vérité venaient à la maison de missionnaires pour demander des études bibliques. Il fallait donc qu’un missionnaire reste à la maison en permanence. Certains avaient marché plusieurs heures et désiraient étudier deux ou trois heures d’affilée. Le nombre des proclamateurs est rapidement monté à 83.
En 1953, une petite filiale fut établie à Addis-Abeba. La traduction des matières pour les réunions était manuscrite et recopiée à la main. Cela aida sans conteste ceux qui s’intéressaient depuis peu à la vérité à acquérir de bonnes bases dans la vérité. Les frères locaux apprirent à prêcher de maison en maison, à diriger des études bibliques et à tenir des réunions instructives. Grâce à leur zèle, la bonne nouvelle fut répandue en 13 endroits de l’intérieur des terres, où près de 20 proclamateurs étaient actifs en 1954.
Un séminariste met la main à la charrue
Parmi ceux qui firent bon écho au message du Royaume figurait un étudiant en théologie ne parlant pas un mot d’anglais. La première fois qu’il discuta avec un missionnaire, ce fut par l’intermédiaire d’un interprète. Lorsqu’un litige apparaissait, ce séminariste se référait à sa Bible en guèze, cette langue très ancienne. Il fut ébranlé de constater que sa citation préférée pour appuyer la Trinité, en 1 Jean 5:7, ne figurait pas dans sa Bible. D’autres fausses doctrines furent rapidement dévoilées à l’aide de cette Bible.
Il revint étudier trois ou quatre fois par semaine, amenant d’autres personnes avec lui. Quand il quitta le séminaire pour venir s’installer chez un Témoin, le supérieur de l’établissement survint avec un policier et le fit emmener de force. Alors qu’il était enfermé depuis quatre jours, il envoya un mot aux frères pour leur dire de ne pas s’inquiéter de son sort. Il était heureux d’être prisonnier pour une noble cause, celle de Jéhovah. “Ne vous inquiétez pas, je ne retournerai pas à l’église, écrivait-il. Nul homme qui a mis la main à la charrue ne regarde les choses qui sont derrière.” Libéré, il s’installa dans la capitale où il assista aux réunions et fut parmi les premiers Témoins de Jéhovah éthiopiens.
Enfin des publications en amharique!
En 1955, on annonça en conclusion d’un discours spécial la parution de la première publication en amharique, la brochure La voie de Dieu est une voie d’amour, cela à la grande joie des assistants. Elle fut suivie quelque temps plus tard par un tract et, l’année d’après, par la brochure d’étude “Cette bonne nouvelle du royaume”.
Cette année-là, en 1956, un autre jalon de l’histoire théocratique de l’Éthiopie fut posé. Les frères organisèrent la projection du film La Société du Monde Nouveau en action. Ils distribuèrent des invitations en anglais et en amharique pour cette projection qui devait avoir lieu dans le plus grand cinéma d’Éthiopie, en plein centre d’Addis-Abeba. Des affiches furent posées dans les endroits très fréquentés de la ville. Quel fut le résultat de cette campagne? Les gens se rendirent en masse au cinéma. Ils furent si nombreux à attendre dans le hall que l’on organisa une deuxième séance, ce qui permit en tout à 1 600 personnes de voir le film ce soir-là. Une brochure fut remise gratuitement à chaque spectateur. D’autres projections suivirent à Asmara, Gondar et Dese, trois grandes villes du nord du pays. Au total, 3 775 spectateurs découvrirent par ce film les activités des Témoins de Jéhovah.
D’autres pionniers spéciaux furent nommés dans le pays, et un surveillant de circonscription éthiopien commença à visiter les congrégations pour les encourager. Les frères prêchaient hardiment, protégés par la nouvelle constitution du pays qui garantissait les droits fondamentaux des citoyens que sont la liberté de parler de questions religieuses, la liberté d’expression et la liberté de la presse. Le nombre sans précédent de 103 proclamateurs fut atteint.
Persécution! Les missionnaires expulsés!
Cette activité intense et la prospérité spirituelle attisèrent la colère du clergé de la chrétienté. À Debre Markos, capitale régionale à 280 kilomètres au nord-ouest d’Addis-Abeba, les gens demeuraient très attachés à l’Église d’Éthiopie.
Lorsque les pionniers spéciaux y firent leur apparition, de violents incidents éclatèrent immédiatement. Des individus influents organisèrent un attroupement en plein centre-ville, criant que ces étrangers piétinaient les images de Marie et mangeaient du chat et du chien! Les frères ne durent la vie sauve qu’à l’intervention de la police qui les arracha à la foule. Les émeutiers voulurent pénétrer de force dans le poste de police et ne renoncèrent que sous la menace des armes. Dans la mêlée, les deux pionniers perdirent tous leurs biens.
Le gouvernement monta l’incident en épingle pour décréter que les Témoins de Jéhovah représentaient une menace pour l’ordre public et la sécurité de la nation. Les autorités mirent sous scellés la maison de missionnaires et le bureau de la filiale, et le 30 mai 1957 elles intimèrent aux missionnaires l’ordre de quitter le pays. Certains fonctionnaires exprimèrent en privé leur sympathie et évoquèrent l’action du clergé dans cette affaire, mais les appels interjetés, même auprès de l’empereur, restèrent sans effet.
Malgré l’envoi de nombreuses lettres de protestation du monde entier, les missionnaires furent obligés de quitter le pays. Des arrestations et des interrogatoires s’ensuivirent. Cela marquait le début d’une période de mise à l’épreuve et de criblage. Quelques-uns prirent peur et abandonnèrent la vérité, certains trahissant même leurs frères. L’activité des pionniers spéciaux fut perturbée et certains anciens pionniers durent être exclus. D’autres, par contre, demeurèrent fidèles. Un frère fut mis 42 jours aux ceps et fut relâché avec l’ordre formel de ne plus prêcher.
L’œuvre passa donc dans la clandestinité. Pendant ce temps, de l’autre côté de la planète était annoncée la parution du premier livre en amharique, “Que Dieu soit reconnu pour vrai!”. C’était lors de l’assemblée internationale “La volonté divine” de 1958. Mais seuls de rares exemplaires de ce livre furent introduits en Éthiopie. L’opposition qui mettait à l’épreuve la fidélité et le courage des frères amena certains à abandonner la course chrétienne. En 1962, on ne comptait plus que 76 proclamateurs.
La Somalie, dans la Corne de l’Afrique
À la suite de son expulsion d’Addis-Abeba, l’un des missionnaires, Dean Haupt, fut envoyé par la Société à Mogadiscio, capitale de la Somalie. Mogadiscio est un grand centre commercial depuis un millénaire. Cette ville faisait-elle autrefois partie d’Ophir, où Salomon se fournissait en or d’une grande pureté? Ce n’est pas impossible, bien que l’opinion qui prévaut situe plutôt la mine en Arabie.
Toujours est-il que, lorsque frère Haupt arriva en 1957, le somali ne s’écrivait pas encore; on se servait par contre de l’italien et de l’arabe. Frère Haupt décida de prêcher d’abord dans les quartiers européens de la ville. Il proposait aux gens de s’abonner à nos périodiques en leur montrant un exemplaire, mais sans le leur laisser, car il n’en disposait que de très peu. Il a par cette méthode enregistré plus de 90 abonnements en trois mois environ. Mais son visa vint à expiration et il ne put le renouveler. Frère Haupt fut contraint de quitter le pays et de poursuivre son service en Italie.
Une rude mission
Après le départ de frère Haupt, la Société a envoyé quatre missionnaires en Somalie, où ils arrivèrent en mars 1959. Mais la prédication ne pouvant s’effectuer essentiellement que parmi les étrangers, seuls Vito et Fern Fraese, de la 12e classe de Galaad, restèrent dans le pays.
Bien vite, les membres du clergé catholique se sont mis à rendre visite aux gens qui s’intéressaient à l’œuvre des Témoins de Jéhovah. L’une de ces personnes demanda au prêtre qui venait la voir: “Pourquoi vous préoccupez-vous soudain de moi, alors que je ne vais plus à l’église depuis des années? Est-ce simplement parce que j’étudie la Bible?”
En septembre 1959, les Fraese dirigeaient 11 études bibliques. Parmi les familles italiennes qu’ils rencontraient, beaucoup ne possédaient pas de Bible et ne savaient pas qui est Jéhovah, alors même que les journaux avaient parlé des Témoins de Jéhovah. Ces gens s’intéressaient donc vivement au message biblique; il était courant pour les frères de passer une heure ou plus dans chaque maison.
En 1961, deux personnes qui étudiaient la Bible commencèrent à prêcher. L’année suivante, une troisième se joignit aux Témoins de Jéhovah, ce qui porta à trois le nombre des proclamateurs associés aux missionnaires.
Après quatre ans passés en Somalie, les Fraese furent nommés dans un autre pays, car il était difficile de prêcher parmi la population musulmane. Il n’empêche qu’ils avaient fait une excellente impression. Un observateur fit remarquer: “De tous les groupes d’Européens, y compris les missionnaires laïques et le clergé, seuls vous, les Témoins de Jéhovah, avez gardé une parfaite probité!” Des trois proclamateurs qui restaient dans le pays, deux partirent ultérieurement pour d’autres pays et l’un cessa de prêcher. Les Fraese sont, pour leur part, toujours actifs dans le service itinérant en Italie.
La Tanzanie, quintessence de l’Afrique
Au sud de la Somalie se trouve le Tanganyika, l’actuelle Tanzanie, pays magnifique plus étendu que le Kenya, son voisin septentrional. C’est le pays qui abrite la plaine de Serengeti, souvent appelée la quintessence de l’Afrique, qui offre le spectacle de plus de deux millions de grands animaux parcourant les savanes et les bois. C’est également dans ce pays que se situe le cratère de Ngorongoro, une cuvette de 260 kilomètres carrés foisonnant d’animaux sauvages. La plupart des habitants sont agriculteurs et cultivent le sisal, le clou de girofle, le café et le coton.
La bonne nouvelle du Royaume a été prêchée au Tanganyika dans les années 30. Ainsi, en 1948, une poignée de proclamateurs étaient actifs dans le sud-ouest du pays. Qui étaient-ils? Où avaient-ils connu la vérité?
Ils étaient pour la plupart de la tribu des Nyakyusas, originaires des hautes terres proches de la pointe nord du lac Malawi, là où convergent les deux branches de la vallée du Rift. Des hommes de cette région étaient partis travailler dans les mines de cuivre de Rhodésie. Il semblerait que cet emploi permit à certains de ces hommes, par nature amicaux et ouverts d’esprit, de découvrir les vérités contenues dans la Parole de Dieu.
Hosea Njabula, né en 1901 près de Tukuyu, pratiquait avec zèle la religion protestante des frères moraves. Il devint diacre et enseigna à l’école du dimanche dans de nombreux villages. Parmi ses élèves se trouvait Nehemiah Kalile. Un jour de 1930, tandis qu’il travaillait à Vwawa comme cuisinier pour des colons européens, Nehemiah discuta longuement de la Bible avec un autre cuisinier.
Nehemiah découvrit que cet homme possédait une connaissance étonnante de la Bible. C’était la vérité! Il traversa bientôt la frontière pour se rendre dans la ville de Mwenzo, où il fut baptisé. Il découvrit avec grand intérêt les sept volumes des Études des Écritures.
Nehemiah Kalile débordait d’enthousiasme. Il tenait à partager sa découverte avec son ancien professeur de l’école du dimanche. Lorsqu’il revit son vieil ami Hosea Njabula l’année suivante, il lui parla de la vérité.
Après plus de 60 ans, Hosea se souvient de ce jour en ces termes: “J’ai âprement défendu mes convictions, mais quand il m’a montré les versets parlant du sabbat, j’ai compris que c’était la vérité. Sans attendre je me suis mis à prêcher à d’autres, dont Job Kibonde. Nous avons tous trois commencé à nous réunir chez moi. Je suis également allé trouver mes autres élèves de l’école du dimanche pour les inviter à nos réunions. Plusieurs ont accepté l’invitation, et parmi eux Joram Kajumba et Obeth Mwaisabila.”
Les hautes terres à pied
Après le baptême de frère Njabula en 1932, ces chrétiens, sans savoir ce qu’est un pionnier, prêchèrent comme des pionniers. Ils parcoururent à pied 60 kilomètres en direction du lac Malawi et prêchèrent dans la région de Kyela, où Hosea Njabula et Obeth Mwaisabila rencontrèrent une forte opposition. Les deux frères, qui ne savaient pas nager, furent capturés et précipités dans un fleuve infesté de crocodiles. Ils s’en tirèrent indemnes on ne sait trop comment, peut-être bien grâce à l’aide de Jéhovah. Ils construisirent bientôt leur première Salle du Royaume près du village de Buyesi, en un endroit qu’ils appelèrent Bethléhem.
Dans l’intervalle, de l’intérêt s’était manifesté à Vwawa, la ville où Nehemiah Kalile avait découvert la vérité, et des hommes comme Solomon Mwaibako, Yesaya Mulawa et Yohani Mwamboneke prirent position pour elle. Les Témoins de Buyesi prirent avec amour des dispositions pour qu’une fois par mois l’un des leurs se rende dans le village de Ndolezi, près de Vwawa, pour soutenir ces personnes. Cela supposait parcourir 100 kilomètres à pied par trajet. Parfois, ils effectuaient même une pénible marche de plus de 200 kilomètres pour pousser jusqu’à Isoka, en Rhodésie du Nord, afin de faire transmettre par la congrégation de l’endroit leur rapport d’activité au bureau de la filiale.
Soixante ans plus tard, âgé à présent de 90 ans, Hosea Njabula est toujours “diacre”, mais dans le plein sens du terme, c’est-à-dire serviteur ministériel de la congrégation de Ndolezi. Frère Njabula a le bonheur de voir sa femme, Leya Nsile, continuer de servir Dieu fidèlement à ses côtés, et d’avoir plusieurs petits-enfants dans le service à plein temps.
D’autres Témoins prêchent avec zèle depuis de longues années. Citons Jimu Mwaikwaba, qui fut emprisonné pour la cause de la bonne nouvelle; Joel Mwandembo, qui devint plus tard surveillant de circonscription; Semu Mwasakuna, qui prêchait en chantant et se déplaçait à bicyclette; Ananiah Mwakisisya et Timothy Kafuko.
Un autre frère contribua beaucoup aux progrès de la prédication: il s’agit de David Kipengere, né en 1922, qui connut la vérité en 1935 dans la ville de Mbeya. Il prêcha dans tout le pays et fut par la suite envoyé à Dar es-Salaam pour y poser le fondement de l’œuvre. Il fut pionnier permanent les 18 dernières années de sa vie, jusqu’à sa mort qui survint en 1983. Il se faisait souvent arrêter, mais il ne céda jamais au découragement, se disant toujours: “Jéhovah me réserve une importante tâche à accomplir en prison.” Son frère, Barnabas Mwakahabala, qui connut la vérité en même temps que lui, est toujours ancien. Ces frères ne disposaient pas de publications dans leur langue et ne lisaient pas très bien. Mais malgré leur isolement, ils s’activaient de leur mieux.
La filiale du Cap recevait rarement de leurs nouvelles et les rapports d’activité étaient imprécis. L’Annuaire 1943 fait état de 158 proclamateurs dans cette région, et en 1946 ils étaient 227, répartis en sept congrégations. Il semble que l’activité des Témoins du Tanganyika ait été auparavant englobée dans le rapport de la congrégation d’Isoka, en Rhodésie du Nord, et que certains rapports aient été égarés. Il allait falloir attendre plusieurs années avant que l’œuvre soit convenablement dirigée dans le sud du Tanganyika.
La Rhodésie du Nord dirige l’œuvre
Ces Témoins avaient besoin d’aide, car ils se heurtaient à l’opposition intense de la fausse religion et, sur un autre front, à la polygamie, à l’usage du tabac et autres coutumes contraires aux principes chrétiens.
En 1948, une nouvelle filiale fut installée à Lusaka, en Rhodésie du Nord, filiale qui devait également diriger l’œuvre dans une grande partie de l’Afrique orientale. Cette mesure s’avéra providentielle, car après une longue stagnation un nouvel élan allait se manifester au Kenya et en Ouganda. Même si la filiale était séparée de Nairobi par plus de 2 400 kilomètres de routes raboteuses, elle était quand même plus proche que celle du Cap, deux fois plus éloignée.
C’est ainsi qu’en 1948 la filiale de Rhodésie du Nord envoya Thomson Kangale pour aider les frères. À son arrivée à Mbeya, au mois de mars, de nombreux points allaient devoir être expliqués ou rectifiés.
Frère Kangale était un enseignant patient, et nos frères se montrèrent prompts à opérer les changements nécessaires. Ils apprirent par exemple à se faire connaître en tant que Témoins de Jéhovah et non plus comme les gens de la Watchtower. Ils avaient entendu parler du nom de Témoins de Jéhovah auparavant et l’avaient accepté, mais ils ne l’employaient pas publiquement. Nos frères ont également appris à user de tact pour présenter la bonne nouvelle du Royaume, en harmonie avec le conseil de 1 Pierre 3:15. Ils propageaient maintenant une bonne nouvelle, au lieu de se contenter d’attaquer les enseignements de la fausse religion. Ils apprirent à compter correctement le temps qu’ils consacraient à la prédication. Les frères améliorèrent d’autre part la propreté de leur logement. Ils soignèrent leur apparence, plusieurs d’entre eux devant se séparer d’une barbe hirsute.
Ils apprirent à tenir leurs réunions selon un programme plus précis et efficace et se séparèrent des derniers résidus de la religion babylonienne, comme les sonneries de cloches. Ils comprirent qu’il ne convenait pas de citer, lors de l’École du ministère théocratique, les noms des proclamateurs qui avaient fait le moins de fautes lors de la révision écrite. Certains Témoins durent abandonner des coutumes rattachées au culte des ancêtres, d’autres eurent à rompre avec le tabac. Le changement le plus ardu fut de procéder à l’enregistrement légal des mariages, afin qu’ils soient honorables aux yeux de tous. — Héb. 13:4.
Démarches en vue de la reconnaissance légale
Le bureau de la filiale de Rhodésie du Nord entreprit de nombreuses démarches auprès de l’administration coloniale britannique du Tanganyika afin de permettre l’entrée de missionnaires et la reconnaissance légale de l’œuvre. En 1950, une demande fut rejetée pour motif de “circonstances propres au Tanganyika, différentes de celles d’autres territoires africains”. Une nouvelle tentative entreprise en 1951 essuya à nouveau un refus. Dans cette période, un préfet de district voulut publier un décret local interdisant la prédication. En septembre 1951, les frères eurent des entrevues avec des membres du gouvernement à Dar es-Salaam et remirent un document expliquant la position des Témoins de Jéhovah concernant les religions et les cérémonies patriotiques. Cela fit naître de grands espoirs, mais l’année suivante ils reçurent une nouvelle réponse négative. D’autres entrevues eurent lieu en 1956 et par la suite, mais en vain.
Malgré l’attitude peu conciliante du gouvernement, les prédicateurs de la bonne nouvelle ne furent pas vraiment entravés dans l’exercice de leur culte. Des pionniers spéciaux et des surveillants de circonscription de Rhodésie du Nord continuaient sans difficulté de venir en Tanzanie pour les aider.
La formation se poursuit
En 1952, Buster Mayo Holcomb, diplômé de Galaad nommé surveillant de district en Rhodésie du Nord, put se rendre au Tanganyika et desservir une assemblée de circonscription près de Tukuyu. Voici son récit: “Nous approchions du lieu de l’assemblée. Nous étions en début de soirée et nous pensions arriver à la tombée de la nuit; c’est alors que des trombes d’eau se sont abattues sur nous. Nous ne pouvions plus poursuivre, car la route avait disparu sous l’eau. Nous avons arrêté la camionnette et nous nous sommes apprêtés à passer la nuit tant bien que mal, car loin de s’apaiser la tempête semblait redoubler d’intensité. La pluie a toutefois cessé le lendemain matin. Après avoir pataugé quelque temps, nous avons atteint le lieu de l’assemblée et avons rencontré des frères. À notre grande surprise, ils étaient étonnés que nous ayons pu penser que l’assemblée n’aurait pas lieu. Les frères viendraient, mais bien sûr!
“Et les frères sont venus, même si certains ont dû marcher deux ou trois jours dans le mauvais temps. On a compté 419 assistants le dimanche après-midi. Le matin, 61 s’étaient fait baptiser pour symboliser l’offrande de leur personne à Dieu.”
Les frères ont bien réagi aux conseils, et des personnes qui s’intéressaient à la vérité ont opéré de remarquables changements dans leur vie. La Bible interdit par exemple d’avoir plusieurs femmes. Elle établit que ‘chaque homme doit avoir sa propre femme et que chaque femme doit avoir son propre mari’. D’autre part, un surveillant chrétien doit être “mari d’une seule femme”. (1 Cor. 7:2; 1 Tim. 3:2.) Un chef de tribu qui avait plusieurs femmes les renvoya toutes, hormis la première, et fut ensuite baptisé. Il devint plus tard ancien dans la congrégation. Un autre homme qui avait deux femmes donna sa seconde épouse à son frère cadet, expliquant qu’il ne voulait pas que trois âmes meurent dans sa maison en raison de son égoïsme. Il put également se faire baptiser.
D’autres Témoins ont démontré leur amour désintéressé en renonçant au droit traditionnel d’exiger une dot de celui qui demandait la main d’une de leurs filles. Ces dots pouvaient représenter une somme exorbitante pour de jeunes chrétiens, en particulier pour les pionniers. Mais de nombreux pères étaient heureux de voir leurs filles se marier “dans le Seigneur”. (1 Cor. 7:39.) La suppression de ce fardeau aiderait les jeunes couples à bien commencer leur vie conjugale. Au début, les gens étaient étonnés de cette façon d’agir, mais avec le temps de plus en plus ont admis et respecté cette attitude compréhensive.
Au Tanganyika également, le clergé a fomenté des troubles, mais cela n’a pas abouti. Lorsque frère Kangale fut arrêté par la police de Mbeya, il expliqua qu’il venait voir ses frères spirituels. Les policiers se sont montrés coopératifs et lui ont demandé d’indiquer son programme de visite des congrégations, pour qu’ils puissent prévenir leurs collègues de son arrivée et leur dire de ne pas s’inquiéter à son sujet. Frère Kangale a ainsi parcouru librement le Tanganyika pendant des années. D’autres pionniers spéciaux et surveillants itinérants de Rhodésie du Nord et du Nyassaland l’ont secondé afin d’édifier les personnes bien disposées envers la vérité. Parmi eux se trouvaient Frank Kanyanga, James Mwango, Washington Mwenya, Bernard Musinga et William Lamp Chisenga, pour n’en citer que quelques-uns. Pour la petite histoire, en 1957, frère Chisenga a rencontré Norbert Kawala à Mbeya. Cet homme avait soif de vérité; il étudia deux fois par semaine, se qualifia en vue du baptême et devint plus tard traducteur au bureau de la filiale de Nairobi, au Kenya.
Projection de films et expansion au Nord
Dans l’intervalle, à partir de 1956, on présenta au Tanganyika le film La Société du Monde Nouveau en action. Plus de 5 000 personnes virent ce film. Une nouvelle impulsion fut communiquée à l’œuvre en 1959 avec l’arrivée de Témoins d’autres continents venant servir là où il y avait grand besoin de prédicateurs du Royaume. Le nombre des proclamateurs atteignit les 507 durant l’année de service 1960.
Mais les progrès n’étaient pas toujours aisés. De nombreuses villes comptaient une forte proportion de musulmans, ce qui mettait à l’épreuve le talent des proclamateurs. Il fallait également composer avec le climat chaud et humide, particulièrement éprouvant pour les frères étrangers. Mais ils avaient l’attitude d’esprit d’Ésaïe, disant “Me voici! Envoie-moi”, et ils furent bénis. — Ésaïe 6:8.
Sur les pentes du Kilimandjaro
Le Tanganyika accéda à l’indépendance en 1961 et forma en 1964, avec l’île de Zanzibar, la République unie de Tanzanie. En 1961, toutefois, une nouvelle région de Tanzanie, celle entourant les pentes du majestueux Kilimandjaro, s’ouvrait à la bonne nouvelle. La plus haute montagne d’Afrique est un colossal volcan éteint, couvert de neiges éternelles. Ses flancs s’élèvent en pente douce et sont généreusement arrosés par les pluies venant de l’est et du sud. Une terre riche et des précipitations abondantes favorisent l’agriculture sur ces pentes. La région est pour cette raison très peuplée. Un pionnier spécial de Rhodésie du Nord commença là une étude de la Bible avec un groupe de cinq personnes.
L’année suivante, en août 1962, une assemblée de circonscription fut organisée à l’hôtel Kibo, près de Marangu, face à l’impressionnante montagne. Des Témoins kényans avaient parcouru 400 kilomètres en autocar pour venir de Nairobi participer à l’événement. Le baptême eut lieu dans un torrent glacé, et ce fut la première fois que dans cette partie du globe un Européen, Helge Linck, fut baptisé par un frère africain.
Helge Linck avait connu la vérité dans sa jeunesse au Danemark mais ne s’y était pas attaché. Il vint travailler dans une plantation de sucre du Tanganyika. En 1959, son frère vint du Canada visiter l’Est africain et ranima son intérêt pour la vérité. Lorsqu’en 1961 un pionnier spécial fut incarcéré pour avoir prêché, Helge obtint sa libération. Après son baptême dans le site idyllique de Kibo, Helge devint pionnier. Il fut plus tard expulsé du pays pour avoir prêché.
Quittons un moment le continent pour rejoindre l’île aux girofliers, Zanzibar, la plus grande île corallienne des côtes africaines.
Zanzibar, l’île aux girofliers
À peine distante de 40 kilomètres du continent, Zanzibar faisait office de base arrière pour les expéditions vers l’intérieur des terres d’Afrique, tant pour les Arabes que pour les Européens. La population est à majorité musulmane et issue du métissage afro-arabe. On y parle le swahili, langue que le commerce des esclaves propagea jusque sur les côtes de l’Angola, en Afrique occidentale. Au XIXe siècle, Zanzibar était un marché aux esclaves très important.
En 1932, deux pionniers d’Afrique du Sud firent une brève incursion dans l’île aux girofliers. Vingt-neuf ans plus tard, en 1961, Roston et Joan MacPhee, tout juste baptisés, vinrent du Kenya s’installer à Zanzibar. Ils se mirent de suite à l’œuvre et distribuèrent de nombreuses publications. Avant peu ils dirigeaient deux études bibliques. Une congrégation proche, celle de Dar es-Salaam, s’organisa pour aller passer un week-end par mois à Zanzibar afin de permettre un échange d’encouragements.
Lorsque les MacPhee retournèrent au Kenya, une autre famille chrétienne, les Burke, arriva d’Amérique. Ils s’occupèrent consciencieusement des personnes qui avaient déjà manifesté de l’intérêt et commencèrent de nouvelles études bibliques. En 1963, une révolte soudaine enflamma l’île et la famille Burke dut la quitter en abandonnant la plupart de ses biens.
Du fait du départ des Burke, les activités liées au Royaume connurent un rapide déclin. Puis, en 1986, elles prirent un nouveau départ avec l’arrivée à Zanzibar de personnes qui avaient déjà commencé à étudier. Très vite se forma un petit groupe de proclamateurs. Un homme d’un zèle peu ordinaire consacra tout son temps libre à diriger des études bibliques, parfois même avec 30 personnes. Il accomplit une tâche remarquable, tout cela en plus de son travail. Parfois, on comptait 45 assistants lors des réunions. Quelle agréable surprise ce fut de voir que cinq de ces personnes remplissaient déjà les conditions requises pour le baptême lors de l’assemblée de district de Dar es-Salaam en décembre 1987. Le fondement était à présent posé pour qu’une congrégation soit formée sur cette île riche en histoire.
Quittons l’île aux girofliers et retournons sur le continent africain.
Des joies et des difficultés
Au cours des 30 ans passés à prêcher au Tanganyika, nos frères n’ont connu que peu de difficultés venant des autorités. Le plus souvent la police se montrait respectueuse et conciliante, prêtant parfois même son matériel de sonorisation pour nos assemblées. En mai 1963, lorsque Milton Henschel, du siège mondial de la Société à Brooklyn, vint à Dar es-Salaam, une assemblée fut organisée au Karimjee Hall, la plus belle salle du pays. On dénombra 274 assistants, dont le maire de la ville, et 16 baptêmes. Une filiale venait d’ouvrir au Kenya, pays voisin. Elle pourrait mieux s’occuper des activités liées au Royaume au Tanganyika, aujourd’hui la Tanzanie.
Des dispositions furent arrêtées en vue de la publication de La Tour de Garde en swahili, qui débuta avec la livraison du 1er décembre 1963. La même année, un cours de l’École du ministère du Royaume apporta les conseils et les instructions dont avaient besoin les surveillants des 25 congrégations de Tanzanie. En septembre et en octobre 1964, des assemblées de district se sont tenues, rassemblant 1 033 personnes.
Des difficultés subsistaient néanmoins. Les missionnaires Témoins de Jéhovah n’avaient jamais été autorisés à pénétrer dans le pays, et toutes les tentatives visant à la reconnaissance légale de l’œuvre avaient échoué.
La situation se dégrade
Alors qu’un calme relatif régnait en 1963 et en 1964, il fut question d’une lettre informant tous les responsables de la police que l’activité des Témoins de Jéhovah était déclarée illégale et qu’il fallait les arrêter. Un article paru dans la presse le 25 janvier 1965 ajouta à l’incertitude. Il déclarait que la Société Watch Tower était dissoute. Mais des doutes subsistaient quant au caractère officiel de cette annonce. C’est dans ce contexte que se tint une assemblée de circonscription à Tanga, du 2 au 4 avril 1965.
Une salle avait été louée, des logements réservés, et de nombreux Témoins des plantations de sisal s’étaient déplacés en train. En route ils prêchèrent aux passagers parmi lesquels se trouvait un policier. À l’arrivée, il fit arrêter tous les Témoins qui furent emmenés au poste de police, mais bien vite relâchés.
Le 3 avril, deuxième jour de l’assemblée, la radio annonça que le gouvernement interdisait l’activité des Témoins de Jéhovah et que leurs associations légales étaient dissoutes. L’assemblée s’est toutefois poursuivie sans incident. Aucun texte interdisant l’œuvre ne parut au journal officiel. Des informations en provenance de pays voisins, le Malawi (ex-Nyassaland) et la Zambie (ex-Rhodésie du Nord), indiquaient que l’interdiction avait été décrétée puis annulée. Ce point fut confirmé par l’agence de presse Reuters. L’issue était inévitable. Le 11 juin 1965, l’organe officiel du gouvernement annonçait que la Société Watch Tower et toutes ses associations légales étaient dissoutes.
La police devint dès lors plus vigilante. Une assemblée de circonscription prévue dans le sud du pays fut annulée. Quelques arrestations sporadiques eurent lieu. Des publications furent saisies, mais parfois elles furent restituées. Les frères jugèrent plus judicieux de se réunir par petits groupes. Là où les missionnaires de la chrétienté talonnaient la police, la situation devint plus tendue.
Les malentendus se dissipent
Peu avant l’interdiction, William Nisbet était venu du Kenya et avait tenté pendant huit longues semaines de rencontrer les hauts fonctionnaires de Dar es-Salaam, dans l’espoir d’obtenir l’enregistrement légal des Témoins de Jéhovah. Il eut une entrevue avec le secrétaire du ministre de l’Intérieur. Il apparut que de nombreux membres du gouvernement associaient les Témoins de Jéhovah aux religions extrémistes illégales de Zambie et du Malawi, manifestement en raison de la campagne de désinformation menée par les missions de la chrétienté.
Une peur injustifiée des Témoins de Jéhovah s’était emparée des fonctionnaires. Ils confondaient les Témoins de Jéhovah avec les groupements d’indigènes appelés “Watchtower” ou Kitawala, qui n’avaient aucun rapport avec les Témoinsd. Ces sectes pratiquaient l’adultère et la sorcellerie et manifestaient généralement une attitude rebelle contre les gouvernements en place. Ils employaient abusivement le nom divin et certaines de nos publications. Ces groupuscules étaient certes à craindre, mais pas les vrais Témoins de Jéhovah épris de paix. Les démarches de frère Nisbet et la documentation préparée par la Watch Tower Bible and Tract Society dissipèrent les malentendus dans l’esprit de certains responsables du gouvernement.
Avant de quitter Dar es-Salaam, frère Nisbet déposa une demande d’enregistrement légal de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Il eut, six mois après l’interdiction officielle, la surprise de recevoir un télégramme de ses frères de Dar es-Salaam annonçant que l’Association internationale des Étudiants de la Bible était enregistrée légalement au registre du commerce en date du 6 janvier 1966. Les Témoins de Jéhovah et la Société Watch Tower restaient néanmoins interdits. Le 24 novembre 1966, un communiqué du gouvernement stipulait que l’Association internationale des Étudiants de la Bible était dissoute en tant que société commerciale, parce que ses congrégations n’avaient pas réussi à obtenir leur enregistrement au titre d’associations.
Les frères venus de Zambie et du Malawi pour soutenir leurs frères de Tanzanie durent quitter le pays. Leur départ fut ressenti cruellement, mais le culte pur n’était en aucun cas anéanti en Tanzanie. En 1966, 1 720 personnes assistèrent au Mémorial, la commémoration de la mort de Christ, et 836 prenaient part à la prédication.
Les Seychelles, le “paradis terrestre”
“L’exception à 1 600 kilomètres” proclame un slogan publicitaire vantant les Seychelles, archipel situé à quelque 1 600 kilomètres au large des côtes d’Afrique orientale qui abrite des tortues géantes assez grandes pour qu’un humain puisse les chevaucher. Une centaine d’îles composent l’archipel des Seychelles qui s’étend jusqu’au voisinage de Madagascar. Certaines sont granitiques, comme l’île principale, Mahé, d’autres sont coralliennes. Elles disposent de tout ce qui peut rendre une île tropicale agréable: montagnes, rochers pittoresques, plages de sable d’un blanc éblouissant, eaux turquoises, magnifiques récifs, végétation luxuriante, oiseaux exotiques voletant dans l’air chargé du parfum des épices, et absence de maladies tropicales.
Ses habitants, dont 90 % vivent sur Mahé, parlent le créole. Dans leur majorité ils descendent des colons anglais et français ou sont de souche africaine, indienne ou chinoise.
En 1961, une personne qui s’intéressait aux enseignements bibliques exposés par les Témoins de Jéhovah arriva d’Afrique orientale. L’année suivante, des Témoins, dont quatre membres de la famille McLuckie, s’installèrent et donnèrent le témoignage de façon informelle. Les discours bibliques en public étaient néanmoins interdits en raison de la forte présence catholique. Pourtant, lors de la première réunion, en avril 1962, 12 personnes étaient présentes, parmi lesquelles huit participaient déjà à la prédication.
L’opposition fait boomerang
Mais rapidement le schéma habituel des persécutions fomentées par les Églises de la chrétienté se fit jour. Les services de l’immigration ordonnèrent à la famille McLuckie de quitter l’archipel avant le 25 juillet 1962. La police défendit à un autre frère étranger de prêcher et l’informa que sa carte de séjour ne serait pas renouvelée. Les prêtres catholiques prononcèrent des sermons et publièrent de longs articles de journaux mettant en garde la population contre les Témoins.
Mais c’était sans compter avec l’effet boomerang. Beaucoup de gens n’avaient jamais entendu parler des Témoins de Jéhovah. Leur curiosité fut donc éveillée, et ils cherchèrent à se renseigner. La percée de la vérité biblique ne pourrait plus être endiguée aux Seychelles! Le 15 juillet 1962, une semaine avant le départ de la famille McLuckie, les premiers Seychellois autochtones, Norman et Lise Gardner, furent baptisés. La famille sur le départ estima que cela venait amplement récompenser l’argent et les efforts qu’elle avait fournis pour lancer l’œuvre dans ces îles lointaines.
Cinq mois plus tard, deux Témoins d’Afrique du Sud à la retraite s’installèrent à Mahé dans le but d’y soutenir la prédication. Après quelques semaines, ils publièrent une annonce dans le journal invitant toute personne désirant étudier la Bible à s’adresser à eux. Dès le lendemain, ils recevaient une lettre leur signifiant que leur visa était annulé. Durant les quatre mois passés dans les Seychelles ils avaient toutefois distribué un grand nombre de publications bibliques et avaient donné un bon témoignage. Toujours est-il qu’il ne restait plus aucun Témoin dans l’archipel, car les Gardner étaient également partis.
Après une interruption de seulement quelques mois, l’œuvre a repris vie avec le retour des Gardner, qu’un contrat de travail avait conduits à Khartoum, au Soudan. Durant leur absence, ils avaient fait la connaissance de frères fidèles du Soudan, du Kenya et de Rhodésie du Sud. Ils emménagèrent sur l’île du Cerf, à environ une demi-heure de bateau de Mahé. Comme il ne se trouvait sur l’île qu’une douzaine de familles, l’isolement ne leur rendait pas la prédication aisée. Mais étant les seuls proclamateurs des Seychelles, ils déployèrent des efforts considérables et prêchèrent en moyenne 30 heures par mois.
En 1965 furent organisées les premières visites de surveillants de circonscription. D’autres faits encourageants se produisirent cette année-là. Un film biblique fut projeté devant 75 assistants. Trois personnes se joignirent aux Gardner dans la prédication et furent baptisées au cours de l’année. Des dispositions furent également prises pour que les réunions se tiennent régulièrement.
Malgré tout l’amour que les Gardner portaient à l’île du Cerf, l’amour pour leur prochain fut le plus fort. En 1966, ils s’établirent donc sur l’île principale, Mahé, afin d’y créer un centre pour l’expansion du vrai culte. Ils construisirent une Salle du Royaume à côté de leur maison, ce qui ouvrait la voie à l’accroissement.
Stephen Hardy et sa femme Barbara, missionnaires anglais servant en Ouganda, effectuèrent plusieurs visites de circonscription aux Seychelles. Durant l’une d’elles, le 6 décembre 1968, pour 6 proclamateurs, 23 personnes étaient présentes lors de l’inauguration de la nouvelle Salle du Royaume.
En 1969, on déposa des demandes pour la reconnaissance légale de l’œuvre et l’entrée de missionnaires. Les deux demandes furent rejetées sans que le motif du refus soit précisé.
L’accroissement était lent à se manifester, car des jeunes émigraient à la recherche d’un travail tandis que beaucoup d’autres étaient entravés par la crainte des hommes, phénomène courant dans de petits groupes de population. L’illettrisme, la nonchalance ambiante et l’immoralité très répandue représentaient de véritables obstacles pour beaucoup de gens. Mais d’autres progressèrent rapidement, à l’exemple de ce fonctionnaire, père d’une famille nombreuse, qui étudiait tous les jours à l’heure du déjeuner. C’est ainsi qu’en 1971, 40 personnes assistèrent au Mémorial, parmi lesquelles 11 participaient au ministère. L’espérance d’une terre paradisiaque continua de se répandre dans le splendide archipel des Seychelles.
Les débuts de l’œuvre au Burundi
Avant d’être nommés en Ouganda et de se rendre dans les Seychelles, les Hardy avaient été envoyés dans un pays magnifique: le Burundi. Ce petit état pittoresque parsemé de milliers de collines est situé entre la Tanzanie et le Zaïre. Sa population est dense; elle se compose de courageux agriculteurs qui pratiquent pour la plupart la culture de la banane plantain en terrasses.
Durant la domination coloniale belge, la Société sollicita l’autorisation d’envoyer des missionnaires à Usumbura, aujourd’hui Bujumbura, capitale du Burundi, mais la demande fut rejetée. L’indépendance acquise en 1962 introduisit une situation politique nouvelle et, en octobre 1963, deux pionniers spéciaux de Rhodésie du Nord obtinrent des visas d’une validité de trois mois, qui purent être renouvelés sans difficulté. Trois mois plus tard, en janvier 1964, quatre missionnaires diplômés de Galaad arrivèrent en possession de visas permanents.
Les chefs religieux font obstacle
Très vite des gens s’intéressèrent vivement à la bonne nouvelle du Royaume. Lorsque les missionnaires arrivèrent au Burundi, les pionniers spéciaux dirigeaient déjà de nombreuses études bibliques et neuf proclamateurs prêchaient la bonne nouvelle. Mais le mois suivant leur arrivée, les missionnaires ont été informés qu’ils devraient faire enregistrer leur organisation pour obtenir des cartes de travail.
Les frères ne doutaient pas que la reconnaissance légale serait acquise. Néanmoins, au cours des semaines suivantes, le responsable des services de l’immigration et d’autres fonctionnaires se montrèrent hostiles. En coulisse, les fonctionnaires étaient talonnés par les chefs religieux. En conséquence, au début du mois de mai, on accorda dix jours aux missionnaires pour quitter le pays. On imagine sans peine leur déception de laisser les 70 personnes avec lesquelles ils étudiaient la Bible.
À la fin du mois de mai, les pionniers spéciaux durent également partir. Un frère tanzanien se retrouva ainsi avec une lourde tâche, celle de prendre soin de quelque 30 personnes étudiant la Bible. Malgré la perte des missionnaires et des pionniers spéciaux, les proclamateurs locaux restèrent actifs. En 1967, on faisait état d’un maximum de 17 proclamateurs et de 32 assistants au Mémorial. L’année suivante, malheureusement, des difficultés se firent jour, car certains frères refusaient de reconnaître les surveillants nommés. Le nombre moyen de proclamateurs tomba à huit pour cette année de service. On s’appliqua donc à prodiguer au groupe une assistance dans le domaine spirituel. C’est ainsi que ces difficultés s’estompèrent et qu’en 1969 on comptait 25 proclamateurs et 58 assistants au Mémorial.
Des Témoins subissent la torture
La diligence de ces Témoins excita la fureur du clergé, qui usa de pressions sur le gouvernement. En août 1969, sept Témoins furent arrêtés et torturés. On les fit se tenir debout avec de l’eau jusqu’à la taille pendant deux jours. Mais à l’image des apôtres du Ier siècle, ils ne renoncèrent pas. Deux mois plus tard on comptait neuf nouveaux baptêmes. Par deux fois, les autorités exigèrent que les frères fassent enregistrer leur religion, mais à chaque fois les demandes furent rejetées. Les années qui suivirent connurent chacune de nouveaux maximums dans le nombre des proclamateurs, respectivement 46, 56, 69, 70 et 98, avec la formation en 1969 de la congrégation de Bujumbura.
En 1972, de graves combats opposèrent les tribus Tutsis et Hutus. Plus de 100 000 Hutus auraient perdu la vie durant le conflit, dont au moins quatre Témoins. D’autres Témoins ont été emprisonnés, certains pendant huit mois. Malgré la tourmente, les frères ont continué de prêcher diligemment, en moyenne 17 heures par mois.
Dix ans d’accroissement n’avaient pas eu raison du problème tenace que constituait l’absence de direction théocratique convenable. Les frères étaient en majorité fermes et résolus, mais d’un autre côté ils apparaissaient jeunes sur le plan spirituel, n’ayant pas une connaissance profonde et manquant de discernement. Certains se laissèrent influencer par la Kitawala, le faux “mouvement Watchtower” qui s’était développé dans les régions voisines. Ces difficultés n’étaient pas vraiment surprenantes, car les frères n’avaient jamais eu la visite d’un surveillant de zone, jamais vu les films de la Société; ils n’avaient jamais assisté aux cours spéciaux pour les surveillants des congrégations, ni à des assemblées et ne disposaient pas de publications dans leur langue. La direction de l’œuvre fut donc confiée en 1976 à la filiale du Zaïre. Des frères parlant français et swahili pourraient ainsi apporter leur aide au Témoins du Burundi.
Il est intéressant de noter que durant les affrontements entre tribus qui ont déchiré le Burundi, le président déchu en exil a entendu un témoignage complet quelque temps avant sa mort. Un missionnaire de passage le rencontra à Mogadiscio, en Somalie. Ils eurent de longues discussions, l’homme posant de nombreuses questions et appréciant visiblement la conversation. Ce n’est que par la suite que le missionnaire a appris à qui il avait eu affaire.
Années prospères pour les missionnaires d’Ouganda
L’expulsion des missionnaires du Burundi profita à l’Ouganda où s’activait en 1964 un solide noyau de proclamateurs. L’arrivée de ce premier couple de missionnaires venait ainsi couronner 30 ans d’efforts; des frères et des sœurs mûrs venaient servir là où il y avait particulièrement besoin d’aide. D’autres missionnaires encore allaient les suivre.
Une première maison de missionnaires fut ouverte à Kampala et une seconde dans la ville industrielle de Jinja, là où le Nil quitte le lac Victoria. Les progrès furent rapides et une congrégation était bientôt formée.
Pendant ce temps, le message du Royaume avait atteint de petites villes dans tout l’Ouganda et, en 1967, on comptait 53 proclamateurs. L’année d’après, une nouvelle maison de missionnaires fut ouverte près de la frontière avec le Kenya, à Mbale, ville en pleine expansion située sur les flancs ouest du mont Elgon. En 1969, on dénombra 75 proclamateurs, et ce chiffre passa à 97 l’année suivante, pour atteindre les 128 en 1971.
L’œuvre avait été reconnue officiellement le 12 août 1965. L’avenir semblait prometteur en 1972. On avait atteint un nouveau maximum de 162 proclamateurs, et cinq missionnaires supplémentaires venaient de se voir accorder l’entrée dans le pays. Les préparatifs de la plus grande assemblée jamais tenue en Ouganda étaient en cours au Lugogo Stadium de Kampala. Des Témoins étaient venus du Kenya et de Tanzanie, certains même d’Éthiopie. Les 66 frères éthiopiens avaient loué des autocars, quelques-uns ayant mis deux semaines pour un trajet de presque 3 200 kilomètres.
L’agitation règne en Ouganda
Les visiteurs entrant en Ouganda furent étonnés de croiser des flots de gens, enseignants étrangers et familles asiatiques, qui fuyaient le pays. La scène politique avait changé à la suite d’un coup d’État, et les gens craignaient pour leur avenir. Il semblait qu’à l’exception des Témoins de Jéhovah tout le monde cherchait à fuir la contrée. La situation était tendue. Pourtant, au milieu de toute cette agitation, une bannière de 18 mètres barrait l’artère principale de Kampala, annonçant fièrement le discours public qui devait être prononcé lors de l’assemblée. Les frères ont été heureux de pouvoir, malgré cette situation, tenir normalement leur assemblée de district “Le gouvernement divin” et d’accueillir 937 personnes pour le discours public. Les vétérans de tout l’Est africain se souviennent encore avec un pincement au cœur de cette assemblée de Kampala.
Nombreux étaient ceux qui s’intéressaient à la vérité biblique, et les publications étaient distribuées en grande quantité. Mais des nuages sombres s’amoncelaient à l’horizon. La prorogation des cartes de travail fut refusée à deux couples de missionnaires qui durent quitter l’Ouganda sous trois mois. Puis, le 8 juin 1973, le gouvernement interdit subitement 12 groupements religieux, dont les Témoins de Jéhovah. Les 12 missionnaires qui étaient encore sur place durent partir le 17 juillet 1973. Ce fut une grande tristesse pour ces frères et sœurs étrangers qui étaient venus prêter main forte, d’autant plus qu’à cette époque la liberté de culte était également menacée au Kenya.
Les missionnaires durent pour la plupart retourner dans leur pays d’origine, mais quelques couples qui étaient venus en Ouganda, où il y avait particulièrement besoin d’aide, purent s’installer au Kenya et s’y rendre utiles. Parmi eux figuraient Larry et Doris Patterson ainsi que Brian et Marion Wallace. Les Hardy se déplacèrent en Côte d’Ivoire, puis au Béthel de Londres en 1983e.
La loi et l’ordre étaient maintenant bafoués en Ouganda. Prenons par exemple le cas de ce pionnier qui fut arrêté et conduit dans un camp militaire. Son crime? Il était accusé d’avoir perçu de l’argent d’“espions” européens. On l’avait vu se rendre à la maison de missionnaires. Le frère a expliqué clairement la nature de son activité bénévole. Il a néanmoins été battu et obligé de creuser à la pelle sa propre tombe. On l’a ensuite forcé à en creuser deux autres pour les “espions” européens, c’est-à-dire les missionnaires! Trois soldats armés de fusils l’ont ensuite fait tomber dans la fosse et ont tiré sur lui. Il ne fut pourtant pas atteint. Une balle ricocha sur la botte de l’un des hommes, ce qui provoqua une dispute entre les soldats. L’incident fit diversion. Le frère resta allongé un moment et il fut relâché le lendemain.
Les congrégations devaient maintenant se réunir clandestinement et s’adapter à de nouvelles conditions politiques. On ne faisait plus grand cas de la vie des gens, à plus forte raison s’ils pratiquaient une religion interdite.
Changements dans le sud du Soudan
Le Soudan a également connu une période de tensions vers la fin des années 60, opposant principalement le Sud au Nord. Bien éloignée de la filiale de Nairobi et isolée des frères en général, la congrégation de Khartoum poursuivait courageusement ses activités. En août 1970, elle atteignait un maximum de 54 proclamateurs, peu de temps avant que l’ancien le plus expérimenté, George Orphanides, ne quitte le pays.
C’est alors que des Témoins furent accusés d’être des sionistes et furent interrogés par les autorités pendant deux jours. Deux pionnières qui prêchaient à une dame qui manifestait de l’intérêt furent surprises par un prêtre copte qui appela la police et accusa les sœurs d’être des espionnes à la solde des Israéliens. Les sœurs emmenées au quartier général de la police purent donner un bon témoignage et furent ensuite relâchées. Ces événements ont provoqué de la crainte chez certains Témoins, alors que la foi des autres s’en est trouvée affermie.
Jusque-là, l’histoire des Témoins au Soudan se limitait à la ville de Khartoum. Mais un immense territoire demeurait intouché: le Sud, fortement peuplé par des personnes d’origine “chrétienne”. Comment la vérité pourrait-elle pénétrer dans ce vaste secteur? Une percée eut lieu en 1970, à la suite de la discussion que des Témoins ont eue avec un jeune habitant du sud du pays, éditeur d’un périodique catholique. Il fit de rapides progrès et commença bientôt des études bibliques avec ses proches. L’un de ses amis répandit courageusement le message du Royaume dans l’établissement scolaire qu’il fréquentait, en dépit de pamphlets imprimés.
En 1973, le sud du pays comptait plusieurs petits groupes de gens qui s’intéressaient à la vérité, et 16 personnes de cette région furent baptisées. Ce qui, outre le son pur de la vérité, attirait ces habitants du Sud, c’était de voir une religion pratiquer un amour exempt d’hypocrisie, une religion où une fraternité authentique l’emportait sur les divisions raciales et tribales.
Au début des années 70, le sud du Soudan revêtait un cachet particulier, peut-être en raison de son isolement. Il fallait plus d’une semaine pour se déplacer de Khartoum à Juba, en train et en bateau. Les habitants, qui par ailleurs se souciaient peu des événements mondiaux, étaient extraordinairement gentils et hospitaliers. Dans certains hôtels, les chambres ne fermaient même pas à clé. Les gens prenaient le temps d’indiquer la route, de nourrir ou de loger les voyageurs sans attendre d’être payés de retour. En fait, ils refusaient le plus souvent avec véhémence tout dédommagement financier. De plus en plus de ces personnes au grand cœur entendaient la vérité à propos des desseins de Jéhovah et lui faisaient bon accueil.
À la suite de ces changements dans le Sud, les publications bibliques parvenant plus facilement, un accroissement constant se manifesta. Ainsi, en 1974 le Soudan atteignait un maximum de 100 proclamateurs.
Des persécutions enflamment l’Érythrée
Par-delà la frontière est du Soudan s’étend l’Érythrée. Au début des années 60, après l’expulsion des missionnaires, la radio, les journaux et les autres médias ont servi de support à une campagne de calomnies à l’encontre des Témoins de Jéhovah. Sous des manchettes comme “Faux prophètes” et “Attention aux manœuvres religieuses destinées à vous détourner de la vraie foi”, les Témoins étaient décrits comme des ennemis de l’empereur et de l’Église, rejetant la Trinité et la vierge Marie. On les accusait d’intelligence avec des puissances étrangères ennemies, les traitant de gens immoraux qui refusent de défendre leur patrie. Des voix s’élevaient pour demander des mesures draconiennes afin de nettoyer le pays des serviteurs de Jéhovah.
Les prêtres de l’Église orthodoxe éthiopienne étaient les principaux instigateurs de cette campagne haineuse. Lors d’une cérémonie de baptême réunissant plus de 20 000 personnes, le prêtre a fait diffuser une résolution excommuniant les Témoins de Jéhovah et interdisant aux gens de les saluer, de les embaucher ou d’enterrer leurs morts.
Beaucoup en ont déduit que la “chasse aux Témoins” était ouverte et qu’on pouvait dès lors les tuer sans craindre de représailles légales! Les propriétaires étaient invités à expulser leurs locataires Témoins de Jéhovah. Les parents devaient chasser de la maison tout enfant devenu Témoin, le maudire et le déshériter. Dans une grande famille, 18 jeunes gens ont été chassés parce qu’ils étudiaient avec les Témoins de Jéhovah.
Dans une ville, la foule chercha à molester un frère bien connu, mais ne le trouva pas. La police se mit à arrêter les frères afin de leur faire signer une déclaration dans laquelle ils renonçaient à leur foi et reconnaissaient qu’ils travaillaient à déstabiliser l’État. Certains frères qui avaient mal compris signèrent, mais quand ils se rendirent compte de leur erreur ils rédigèrent une lettre dans laquelle ils reniaient leur signature, au mépris des risques qu’ils encouraient.
D’autres affrontaient des stratagèmes plus persuasifs. “Vous pouvez vivre votre foi en vous-même, mais dites-nous simplement que vous ne faites pas partie de ces Témoins”, demandaient les fonctionnaires sur un ton conciliant. Les autorités ont agi de façon plus diabolique encore envers les jeunes Témoins incarcérés. Au cours d’une journée déterminée, un jeune en particulier recevait la visite de plusieurs personnes âgées de sa parenté. Elles le fixaient d’abord sans dire un mot, puis elles éclataient en sanglots, s’agenouillaient et le suppliaient de renoncer à sa foi en Jéhovah. Les frères qui ont subi ce véritable supplice assurent qu’il s’agissait là de leur plus dure épreuve. Ces persécutions cruelles et les menaces ont duré des années.
Répit et affermissement en Éthiopie
Au cours de ces mêmes années, les Témoins d’Addis-Abeba et du sud de l’Éthiopie ont également connu leur lot de persécutions, mais elles étaient moins dures qu’en Érythrée. En 1962, l’Éthiopie et l’Érythrée se sont unies pour ne former qu’un seul pays, ce qui déclencha des troubles politiques qui se sont poursuivis jusque dans les années 90.
En 1964, on décida pour des raisons pratiques de placer les congrégations d’Éthiopie sous la direction de la nouvelle filiale du Kenya. Des envoyés de la filiale de Nairobi purent s’occuper des circonscriptions d’Éthiopie et profiter de leurs passages dans les congrégations pour régler de graves différends entre les anciens. Dans certaines congrégations, La Tour de Garde était examinée sous la forme d’un débat. Un surveillant de circonscription local dut être remplacé, car il mettait en avant des pensées personnelles, et non celles de la Bible. Ces difficultés ont entravé l’accroissement entre les années 1964 et 1966, durant lesquelles le nombre des proclamateurs a stagné aux alentours des 200.
Mais la vérité se répandait malgré tout. Un Témoin qui passait ses vacances dans la ville portuaire de Massaoua, sur la mer Rouge, discuta au bureau de poste avec une personne qui manifestait de l’intérêt et commença une étude biblique. D’autres Éthiopiens se joignirent à l’étude et une congrégation fut rapidement formée. À la même époque, une autre congrégation a vu le jour plus au sud, à Aseb, autre ville portuaire.
Les publications étaient interdites depuis 1957, néanmoins les Témoins réussissaient à diffuser la nourriture spirituelle dans les langues de l’endroit. En 1966, une session de l’École du ministère du Royaume a eu lieu pendant deux semaines dans la capitale, afin de familiariser les surveillants des congrégations avec les méthodes théocratiques d’organisation et de traiter de questions bibliques. Ces frères acquirent ainsi un état d’esprit plus théocratique et plus positif; d’ailleurs l’année de service 1967 fut marquée par un accroissement de 21 %, avec 253 proclamateurs.
Les attaques des autorités religieuses s’atténuaient; néanmoins les Témoins devaient toujours se réunir en petits groupes en raison des tiraillements politiques qui secouaient le pays. Quand bien même l’organe officiel du gouvernement impérial garantissait à tous la liberté de culte et classait les Témoins de Jéhovah parmi les religions à qui ces droits étaient reconnus, toutes les demandes en vue de l’enregistrement légal de leur organisation restèrent lettre morte.
Des prêtres découvrent la vérité
Tout comme ce fut le cas au Ier siècle à Jérusalem, un certain nombre de prêtres sincères examinèrent de près les vérités exposées dans la Bible (Actes 6:7). Un prêtre a eu l’honnêteté de confier à un Témoin: “Vous accomplissez le travail qui devrait normalement me revenir. Votre visite aujourd’hui est un véritable coup porté à ma fonction de prêtre.”
Un autre prêtre s’est renseigné sur les enseignements des Témoins de Jéhovah et il a trouvé des réponses satisfaisantes à ses questions bibliques, cela au cours de discussions qui duraient parfois 12 heures! Quel en fut le résultat? Il régularisa son union, se mit à défendre avec zèle la vérité et donna le témoignage à une religieuse. Celle-ci ménagea une discussion entre son fils (ancien de l’Église) et un Témoin, promettant d’étudier la Bible si le Témoin “gagnait”.
Le fils de cette religieuse a “perdu”. Par la suite, il monopolisa le surveillant de circonscription lors de son passage et l’inonda de questions pendant 20 heures, interrompues par juste quatre heures de somme! Quelles en furent les suites? Toute la famille se mit à étudier et 15 personnes firent de notables progrès dans la vérité; la religieuse fut elle aussi baptisée, et son fils devint pionnier spécial.
Un répit de courte durée
Au début de l’année 1971, les Témoins d’Éthiopie avaient des raisons de se réjouir. Frère Henschel, du Collège central, était venu à Addis-Abeba et à Asmara et s’était exprimé devant 912 personnes. Le nombre des proclamateurs approchait les 500. Une importante cargaison de publications devait arriver dans le pays.
Mais des troubles couvaient. Au cours de l’année, les radios attaquèrent durement les Témoins de Jéhovah. Une bonne vingtaine d’apostats participèrent avec le clergé à la rédaction d’articles de presse diffamatoires.
Dans une certaine région, la police pénétra dans la Salle du Royaume, confisqua 70 Bibles et garda à vue pendant un moment les frères. La Salle du Royaume d’Asmara fut par la suite fermée, ce qui obligea la congrégation à se réunir de nouveau par petits groupes. Mais l’œuvre n’avait pas ralenti. L’année 1971 fut marquée par 142 baptêmes et une assistance de 2 302 personnes au Mémorial.
De nouveaux groupes furent formés dans des régions reculées, et deux surveillants de circonscription visitèrent les 25 congrégations et groupes ainsi que les personnes isolées qui manifestaient de l’intérêt. La barre des 1 000 proclamateurs fut bientôt franchie; ils étaient 1 844 en 1974.
Persécutés, mais non abandonnés
L’opposition ne se relâcha pas. En 1972, la police convoqua plusieurs frères pour les interroger et elle les menaça d’intervenir s’ils ne cessaient pas toute activité. Puis, le 27 août 1972, de grands camions s’arrêtèrent devant les endroits où se tenaient les réunions du dimanche; la police arrêta 208 Témoins et sympathisants. Dans l’une des congrégations, l’orateur qui parlait de la prophétie d’Ézéchiel concernant l’attaque de Gog (Satan) demanda: “Que diriez-vous si la police se présentait pour nous arrêter?” Or, c’est ce qui se produisit quelques minutes plus tard!
La police entassa 59 frères dans une pièce de trois mètres carrés, infestée de punaises. Ils confinèrent 46 sœurs dans une autre pièce de la même taille. Les autres furent obligés de dormir dehors, dans le froid. La mise en liberté sous caution leur fut refusée, ainsi que le recours à un avocat. Les frères donnèrent un bon témoignage aux gardiens. Quatre-vingt-seize frères furent néanmoins condamnés à six mois de prison. Quelques jours après la condamnation, ils furent libérés sous caution, non sans avoir eu les cheveux rasés.
Les 112 qui restaient furent accusés d’avoir formé une association religieuse illégale et condamnés à six mois de prison. Au bout d’un mois de détention, ils furent libérés sous caution. Ils furent par la suite rappelés devant le tribunal, remis en prison, pour être relaxés 12 jours plus tard, après paiement d’une caution. Presque un an après la première incarcération, la Cour suprême examina l’appel interjeté et confirma la décision du premier tribunal. Elle décida néanmoins de surseoir à l’exécution de la peine, tout en adressant une sévère mise en garde aux frères. Les Témoins étaient persécutés, mais non abandonnés (2 Cor. 4:9). Dans l’intervalle, les frères avaient profité de leur détention pour prêcher courageusement, et ils amenèrent au baptême deux détenus qui purgeaient une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Une visite précieuse et davantage de nourriture spirituelle
Lorsque William Nisbet, du bureau de la filiale de Nairobi, se rendit à Addis-Abeba, il fut confronté à une difficulté supplémentaire. De plus en plus de jeunes frères, très émotifs, se déclaraient oints de l’esprit et appelés à la vie céleste. Ils ne prêchaient qu’entre eux et n’acceptaient pas de conseil de la part de quelqu’un qui ne se présentait pas comme oint. Leurs réunions étaient émaillées de bruyantes manifestations de l’“esprit saint”. C’est ainsi que lors du Mémorial, certains criaient, arrachaient les emblèmes des mains des serveurs et se levaient pour les consommer, afin d’attirer l’attention sur leur personne. Il fallut du temps pour surmonter ces difficultés. Dans les années qui suivirent, quelques-uns de ces frères, parmi les plus bruyants et les plus inflexibles, ne restèrent pas fidèles.
En 1973, des publications très utiles devinrent disponibles, entre autres les livres La vérité qui conduit à la vie éternelle et La paix et la sécurité véritables — d’où viendront-elles? en amharique, ainsi que le livre Une organisation pour prêcher le Royaume et faire des disciples en tigrinya. Cette nourriture spirituelle de qualité, alliée à une série de petites assemblées de circonscription qui réunirent 1 352 personnes, fortifia la foi des frères.
Un groupe de Témoins éthiopiens put d’autre part sortir du pays pour assister à l’assemblée internationale de Nairobi “La victoire divine”, à laquelle participèrent frère Henschel et frère Suiter, membres du Collège central. Mais des changements politiques se préparaient, et une révolution allait sous peu transformer le paysage théocratique en Éthiopie.
L’œuvre est reconnue au Kenya
Intéressons-nous de nouveau au Kenya pour considérer la tournure qu’y avaient pris les événements. Le pays venait tout juste de se dégager de la domination britannique. Cette année-là, en février 1962, lors de ce qui devait être la dernière assemblée de circonscription dissimulée en pique-nique, le surveillant de zone, Harry Arnott, fit une communication historique aux 184 assistants. Ce serait pour eux la dernière assemblée illégale au Kenya. La reconnaissance légale venait tout juste d’être accordée aux Témoins de Jéhovah! Les cinq petites congrégations de Nairobi pourraient désormais se retrouver dans une belle salle proche du centre-ville. Les frères furent très heureux de découvrir qu’ils constituaient à présent une grande congrégation de 80 proclamateurs. Ils furent 192 lors du Mémorial, leur première réunion tenue en toute liberté.
Les événements s’enchaînèrent. Peter et Vera Palliser, travaillant à la filiale de Zambie, furent envoyés au Kenya pour y apporter leur aide. En compagnie des McLain, frais émoulus de l’École de Galaad, ils s’installèrent dans la première maison de missionnaires, dans la partie sud de Nairobi. Le bureau de la filiale fut ouvert le 1er février 1963. À l’époque, on comptait quelque 150 proclamateurs au Kenya et en Ouganda, ce qui ne représentait pas un gros travail pour la filiale, peut-être une journée ou deux par semaine. Le bureau pouvait se contenter d’une petite pièce de 2,5 mètres sur 3.
Mais d’autres pays furent bientôt placés sous la direction de la filiale du Kenya, comme la Tanzanie et l’Éthiopie, ce qui fit plus que doubler la charge de travail. Des dispositions furent prises pour que des frères soient habilités à célébrer les mariages. Des assemblées de circonscription furent organisées dans des salles communales ou des écoles, et la filiale reçut la visite de frère Henschel qui donna des conseils en vue de son bon fonctionnement.
La vérité fait fi des préjugés
Il fallut faire des efforts pour gommer la ségrégation héritée de la période coloniale. Une rumeur persistante voulait qu’il était dangereux de se promener dans les secteurs africains de la ville, même en plein jour. Mais les nouveaux missionnaires et les frères qui étaient venus apporter leur aide étaient désireux d’étendre leurs activités. Le premier territoire retenu fut un quartier d’employés des chemins de fer.
C’était la saison des pluies, et de gros paquets de boue collaient aux chaussures de ces proclamateurs zélés. Ils allaient pour la première fois tester les présentations qu’ils avaient soigneusement préparées en swahili. Quels résultats allaient-ils obtenir? De nombreuses femmes écoutaient avec une mine confuse pour leur expliquer ensuite par gestes qu’elles ne comprenaient pas l’anglais. Les frères se consolèrent lorsque les maris, parlant anglais, rentrèrent du travail. Ils apprirent en effet que ces femmes ne comprenaient pas non plus le swahili!
L’apprentissage du swahili fut une épopée pour les frères étrangers, car rares sont les mots en cette langue qui ressemblent à une expression d’une quelconque langue européenne. Mais sa grammaire est logique, et on comprend rapidement le génie de la langue. Elle se prononce facilement et son vocabulaire est plus riche que celui de la plupart des langues africaines.
Durant la période d’apprentissage, tout ne va naturellement pas sans incident. Une sœur voulait discuter du “serikali ya Mungu” (Gouvernement de Dieu); mais elle parla en réalité du “suruali ya Mungu” (pantalon de Dieu). Un frère connut quelque embarras en mélangeant la salutation traditionnelle “Habari gani?” (Quelles sont les nouvelles?) avec “Hatari gani?” (Quel est le danger?). Une sœur ne se sentait pas le cœur à égorger un poulet. Elle voulut donc demander à un pionnier spécial: “Pourrais-tu me tuer ce poulet?” Mais au lieu de “kuua” elle prononça “kuoa” ce qui donna à sa question cette tournure: “Pourrais-tu m’épouser ce poulet?” Un missionnaire qui traitait un sujet par questions et réponses appela les frères “Dudu” (insecte) au lieu de “Ndugu” (frère).
Pour nombre d’enfants, ces étrangers constituaient bien sûr une nouveauté. Certains touchaient la main des frères pour voir si la couleur blanche s’enlevait. Des dizaines de bambins suivaient parfois les proclamateurs de maison en maison. Les mises en garde à propos de la prétendue animosité envers les étrangers se révéla sans fondement. Au contraire, de nombreuses personnes étaient véritablement affamées de vérité biblique. Le plus souvent on faisait entrer nos visiteurs, on les faisait asseoir, et on leur offrait parfois le thé ou un repas. Les proclamateurs n’avaient jamais vu cela!
Les proclamateurs étrangers durent également apprendre à proposer l’étude de la Bible avec mesure, car beaucoup l’acceptaient spontanément, mais il était impossible d’étudier avec tous. Avant la fin de l’année une deuxième congrégation était formée à l’est de Nairobi, dans un territoire très productif. Les frères se sentaient vraiment chez eux, car le territoire comportait des cités appelées “Jérusalem” ou “Jéricho”. Très vite les frères avaient commencé autant d’études qu’il leur était possible d’en diriger.
Notons au passage qu’environ une douzaine de personnes qui ont connu la vérité à l’époque des deux premières congrégations de Nairobi sont toujours de fidèles Témoins quelque 30 ans plus tard.
Le premier livre en swahili, Du paradis perdu au paradis reconquis, parut en juin 1963. Il s’avéra un auxiliaire précieux pour les personnes de tout degré d’instruction qui cherchaient la vérité. On publia ensuite Le ministère du Royaume en swahili, tandis que La Tour de Garde en swahili était imprimée en Zambie.
Entre-temps, Alan et Daphne MacDonald, diplômés de l’École de Galaad, avaient été nommés sur l’île de Mombasa, sur la côte kényane, tandis que les McLain avaient été envoyés à Kampala, en Ouganda, où ils furent les premiers missionnaires. William et Muriel Nisbet purent alors emménager dans les locaux de la filiale. Ils étaient fin heureux de pouvoir de nouveau participer ensemble et en toute liberté au service à plein temps. Pour qu’ils puissent rester dans le pays, frère Nisbet avait occupé un emploi pendant sept ans. Les Nisbet visitent actuellement les circonscriptions du Kenya et certains districts d’un pays voisin, la Tanzanie.
L’œuvre s’étend dans les villes du Kenya
Lorsque les MacDonald arrivèrent à Mombasa, il s’y trouvait une petite congrégation formée de Témoins étrangers, qui s’étaient déplacés pour apporter leur aide, ainsi que de quelques Témoins africains qui étaient venus de Tanzanie pour raison professionnelle. La prédication pouvant maintenant s’effectuer librement, ces frères ont organisé sans tarder leur première réunion. Ils étaient 30. La plupart des frères africains n’étaient toutefois pas mariés légalement. Un dimanche donc, un frère officiellement autorisé à célébrer les mariages a uni 14 couples. Le dimanche suivant, tous ont été rebaptisés.
Le territoire de Mombasa posait un défi aux Témoins, car de nombreuses religions y étaient représentées. Les zoroastriens, adorateurs du feu, prétendaient que leur religion remontait au temps de Nimrod. Parmi les différentes sectes de l’hindouisme on retrouvait les sikh, avec leur turban sur la tête, ou les jaïna, qui ne se permettraient pas de marcher sur une fourmi ou de tuer une mouche. Venaient ensuite de fortes communautés musulmanes et chrétiennes de nom. Mombasa était parsemée de temples, de mosquées et de grandes églises. Il fallait beaucoup de souplesse et une grande habileté pour présenter la bonne nouvelle éternelle.
D’autres missionnaires arrivèrent ultérieurement et furent envoyés dans les villes les plus importantes comme Nakuru, Kisumu, Kitale, Eldoret, Kericho, Kisii, Thika et Nyeri. Vers la fin des années 60, plusieurs Kényans d’origine étaient devenus pionniers spéciaux et ils étaient tout à fait à même de prêcher dans des villes moins peuplées.
Le petit devient un millier
L’œuvre prenait maintenant de l’ampleur. Au moment où elle avait été reconnue légalement, il y avait 130 proclamateurs au Kenya. Deux ans plus tard leur nombre avait presque doublé, et en 1970 le petit était littéralement devenu un millier. — Ésaïe 60:22.
Les gens qui découvraient la vérité devaient opérer des changements considérables, comme se défaire de l’immoralité, de l’ivrognerie et de la sorcellerie, et vaincre l’illettrisme. Beaucoup avaient hérité de leur éducation un attachement excessif à la terre, aux troupeaux, aux études ou à l’argent. Certains étaient orgueilleux et cherchaient à tout prix à sauver la face; ils durent également se réformer. Ceux qui s’intéressaient à la vérité mettaient ainsi des années à revêtir suffisamment la nouvelle personnalité pour pouvoir faire l’offrande de leur personne au Dieu Tout-Puissant.
Les jeunes progressaient généralement plus vite que ceux d’âge mûr, car ils savaient lire et n’étaient pas empêtrés dans les traditions. Prenons par exemple le cas d’un adolescent, Samuel Ndambuki, qui était troublé et déçu par l’hypocrisie de la chrétienté. À 13 ans, il entama une vie de rebelle caractérisée par l’usage du tabac et de la drogue, le vol, le mensonge et l’immoralité. En 1967, huit ans plus tard, deux anciens camarades de classe le rencontrèrent et lui annoncèrent la bonne nouvelle du Royaume. Il était ébahi de voir ces jeunes manier la Bible avec tant d’habileté. Ces Témoins de Jéhovah se démarquaient vraiment des autres par la conduite pure qu’ils prônaient. Samuel opéra de remarquables changements, qui étonnèrent ses voisins. Malgré les progrès qu’il avait faits dans le domaine moral, il fut confronté à une forte opposition en raison de sa nouvelle foi. Mais il continua de progresser et fut baptisé dans le courant de la même année. L’année suivante il devint pionnier permanent, puis par la suite pionnier spécial; il travailla au Béthel avant de devenir surveillant de circonscription. Il est aujourd’hui père de famille. Il a aidé de nombreuses personnes à connaître la vérité, et a posé le fondement de la prospère congrégation d’Ukambani.
On en trouve une autre illustration dans le cas de Raymond Kabue, de Nairobi, qui connut la vérité en compagnie de son frère et d’un groupe de jeunes gens. Plein de zèle, il retourna dans sa région natale, dans les montagnes de l’Aberdare, et y prêcha. Cela donna naissance à une congrégation d’où sortirent de nombreux pionniers permanents et spéciaux. L’un des enfants de Raymond Kabue est devenu pionnier et un autre a travaillé au Béthel.
Son frère Leonard a aidé Ruth Nyambura, une femme qui avait entièrement lu la Bible sans trouver la réponse à ses questions. Lorsqu’il la rencontra, elle avait une liste de questions à poser. Avec le concours d’un frère étranger, frère Kabue lui fournit les explications désirées, comme par exemple la signification du nombre 666 mentionné en Révélation 13:18. Cette femme sincère fut l’une des toutes premières personnes parlant swahili à accepter la vérité. Cela se passait en 1965. Son mari ne partageant pas sa foi, elle est un exemple type des très nombreuses sœurs fidèles du Kenya, où, contrairement à d’autres pays d’Afrique, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans les congrégations. Elle a élevé sept enfants dans la vérité, a été à une époque pionnière permanente et est toujours une proclamatrice fidèle.
L’une de ses filles, Margaret MacKenzie, a perdu tragiquement son mari dans un accident en 1974. Elle se retrouvait seule avec trois enfants. La famille de son mari prévoyait qu’elle soit, selon les coutumes tribales, enlevée lors des funérailles et “mariée” à son beau-frère. Elle a toutefois eu vent du projet et s’est éclipsée, contrainte d’abandonner la maison qu’elle avait aidé à construire et le champ qu’elle avait cultivé. Ses proches ont néanmoins réussi à lui enlever son petit garçon, ne lui laissant que ses deux filles. Il n’a pas été aisé pour elle de pourvoir aux besoins de ses enfants tout en leur assurant l’attention indispensable dans le domaine spirituel, mais grâce à l’aide de Jéhovah, sœur MacKenzie y est parvenue. Elle prit à cœur l’étude familiale et la prédication. En 1987, elle a eu la joie de voir ses filles, l’une de 14 ans, l’autre de 15, se faire baptiser lors d’une assemblée de circonscription. Son fils a rejoint le foyer après 11 ans d’absence, et il sert maintenant Jéhovah.
Le champ d’activité s’étend
Le bureau de la filiale déploya des efforts soutenus pour étendre le champ d’activité des proclamateurs. Des tracts et des livres furent traduits en kikamba, en kikuyu et en luo. On édita de nouveaux livres en swahili, à savoir ‘Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir’, La vérité qui conduit à la vie éternelle et “Ta parole est une lampe pour mon pied”. L’édition en swahili de La Tour de Garde passa à 24 pages. De très nombreuses publications furent ainsi diffusées dans le public.
Les publications connaissaient un franc succès parmi les Asiatiques, qui habituellement accueillaient bien les Témoins européens et acceptaient volontiers leurs écrits, tout en restant généralement attachés à leur religion. Il existait toutefois des exceptions. Une adolescente s’est accrochée à la vérité malgré la farouche opposition de sa famille et les menaces de la communauté sikh. Son père la chassa du foyer et menaça de la tuer. Elle s’installa chez une famille de Témoins et, après avoir consciencieusement étudié la Bible, elle fit l’offrande de sa personne à Jéhovah, devint pionnière permanente et assista par la suite aux cours de l’École de Galaad. À présent mariée, Goody Poulsen est toujours une pionnière zélée, qui effectue un excellent travail, en particulier dans les territoires asiatiques.
La question des mariages est réglée
Beaucoup de Kényans n’étaient pas mariés légalement. Certains étaient mariés selon les coutumes tribales, très laxistes en matière de divorce; d’autres vivaient en concubinage. Mais ces situations ne satisfaisaient pas aux normes élevées de Jéhovah. — Héb. 13:4.
Davantage de frères furent pour cette raison portés sur la liste officielle des citoyens habilités à célébrer les mariages. Ces frères se déplaçaient souvent, car de nombreux sympathisants prenaient position pour le culte pur et désiraient légaliser leur mariage. Le plus souvent ils accomplissaient cette démarche au moment de devenir proclamateurs. Cela ouvrait également la voie à une vie de famille plus harmonieuse, parce qu’il n’y avait plus à craindre la dissolution du mariage si l’union restait stérile ou si le mari ne réussissait pas à payer la totalité de la dot. Dans les années qui suivirent, plus de 2 000 couples ont bénéficié de cette disposition.
Une nouvelle filiale
Lors de l’assemblée de district de 1970, on a annoncé que la Société avait acheté de nouveaux locaux pour la filiale dans Woodlands Road, à Nairobi. De la simple pièce du sud de Nairobi, le bureau avait été transféré dans un logement du même quartier. Mais on comptait à présent 3 000 proclamateurs dans les huit pays dépendant de la filiale. Cela entraînait davantage de travail d’expédition, de traduction et de correspondance.
Le nouveau bâtiment était situé sur un terrain de 6 ares, dans un quartier tranquille, bien que proche du centre-ville. L’endroit se prêterait aisément à de futurs agrandissements. De multiples arbres, des pelouses agrémentées de parterres de fleurs multicolores et de haies donnaient une impression de paradis miniature.
L’inauguration eut lieu le samedi 26 juin 1971. Des travaux de transformation furent entrepris par la suite pour améliorer l’agencement des bureaux et des logements. On y ajouta des chambres. Une grande Salle du Royaume, la première de Nairobi, fut construite sur la belle parcelle en contrebas du terrain. Elle allait être utilisée par deux congrégations, mais il y avait encore une vaste pelouse pour une extension future. Cette Salle du Royaume fut achevée à peu près en même temps que celles de Mombasa, Kisumu et Nakuru.
L’accroissement excite la jalousie du clergé
Comme de plus en plus de personnes abandonnaient leurs Églises pour la vérité, l’irritation du clergé s’intensifiait. Des tentatives furent faites en vue de discréditer les Témoins de Jéhovah. Un membre du Parlement mal informé déclara devant ses confrères que les Témoins n’envoyaient pas leurs enfants à l’école et qu’ils refusaient les traitements médicaux. Mais ce parlementaire se sentit stupide lorsqu’il fut contredit par le Président de la Chambre. Cet homme avait obtenu des informations précises d’un fonctionnaire dont un proche était Témoin.
Cet esprit démocratique et cet attachement aux libertés demeurèrent. Vers le début de l’année 1972, frère Knorr effectua une nouvelle visite à Nairobi, et la même année une importante assemblée se tint à Mombasa, avec 2 161 assistants lors du discours public. L’avenir semblait prometteur, et la situation semblait calme et paisible.
Un choc: l’interdiction en 1973
Le 18 avril 1973, la radio annonça que la religion des Témoins de Jéhovah représentait une menace pour la bonne marche du pays et qu’elle était désormais interdite au Kenya. Cette nouvelle fut reçue comme un choc par les frères. Il est vrai que de temps à autre on avait connu quelques anicroches et entendu des déclarations acerbes, mais il n’y avait jamais eu d’accusations formelles ni d’interventions de la police. Et soudain il devenait illégal d’enseigner la vérité contenue dans la Bible!
Les frères essayèrent de rencontrer de hauts fonctionnaires afin de tirer la question au clair. Un appel formel fut interjeté le 8 mai, mais il fut rejeté six jours plus tard. Dans l’intervalle, l’Association des Témoins de Jéhovah fut rayée du registre des associations. L’audience demandée au président fut refusée. Le 30 mai, une procédure d’appel fut introduite pour contrer la dissolution de l’association. Le siège mondial des Témoins de Jéhovah à Brooklyn soutint cette procédure par une lettre personnelle du président de la Société Watch Tower.
Le 5 juillet, la question des Témoins de Jéhovah fut débattue devant l’Assemblée Nationale du Kenya. On les assimilait toujours à une petite secte à coloration politique, rebelle envers l’autorité séculière et refusant les traitements médicaux. On en parla même comme des Témoins du Diable. Cela démontrait à quel point les gens peuvent être mal informés, à l’image de ceux qui portèrent des accusations contre le Fils de Dieu, Jésus Christ. — Marc 3:22; Luc 23:2.
Le gouvernement engagea ensuite une procédure d’urgence pour expulser les 36 missionnaires. Ils devaient quitter le pays au plus tard le 11 juillet 1973. Ce fut assurément un moment sombre de l’histoire théocratique du Kenya. Il fallait en catastrophe se séparer du mobilier des dix maisons de missionnaires réparties dans le pays ainsi qu’emballer et stocker en vue de leur expédition les effets personnels des missionnaires qui repartaient pour divers pays.
Mais, en attendant, le bureau de la filiale demeurait en activité. Les frères préparaient les conclusions qu’ils déposeraient pour contester cette interdiction violant la Constitution du Kenya, qui garantit la liberté de culte.
L’interdiction est levée!
Des fonctionnaires raisonnables comprirent rapidement que cette affaire ne cadrait pas avec l’image que l’on voulait donner du Kenya, celle d’un pays modéré et démocratique, ouvert au tourisme et attaché aux droits de l’homme. Le gouvernement adopta donc une mesure courageuse en août 1973 et leva l’interdiction. Un décret du gouvernement précisa que l’interdiction devait être considérée comme nulle et non avenue. Les frères jubilaient!
Pour les Témoins qui restaient au bureau de la filiale, le travail était ardu. Quelques Témoins extérieurs à la famille du Béthel venaient prêter main-forte, parmi eux Helge Linck, Stanley Makumba et Bernard Musinga. Peu étaient familiarisés avec les méthodes de travail du bureau. Ils durent apprendre à traiter la correspondance et les comptes et à tenir leurs fichiers.
Au vu des circonstances, on accorda la priorité aux assemblées. Une série d’assemblées de circonscription organisées en octobre prodiguèrent aux frères des encouragements et des conseils en rapport avec la prédication. Une assemblée de district internationale initialement prévue du 26 au 30 décembre avait été annulée; les préparatifs furent relancés. Alors que l’interdiction venait d’être levée, le thème de l’assemblée, “La victoire divine”, était des plus approprié et venait à point nommé. Elle demanda une grosse somme de travail dans des délais réduits, mais quelle joie de voir des frères arriver de l’étranger pour ajouter à l’encouragement des frères locaux. On compta 4 588 assistants, dont 209 furent baptisés.
Les journaux se firent amplement l’écho de l’événement, tandis que la télévision diffusait une interview de 28 minutes de frère Grant Suiter, du siège mondial de la Watch Tower à Brooklyn. Cela démontra que les Témoins de Jéhovah étaient toujours vivants et actifs. D’autres assemblées de circonscription furent organisées, et les anciens profitèrent des cours stimulants de l’École du ministère du Royaume.
Pour les Témoins, cette interdiction soudaine avait eu l’effet d’un choc et avait mis leur foi à l’épreuve. Mais elle eut des conséquences salutaires en écartant ceux qui n’entretenaient pas de rapports étroits avec leur Créateur plein d’amour et n’avaient pas édifié leur foi sur le bon fondement, Jésus Christ, notre Exemple suprême (1 Cor. 3:11). Il devint clair que les frères kényans devaient en venir à prendre davantage en main leurs activités et à endosser plus de responsabilités, au lieu de se reposer sur les missionnaires ou les frères étrangers venus apporter leur aide. Il leur fallait également s’attacher davantage à l’étude individuelle de la Bible et à la prière.
D’autres missionnaires furent bientôt en mesure d’entrer au Kenya pour apporter leur contribution; parmi eux figuraient John et Kay Jason, qui avaient déjà consacré 26 ans au service missionnaire, à la circonscription et aux activités du Béthel en Zambie. Jéhovah avait permis de comprendre qu’il y avait encore beaucoup de travail à accomplir au Kenya, et les Témoins étaient déterminés à poursuivre l’œuvre.
L’œuvre connaît un nouvel élan
Des progrès furent également faits dans le domaine de la spiritualité. Jusque-là, les proclamateurs employaient surtout les périodiques. On insistait maintenant tout particulièrement sur l’emploi de la Bible tel qu’il était préconisé dans Le ministère du Royaume. Il était réjouissant de voir même de petits enfants ouvrir la Bible en prédication et donner le témoignage devant des personnes émerveillées, tout autant d’ailleurs que les autres proclamateurs.
De même, Le ministère du Royaume aborda pour la première fois la question des traditions contraires au christianisme. Il fit remarquer que si certaines traditions peuvent être bonnes ou bénéfiques, d’autres s’appuient sur de faux enseignements, comme l’immortalité de l’âme, et pourraient amener le chrétien à participer au faux culte. Les frères et les sœurs se sont donc progressivement affranchis de pratiques spirituellement impures ayant trait aux veillées mortuaires, aux rites funéraires, à la peur du mauvais œil, au port d’amulettes, aux cérémonies tribales d’initiation et aux excisions rituelles.
Une autre amélioration fut introduite par l’adoption d’une langue unique par congrégation dans les villes, soit l’anglais, soit le swahili. Les réunions se déroulaient auparavant en deux langues, et comme il était constamment nécessaire de traduire de l’une dans l’autre, seule la moitié des matières prévues était examinée. Tous les frères pouvaient maintenant bénéficier d’un programme complet.
“Macédoine” entre dans le langage courant
La visite du surveillant de zone, Wilfred Gooch, du bureau de la filiale de Londres, avait entre-temps permis de réorganiser l’œuvre et de jeter les bases de la première campagne au cours de laquelle les territoires isolés de l’Est africain seraient parcourus systématiquement. Au Kenya, par exemple, les trois quarts de la population vivaient dans des territoires isolés.
Les proclamateurs adhérèrent avec grand enthousiasme à ces dispositions, et depuis 1975 les paroles d’Actes 16:9 concernant la Macédoine sont entrées dans l’usage. On entend même des personnes étrangères à la vérité dire: “Aujourd’hui les Témoins de Jéhovah tiennent leur réunion en Macédoine.” Chaque année, trois mois sont consacrés à l’activité dans ce qu’on appelle la Macédoine moderne.
Le bureau de la filiale encouragea en outre les proclamateurs qui profitaient de leurs congés annuels pour retourner dans leur village natal à prêcher dans ces territoires ruraux. Une sœur raconta dans une lettre: “En arrivant chez moi, j’ai fait connaître la bonne nouvelle aux gens et j’ai rapidement pu commencer de nombreuses études bibliques, entre autres avec huit membres de ma famille. Six d’entre eux assistent déjà aux réunions qui se tiennent à 16 kilomètres de là.”
Ce témoignage intense provoqua un afflux de courrier provenant de personnes qui voulaient en savoir plus. Des centaines de lettres dans lesquelles on demandait des publications ou des études bibliques arrivaient chaque mois à la filiale, ce qui conduisit à augmenter le personnel du service de la correspondance.
Un autre événement marquant de l’année fut l’École du ministère du Royaume organisée pour les anciens de sept pays d’Afrique orientale. Ces anciens acquirent grâce à elle une formation spirituelle poussée, mais furent aussi amenés à reconsidérer certains points. De nombreux frères participaient pour la première fois de leur vie à des tâches d’entretien — laver la vaisselle ou préparer les repas — tâches que la coutume abandonnait exclusivement aux femmes. Mais les anciens se comportèrent avec humilité et s’adaptèrent avec beaucoup de bonne volonté. Certains surveillants durent se faire à l’idée qu’un père peut être amené à jouer avec ses enfants. Un des anciens reconnut: “Quand je vais rentrer, mes enfants vont être étonnés, après tant d’années, de me voir m’amuser avec eux.”
Pour le Kenya, l’année 1975 s’acheva sur un nouveau maximum de 1 709 proclamateurs. Plus de 300 baptêmes avaient eu lieu. Mais comment progressait l’œuvre au sud, dans le pays voisin, la Tanzanie?
Le contexte change en Tanzanie
Contrairement aux événements du Kenya, l’interdiction qui frappait les Témoins de Jéhovah en Tanzanie depuis le 3 avril 1965 était toujours en vigueur. Cette situation, ainsi que les changements dans les domaines économique et familial, entraîna d’autres conséquences. L’un après l’autre, les frères étrangers qui étaient venus apporter leur aide étaient amenés à quitter le pays. La plupart des pionniers spéciaux venus de Zambie durent également retourner dans leur pays d’origine, souvent parce que l’agrandissement de leur famille ajoutait à une situation économique déjà difficile. Par exemple, un pionnier spécial nommé en Tanzanie en 1961, alors qu’il avait deux enfants, se retrouvait en 1967 avec sept enfants.
En cette période d’exode pour les pionniers, Lamond Kandama faisait exception. Il avait accepté la vérité en Zambie en 1932 et avait été arrêté plusieurs fois et emprisonné en 1940 et en 1941 à cause de ses croyances. Il devint pionnier en 1959, à l’âge de 47 ans, et fut envoyé en Tanzanie. Là-bas aussi on l’arrêta. Il fut finalement nommé au Kenya où il a assuré différents services, et actuellement, alors qu’il va sur ses 80 ans, il est toujours pionnier spécial et toujours célibataire. Quel bel exemple d’endurance fidèle!
Des “brebis” passent en jugement
Les vingt années qui suivirent furent émaillées de nombreuses arrestations et de procès dans toute la Tanzanie. Les Témoins n’étaient pas étonnés de cela. Jésus n’avait-il pas dit: “Si le monde vous hait, vous savez qu’il m’a haï avant de vous haïr. (...) Un esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.” (Jean 15:18, 20). Ils endurèrent dans la joie sans s’inquiéter outre mesure.
Les frères, de nature paisible et arrangeante, étaient souvent les jouets d’opposants haineux. Les opposants faisaient mine de vouloir lier amitié ou de s’intéresser à la vérité, et les Témoins les recevaient chez eux en toute innocence, exhibant fièrement leur bibliothèque théocratique. Des frères prêtaient même des manuels bibliques à certains, qui les produisaient ensuite comme pièces à conviction lors du procès des Témoins. Les frères reconnaissaient volontiers qu’ils étaient membres de l’association des Témoins de Jéhovah, ce qui aux yeux de la loi revenait à soutenir une organisation interdite. Comme certains frères admettaient les faits qui étaient retenus contre eux au poste de police, ils n’étaient plus autorisés à s’exprimer lors du procès. De même, toujours en raison de leur caractère accommodant, ils acceptaient que leur domicile soit perquisitionné, ce qui entraînait leur arrestation, même si aucun mandat de perquisition n’était émis par le tribunal. D’autres se sentaient obligés de répondre à toutes les questions et se compromettaient bien vite par leurs paroles.
Les Témoins furent accusés d’appartenir à une association illégale simplement parce qu’ils se retrouvaient pour étudier la Bible, prêchaient la bonne nouvelle ou possédaient des publications bibliques. Les tribunaux leur infligèrent des amendes et prononcèrent des peines de trois à neuf mois de prison.
En voici une illustration. Bien que peu nombreux, en proportion 1 pour 10 000 habitants durant l’année de service 1973, les Témoins tanzaniens se signalèrent par leur zèle. Le 7 septembre 1974, pendant une réunion chrétienne au domicile d’Isaack Siuluta, à Dar es-Salaam, la police encercla la maison. Elle arrêta 46 personnes, parmi lesquelles deux pionnières. La police renvoya les autres femmes. Tous les manuels bibliques trouvés dans les sacoches ou sur les assistants servirent de pièces à conviction lors du procès qui suivit.
La cour examina l’affaire le 29 novembre. Il fut prouvé que les Témoins sont des citoyens paisibles et respectueux des lois. Le juge estima cependant que “l’aspect religieux de leur mouvement n’étant qu’une façade” ils étaient tous coupables. Ils furent condamnés à des amendes ou à des peines de six mois d’emprisonnement pour détention de manuels d’étude de la Bible et participation aux rassemblements d’une association illégale.
En prison les Témoins s’encouragèrent mutuellement par l’étude de la Bible et des discours tels que “Faisons de Jéhovah notre joie chaque jour”. Ils furent tous libérés au bout de six mois. Les activités liées au Royaume ne furent pas interrompues en Tanzanie; un maximum de 1 609 proclamateurs fut atteint lors de l’année de service 1975.
La filiale du Kenya mit un certain temps à se rendre compte des difficultés que ces frères sans expérience en la matière rencontraient avec l’appareil judiciaire. Mais des conseils utiles sur les droits en cas d’arrestation ou de procédure judiciaire furent alors donnés à toutes les congrégations. Ils furent publiés en swahili et s’avérèrent une aide précieuse.
Durant les années qui suivirent, certains frères furent acquittés. Des juges estimèrent que les témoins appelés à la barre ne pouvaient produire aucune preuve concernant une quelconque “propagande liée à une association interdite” et que “la simple possession d’écrits ne constitue pas une preuve d’appartenance à une association interdite”. Un puissant témoignage fut ainsi déposé contre le grand Adversaire de Jéhovah. — Prov. 27:11.
Jéhovah donne de la force
La vague de persécutions qui sévissait de l’autre côté de la frontière, au Malawi, eut des répercussions négatives, en particulier dans la région de Tukuyu, proche de la frontière. Cela rendit nerveux certains opposants, mais permit à d’autres d’y voir clair. Un gardien de prison déclara: “Au Malawi, ils ont persécuté et assassiné ces gens en vain. Ici c’est la même chose. Les Témoins ne feront jamais de compromis. Par contre ils deviennent plus nombreux.”
En fait, les persécutions n’avaient pas la même intensité dans tout le pays. Certaines congrégations purent construire de nouvelles Salles du Royaume et se réunir ouvertement, chantant même de tout cœur. La plupart du temps, les publications parvenaient sans encombre aux Témoins par la poste. La filiale du Kenya continua d’envoyer des surveillants itinérants pour fortifier les frères, ainsi que des représentants de la filiale qui se réunirent avec les anciens et quelques congrégations. La foi des frères tanzaniens fut édifiée par de nouvelles publications en swahili. Nombre de frères devinrent pionniers, et quelques-uns se qualifièrent pour remplacer les pionniers spéciaux de Zambie.
Pour de nombreux frères tanzaniens, le voyage annuel au Kenya à l’occasion de l’assemblée de district était un temps fort. Il n’était d’ordinaire pas difficile de se rendre au Kenya par autocar. D’ailleurs, en octobre 1968 et dans les années qui suivirent, des groupes de quelque 80 frères louaient des autocars pour parcourir les 1 500 kilomètres séparant le sud de la Tanzanie du Kenya. Cela demandait un sacrifice financier, car il leur fallait économiser pendant des mois en vue de cet événement. Certains douaniers tanzaniens se montraient compréhensifs et disaient même aux frères: “Allez-y, et n’oubliez pas de prier pour nous.” En 1970, il fallut quatre autocars pour les 350 Témoins qui sont partis du sud de la Tanzanie afin de se rendre à Nairobi sur les lieux de l’assemblée.
Prêcher en travaillant
Les frères tanzaniens prêchaient sans crainte et avec ingéniosité. Les Témoins qui participaient aux travaux collectifs en même temps que de nombreux ouvriers non Témoins choisissaient parmi eux un frère qui ferait semblant de s’intéresser à la vérité et interpellerait les autres frères pour poser des questions, ces derniers se faisant une joie de répondre. Ils s’y employaient d’une voix forte, et bien vite d’autres ouvriers se mêlaient à la conversation. Le témoignage était ainsi donné pendant des heures — sans que le travail en souffre, bien sûr.
Quand le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle parut en swahili, il devint si populaire que même les ennemis de la bonne nouvelle savaient le reconnaître à sa couverture bleue. En conséquence, la Société décida de produire une nouvelle édition en swahili du livre Vérité dans une couleur moins voyante.
La vérité libère
Le clergé de la chrétienté suscita des remous dans certaines régions. Sur les pentes du mont Meru, à l’ouest du Kilimandjaro, un groupe de six personnes étudiaient avec zèle les vérités bibliques. À la fin d’une étude, un pasteur luthérien organisa un attroupement pour interrompre l’étude par un vacarme. Quelques jours plus tard, alors que ces gens revenaient d’une réunion de la congrégation à 20 kilomètres de là, ils remarquèrent qu’il y avait de l’orage dans l’air. Le père de l’un d’eux se tenait là et brandissait une hache, menaçant de le tuer. Un autre retrouva sa maison endommagée; son enfant était parti et son chevreau avait disparu. Un troisième fut battu et on lui vola son troupeau. Ont-ils abandonné leur recherche de la vérité biblique? Loin de là! Ils signifièrent chacun par écrit leur retrait des rangs de l’Église.
Ils remplirent bientôt les conditions requises des proclamateurs non baptisés, à un détail près: ils devaient encore produire leurs certificats de mariage. Mais ces certificats étaient toujours en possession des pasteurs qui refusaient de les restituer. Il fallut intenter une action en justice. Les pasteurs expliquèrent que ces hommes appartenaient à une organisation illégale, mais le magistrat en eut assez des pasteurs; il leur infligea une amende et leur intima l’ordre de remettre les certificats à leurs propriétaires.
De l’aide pour les Seychelles
Vous souvenez-vous des 11 proclamateurs isolés qui vivaient aux Seychelles, bien loin du continent africain? Ils souhaitaient ardemment une aide extérieure. Au début de 1974, Ralph et Audrey Ballard vinrent d’Angleterre avec leurs enfants pour apporter leur soutien, et ils obtinrent le statut de résidents. Leur enthousiasme et leur zèle dans le ministère leur permirent de commencer de nombreuses études bibliques. Bien que l’entrée de missionnaires ait été refusée en 1969 et en 1972, l’Association Internationale des Étudiants de la Bible fut reconnue légalement le 29 août 1974, ce qui donna un nouveau coup de fouet à l’œuvre.
Cette année-là, 32 proclamateurs étaient actifs, et l’année suivante leur nombre était passé à 51. Il n’était pas facile pour les habitants de l’endroit de prendre position pour Jéhovah, car les prêtres catholiques menaçaient de leur faire perdre leur travail et leur logement. Mais avec les années, l’influence du clergé s’estompa et les amis de la vérité progressèrent avec courage.
Toujours en 1974, alors que la bonne nouvelle avait été prêchée sur toute l’île principale, Mahé, les Témoins ont entrepris une traversée de trois heures pour se rendre sur la deuxième île de l’archipel, Praslin, réputée pour sa Vallée de Mai où pousse ce qu’on appelle la noix de coco double, ou coco de mer, sans doute la plus lourde graine de la planète (14-18 kilos), convoitée par les collectionneurs pour son profil très curieux. Bien entendu, dans une communauté de moins de 5 000 habitants chacun connaissait l’autre. Pour prendre position pour la vérité il était donc nécessaire que les gens soient courageux et résistent à l’influence de leur entourage. Certains y sont parvenus, mais il fallut du temps pour leur apprendre à prêcher la bonne nouvelle avec tact plutôt que de se contenter de critiquer le culte des idoles ou d’annoncer la destruction des méchants à Harmaguédon.
En 1976, un couple de missionnaires s’installa finalement à Victoria, sur l’île de Mahé. Ils contribuèrent à la stabilité spirituelle de la congrégation et aidèrent les nombreux enfants de Témoins à marcher dans la vérité. Ce n’était pas aisé, car certains étaient accoutumés à une vie facile, sans trop de contraintes morales. Peu de Témoins de l’endroit se donnaient la peine d’étudier individuellement ou de prêcher. Certains se laissaient donc rapidement ballotter par les nouveaux engouements du monde et finissaient par abandonner la vérité. D’autres, loin de vouloir servir Dieu pour l’éternité, se joignaient à la congrégation en attendant pour une date précise la fin du monde méchant. Tout cela entravait les progrès spirituels.
Ils restent fermes sans aide extérieure
Le 5 juin 1977, un coup d’État aboutit à la mise en place d’un nouveau gouvernement et créa une situation nouvelle dans ces îles auparavant tranquilles. Le nouveau parlement aborda la question des Témoins de Jéhovah et de leur position de neutralité vis-à-vis des gouvernements. Un parlementaire demanda l’interdiction des Témoins, mais les autres firent jouer avec sagesse la garantie constitutionnelle de liberté du culte.
Il n’empêche qu’en 1978 la maison de missionnaires fut fermée et les missionnaires durent être nommés au Kenya. La famille Ballard avait également déménagé. Les frères locaux devaient maintenant se débrouiller par eux-mêmes. Ils étaient néanmoins mieux équipés pour s’occuper de l’œuvre du Royaume, grâce à leur collaboration avec des frères ayant une grande expérience de la vérité, mais aussi parce que les anciens avaient assisté aux cours de l’École du ministère du Royaume. Malgré l’illettrisme généralisé et le spiritisme très répandu, des personnes continuaient à manifester de l’intérêt. En 1982, le nombre des proclamateurs dans les Seychelles était remonté à 50 et certains devinrent pionniers permanents, entre autres Lise Gardner. L’Association des Témoins de Jéhovah fut finalement reconnue légalement en janvier 1987, mais les missionnaires n’étaient toujours pas autorisés à rentrer dans le pays.
La moisson dans les îles
La première assemblée de district eut lieu du 16 au 18 janvier 1987. Jusqu’alors, toutes les réunions et les assemblées de circonscription s’étaient tenues à la Salle du Royaume; cette assemblée était donc la première réunion en un autre endroit.
Où fut-elle organisée? Dans le pavillon magnifiquement situé d’un hôtel. Cet édifice ouvert, surmonté d’un toit de chaume, était niché parmi les rochers et dominait une des plus splendides baies de Mahé. Les auditeurs pouvaient donc apprécier le programme spirituel tout en profitant du murmure reposant des vagues et des brises marines qui venaient rafraîchir la salle.
La présence de 173 personnes le premier jour fut très réjouissante. Le dimanche, le pavillon était comble, car 256 personnes s’y pressaient. Comparé au nombre de 80 proclamateurs, ce chiffre laissait augurer de belles perspectives d’accroissement!
Dans les rangs des baptisés de cette assemblée figurait une femme auparavant opposée à la vérité. Pourquoi avait-elle revu sa façon de penser? Parce qu’elle avait assisté au Mémorial. Elle avait alors découvert les Témoins de Jéhovah sous leur vrai jour. Elle dut, il est vrai, apporter quelques changements à sa vie. Elle vivait d’un petit magasin le long de la route, où les gens venaient, entre autres, s’approvisionner en tabac. On l’avertit que si elle cessait de vendre du tabac elle saborderait son commerce. Elle ne se laissa pas intimider. Elle se confia en Jéhovah et abandonna la vente de tabac. Son commerce n’en a pas souffert. En vue de consacrer plus de temps à la prédication, activité prioritaire à ses yeux, elle afficha les horaires d’ouverture et s’arrangea pour prêcher durant les premières heures de la journée.
Les efforts qu’ont déployés les proclamateurs dans l’œuvre d’évangélisation ont entraîné une moisson abondante. En 1990, une Salle du Royaume fut inaugurée sur l’île de Praslin. Des études bibliques sont dirigées sur la troisième île de l’archipel, La Digue. La direction de l’œuvre a été confiée en septembre 1990 à la filiale de l’île Maurice, où l’on parle un créole identique.
Le Rwanda, la Suisse cachée de l’Afrique
Retournons sur le continent. Au nord du Burundi, tout aussi beau et vallonné, se niche, entre la Tanzanie, l’Ouganda et le Zaïre, l’État qui connaît la densité de population la plus forte d’Afrique, le Rwanda. Il s’étend sur 160 kilomètres d’est en ouest et du nord au sud, mais au cours des 20 dernières années sa population est passée de trois à plus de sept millions d’habitants. Le Rwanda produit certains des meilleurs thés du monde et abrite une grande partie des gorilles de la planète. C’est un pays composé de montagnes, de lacs et de plus de 10 000 collines, et qui revendique la propriété des sources supérieures du Nil.
Tout comme son voisin, le Burundi, le Rwanda est peuplé en majorité de Hutus et compte une minorité de grands Tutsis. Dans cette “Suisse cachée de l’Afrique”, la plupart des gens vivent dans de petites fermes entourées de plantations de bananes. (Voir Réveillez-vous! du 22 juin 1976.) Tous les habitants parlent kinyarwanda; les plus instruits connaissent aussi le français.
Comment la vérité vitale contenue dans la Parole de Dieu atteindrait-elle ce pays montagneux reculé? En 1969, le Collège central nomma quatre missionnaires diplômés de Galaad au Rwanda, mais leurs demandes d’entrée dans le pays furent rejetées, peut-être en raison de l’influence toujours forte de l’Église catholique.
L’année suivante, toutefois, deux pionniers spéciaux tanzaniens, Oden et Enea Mwaisoba, s’installèrent à Kigali, la capitale, et se mirent à prêcher. Ne connaissant pas le kinyarwanda, ils commencèrent par rendre visite aux personnes parlant swahili, originaires pour la plupart du Zaïre et de Tanzanie. En février 1971, quatre proclamateurs remettaient un rapport d’activité. Un changement de gouvernement amena une plus grande tolérance en matière de religion; mais la barrière de la langue entravait l’accroissement, car aucune publication n’était disponible en kinyarwanda.
D’autres pionniers du Zaïre et de Tanzanie vinrent en renfort. En 1974, le nombre des proclamateurs était passé à 19. Plus d’un millier de livres furent distribués en 1975. Cette année connut d’autres événements d’importance: un frère du bureau de la filiale de Nairobi effectua une visite dans le pays, six personnes furent baptisées et sept frères rwandais bénéficièrent de l’École du ministère du Royaume. Assurément, un bon fondement était posé en vue de l’expansion future. De petits groupes d’étude de la Bible apparurent en dehors de Kigali.
Un émigrant retourne au pays
Entre-temps, un Rwandais, Gaspard Rwakabubu, avait connu la vérité alors qu’il travaillait dans les mines de cuivre de Kolwezi, dans le sud du Zaïre. Il participa à la surveillance d’une congrégation de l’endroit et acquit ainsi une précieuse expérience sur le plan spirituel. Pourtant, son pays natal, le Rwanda, où presque personne n’avait jamais entendu la bonne nouvelle, était souvent l’objet de ses pensées et de ses prières.
Que pouvait-on faire pour remédier à la situation? Gaspard discuta avec un instructeur de l’École du ministère du Royaume qui était du reste missionnaire. L’instructeur lui demanda: “Pourquoi ne deviendrais-tu pas pionnier et ne retournerais-tu pas au Rwanda?”
Cette idée l’enchanta et ni une promotion dans son entreprise ni les propos dissuasifs de ses proches ne surent le retenir. Mais le soutien de Jéhovah était aussi manifeste. Non seulement les formalités furent expédiées en un temps record, mais de plus son employeur, la compagnie minière, lui offrit le billet d’avion pour le Rwanda. Il atterrit à Kigali en juin 1975. Ce déménagement avait demandé à frère Rwakabubu des sacrifices sur le plan matériel; il n’occupait plus sa grande maison de fonction, mais un modeste logement en terre séchée.
Son enthousiasme et sa connaissance de la personnalité des Rwandais contribuèrent aux progrès de la théocratie. D’autres Rwandais vinrent à la vérité, animés du même élan que frère Rwakabubu. À Kigali, l’assistance aux réunions augmentait toujours plus, et le nombre des proclamateurs grimpa de 29 en 1975 à 46 en 1976, puis à 76 en 1977. La première assemblée de circonscription se déroula dans la salle de séjour de frère Rwakabubu en présence de 40 personnes.
En 1976, fut produite la première publication en kinyarwanda, la brochure “Cette bonne nouvelle du Royaume”. Puis, en 1977, on fit une nouvelle tentative pour faire venir des missionnaires à Kigali. Deux couples purent entrer dans le pays, porteurs de visas temporaires. Après avoir longuement cherché ils trouvèrent un endroit convenable pour la maison de missionnaires. Si la maison était spacieuse elle ne disposait hélas! pas de l’eau courante. Les missionnaires en étaient donc réduits à prendre leur douche sous la gouttière. Chaque fois qu’il pleuvait, ils se précipitaient dehors pour disposer tous les récipients qu’ils trouvaient afin de recueillir l’eau de pluie. Un jour, au prix de maints efforts, ils réussirent à remplir la baignoire, pour découvrir ensuite que la bonde fuyait et que le précieux liquide avait pris le chemin de la canalisation!
Parler la langue du pays
Les missionnaires savaient que pour toucher le cœur des autochtones avec la bonne nouvelle, il leur fallait parler la langue du pays; ils se mirent donc sans tarder à apprendre le kinyarwanda. Ils firent de rapides progrès, au point d’étonner les fonctionnaires locaux, dont beaucoup étaient favorables au message du Royaume. Mais rapidement l’influence du clergé se fit sentir: les visas des missionnaires ne furent pas renouvelés. Après seulement trois mois passés dans le pays ils durent repartir pour le Zaïre.
Les pionniers spéciaux étrangers durent également quitter le pays pour diverses raisons. Les frères rwandais prirent la relève, entreprirent le service de pionnier et étendirent la prédication à toutes les préfectures du pays. Avec quels résultats? Les Témoins prêchèrent le message du Royaume sur plus d’une centaine de marchés. Qu’il était réjouissant de constater une telle progression après un départ aussi tardif!
Débordants d’enthousiasme pour la vérité, les Témoins rwandais désiraient connaître la joie de se retrouver avec des frères d’autres pays. En 1978, ils furent donc 30 à parcourir 1 200 kilomètres pour se rendre à Nairobi et assister à l’assemblée “La foi victorieuse”. Ce voyage posait plus d’un problème. Il fallait déjà compter avec des moyens de transport peu fiables. Mais il s’agissait également de traverser l’Ouganda, pays politiquement instable, ce qui signifiait des dizaines de contrôles sous la menace des armes aux barrages routiers, ponctués parfois d’arrestations et de menaces d’exécution. S’y ajoutaient les multiples ennuis mécaniques et difficultés douanières. En tout, le voyage pour Nairobi dura quatre jours. Mais ce fut une grande joie pour les frères de voir des milliers de compagnons chrétiens de différentes nations unis dans la paix lors de cette assemblée.
Des années troubles en Ouganda
Un pays voisin, l’Ouganda, ne résonnait pas de cris de joie au milieu des années 70. Il y régnait des conditions éprouvantes. Les missionnaires et les frères étrangers avaient été obligés de quitter le pays. Toute la population vivait dans la crainte quotidienne de la mort. Les difficultés économiques et l’interdiction qui pesait de nouveau sur les Témoins de Jéhovah depuis 1975 ne faisaient qu’ajouter aux malheurs dont étaient victimes les frères. Un appel en vue de faire lever l’interdiction échoua, bien que le gouvernement ait plaidé pour la liberté religieuse.
En ces années-là, celui qui n’était pas en règle avec la loi n’encourait pas un procès mais bien plutôt la torture et la mort. Il n’y avait pas de place pour les faibles. Seul un courage d’acier permettait de demeurer un témoin du vrai Dieu. En raison de la détérioration de l’économie, les soucis d’ordre matériel obnubilaient de plus en plus l’esprit des gens, et l’inclination à l’immoralité n’avait pas non plus disparu. Les Témoins devaient donc livrer bataille sur plusieurs fronts. Parmi les difficultés rencontrées figuraient la crainte de l’homme, le matérialisme, l’immoralité et le spiritisme. Cela entraîna une baisse du nombre des proclamateurs; de 166 en 1976 il retombait à 137 en 1979. Ce repli pouvait en partie s’expliquer par l’exode que connaissait le pays. Plus d’un proclamateur sur quatre avait quitté le pays. Néanmoins, de nombreuses personnes qui respectaient Dieu et qui étaient bien disposées envers les Témoins demeuraient sur place.
Ces années furent éprouvantes pour tous les habitants de l’Ouganda, mais d’autant plus pour les Témoins dont l’œuvre était interdite. Fort heureusement, l’interdiction n’était pas appliquée strictement partout. En certains endroits, les pionniers spéciaux pouvaient poursuivre leur activité qui, en fait, s’intensifia. Des pionniers spéciaux furent nommés dans des villes du Nord, et bientôt de nouvelles congrégations étaient formées. À Soroti, ville du Nord-Est, le préfet permit même que l’une des meilleures écoles de la commune serve aux réunions de la congrégation, malgré l’interdiction!
Toujours est-il qu’à Kampala, deux frères furent arrêtés alors qu’ils prêchaient et furent incarcérés à la prison la plus célèbre du pays. Leurs amis craignaient de ne plus les revoir mais, par bonheur, ils furent libérés au bout d’une semaine. À Lira, trois frères purgèrent des peines de trois mois de prison pour avoir prêché.
La disparition de parents ou de voisins, les tirs nocturnes, les magasins vides, une inflation à trois chiffres et la désorganisation des transports en commun, tout cela constituait le lot quotidien de la population. Des centaines de personnes attendaient à l’arrêt de bus, prêtes à s’engouffrer dans des véhicules prévus pour seulement huit passagers. Les tarifs réglementaires étaient tout bonnement ignorés. Le paiement des “billets” s’effectuait généralement de la façon suivante: le véhicule s’arrêtait dans un endroit isolé, et chaque passager payait son trajet, le montant étant laissé à la discrétion du chauffeur.
Les publications envoyées de Nairobi et les visites des frères de la filiale étaient comme une manne venant du ciel — une nourriture spirituelle arrivant à point nommé et une source d’encouragement pour les Témoins d’Ouganda. Certains purent, malgré tous les obstacles, se rendre aux assemblées de district du Kenya. De petites assemblées continuaient aussi d’être organisées localement; lors d’un tel rassemblement, une femme fut baptisée le lendemain de son accouchement.
Soutenus par Jéhovah
Ceux qui restèrent pionniers en ces circonstances difficiles étaient de remarquables exemples de foi. Anna Nabulya, sœur âgée de Masaka, était du nombre. L’École pour les pionniers à laquelle elle assista au Kenya fut un des moments marquants de sa vie. Elle venait aux cours parée de son élégant costume ougandais à larges fleurs et se réjouissait vivement de la richesse des matières et des conseils pratiques présentés.
Des proches de sœur Nabulya insistèrent pour qu’elle ne reparte pas en Ouganda, mais s’installe plutôt chez eux, pour échapper ainsi aux difficultés économiques, aux dangers et autres inconvénients. Elle fut inflexible. Elle voulait retourner prêcher en Ouganda, où les gens avaient besoin du message réconfortant de la bonne nouvelle. Elle expliqua: “Malgré le handicap du grand âge, j’emploierai le peu de force qu’il me reste à aider mes compatriotes à nouer de bonnes relations avec Jéhovah.” Elle revint donc en Ouganda où elle servit ses concitoyens ainsi que son Dieu fidèlement jusqu’à sa mort.
On trouve un autre exemple de foi dans le cas de ce pionnier qui prêcha courageusement à tous les soldats et à tous les policiers dans le territoire isolé où il se trouvait. Lorsqu’à court d’argent il n’était plus en mesure de se payer du bois pour faire sa cuisine, il brûlait des chaises et d’autres meubles jusqu’à ce que lui parviennent de l’argent et les précieuses publications dont il avait tant besoin. Les habitants de son territoire étaient si affamés dans le domaine spirituel qu’il pouvait aisément distribuer 40 à 50 livres par jour.
Les Témoins étaient toujours harcelés, arrêtés et interrogés, mais ils persévéraient. Jéhovah accordait à ses serviteurs “la langue des enseignés” et ils témoignaient hardiment devant les autorités. — Ésaïe 50:4.
Les veuves encouragèrent fortement nombre de Témoins de Kampala. Non seulement elles avaient connu la douleur de perdre leur mari, mais elles avaient également été dépouillées de leurs biens. Pourtant, elles accordaient la première place aux intérêts de Jéhovah, se dépensaient dans le ministère chrétien, et léguaient de précieuses valeurs à leurs enfants. Elles firent connaître la vérité à leurs voisins et eurent la joie de voir plus tard les enfants de certaines personnes qui avaient étudié avec elles devenir pionniers. (Voir La Tour de Garde, édition anglaise du 15 février 1985, pages 27-31.) Jéhovah bénissait l’activité zélée de ces adoratrices fidèles, et le nombre des proclamateurs augmentait.
Djibouti — chaud et sec
Face à la pointe sud-ouest de la péninsule Arabique, entre l’Éthiopie et la Somalie, se situe un petit État, Djibouti, anciennement Côte française des Somalis. Il abrite une importante base de la marine nationale française. La capitale, également appelée Djibouti, est donnée dans certains ouvrages comme la ville la plus chaude au monde. Malgré un cadre désertique, ce petit pays présente des particularités attrayantes, surtout au large, où de superbes récifs coralliens regorgent d’animaux marins.
C’est ici que la vallée du Rift, qui descend du Liban par la mer Rouge, pénètre dans le continent africain. Les lacs Assal et Abbé sont entourés de sites naturels fascinants: concrétions salines ou gypseuses, aiguilles calcaires, sources chaudes et plans d’eau multicolores.
Plus de la moitié de la population appartient à la tribu des Afars, dont les territoires s’étendent jusque dans le désert des Danakils, en Éthiopie. L’autre tribu, les Issas, un peuple somali, habite la capitale, proche de la Somalie. La température qui y règne rend les gens léthargiques, à tel point qu’il leur arrivera de prendre le bus pour faire 100 mètres. Beaucoup sont consommateurs de khat, drogue légèrement euphorisante tirée des feuilles d’un arbuste poussant sur les hautes terres du Yémen, d’Éthiopie et du Kenya. En fait, les après-midi sont d’ordinaire consacrés à la consommation du khat, et les autres activités sont alors suspendues. Les habitants sont dans leur majorité musulmans et parlent français, arabe, somali et afar.
Le premier prédicateur de la bonne nouvelle de Djibouti fut Claudine Vauban, sœur française dont le mari était militaire. Dans ce pays musulman il ne faisait pas bon sortir seule pour une femme blanche. Mais cela n’entrava pas l’activité de sœur Vauban. Elle continua de prêcher et dirigea deux études bibliques durant les trois années passées à Djibouti. Deux ans plus tard, à la fin de 1977, un jeune djiboutien qui avait commencé à étudier en France rentrait au pays. Il eut toutefois des problèmes spirituels et dut ultérieurement être exclu.
En 1978, une sœur éthiopienne réfugiée s’installa à Djibouti. Elle apprit par la suite le français et demeura fidèle malgré de longues périodes durant lesquelles elle ne pouvait côtoyer aucun autre Témoin. Elle était stimulée par les visites de frères français ou éthiopiens. Mais ces visites n’étaient que sporadiques. Par contre, en 1981, Jean-Gabriel Masson, jeune serviteur ministériel français, arriva en compagnie de Sylvie, sa femme, afin d’apporter son aide dans ce territoire. C’était un pari courageux pour les Masson, car ils allaient se retrouver isolés, ils ne connaissaient la vérité que depuis peu, le climat était pénible et la vie très chère.
Leur prédication organisée a bientôt porté du fruit. Plusieurs réfugiés éthiopiens acceptèrent la vérité avant de quitter Djibouti pour d’autres pays. En 1982, Djibouti comptait six proclamateurs et 12 personnes étaient présentes lors du Mémorial. Deux mois plus tard, trois baptêmes eurent lieu pendant la visite d’un surveillant de circonscription français.
À l’époque, les réunions se tenaient dans la cour de la petite maison des Masson, parfois dans des conditions assez pittoresques. Un jour, un frère venu de Nairobi prononçait un discours lorsque deux chats se mirent à se battre dans les plantes grimpantes qui s’accrochaient au treillis couvrant la cour. Le vacarme devint étourdissant et, naturellement, plus que gênant, jusqu’à ce que les deux auteurs du chahut tombent du treillis et atterrissent devant l’orateur! Pour couronner le tout survenait peu après une panne de courant qui plongea l’assistance dans l’obscurité la plus totale. La réunion put quand même s’achever normalement. L’assistance aux réunions passa à 18 personnes. Chose surprenante, malgré le peu d’assistants, les réunions se tenaient en quatre langues: l’anglais, le français, l’amharique et le somali.
Un moine prend position
Frère Masson avait du mal à trouver du travail, mais il finit par obtenir un poste dans l’enseignement. À l’école, il rencontra Louis Pernot, moine catholique et chef de l’établissement, qui vivait là depuis au moins 20 ans. Comme Louis était très intéressé par les vérités bibliques, frère Masson l’invita à assister au Mémorial. “Impossible, répondit Louis. Dans Djibouti tout le monde me connaît. Je ne peux pas me permettre d’assister à une réunion des Témoins de Jéhovah!”
Frère Masson eut néanmoins une idée. Il proposa à Louis de venir chez lui durant la sieste, quand tout Djibouti est assoupi sous un soleil de plomb. Il pourrait alors s’asseoir dans la chambre à coucher, derrière le rideau, et attendre que la réunion débute. Personne ne se douterait de sa présence, et il pourrait rentrer discrètement chez lui après la réunion, protégé par l’obscurité.
Et il en fut ainsi; Louis assista à sa première réunion assis derrière un rideau, dans la chambre à coucher des Masson! Même s’il n’avait pas saisi toutes les explications bibliques fournies, il fut favorablement impressionné par la qualité du discours biblique.
Frère Masson l’encouragea ensuite à choisir un de ses livres et à l’emporter pour le lire. Comme Louis était enseignant, il opta pour le livre Votre jeunesse — Comment en tirer le meilleur parti. Il s’était souvent demandé pourquoi sa religion ne proposait pas de renseignements précis pour aider les jeunes aux prises avec les difficultés du monde actuel. Il se disait que la religion qui émane vraiment de Dieu devrait donner aux jeunes des conseils sensés qui ne transigent pas avec Sa parole. Louis entama la lecture du livre Jeunesse le soir même. Il ne s’arracha qu’avec grand-peine de ce livre. Le lendemain, il annonçait à frère Masson qu’il avait trouvé la vérité. La même semaine il démissionna de sa fonction de moine et se retira de l’Église catholique!
Ce fait fit naturellement grand bruit et, peu de temps après, frère et sœur Masson étaient priés de quitter la petite république. C’était un mauvais coup porté aux Témoins locaux, puisque 44 personnes avaient assisté au Mémorial. Frère Masson fit appel de la décision et obtint un sursis d’un mois, après quoi il partit pour le territoire français de Mayotte, dans l’océan Indien.
Jusqu’à son départ, frère Masson étudia chaque jour avec Louis, qui comprit alors qu’il lui faudrait par la suite voler de ses propres ailes. Après le départ des Masson, un pionnier se déplaçait à Djibouti pour aider spirituellement Louis.
Il se trouve que pour diverses raisons il y avait un va-et-vient incessant parmi les Témoins. Lorsque Louis fut baptisé, il dut pour cette raison tenir ferme malgré un certain isolement spirituel qui dura des années. Il se faisait de temps à autre arrêter par la police qui le soumettait à un interrogatoire et lui conseillait de cesser sa prédication. Mais il ne céda jamais à la peur; il fut même pionnier auxiliaire. Il perdit finalement son emploi en raison de sa foi. Louis remit les choses entre les mains de Jéhovah, continua d’aller de l’avant et finit par trouver un autre moyen de subvenir à ses besoins.
Actuellement, le petit groupe de proclamateurs de Djibouti continue de présenter les vérités bibliques à la population. Des Témoins d’autres pays sont récemment venus s’installer à Djibouti, ce qui a contribué à imprimer un nouvel élan à la prédication sur la côte ouest du golfe d’Aden.
Efforts renouvelés en Somalie
En raison du départ des missionnaires Vito et Fern Fraese, en 1963, le témoignage en faveur du Royaume ne fut plus donné distinctement pendant des années en Somalie. C’est alors qu’un frère européen né en Somalie vint à la fin de 1980 pour passer des vacances dans le pays. Durant son séjour, il prit note des personnes qui s’intéressaient à la bonne nouvelle. Ces gens furent ultérieurement soutenus par les visites régulières de différents Témoins étrangers.
Un frère italien vint par la suite travailler sous contrat dans le bâtiment à Mogadiscio, la capitale. L’enthousiasme de ce frère palliait son manque d’expérience. Avec quelque témérité, il parlait de la bonne nouvelle à tous ceux qu’il rencontrait, même aux musulmans. Un musulman d’une cinquantaine d’années écouta avec beaucoup d’attention. Il discerna la lumière de la vérité. Cet homme qui avait beaucoup voyagé était ouvert d’esprit et accepta d’étudier la Bible. Le frère italien dut quitter le pays lorsque son contrat vint à expiration. Toutefois, une autre famille italienne débarqua en Somalie et continua de s’occuper de cet homme.
À cette époque, une femme qui s’était intéressée à la vérité en Europe retourna dans son pays en compagnie de son mari. Elle entra en contact avec les Témoins. Un petit groupe se forma donc. Des réunions furent organisées et le groupe bénéficia des visites de surveillants de circonscription. Finalement, en 1987, cette femme fut baptisée. Elle était rayonnante de joie. Il lui avait fallu de nombreuses années pour arriver à ce stade. Ses fréquents déménagements d’un pays à l’autre lui demandaient à chaque fois d’apprendre une nouvelle langue, ce qui ralentissait ses progrès spirituels. Mais elle ne se laissa pas rebuter. Elle dirigea bientôt des études bibliques et fut comblée de voir un couple se joindre à elle pour louer Dieu. Cette femme fut le premier Témoin d’origine somalienne.
Malheureusement, les conditions économiques et politiques se détériorèrent tant que de nombreux étrangers et même des autochtones s’expatrièrent. À la fin de 1990, tous les proclamateurs étaient partis; peut-être était-ce providentiel, car, en 1991, la guerre civile ravagea le pays et les meurtres à l’aveuglette semèrent la terreur à Mogadiscio.
La Somalie ne fut pas le seul pays déchiré par la révolution. Une vingtaine d’années auparavant, l’Éthiopie avait connu la tourmente d’une guerre intestine.
La révolution éthiopienne
En 1974, l’empire éthiopien se disloqua. Désireux de promouvoir une nouvelle idéologie, les militaires déposèrent l’empereur vieillissant et introduisirent des réformes radicales. Les jeunes engagés dans la révolution goûtaient pour la première fois de leur vie à ce sentiment de puissance que procure le port d’une arme qui tue instantanément. Le couvre-feu fut imposé et les slogans comme “L’Éthiopie d’abord” fusaient. Aucune opposition politique n’était tolérée.
Ces événements survinrent alors que l’avenir s’annonçait prometteur pour les serviteurs de Jéhovah d’Éthiopie. Un maximum de 1 844 proclamateurs fut atteint en 1974, et le livre Vérité fut traduit en amharique. L’assistance au Mémorial s’éleva à 3 136 personnes. L’activité des Témoins s’étendait pour la première fois à toutes les provinces d’Éthiopie, grâce à la collaboration de pionniers spéciaux nouvellement nommés. Mais la situation était instable. Certaines congrégations pouvaient se réunir ouvertement, alors que des pionniers spéciaux étaient incarcérés.
La guérilla se poursuivait au nord, dans la province d’Érythrée. La congrégation de Cheren était coupée du reste du monde. Il n’y avait dans la ville ni eau, ni nourriture, ni électricité. Le couvre-feu s’étendant du coucher au lever du soleil, comment les Témoins pourraient-ils célébrer le Mémorial, qui ne peut commencer qu’après le coucher du soleil? Cette célébration constitua un événement inhabituel, car tous les Témoins durent arriver de bonne heure, avant le soleil couchant, prêts à passer la nuit sur le lieu de réunion, jusqu’à l’interruption du couvre-feu à l’aurore. Les frères gardèrent un excellent souvenir de cette nuit mémorable passée en compagnie fraternelle.
Les Témoins connurent d’autres événements heureux. En 1975, les anciens d’Éthiopie assistèrent à un cours de l’École du ministère du Royaume, le premier depuis neuf ans. L’assemblée de circonscription rassembla plus de 2 000 personnes. Les frères reçurent l’autorisation de faire entrer des publications dans le pays. Un chargement de sept tonnes, comprenant 40 000 livres, parvint à Addis-Abeba. L’année d’après, en 1976 donc, la ville d’Asmara connut une période de tranquillité, la guérilla s’étant calmée, et l’École du ministère du Royaume put se tenir. Les Témoins de l’endroit relatèrent que les accrochages et les tirs de roquettes reprirent dès la fin de l’École.
La terreur rouge!
De gros ennuis s’annonçaient à l’horizon pour les Témoins. Au début de 1976, le gouvernement publia une circulaire attaquant les Témoins de Jéhovah. Vers le milieu de l’année débuta la terreur rouge dirigée contre les ennemis de la révolution. Les adorateurs de Jéhovah se trouvaient eux aussi dans la ligne de mire. Ils furent faussement accusés d’être des ennemis, ce qui entraîna des arrestations.
L’Église orthodoxe d’Éthiopie a dû s’en frotter les mains! Elle profita de l’occasion pour s’en prendre aux Témoins. Au sud de la capitale, dans la petite ville de Mojo, les prêtres rassemblèrent une foule de 600 personnes pour attaquer et tuer les Témoins, mais la police les empêcha de mener à bien leur projet. Des troubles semblables eurent lieu à Bahir Dar, là où le Nil Bleu prend sa source.
Dans tout le pays les maisons des frères furent perquisitionnées avec une minutie sans précédent. La police retourna même la terre des jardins et arracha les planchers à la recherche de publications bibliques, de machines à écrire ou d’autres fournitures.
À Asmara, les policiers arrêtèrent un pionnier spécial qui venait d’une région ravagée par la guérilla. Ils le fouillèrent et trouvèrent son rapport d’activité. Sur la note figuraient diverses abréviations manuscrites qui les intriguèrent. Ils obligèrent le pionnier à les conduire chez le surveillant de ville, Gebregziabher Woldetnsae. Espérant mettre la main sur un des chefs de la guérilla, ils envoyèrent plusieurs camions de soldats armés sur le lieu de travail de frère Gebregziabherf. Ils encerclèrent son bureau et y pénétrèrent armes au poing. Ils appelèrent frère Gebregziabher, s’emparèrent de lui et l’emmenèrent. Ses collègues de travail étaient persuadés de ne plus jamais le revoir.
Au quartier général de l’armée, les soldats interrogèrent frère Gebregziabher. Il répondit sans détour à toutes leurs questions et expliqua en quoi consiste notre activité, donna la signification des mystérieuses abréviations “PÉR., N.V., É.B.”, etc. Il s’agissait tout simplement de notes faisant état de l’activité qu’avait déployée en prédication le pionnier spécial durant le mois, comme le nombre de périodiques distribués, de nouvelles visites effectuées et d’études bibliques dirigées. Ils l’assaillirent de questions: “Comment! Vous prétendez que ça ne concerne pas des armes, des munitions? Vous n’allez quand même pas nous faire croire ça! Pourquoi employez-vous un tel code?”
La sincérité et l’obligeance de frère Gebregziabher les impressionna favorablement, mais ils n’étaient pas encore convaincus. L’officier lui demanda finalement: “Qu’est-ce qui nous dit que vous êtes bien Témoin de Jéhovah?” Le frère chercha dans ses affaires, mais ne trouva rien qui pouvait l’identifier clairement, jusqu’au moment où... mais oui, voilà! Cachée par d’autres choses, une carte portait ces mots “Pas de sang”. Quand l’officier la vit, il dit: “C’est bon. Vous pouvez disposer.” Lorsque notre frère réapparut à son travail, ses collègues crurent qu’il avait été ressuscité!
Dénouement inattendu
À Asmara, quelques frères s’étaient réunis dans une maison. Des jeunes ayant repéré l’endroit allèrent immédiatement en informer la police. Ils expliquèrent qu’il y avait deux pavillons, et que devant l’un d’eux jouait une petite fille. C’est dans cette maison que les Témoins étaient réunis!
La police voulut s’emparer des Témoins. Mais dans l’intervalle, la petite fille avait changé de place. Elle était allée jouer devant l’autre pavillon. La police fit donc irruption dans cette maison et tomba sur une petite réunion de famille. Les policiers étaient embarrassés. Ils retournèrent au poste furieux, pensant s’être fait berner par le groupe de jeunes.
Le climat politique et social ne jouait pas en faveur des Témoins. Les gens étaient invités à rabâcher des slogans politiques, à participer aux élections et à fournir de l’argent, de la nourriture et du matériel au titre de l’effort de guerre. Pourtant, au milieu de toute cette agitation, de précieuses publications bibliques étaient introduites en Éthiopie grâce à l’action de frères courageux.
Des bergers dévoués
Du fait de la guérilla, plusieurs congrégations d’Érythrée étaient coupées du reste du monde. Mais des bergers spirituels prenaient soin des frères. Pour se rendre à Cheren, un surveillant de circonscription parcourut 92 kilomètres dans un convoi de ravitaillement. Essayez de vous représenter ce convoi de 100 camions, escortés par cinq chars et 30 véhicules blindés légers.
En chemin, la guérilla encercla le convoi et de violents combats éclatèrent. Les assaillants avaient pour intention de s’emparer du chargement, comme déjà souvent par le passé. Après un violent accrochage d’une demi-heure, le convoi força les lignes ennemies et s’éloigna. Le surveillant de circonscription put donc rencontrer et édifier les frères de la congrégation isolée de Cheren.
Au moment du retour, par contre, aucun convoi n’était prévu, et aucun autre moyen de transport n’était disponible. La seule solution consistait à repartir à pied, ce qui était extrêmement dangereux. Le trajet dura trois jours, avec de longues marches de nuit.
En cette période de troubles, des proclamateurs, dont certains étaient bien en vue, se retirèrent de la congrégation chrétienne. Il en est qui sombrèrent dans l’inactivité, tandis que d’autres quittèrent le pays. Il en résultat une baisse du nombre des proclamateurs.
En 1979, 80 frères se trouvaient en prison en raison de leur position de neutralité. En avril de cette année, le surveillant de ville d’Asmara, Gebregziabher Woldetnsae, perdit la vie dans un tragique accident, alors qu’il se rendait dans un secteur assiégé. Malgré toutes ces nouvelles décourageantes, ceux qui enduraient fidèlement ont toujours pu constater le soutien attentionné de Jéhovah.
La foi subit un affinage supplémentaire
Une fois passée la première phase de la révolution, le pays revenant doucement à une activité normale, les habitants ressentaient un certain vide spirituel. Ils avaient vu de leurs propres yeux leurs Églises se compromettre et perdre peu à peu le soutien du peuple. Certains Témoins aussi devinrent instables spirituellement. Il fut malheureusement nécessaire de démettre 23 anciens et serviteurs ministériels de leurs fonctions en 1981. Ils étaient devenus irréguliers dans leur ministère. Il s’ensuivit de grands changements dans les congrégations, mais fort heureusement la plupart de ces frères ont depuis retrouvé leurs responsabilités dans la congrégation.
D’autres difficultés, dont de graves famines, sont survenues par la suite. Mais en fait, ces années d’épreuves ont forgé chez nos frères éthiopiens une foi solide, éprouvée. — 1 Pierre 1:6, 7.
Le Soudan: accroissement en période difficile
Au Soudan, deux ans ont été nécessaires, d’août 1974 à 1976, pour atteindre le nouveau maximum de 101 proclamateurs. Cette période a été ponctuée par des moments de grande tension. Les tentatives de coup d’État se succédaient et un climat de suspicion politique se généralisait. De temps à autre, les proclamateurs et les anciens étaient soumis à des interrogatoires par la police. Les difficultés économiques, flambée des prix et pénuries, engendraient des préoccupations d’ordre matériel dont beaucoup ne savaient faire abstraction. Le chiffre des proclamateurs progressa donc lentement. Le maximum atteint en avril 1981 n’était que de 102.
Au sud, deux difficultés conjointes entravaient les visites régulières des surveillants de circonscription aux congrégations: les combats de guérilla, les pénuries de carburant qui pouvaient neutraliser les transports à tout moment. À cela venait s’ajouter la question du mode de transport. Parfois il s’agissait de s’entasser à l’arrière d’un camion, pour s’y faire secouer toute une journée, ou dans un train bondé se traînant à dix kilomètres à l’heure, en partageant sa place avec un autre passager, le toit du wagon étant investi par des resquilleurs. Les déplacements par la voie des airs n’avaient rien non plus d’une promenade de santé. Cela signifiait parfois attendre toute une semaine qu’un avion arrive, et être averti moins d’une heure avant le départ. Mais les congrégations appréciaient au plus haut degré ces visites de surveillants de circonscription. Leur joie et leur hospitalité dépassaient l’entendement.
En 1982 se dessina un esprit pionnier, qui eut pour conséquence un flot de bénédictions. En cinq ans, le nombre des pionniers passa de 7 à 86. On compta 39 % des proclamateurs dans le service à plein temps durant l’un des mois les plus chauds de l’année, avec des températures moyennes en milieu de journée de plus de 40 °C. En 1987, les proclamateurs étaient plus de 300, et près de 1 000 personnes assistèrent au Mémorial. Les proclamateurs consacraient en moyenne 20 heures à la prédication chaque mois.
Nombre de jeunes hommes progressèrent rapidement sur le plan spirituel et purent être nommés serviteurs ministériels et par la suite anciens, ce qui contribua plus encore à l’affermissement des congrégations. Finalement, en 1987, une congrégation fut fondée de l’autre côté du Nil, dans la ville historique d’Omdurman. Le territoire de la congrégation comptait un million d’habitants. Un groupe de Témoins fut également constitué à Port-Soudan.
Les plus nombreux à venir à la vérité restaient toutefois les habitants du Sud, de grands individus de stature athlétique, au teint foncé, dont le visage et le corps sont marqués d’incisions et de dessins ornementaux. Des Soudanais du Nord ou des gens de souche égyptienne ont aussi accepté la vérité, et des réfugiés de divers pays ont perçu l’éclat de l’espérance que Dieu offre à l’humanité. Ces différents groupes ont tous démontré leur zèle et leur endurance au service de Jéhovah. La prédication implique souvent de longues marches sous un soleil de plomb. L’organisation des réunions demande de l’ingéniosité, car l’œuvre n’est toujours pas reconnue légalement.
Ils goûtent au pain de vie de Dieu
En 1983, les fondamentalistes musulmans introduisirent au Soudan la Sharīʽa, ou loi islamique. Les ennemis des serviteurs de Jéhovah profitèrent de ce contexte religieux tendu pour attirer l’attention sur les Témoins qui durent alors se réunir en comités restreints.
Il a été beaucoup question ces dernières années de la terrible sécheresse qui a sévi au Sahel et donc, entre autres, au Soudan. Elle est survenue à une époque où la guerre civile reprenait de plus belle, ce qui a plongé le pays dans la famine et les souffrances. Elle a cependant eu des effets secondaires intéressants: de nombreux jeunes des régions les plus reculées du Soudan ont afflué dans la capitale. C’est là qu’ils ont goûté au pain de vie de Dieu qu’ils n’auraient pas connu dans leur contrée natale isolée (Jean 6:35). L’accroissement s’est donc accentué.
Famine physique, mais abondance spirituelle
En 1988, des conditions météo épouvantables ont entraîné des pluies diluviennes sans précédent sur la région de Khartoum, laissant des milliers de sans-abri et provoquant même quelques morts. Des dizaines de familles de Témoins ont été durement touchées. Un père de famille s’est tenu dehors dans l’obscurité la plus totale, maintenant son fils hors des flots tandis que l’eau montait jusqu’à ses hanches. Des lampadaires s’effondraient, les maisons en terre s’écroulaient et les fosses septiques s’affaissaient, se transformant du coup en autant de puits invisibles et provoquant la contamination de l’eau. Les routes inondées isolaient des quartiers entiers de la ville. Beaucoup d’automobiles furent irrémédiablement embourbées. Les nouveaux “plans d’eau” qui s’étaient formés mirent de nombreux jours à se résorber.
Les anciens ne reculèrent pas devant le danger pour apporter leur aide. Ils se mirent promptement en route pour retrouver leur troupeau dans la tourmente. Des opérations de secours furent rapidement entreprises. Le Collège central veilla à ce que d’autres dispositions encore soient prises. Le plus surprenant fut que la prédication se poursuivit malgré tout avec zèle.
Mais une tourmente d’un autre genre secoua le Soudan. Un coup d’État entraîna un changement de gouvernement et renforça le pouvoir de la communauté islamiste. La guerre civile incessante, les sécheresses et la réduction des importations ébranlèrent profondément l’économie du pays. La famine continue de faucher des vies parmi la population des grandes villes.
Juba, la principale ville du Sud, vit sa population gonfler à plus d’un quart de million en raison de l’exode provoqué par la famine et la guerre. L’étau de la guérilla finit néanmoins par se resserrer autour de Juba. Durant des périodes prolongées, la ville fut donc coupée du reste du monde. Les secours sont souvent parvenus à nos compagnons chrétiens à la dernière minute, juste avant que leur stock ne soit épuisé.
Malgré cela, la formation des pionniers, toujours plus nombreux, se poursuivait, tout comme les réunions. L’approvisionnement en nourriture spirituelle ne fut pas interrompu. Alors que la vérité continuait de s’étendre dans le Sud, de nouveaux groupes et de nouvelles congrégations étaient formés dans une ville après l’autre.
Dans ce contexte extrêmement difficile, des événements surprenants se produisirent en 1990. Tout d’abord, une province du Sud reconnut légalement les Témoins de Jéhovah.
Un non-Témoin donne le témoignage
Puis, le 2 novembre, un conférencier musulman mondialement connu parla en termes très élogieux des Témoins de Jéhovah lors d’un séminaire rassemblant de nombreux hauts fonctionnaires du gouvernement. Il leur expliqua nos croyances, notre position de neutralité dans les questions politiques, notre effort d’instruction publique et les bienfaits de notre œuvre pour la population en général. Pour couronner le tout, son discours fut diffusé en intégralité à la télévision le dimanche suivant, ce qui fut un témoignage pour des gens de toutes couches sociales et sur une échelle inespérée. Quelles furent les conséquences de ce magnifique témoignage? On entendit de nombreux commentaires favorables, les malentendus étaient tirés au clair et un plus grand intérêt pour la vérité se manifesta. En fait, les fonctionnaires étaient même encouragés à imiter l’esprit d’abnégation des Témoins de Jéhovah.
Les Témoins soudanais continuent assurément de chercher d’abord le Royaume de Dieu; ils consacrent avec joie près de 20 heures en moyenne à la prédication chaque mois. C’est ainsi que, malgré de nombreuses tribulations, dont la famine persistante, la vérité à propos du Royaume de Dieu, seule solution durable aux problèmes de l’humanité, est prêchée au Soudan avec une ampleur jamais atteinte auparavant.
Le Yémen — sur la route de l’oliban
Il y a quelques années, une sœur soudanaise très dévouée eut la possibilité de faire briller sa lumière dans un pays très fermé: le Yémen, dans l’angle sud-ouest de la péninsule Arabique. Cette région était du temps du sage roi Salomon le point de départ de la route de l’oliban qui traversait probablement le territoire de la reine de Schéba. Outre notre sœur, quelques autres Témoins étrangers se trouvaient au Yémen dans le cadre de contrats de travail. Grâce à l’aide de Jéhovah, ils purent se rencontrer. De façon discrète ils parlaient à autrui de leur foi et trouvèrent des personnes qui désiraient étudier la Bible.
L’islam est encore puissant dans ce pays montagneux, régi par des traditions séculaires. La plupart des femmes sont voilées et les hommes arborent fièrement leur poignard à la ceinture. On a appris avec tristesse qu’un frère africain d’une cinquantaine d’années, en bonne santé, est décédé brusquement un soir. Les raisons de sa mort restent obscures. Malgré tout, la prédication continue.
En 1986, 15 personnes ont assisté au Mémorial. Depuis, certains ont quitté le pays. Les rapports sur l’activité et l’assistance aux réunions sont incomplets, mais les réunions ont toujours lieu. Une sœur originaire d’un autre pays, bien qu’isolée des autres proclamateurs, dirige plusieurs études bibliques. Ainsi donc, en accomplissement de la prophétie de Matthieu 24:14, dans ce pays également un certain témoignage est donné.
Le Yémen fait face, sur l’autre rive de la mer Rouge, à un pays où à la fin des années 70 prêcher pouvait coûter la vie.
Les hommes d’intégrité d’Éthiopie
En Éthiopie, l’opposition du gouvernement devint implacable. Les autorités prononcèrent la peine de mort contre deux frères, mais ils ne furent pas exécutés. On a intimé à des Témoins l’ordre de transiger avec leur conscience, allant jusqu’à leur appliquer un pistolet sur la tempe.
Les difficultés économiques ont conduit à l’accomplissement quasi littéral de la prophétie de la Révélation prédisant que ‘personne ne pourrait acheter ou vendre, sauf celui qui a la marque, le nom de la bête sauvage ou le nombre de son nom’. (Rév. 13:17.) Il devint difficile de se procurer une Bible. L’emprise de l’État sur la vie des gens devint de plus en plus oppressante. Des visas étaient indispensables pour se déplacer à l’intérieur du pays. Hommes, femmes et enfants furent enrégimentés dans des organisations politiques.
En mars 1978, Wubie Ayele mourut sous les coups pour son attachement aux principes des Écritures. Dans les mois qui suivirent, Ayele Zelelew, pionnier et ancien, ainsi que Hailu Yemiru, un autre proclamateur, furent tués, et leurs corps furent exposés toute une journée dans une rue d’Addis-Abeba, à la vue de tous.
La tension montait. Les Témoins étaient harcelés par la radio, les journaux et la police. Par moments, plus d’une centaine de frères étaient incarcérés. Certains furent libérés, dont ceux qui avaient subi deux ans et demi d’incarcération ainsi que la torture. Quelques-uns avaient trouvé le moyen d’être pionniers auxiliaires en prison!
Un complot haineux fut alors fomenté: l’extermination des Témoins de Jéhovah. Certains Témoins qui en eurent vent furent saisis par la crainte de l’homme. À cela venait s’ajouter la débâcle économique: la viande et les céréales se faisaient rares, de même que les pneus, le carburant et d’autres fournitures de première nécessité.
Plus d’une centaine de Témoins sont demeurés fidèles malgré la perte de leur emploi — une rude épreuve pour la foi d’hommes qui avaient une famille nombreuse à nourrir. Mais il était émouvant de voir les Témoins qui travaillaient encore soulager le fardeau économique de leurs frères démunis, belle expression d’amour inspirée de l’exemple des premiers chrétiens (Actes 4:32). Les Témoins avaient besoin sur le plan spirituel de beaucoup de conseils et d’encouragements pour affronter ces situations terribles, et cela leur fut prodigué sous la direction de Jéhovah.
Résolument courageux
Les arrestations et les épreuves se poursuivirent. Un pionnier spécial a été arrêté à 15 reprises depuis 1972. Même des enfants de 14 ans ont été emprisonnés, certains pendant plus de quatre années. Mais ils ne firent pas de compromis! S’y ajoutèrent les conscriptions destinées à soutenir l’effort de guerre. Les jeunes femmes aussi étaient à présent concernées. De nombreux Témoins profitèrent de leur détention pour être pionniers auxiliaires et aider d’autres prisonniers à connaître les vérités bibliques. Une sœur put quitter momentanément la prison pour accoucher, après quoi elle fut obligée de réintégrer sa cellule.
Un frère courageux qui voyageait en voiture dans la campagne se rendit soudain compte qu’il avait oublié de dissimuler son carton de publications bibliques. Il était posé sous le tableau de bord du véhicule, s’offrant à la vue de tous. Il pria pour trouver une cachette satisfaisante, mais il ne trouva pas d’endroit assez sûr à son goût pour enfouir cet encombrant chargement. Il ne lui restait plus qu’à le laisser à sa place et à s’en remettre à Jéhovah. On imagine sans peine la stupéfaction de ce frère, qui franchit neuf barrages routiers, dont certains s’accompagnaient d’une fouille minutieuse de la voiture, sans qu’un seul fonctionnaire ne s’intéresse à ce carton!
En décembre 1982, six Témoins furent arrêtés en raison de leur position de neutralité chrétienne. Ces hommes aussi firent preuve de grand courage et aidèrent de nombreux détenus à se saisir de l’espérance du Royaume. Au bout de trois ans passés en prison, on les emmena: on ne devait plus jamais les revoir; ils furent exécutés tous les six.
À Deze, dans le nord du pays, Demas Amde, un instituteur, père de cinq enfants, fut emprisonné pendant plus de cinq ans, durant lesquels il subit divers sévices. Il fut d’abord astreint aux travaux forcés; puis il passa six mois en isolement, enchaîné en position recroquevillée; il tomba ensuite malade et ne fut pas soigné; il resta nu pendant deux mois, infesté de poux, puis il fut transféré dans une cellule où agonisaient des détenus atteints de typhoïde. Finalement, sa santé détruite et le corps rongé par un cancer, il fut renvoyé chez lui pour y mourir le 4 février 1991, fidèle et avec la ferme espérance de la résurrection. — Voir Hébreux 11:37-40.
D’autres Témoins furent épargnés. Un frère qui voyageait dans la campagne fut arrêté et suspecté d’être un guérillero. Il ne put garder le silence et malgré le danger qu’il courait, il déclara hardiment qu’il était Témoin de Jéhovah. Personne ne le crut et il fut jeté dans une cellule avec d’autres détenus.
Que fit-il cette nuit-là? Au lieu de se lamenter sur son triste sort, il profita de l’occasion pour parler de la bonne nouvelle aux autres. Quelle ne fut pas la surprise des policiers quand ils firent sortir le lendemain ses codétenus et les interrogèrent: “Comment est l’homme que l’on vous a mis dans la cellule hier soir?” demandèrent-ils.
“Oh, vous voulez parler de ce gars qui nous a prêchés la plus belle partie de la nuit et nous a empêchés de dormir?” répondirent-ils. Les policiers comprirent qu’il s’agissait bien d’un Témoin de Jéhovah. La déclaration publique de sa foi lui ouvrit la porte; il fut relâché!
Dans le sud du pays, un homme qui s’intéressait à la vérité resta fidèle malgré quatre années d’emprisonnement. La première année, il portait des entraves aux pieds; il passa six mois en isolement. Ses effets personnels furent retournés à sa famille, qui acquit la conviction qu’il avait été exécuté. Très affaibli par la sous-alimentation il fut condamné à mort. Ce jugement fut cependant cassé par une instance supérieure.
Parfois on amenait des prostituées dans la cellule afin de le tenter. Au bout de trois ans il eut le bonheur de partager sa foi avec un homme enfermé avec lui et qui s’intéressait à la vérité. Par contre, il n’y avait aucun espoir de libération. Puis, un jour, de façon totalement inattendue, on lui signifia qu’il était libre! Il put enfin symboliser l’offrande de sa personne à Jéhovah par le baptême.
Huit fois condamné à mort!
À Debra Zeyt, ville proche du centre de l’Éthiopie, un pionnier, Worku Abebe, fut arrêté en raison de sa position de neutralité. Il fut condamné à être exécuté le soir même. Toutefois, avant que la sentence ne soit appliquée, 20 autres frères et sœurs furent arrêtés dans une ville proche. Les autorités espéraient que les 20 transigeraient avec leur foi après avoir vu la mise à mort de frère Worku. (Les autorités le tenaient pour le “chef”.) La police de cette ville voisine demanda donc que frère Worku lui soit remis pour l’exécution de la sentence.
Le transfert permit à frère Worku d’expliquer ses croyances devant 300 personnes. Profitant de la coutume locale qui veut que l’on n’interrompt pas quelqu’un qui parle, frère Worku s’exprima pendant quatre heures, racontant l’histoire des Témoins de Jéhovah depuis Abel jusqu’à nos jours. Quand il eut fini, un policier déclara: “Cet homme devrait être gardé à part. Il a bien failli me convaincre!”
Un soir, les geôliers l’emmenèrent avec d’autres Témoins au bord d’un fleuve pour les exécuter. Mettant les Témoins en joue, ils demandèrent: “Allez-vous oui ou non renoncer à votre foi?” Les Témoins répondirent d’une voix ferme, comme un seul homme, qu’ils ne renieraient jamais Jéhovah. Ils ne furent pas fusillés, mais battus cruellement pendant plusieurs heures. Les frères raconteront par la suite: “Les souffrances étaient si atroces que nous leur avons demandé de nous tuer franchement, mais ils n’arrêtaient pas.”
Frère Worku fut ensuite mis à part du groupe pour être exécuté. Un coup de feu retentit. Frère Worku resta un instant perplexe. Il n’était pas tombé et n’était pas blessé. C’est là qu’il comprit que la balle ne l’avait pas touché. Ses tourmenteurs ne perdirent pas de temps. Ils le frappèrent lâchement avec la crosse d’un pistolet. Il perdit connaissance et fut ramené dans sa cellule.
De retour à la prison, les gardes reçurent pour instruction de s’assurer que tous les Témoins abandonneraient leur foi la nuit même. Soudain, des coups de feu claquèrent dans les cellules. Puis on dit aux Témoins: “Vous avez entendu ces coups de feu. Eh bien, vos frères ont été tués. Vous verrez leurs cadavres demain dans les rues. Si vous ne renoncez pas à votre foi vous serez tués comme eux.”
Les Témoins répondirent: “La coupe qu’ont bue nos frères nous sommes prêts à la boire aussi.”
Cette nuit-là, les gardes se mirent à battre frère Worku ainsi que les autres Témoins à l’aide de bâtons. Un garde particulièrement sadique lia les bras de frère Worku dans des liens si serrés qu’il lui fit éclater la peau des doigts. Frère Worku cacha ses mains mutilées aux autres frères pour ne pas les décourager. Profitant d’un moment de répit, les Témoins prièrent avant de s’endormir. Mais à une heure du matin, les tortionnaires furieux firent irruption dans la cellule et se mirent à les battre jusqu’à quatre heures du matin. Ensuite, les Témoins prièrent à nouveau, remerciant Jéhovah pour la force qu’il leur communiquait et lui demandant de continuer à les soutenir.
Au matin, d’autres brutes arrivèrent dans la cellule. Ils se mirent à battre les Témoins. L’après-midi, frère Worku fut à nouveau pris à part, et c’est à 20 qu’ils le rouèrent de coups. Mais il ne renia pas sa foi. Il fut à nouveau décidé qu’il devait être tué. À 22 heures, 20 autres gardes arrivèrent et le maltraitèrent jusqu’à deux heures du matin. Un des tortionnaires était si furieux qu’il saisit un autre frère par derrière et le mordit sauvagement, lui laissant des marques à vie. Pendant quatre jours, les Témoins furent enfermés dans un local obscur sans nourriture ni boisson et furent battus à plusieurs reprises. Tous souffraient de fractures, des côtes ou du crâne pour certains. Leur état de santé devint alarmant.
Lorsqu’un haut fonctionnaire visita la prison, il fut pris de pitié en voyant leur condition et il ordonna qu’on leur procure quelque nourriture. Mais un garde, celui-là même qui s’était montré si violent, était furieux à l’idée que les Témoins reçoivent nourriture et boisson. Il noua une intrigue et les accusa de vouloir s’évader. Son stratagème aboutit, et une nouvelle exécution fut décidée. Les frères prièrent pour y échapper, surtout en raison des accusations mensongères et infamantes. Un officier supérieur annula l’exécution, mais les frères furent frappés à coups de bâton toute la nuit.
Quelques jours plus tard, un autre fonctionnaire vint annoncer que frère Worku serait exécuté et que les autres seraient relâchés. Fait surprenant, non seulement ces frères furent libérés, mais frère Worku apprit au bout de quelques jours qu’il était également libre.
Il en profita sur-le-champ pour rencontrer et encourager d’autres frères dans un foyer privé. Il ne se rendit pas compte que ses faits et gestes étaient surveillés. Le lendemain il fut donc à nouveau arrêté et condamné à mort.
On tenta pourtant de lui faire accepter un nouveau compromis. On lui parla de façon amicale et on lui demanda gentiment de scander certains slogans. Frère Worku refusa; il se contenta de répéter ses slogans bibliques à lui, qui magnifiaient le vrai Dieu. Ces individus “amicaux” se transformèrent alors en tortionnaires démoniaques.
Quelques jours plus tard, ses geôliers voulurent l’entretenir de diverses questions. La discussion dura quatre heures. On lui proposa un poste important dans la politique. Il refusa. Il s’entendit alors dire: “Tu seras probablement fusillé, et tu serviras de pitance aux asticots.”
Finalement, des fonctionnaires plus équitables s’intéressèrent à son cas et décidèrent sa relaxe. Frère Worku considéra tous les supplices qu’il avait subis comme une joie; il n’avait pas renoncé (Héb. 12:2). Avant que ses épreuves ne débutent, il avait toujours eu l’habitude d’étudier en famille et de prier régulièrement. Cela lui a sans nul doute permis d’endurer. Il raconta qu’un pasteur de la chrétienté, un “Nicodème” moderne, avait comparé l’attitude de ses coreligionnaires à celle des Témoins, livrés au creuset des persécutions, en disant à ces derniers: “Nous avions peur et nous avons fait des compromis. Nous avons abandonné Dieu, mais vous, vous lui êtes restés fermement attachés, même au péril de votre vie. Je vous tire mon chapeau.” Au total, frère Worku a donc été condamné huit fois à mort, mais Jéhovah l’a gardé en vie!
Une leçon de taille
Durant ces années marquées par de terribles épreuves, les Témoins éthiopiens ont pu vérifier dans leur cas la véracité de ces paroles de l’apôtre Paul: “De faibles qu’ils étaient [ils] ont été rendus puissants.” (Héb. 11:34). Une sœur d’humble condition, femme de ménage qui apprenait à lire, se retrouva enfermée avec des Témoins instruits. Alors que certains priaient pour obtenir leur libération, cette sœur demandait dans ses prières la force nécessaire pour rester fidèle. Un jour, les tortionnaires apportèrent un récipient d’huile bouillante et menacèrent d’y plonger les doigts de tous les prisonniers. Certains Témoins défaillirent de peur, mais cette humble sœur demeura ferme, et ses doigts ne furent pas touchés. Elle fut par la suite relâchée.
Cela servit de leçon à tous ceux qui attachaient une grande importance à la condition sociale et à l’éducation. Ils comprenaient maintenant que ce qui compte c’est la fidélité.
Ils ne sont pas abandonnés à leur sort
Il était réjouissant de voir ces Témoins qui avaient tant souffert grandir en maturité, en équilibre, en confiance en Jéhovah et en abnégation. Comme cela avait déjà pu se vérifier ailleurs, ils n’étaient pas abandonnés à leur sort; le culte pur était victorieux.
Durant cette période, des gens ont connu Jéhovah de manière originale. Pour prendre un exemple, un ancien avait prêché sur son lieu de travail à une femme originaire d’Europe de l’Est. Comme elle manifestait un intérêt sincère, il lui prêta une publication biblique à laquelle il tenait beaucoup. À son grand désarroi, elle quitta le pays et ne lui retourna jamais la publication. Des années plus tard, il reçut de cette femme une lettre qui l’enchanta. Elle lui expliquait que la publication avait transformé sa vie et que, maintenant baptisée, elle était sa sœur spirituelle!
Un autre exemple est celui de cette timide employée de maison qui écoutait de la pièce voisine l’étude de la Bible dont bénéficiait son employeur, un instituteur. Elle se sentait indigne, pourtant elle désirait faire siennes ces merveilleuses vérités. “Ces cours bibliques doivent revenir cher”, se disait-elle. Elle quitta donc son emploi chez l’instituteur et chercha un travail qui rapporterait plus d’argent et lui permettrait de se payer une étude biblique. Lorsqu’elle pensa avoir économisé suffisamment pour les cours bibliques, elle alla trouver le Témoin qui dirigeait l’étude avec son ancien employeur, l’instituteur. Quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre que les cours étaient gratuits! Elle fit de rapides progrès dans son étude et plus tard elle épousa l’instituteur; tous deux sont maintenant des serviteurs baptisés de Jéhovah.
Les jeunes Témoins de Jéhovah ont été particulièrement éprouvés dans ce pays. En raison de leur neutralité, ils se voyaient refuser les choses essentielles à la vie, comme l’accès aux soins médicaux, aux examens scolaires et au monde du travail. Se sentaient-ils pour autant abandonnés? Non! Pleinement convaincus que leurs tribulations étaient momentanées, ils allaient de l’avant grâce à la puissance que Dieu leur accordait. — Phil. 4:13.
La solution véritable
Les problèmes qui ébranlent l’Éthiopie sont les mêmes que ceux qui affligent le reste du monde. Les Témoins sont persuadés d’avoir trouvé le remède et ils se réjouissent de ce que l’étau qui oppressait leur vie s’est desserré depuis 1990, leur permettant de faire connaître leur espérance à autrui.
Par exemple, à Asmara, la capitale de l’Érythrée, les autorités ont publié des directives pour que cesse la discrimination dont les Témoins de Jéhovah sont victimes. Autre illustration de ce changement: plus de 50 frères éthiopiens ont obtenu les papiers nécessaires pour se rendre à une assemblée de district à Nairobi, au Kenya. Deux autres exemples: des pionniers spéciaux peuvent à nouveau être envoyés dans divers territoires afin d’y prêcher la bonne nouvelle. Certaines congrégations prêchent de nouveau de maison en maison et enregistrent des résultats encourageants. Il n’empêche que de nombreuses difficultés subsistent en Éthiopie.
À la suite de la prise de la ville portuaire de Massaoua, site stratégique, la guerre civile s’est intensifiée en 1990. La ville a été entièrement détruite. Fort heureusement, aucun Témoin de l’endroit n’a été tué. La famine a ravagé Asmara ainsi que de nombreux secteurs dans la campagne. Le Collège central a fait envoyer des secours dans ce coin affligé du globe. Deux pionniers spéciaux ont traversé au péril de leur vie une zone de combat afin d’aller encourager les Témoins de la ville de Mak’ale, capitale de la province du Tigré. En mai 1991, la guérilla a renversé le gouvernement révolutionnaire et a ensuite signé une charte promettant davantage de liberté. L’Érythrée était désormais sous le contrôle d’une administration séparée et se retrouvait pratiquement coupée du reste du monde. Malgré toute cette agitation les Témoins sont restés strictement neutres, car ils savent que la solution définitive aux problèmes des humains appartient uniquement au Royaume de Dieu. Vers la fin de l’année de service, des assemblées spéciales d’un jour se sont tenues ouvertement dans plusieurs villes d’Éthiopie. Des démarches étaient en cours en vue de l’organisation d’assemblées de circonscription et de district, d’un envoi de publications et de la reconnaissance légale de l’œuvre. Tout comme en de nombreux autres endroits, “la scène de ce monde est en train de changer” rapidement en Éthiopie, et les Témoins envisagent avec enthousiasme le rassemblement de nombreuses personnes avant la fin. — 1 Cor. 7:31.
Mais, quels autres événements ont eu lieu en Afrique orientale dans le milieu des années 70? C’est ce que nous allons considérer à présent.
L’endurance mise à l’épreuve en Tanzanie
Une amnistie décrétée en 1976 en Tanzanie permit la libération de certains frères emprisonnés. Malheureusement, des hauts fonctionnaires du gouvernement considéraient toujours les frères comme dangereux. Pourquoi cela? Ils assimilaient le mouvement révolutionnaire de Kitawala, dans le Sumbawanga, aux Témoins de Jéhovah. Les frères étaient étroitement surveillés et, à l’image de l’apôtre Paul quand il était à Rome, de nombreux pionniers spéciaux ‘portaient des liens comme des malfaiteurs’. — 2 Tim. 2:9.
Les frères étaient encore confrontés à d’autres difficultés. À partir de février 1977 la frontière entre la Tanzanie et le Kenya fut fermée pendant plus de six ans. Les échanges postaux furent interrompus pendant un temps, et beaucoup de courrier fut perdu. La sécheresse devenait dramatique dans certaines régions et des épidémies de choléra entravaient les déplacements des surveillants de circonscription. En 1979, la Tanzanie participa à la guerre d’Ouganda, ce qui engendra des tensions supplémentaires. La situation économique du pays se détériorait, ce qui entraînait des soucis d’ordre matériel. Ces conditions alarmantes rendaient la tâche des anciens plus difficile; dans certaines congrégations il ne leur était d’ailleurs pas possible de s’occuper du troupeau comme il l’aurait fallu.
Mais il se trouvait quand même des aspects encourageants. En 1979, il devint finalement possible de prêcher dans le sud-est du pays; les Témoins étaient à présent actifs depuis le Kilimandjaro, au nord, jusqu’à la frontière du Mozambique, au sud.
Les tribunaux commencèrent à rendre des jugements favorables aux Témoins. Un gardien de prison de Tukuyu devint Témoin parce que la belle conduite des frères avait éveillé son intérêt pour la vérité. En juillet 1981, le maximum de 1 609 proclamateurs, qui remontait à 1975, fut enfin dépassé, avec 1 621 Témoins actifs dans le ministère.
La persévérance est récompensée
En 1979 et en 1981, les frères sollicitèrent les autorités afin d’obtenir la reconnaissance légale de l’œuvre. Ces tentatives restèrent vaines. Les démarches légales se poursuivirent par une lettre du Collège central en date du 5 mai 1983. D’autres tentatives entreprises en août 1984 par frère Faustin Lugora et frère Elikana Green se soldèrent par un refus poli.
Les frères firent preuve de persévérance et interjetèrent appel. En 1985, une audience au ministère de l’Intérieur déboucha sur un nouveau refus. L’affaire semblait désespérée, mais il apparut que les congrégations faisaient l’objet d’une enquête. Peut-être certains fonctionnaires impartiaux désiraient-ils en savoir plus sur les Témoins.
En 1986, nos frères poursuivirent leurs efforts en vue de la reconnaissance légale de l’œuvre. Ils furent traités avec impartialité et courtoisie. Finalement, leur persévérance se révéla payante. Les investigations minutieuses du gouvernement balayèrent les préjugés de longue date et le 20 février 1987 une délégation de Témoins se vit remettre une lettre officielle accordant la reconnaissance légale de l’Association des Témoins de Jéhovah de Tanzanie. Après 22 ans d’interdiction, le temps était venu de se réjouir!
Un paradis pour les missionnaires
Les Témoins de Tanzanie connurent un bonheur intense. Des assemblées de circonscription furent organisées. Parmi les candidats au baptême figuraient des personnes qui prêchaient autant qu’un pionnier permanent et dirigeaient parfois plus de neuf études bibliques. Un nouveau frère fut d’ailleurs baptisé en même temps que quelqu’un dont il assurait l’étude!
L’entrée de missionnaires dans le pays fut autorisée en 1987. Cette année-là, des diplômés de Galaad arrivèrent à Dar es-Salaam, à l’époque une ville de plus d’un million et demi d’habitants. Cela représentait un territoire immense pour les deux congrégations, qui comptaient ensemble moins de 200 proclamateurs!
Pour ce qui est de la prédication, le territoire était un paradis pour les missionnaires. Les gens faisaient entrer les proclamateurs et acceptaient avec joie les publications. Une maison de missionnaires fut ouverte dans la ville de Mbeya, aux alentours de laquelle habitaient la moitié des proclamateurs du pays. Quelques mois plus tard, d’autres missionnaires vinrent s’établir à Arusha et à Dodoma.
Un important effort de formation est nécessaire dans le domaine de l’organisation, afin de pouvoir amener davantage de Tanzaniens sincères à adorer le vrai Dieu. Les perspectives d’avenir sont excellentes, et les Témoins sont animés d’un zèle remarquable, comme l’indiquent les chiffres suivants: en 1982, les pionniers étaient 160; en 1991, ils étaient 866; en 1982, les Témoins ont consacré 374 831 heures à la prédication, 1 300 085 en 1991; 5 499 personnes ont assisté au Mémorial en 1982, 10 441 en 1991; on a enregistré 41 baptêmes en 1982, 458 en 1991.
En 1988, les Témoins ont de nouveau connu des difficultés juridiques, et plusieurs demandes d’entrée de missionnaires sont depuis en suspens. Pourtant, le gouvernement a pour la première fois autorisé des anciens à célébrer les mariages.
Une série d’inondations et de sécheresses ont demandé l’envoi de secours dans l’extrême sud et près du lac Victoria, et ces mesures ont été prolongées en 1991. Malgré les difficultés et les incertitudes, les serviteurs de Jéhovah continuent de s’activer pour rassembler les brebis.
Le Kenya passe au crible
Dans les années qui suivirent 1975, les congrégations du Kenya passèrent au crible. Ceux qui servaient Dieu uniquement dans l’attente de voir le système de choses détruit en 1975 s’en allèrent une fois cette année révolue. L’examen des chiffres de cette époque révèle que pour 77 personnes qui venaient à la vérité, 49 frères devenaient inactifs. Ceux qui avaient négligé l’assistance aux réunions et l’étude individuelle tombèrent dans les pièges du Diable: l’immoralité, l’ivrognerie et l’avidité. Il est malheureux de constater que certaines années, plus de 3 % des proclamateurs étaient exclus.
Il est certain que de nombreuses congrégations étaient petites et ne bénéficiaient pas d’un bon encadrement. En fait, en 1978, des 90 congrégations du Kenya, 49 se composaient de moins de 10 proclamateurs, et 12 seulement comptaient plus de 40 proclamateurs. Toutes les charges théocratiques reposaient donc généralement sur les épaules d’un ou de deux frères. Les catastrophes naturelles ne firent qu’ajouter à la charge des anciens. La région à l’est de Nairobi subit une telle sécheresse qu’il fallut organiser des secours.
Mais tout n’était pas désespérant. De nombreux résultats positifs étaient enregistrés. En 1977, 5 584 personnes assistèrent au Mémorial. La demande de publications était forte. La visite de Lloyd Barry, membre du Collège central, attisa le zèle des proclamateurs. La mise en place d’un Comité de filiale en 1976 donna un nouvel élan à l’œuvre.
Un Béthel plus spacieux
En février 1979, un nouveau maximum de 2 005 proclamateurs était atteint. La famille du Béthel devenait trop importante pour les locaux de la filiale. Le Comité de filiale demanda donc au Collège central l’autorisation d’ajouter quatre pièces au Béthel. Quelle ne fut pas la surprise du comité devant la réponse: une grande enveloppe qui contenait les plans d’un bâtiment supplémentaire de 16 chambres!
Les travaux de terrassement du nouveau bâtiment débutèrent en décembre 1978, et en juin 1979 une partie de ce bel édifice était déjà fonctionnelle. En janvier 1980, Don Adams, du siège mondial, vint au Kenya pour l’inauguration du nouveau bâtiment et s’adressa à un auditoire de 2 205 personnes au stade municipal de Nairobi. Un millier de personnes visitèrent ensuite les locaux de la filiale sous une pluie légère. Beaucoup découvraient pour la première fois les travaux effectués par la filiale de leur pays. L’année se termina par de petites assemblées, dont une en anglais à Nakuru, où furent accueillis des Témoins venant d’Ouganda, pays ravagé par la guerre.
Une autre étape importante fut franchie l’année suivante. Du matériel d’imprimerie moderne fut livré à la filiale du Kenya. Les formules, les programmes, les lettres, Le ministère du Royaume et même les périodiques pouvaient désormais être imprimés sur place. Finies les longues attentes de publications venant d’outre-mer! En 1980, près de 120 000 publications étaient imprimées; deux ans plus tard 935 000, et en 1990 ce nombre avait dépassé la barre des 2 000 000.
En 1983, le cap des 1 000 proclamateurs était franchi à Nairobi, et le total pour le Kenya fut de 3 005. En avril, 28 % des proclamateurs étaient engagés dans le service à plein temps. De nouveaux missionnaires étaient également venus en renfort.
La Parole circule rapidement grâce aux publications
Les publications de la Société sont très connues au Kenya. Certaines écoles utilisent le Recueil d’histoires bibliques pour les cours de religion. La présentation des périodiques a été améliorée, ce qui a augmenté leur diffusion de plus de 50 % sur les deux années 1984-1985, les proclamateurs en distribuant en moyenne plus de dix par mois. Certaines éditions ont eu un impact immédiat sur le public. Ainsi un homme s’approcha d’un proclamateur qui prêchait dans la rue. Il désigna du doigt le périodique portant en titre “Le tabac, peut-on s’en passer?” et déclara: “J’ai arrêté de fumer.” Qu’est-ce qui l’avait décidé à arrêter? Cet article qu’il avait lu quelques jours auparavant!
L’année 1982 fut marquée par la sortie de la brochure Vivez éternellement heureux sur la terre!, publication particulièrement adaptée au territoire africain. Même des gens très instruits la demandaient, certains allant jusqu’à se servir dans la sacoche des proclamateurs. C’est ce qu’a vécu un Témoin qui n’avait plus qu’une de ces précieuses brochures dans sa sacoche de prédication. Il l’avait gardée pour une personne qui commençait à étudier la Bible en sa compagnie. Un passant aperçut la brochure et voulut à tout prix l’obtenir. Le Témoin lui expliqua qu’il réservait cette brochure à quelqu’un qui accepterait d’étudier la Bible régulièrement. “Pas de problème, répondit le passant d’un ton décidé, je suis d’accord.” En fin de compte, ce proclamateur commença une étude de plus!
Cette brochure expose un message clair à propos de Jéhovah et de ses desseins, du Royaume et des normes justes définies dans la Bible. En raison des possibilités qu’offre cet outil excellent, il a été traduit en 35 langues d’Afrique orientale, dont 14 langues parlées au Kenya et 21 employées dans les pays voisins. Dans certaines de ces langues, cette brochure est la seule publication existante excepté la Bible. Un missionnaire de la chrétienté a d’ailleurs dit à propos de la version massaï: “C’est la meilleure chose qui soit jamais arrivée aux Massaïs.”
L’esprit pionnier
Un autre changement allait intervenir dans le territoire kényan: l’esprit pionnier prenait de l’ampleur parmi les Témoins. Elle était révolue l’époque où l’on considérait les pionniers comme des gens excentriques ou incapables. Il devint manifeste que Jéhovah bénissait abondamment les pionniers en leur permettant de vivre des moments joyeux et de voir leur activité porter du fruit. Même des Témoins aveugles ou amputés d’une jambe étaient pionniers. Il n’était pas rare de voir un père ou une mère devant s’occuper de huit enfants ou plus figurer dans les rangs des pionniers.
En avril 1985, quelque 37 % des proclamateurs étaient dans une forme de service à plein temps. Grâce à ces nombreux pionniers, plus d’un million d’heures ont été consacrées à la prédication cette année-là.
Des Rwandais zélés rattrapent le temps perdu
La situation évoluait également au Rwanda. La vérité biblique n’était apparue que tardivement dans ce pays, pourtant beaucoup s’intéressaient au message qui donne la vie. En février 1980, parut le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle en kinyarwanda, ce qui stimula fortement les proclamateurs qui étaient pour la première fois 165. À Kigali, une Salle du Royaume simple mais spacieuse fut construite en 1980 et bien vite plus de 200 personnes assistaient aux réunions, une partie devant rester dans la cour.
L’intérêt des Rwandais pour la vérité n’était pas du goût des ennemis de la bonne nouvelle. En octobre 1979 avait été publiée une liste des religions reconnues dans le pays, liste où ne figuraient pas les Témoins de Jéhovah. Des démarches ont été entreprises pour légaliser l’œuvre. En mars 1980, Ernest Heuse, d’origine belge, vint du Zaïre pour rencontrer les autorités à Kigali. Malgré l’importante documentation qu’il avait apportée, la reconnaissance légale ne fut pas accordée.
La prédication se poursuivit néanmoins. En 1982, lors de l’assemblée de district, on compta 750 assistants et 22 baptêmes, et en mars 302 personnes participaient à la prédication. Quatre assemblées de circonscription enregistrèrent une assistance globale de 1 200 personnes, ainsi que 40 baptêmes. L’École du ministère du Royaume fut très utile aux surveillants des petites congrégations. Le zèle ne s’estompait pas; les proclamateurs consacraient en moyenne 20 heures par mois à la prédication. Deux pionnières spéciales qui s’étaient rendues dans un nouveau territoire dirigeaient au bout de trois mois 20 études bibliques, et toutes ces personnes assistaient aux réunions. Le message avait mis le Rwanda en émoi!
De plus en plus de personnes posaient des questions sur les vérités contenues dans la Bible. Ce phénomène était dû en grande partie à la radiodiffusion régulière d’articles tirés de Réveillez-vous! La vérité biblique faisait trembler les ondes en dévoilant les mensonges enseignés par les diverses religions. Comme l’on pouvait s’y attendre, les revues religieuses, qui exercent une grande influence au Rwanda, se mirent bientôt à attaquer les Témoins de Jéhovah. Comme d’habitude, cela attira d’autant plus de personnes vers la vérité. C’est à cette époque que les Témoins commencèrent à être l’objet d’arrestations et d’interrogatoires, et que des amendes furent imposées pour association illégale.
Le tourment par décret
En novembre 1982, les trois pionniers spéciaux qui avaient signé la demande de reconnaissance légale de l’œuvre furent convoqués à Kigali; on les arrêta à leur arrivée et on les incarcéra sans jugement et sans possibilité de recours. La Salle du Royaume fut fermée. La prédication dut se faire clandestinement.
Le ministère de la Justice envoya à tous les préfets une lettre frappant d’interdiction les Témoins. D’autres frères furent arrêtés. La plupart des pionniers étrangers durent quitter le pays. Pour les frères locaux ce fut une époque d’épreuves, une période d’affinage. À point nommé, La Tour de Garde commença à paraître en kinyarwanda, ce qui procura une nourriture spirituelle plus fournie.
Les trois pionniers spéciaux mentionnés auparavant, Gaspard Rwakabubu, Joseph Koroti et Ferdinand I’Mugarula avaient fort à faire dans la vaste prison de Kigali. Ils dirigeaient régulièrement des études bibliques avec des détenus, et beaucoup connurent la vérité par ce moyen. Il fallut attendre des mois avant que n’ait lieu le procès, en octobre 1983. Divers chefs d’accusation sans aucun fondement furent retenus contre les trois frères, entre autres escroquerie et insubordination au gouvernement. Pas un seul chiffre, pas un seul document comptable ne fut présenté au titre de pièce à conviction et pas un seul témoin à charge ne fut appelé à la barre.
Les frères furent condamnés à deux ans de prison et ne bénéficièrent pas d’un seul jour de remise de peine. (A la même période des meurtriers étaient amnistiés.) À Gisenyi, cinq autres Témoins restèrent deux ans en détention préventive.
Un court moment de répit permit en 1985 à des frères rwandais de se rendre à l’assemblée de district de Nairobi et d’y rencontrer des membres du Collège central. Mais en mars 1986, les arrestations étaient devenues courantes dans tout le pays. Beaucoup étaient appréhendés à domicile. Les femmes enceintes et les enfants n’étaient pas épargnés. Dans certaines régions, les Témoins étaient traqués et figuraient sur les avis de recherche. À force, plus de 140 Témoins se retrouvèrent en prison, soit près du tiers des proclamateurs que comptait le pays!
Confiants dans un bras de chair ou dans le Tout-Puissant?
Le cas des Témoins fut finalement examiné en justice le 24 octobre 1986. Certains Témoins étaient alors en prison depuis plus de six mois. En fait, un bébé était même né en prison et avait été nommé avec à propos Shikama Hodari (Demeure Ferme). Les sentences prononcées furent d’une sévérité révoltante; elles allaient de 5 à 12 ans de prison. Une dame qui s’intéressait à la vérité mais ne prêchait pas encore fut condamnée à dix ans de prison.
Ces affaires furent portées sur la scène internationale et évoquées dans des conversations entre chefs d’État européens et africains. De nombreuses personnes d’autres pays envoyèrent des lettres de protestation aux autorités. La radio annonça que certains jours 500 lettres en faveur des Témoins de Jéhovah parvenaient au gouvernement.
Ces événements permirent de rendre un excellent témoignage en prison. Les Témoins démontraient une unité exemplaire; ils priaient et étudiaient la Parole de Dieu ensemble. Cela éveilla la curiosité de nombreux détenus qui se mirent à étudier la Bible. Ainsi, d’anciens criminels et d’anciennes prostituées font maintenant de bons progrès sur la voie menant à la vie éternelle.
Malgré les lourdes peines prononcées, les Témoins gardaient un esprit joyeux. Il leur arrivait de dire: “Nous en avons pris pour 12 ans, mais Satan, lui, va en prendre pour 1 000 ans!” On entendait également cette remarque: “Nous avons plus de liberté que nos frères qui sont dehors; nous, nous pouvons chanter lors de nos réunions, mais eux, ils ne le peuvent pas.”
Une agréable surprise
Le 1er juillet 1987, jour du 25e anniversaire de l’indépendance du Rwanda, le président du Rwanda présenta lors d’une allocution radiodiffusée ses excuses pour les violations des droits de l’homme, et annonça que tous ceux qui avaient été condamnés le 24 octobre 1986 seraient libérés. C’était là une décision courageuse et louable. Quelques jours plus tard, les 49 frères et sœurs frappés d’une peine d’emprisonnement étaient relaxés.
Il restait néanmoins à savoir ce qu’il adviendrait de ceux qui n’étaient pas encore passés en jugement. Plusieurs semaines s’écoulèrent, mais finalement tous furent amenés à comparaître devant le tribunal pour s’entendre dire qu’ils feraient plus de bien à la nation en rentrant chez eux, où ils pourraient cultiver la terre ou s’adonner à d’autres activités utiles.
Ce fut naturellement un grand sujet de réjouissance. À la suite de leur libération, plus de 30 proclamateurs non baptisés et étudiants de la Bible, qui avaient fait de remarquables progrès durant leur détention, se présentèrent en vue du baptême. La “formation” reçue en prison les avait rapidement amenés à la maturité chrétienne. La plupart sont devenus pionniers auxiliaires immédiatement après leur baptême. D’autre part, tous les Témoins libérés ont retrouvé du travail. — Voir Psaume 37:25, 28.
Pascasie est de celles qui ont enduré les tribulations dans la joie. Son mari, déconcerté par l’interdiction frappant les Témoins de Jéhovah, l’avait emmenée au poste de police pour la faire arrêter. Alors qu’elle n’était pas encore baptisée, elle fut condamnée à dix ans de prison. Bien que peinée d’être séparée de ses enfants, elle avait néanmoins compris qu’il était nécessaire de souffrir pour la cause du culte pur. Durant sa détention elle progressa sur le plan spirituel et fut parmi les personnes qui se firent baptiser à leur sortie. Mais quand elle revint chez elle, elle fut d’autant plus joyeuse d’apprendre que son mari était disposé à étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah! Sa fermeté a été récompensée, car son mari est à présent son frère, spirituellement parlant, et sa famille est unie dans le vrai culte.
Au début de 1990, dans une autre région du pays, un dossier d’accusation, en suspens depuis 1985, a été rouvert et quatre frères ont été condamnés à 10 ans d’emprisonnement chacun. Cela n’a heureusement pas affecté les autres régions, où des assemblées de circonscription et des Écoles pour les pionniers ont pu être organisées. Un surveillant de zone est venu pour la première fois dans le pays, et la nourriture spirituelle, toujours plus abondante en kinyarwanda, a conduit à une plus grande spiritualité parmi les frères. Nos quatre frères furent par la suite libérés par décret présidentiel au bout de six mois de détention.
À la fin de 1990, une brusque invasion a plongé le Rwanda dans la guerre civile. La position neutre de nos frères, qui s’harmonise avec le principe biblique contenu en Jean 17:14, “ils ne font pas partie du monde”, a permis à d’anciens opposants de se rendre compte que les serviteurs de Jéhovah ne sont les ennemis de personne. Au début de 1991, la famine a causé des soucis supplémentaires et a nécessité la mise en place d’un plan d’aide alimentaire pour le Rwanda, particulièrement touché dans le Sud. Des assemblées de circonscription ont récemment pu se tenir librement. Les frères espèrent qu’un jour ils connaîtront véritablement la liberté religieuse et que l’œuvre sera reconnue légalement au Rwanda. En attendant, ils continuent d’aider les nombreuses personnes qui recherchent la vérité parmi la population toujours plus nombreuse du Rwanda.
Renouveau théocratique en Ouganda
En 1979, la “guerre de libération” amena des changements. Les pillages, la violence et les souffrances rendaient nécessaires des mesures de secours; la distribution du courrier et les liaisons téléphoniques étaient interrompues. Le gouvernement finit par changer et, le 19 novembre 1979, sous le titre “Les missionnaires peuvent revenir”, le Times d’Ouganda annonçait la levée de l’interdiction pesant sur les Témoins de Jéhovah ainsi que le rétablissement de la liberté de culte.
Une nouvelle série d’assemblées de circonscription fut rapidement organisée, assemblées auxquelles assistèrent 241 personnes. Mais l’économie était délabrée et on faisait peu de cas de la vie. Beaucoup de gens étaient armés et d’anciens soldats étaient devenus criminels. Des coups de feu étaient entendus presque chaque nuit et les routes n’étaient pas sûres.
La filiale du Kenya s’appliqua à édifier et à encourager les frères en envoyant des volontaires courageux porter des publications en Ouganda. Il faut se souvenir que les gens étaient armés et que les soldats menaient une double vie, devenant la nuit des bandits. Les volontaires devaient traverser une zone de forêts entre Jinja et Kampala, où l’on risquait fort de se faire attaquer. Il leur fallait généralement traverser cette zone à tombeau ouvert, jusqu’à ce qu’ils arrivent dans des régions plus habitées.
Alors qu’il passait la nuit chez un frère de Mbale, un missionnaire entendit des individus s’acharner sur sa voiture garée dans la cour. Comme les voleurs étaient probablement armés, il décida de les laisser voler ce que bon leur semblait. Le lendemain matin, il manquait à la voiture deux roues, ainsi que la roue de secours et le pare-brise. Le missionnaire emprunta deux roues, dont les pneus étaient quasiment lisses, et poursuivit sa route sans pare-brise pour rejoindre Kampala, 240 kilomètres plus loin. La route traversait la dangereuse zone de forêts, mais tout se passa bien, pas une seule crevaison, sauf qu’il prenait le vent et la pluie dans la figure!
Un nouveau maximum de 175 proclamateurs fut atteint en décembre 1980. Le début de l’année suivante fut marqué par une assemblée de district tenue au Lugogo Stadium de Kampala, assemblée qui réunit 360 assistants. Alors que la violence persistait, des personnes apprenaient à connaître la vérité, et en juillet le pays comptait 206 proclamateurs qui distribuaient en moyenne 12,5 périodiques par mois.
Il y avait grand besoin d’aide, car il ne se trouvait en Ouganda qu’un ancien pour huit congrégations. On décida de refaire une demande en vue de l’entrée de missionnaires. En septembre 1982, deux missionnaires célibataires, Ari Palviainen et Jeffrey Welch, débarquèrent à Kampala au milieu du tumulte généralisé. Le couvre-feu était toujours en vigueur dès 18 h 30, et les nuits étaient ponctuées par les coups de feu et les accrochages. Des proclamateurs disparaissaient et l’on craignait pour leur vie. Certains sont réapparus, d’autres non. En tout, huit proclamateurs ougandais ont perdu la vie dans les troubles qui ont suivi la guerre de 1979.
En février 1983, les permis de séjour des missionnaires furent délivrés, et en avril de cette année-là une maison de missionnaires fut ouverte dans un endroit relativement sûr. Quatre diplômés de Galaad courageux y logeaient, dont Heinz et Marianne Wertholz. La politesse des Ougandais et leur respect pour la Bible ont fait oublier à ces missionnaires les difficultés économiques, les routes en piteux état, l’insécurité et les nuits agitées. Il n’était pas rare qu’ils dirigent chacun 10 à 15 études bibliques. Un certain mois, les quatre missionnaires ont distribué en tout 4 084 périodiques!
“C’est lui!”
Dans un village du centre de l’Ouganda, un homme entra en possession du livre Vérité. Il discerna rapidement quel genre de trésor il possédait là. Il lut et relut ce livre et commença à donner le témoignage à tous ceux qu’il rencontrait. En fait, il se disait Témoin de Jéhovah alors qu’il n’en avait jamais rencontré un seul et savait qu’il n’en habitait pas dans la région.
Il comprit qu’il devait rencontrer ses “frères”. Il partit donc à bicyclette pour Kampala, à la recherche des Témoins de Jéhovah. Voyant les croix sur les églises, il comprit qu’il ne les trouverait pas en ces lieux. Les personnes qu’il interrogeait connaissaient des Témoins de Jéhovah mais ne savaient pas exactement où ils habitaient. En désespoir de cause il entra chez un libraire et demanda s’il connaissait des Témoins. Le caissier lui répondit que de temps à autre des Témoins venaient lui proposer des périodiques, mais il ne savait pas où ils habitaient. “Quand ils reviendront, demanda notre homme, donnez-leur s’il vous plaît mon adresse; il faut qu’ils viennent me voir.”
Au même moment, des missionnaires cherchaient à revoir des gens qui avaient manifesté de l’intérêt, mais aucun d’eux n’était chez lui. En feuilletant leurs notes, ils tombèrent sur le nom du caissier et se dirent: “Eh bien! allons revoir cet homme!”
Lorsque ces pionniers arrivèrent chez le libraire, le caissier leur dit: “Tout à l’heure, il y avait quelqu’un qui vous réclamait.” Il regarda dehors et, pointant son doigt vers la rue, ajouta: “Tenez, c’est lui!”
Les missionnaires allèrent trouver le villageois, qui les embrassa tous deux! Comme l’on pouvait s’y attendre, il devint un étudiant diligent de la Bible. Une petite Salle du Royaume a bientôt été construite dans son village, et depuis son baptême il est notre frère au plein sens du terme.
De nouveau la guerre!
La vie en Ouganda était dure pour la majorité des gens. On ne se sentait pas en sécurité. Certaines personnes étaient emmenées par l’armée, pour ne plus réapparaître par la suite. La hausse des prix était vertigineuse. Pour ne citer qu’un exemple, le prix du pain a augmenté de 1 000 % entre 1974 et 1984! Quand ils faisaient des achats, certains ne se donnaient même plus la peine de compter l’argent; ils se contentaient de mesurer la pile de billets avec une règle!
Le mécontentement créa dans le pays un terrain favorable à la guérilla. Finalement, après des mois de combats, le Mouvement de résistance nationale se rendit maître du pays. Au même moment, les troupes régulières qui battaient en retraite se livraient au pillage et abattaient froidement les gens.
Des combats éclatèrent autour de la maison de missionnaires. Le lendemain, les tirs reprirent alors que les missionnaires se rendaient à une réunion chrétienne. Les balles sifflaient à leurs oreilles, mais aucun ne fut blessé. Puis, le dimanche après-midi suivant, ils reçurent une visite inattendue: des soldats en fuite qui venaient piller la maison. Les soldats n’avaient pas apprécié que la porte de devant soit fermée, mais quand leur chef vit les cartes d’identité des missionnaires, il changea brusquement d’attitude et devint amical. Il ne toucha pas à leurs biens. En s’excusant, les hommes prirent quelques vêtements et draps, mais rien qui ait une grande valeur.
Avant de partir, ils conseillèrent aux missionnaires de mettre la maison sens dessus dessous, d’enlever les rideaux, de vider les commodes et de répandre les affaires par terre pour donner l’impression que la maison avait déjà été pillée. Le stratagème fut efficace; vraiment très peu de choses furent volées. Alors que des combats faisaient rage au-dehors, les missionnaires passèrent un jour et une nuit dans une petite pièce servant de réserve. C’était la pièce la plus sûre de la maison. Durant tous ces troubles, ils sentirent la protection de Jéhovah et les liens d’amour qui les unissaient.
Les frères ougandais ont de nombreux faits à raconter qui témoignent de la protection de Jéhovah. Certains peuvent montrer des trous laissés par les balles dans les murs ou leurs vêtements. Un pionnier spécial est resté couché à plat ventre plus de cinq heures tandis que forces gouvernementales et rebelles échangeaient des coups de feu au-dessus de sa tête. Quand le calme est revenu, il était entouré de cadavres.
De nouvelles joies après le retour au calme
Dans les mois qui suivirent, le calme revint et des choses étonnantes se produisirent. Par exemple, il faut savoir que pour rentrer chez eux, les missionnaires devaient passer devant l’imposante maison d’un responsable du gouvernement, maison gardée en permanence par des soldats si imprévisibles que les gens les craignaient. Les missionnaires eux-mêmes poussaient un soupir de soulagement quand ils avaient dépassé l’endroit, et peu de gens osaient encore venir à la maison de missionnaires. Mais à la suite du changement de gouvernement, cette fameuse maison fut mise en location au moment même où les missionnaires devaient quitter la leur. Ils se sont donc retrouvés peu après dans la fameuse maison dont ils évitaient auparavant les abords, appréciant de prendre leur repas du soir sur la grande terrasse, dans la brise du soir. Un an plus tôt, personne n’aurait cru une telle chose possible!
L’œuvre progressait à Kampala. Dans de nombreux secteurs de la ville, personne n’avait prêché depuis plus de dix ans et il restait beaucoup à faire. Les Témoins ougandais augmentèrent leur activité; ils consacrèrent en moyenne 14,3 heures par mois à la prédication en 1987.
D’étroits liens d’amour unissaient les Témoins. Ils consentaient volontiers à des sacrifices financiers alors qu’ils ne disposaient que de moyens limités (Jean 13:34, 35). Certains devaient économiser pendant des mois pour se rendre à l’assemblée de district. Ils étaient toujours prêts à s’accueillir les uns les autres et aidaient les missionnaires au moindre ennui. Il était manifeste que Jéhovah les soutenait de bien des façons, et souvent les assemblées pouvaient se tenir comme par miracle, parfois sans sonorisation et même sans chaise.
Après celles de Kampala et de Jinja, une troisième maison de missionnaires fut ouverte de l’autre côté de Kampala. L’Ouganda compte à présent 18 congrégations, et un nombre maximum de 820 proclamateurs. On a également enregistré 140 pionniers permanents ou spéciaux ainsi qu’un chiffre record de 3 204 assistants au Mémorial. Des Salles du Royaume ont été construites à Jinja, Tororo, Mbale et Kampala. Toutefois, il n’est toujours pas facile de prêcher et l’avenir demeure incertain.
De l’opposition se manifeste de nouveau depuis 1989. Cela a débuté par des attaques du clergé suivies de critiques dans les journaux; un permis de construire a été annulé de façon arbitraire, des assemblées ont été interdites en certains endroits et des fonctionnaires mal informés ont causé toutes sortes de tracasseries. Toutes les associations ont dû de nouveau demander à être enregistrées, et l’Association internationale des Étudiants de la Bible ne fut plus reconnue. Une grande partie des missionnaires durent quitter le pays. Les assemblées de district de décembre 1990 purent malgré tout se tenir normalement. Certains hauts fonctionnaires se sont montrés très conciliants et équitables, ce qui donne à penser que les missionnaires pourront prochainement retourner en Ouganda et y poursuivre leur œuvre d’instruction. Les perspectives d’accroissement sont excellentes et les frères prient le Maître de la moisson d’envoyer davantage d’ouvriers. — Mat. 9:37, 38.
Le Kenya se prépare en vue de l’expansion
L’organisation de Jéhovah va de l’avant sur toute la terre. En Afrique orientale aussi, l’accroissement se poursuit de façon remarquable. Le moment était donc venu d’employer des technologies de pointe au Kenya. La filiale fut en émoi lorsqu’en 1984 un premier ordinateur IBM PC fut expédié par la filiale d’Allemagne, suivi plus tard d’un deuxième.
Au début tous étaient déconcertés par ces machines, mais, grâce à Jéhovah et avec l’aide de quelques manuels d’utilisation, il ne fallut pas longtemps pour les rendre opérationnelles. Ces ordinateurs permettaient désormais la saisie du texte qui était ensuite enregistré sur disquettes et envoyé dans les filiales qui impriment les publications. Ce système offrait de nombreux avantages. Plus besoin de faire circuler entre l’Angleterre et le Kenya deux ou trois épreuves de La Tour de Garde en swahili avant qu’on ne puisse l’imprimer. La Tour de Garde en swahili est à présent imprimée en même temps que l’édition anglaise. Les congrégations du Kenya étudient donc toutes les mêmes sujets bibliques la même semaine.
L’accroissement du nombre des proclamateurs allait de pair avec les progrès dans le domaine de la spiritualité. Les Témoins consacraient plus de temps à la prédication, ce qui les amenait à garder un œil simple fixé sur les intérêts du Royaume. Beaucoup de parents accordèrent davantage d’attention à leur famille nombreuse en prévoyant une étude de la Bible en famille. Des anciens ont été nommés et de nombreux jeunes frères se sont qualifiés et ont pu être nommés serviteurs ministériels. Bien des frères ont démontré leur intégrité lorsque leur neutralité chrétienne a été mise à l’épreuve. De plus en plus de Témoins sont disposés à faire des sacrifices financiers pour construire leurs propres Salles du Royaume.
L’assemblée de district “Les hommes d’intégrité”
Le Kenya était l’un des pays retenus pour accueillir une assemblée internationale spéciale à la fin de 1985, avec la présence de plus de 2 000 délégués d’autres continents. Émerveillés par les paysages et la faune du Kenya, ces visiteurs ont néanmoins été unanimes à dire que leurs plus beaux souvenirs resteraient l’assemblée et la prédication en compagnie des proclamateurs locaux.
Lorsque les habitants de Nairobi virent tous ces wazungu (Blancs ou Européens) accompagnés de leurs guides locaux, cela fit sensation. En revanche, les visiteurs furent impressionnés par l’intérêt que les Kényans portaient à la Bible et par les ribambelles d’enfants qui les suivaient.
Les visiteurs furent également charmés pendant l’assemblée par le spectacle de ces milliers d’enfants attentifs. Plus de 8 000 personnes étaient présentes dans le Parc Jamhuri de Nairobi, ce qui en faisait la plus importante assemblée jamais tenue. L’assistance eut aussi le plaisir de voir deux frères du Collège central, Theodore Jaracz et Albert Schroeder.
Dans les années qui suivirent, le personnel de la filiale augmenta et d’autres missionnaires vinrent s’installer au Kenya. Les missionnaires eurent le bonheur de voir de nombreuses personnes devenir leurs enfants spirituels. Par exemple, grâce à l’aide des missionnaires, la congrégation d’Eldoret est passée de 45 à 129 proclamateurs en l’espace de quatre ans. L’esprit pionnier se généralisant, l’œuvre continua de progresser. En 1987, plus de 1,5 million d’heures de prédication ont été effectuées et plus de 4 000 proclamateurs étaient actifs, chacun consacrant en moyenne 16,4 heures à cette activité.
Cette année-là fut marquée par une assistance de 15 683 personnes au Mémorial et 466 baptêmes. En moyenne, plus de 1 000 proclamateurs étaient pionniers chaque mois, dont plus de 500 pionniers permanents. De nouvelles Salles du Royaume furent construites et on prépara les plans d’un nouveau terrain d’assemblées dans la banlieue de Nairobi. Pour la première fois la filiale s’occupait de l’activité de plus de 10 000 proclamateurs, dont un millier de pionniers permanents. Mais soudain un bouleversement se produisit.
Nouvelle interdiction
Alors que les assemblées de circonscription traitant de l’endurance dans les épreuves venaient tout juste de s’achever, et alors que les préparatifs étaient en cours pour l’assemblée de district “Ayez confiance en Jéhovah”, cette confiance fut mise à rude épreuve. Le 19 novembre 1987, la Gazette du Kenya publia une annonce légale datée du 9 novembre annonçant la dissolution de l’Association des Témoins de Jéhovah d’Afrique orientale, association qui existait depuis 25 ans. Le décret accordait un délai de 21 jours à seules fins de régler les affaires courantes et de répartir les biens de l’association entre les membres. L’après-midi même, une lettre du procureur général venait confirmer la décision. Aucun motif n’était invoqué.
Le lendemain matin, un quotidien rapportait la nouvelle dans un petit article en page 5, et non plus à la une comme cela avait été le cas en 1973. Mais des agences de presse étrangères téléphonèrent immédiatement et publièrent cette nouvelle stupéfiante. On essaya sans tarder de prendre contact avec des hauts fonctionnaires mais, soit ils étaient préoccupés par une visite officielle, soit ils ne désiraient pas parler de cette question.
On prit conseil auprès d’hommes de loi, et après de nombreuses prières, on fit appel. Le 27 novembre un juge décida que la demande était recevable ce qui rétablissait la légalité de l’Association en attendant l’issue de la procédure. Les réunions et la prédication purent donc se poursuivre ouvertement dans tout le Kenya, ce qui apporta un certain soulagement.
Qu’en serait-il des assemblées? Il fallait la foi pour poursuivre les préparatifs, mais quel bonheur ce fut lorsque les frères se virent accorder les autorisations requises! Après quelques tracasseries, les contrats de locations furent signés et ainsi les trois assemblées de district “Ayez confiance en Jéhovah” purent se tenir en décembre. Pour l’ensemble du pays on enregistra 10 177 assistants et 228 baptêmes.
La situation parut ensuite normale. Les Témoins étaient bien conscients que l’avenir de la filiale et de l’œuvre au Kenya était maintenant entre les mains de Jéhovah.
La question de la légalité de l’œuvre reste en suspens depuis des années maintenant, car la justice a plusieurs fois différé le procès. Il en est résulté de nombreux incidents isolés, car des fonctionnaires qui ignoraient que l’œuvre était toujours légale arrêtaient des frères, faisaient traîner les dossiers pour les assemblées ou refusaient franchement de délivrer les autorisations nécessaires. Dans le même temps, le clergé de la chrétienté s’est plus que jamais mêlé de politique, ce qui a amené beaucoup de gens à remarquer le contraste entre le clergé et les Témoins de Jéhovah, respectueux des lois et attachés à la paix.
Le nombre des proclamateurs s’est dès lors accru. En 1991, à l’époque du Mémorial ils étaient près de 6 000 dans le pays, alors que 19 644 personnes étaient présentes lors de cette célébration. Des Salles d’assemblées ont été construites à Nairobi et à Nanyuki, ville située sur l’équateur. L’accroissement provoque un surcroît de travail à la filiale, dont la famille se compose maintenant de 38 membres, et l’agrandissement des bâtiments existants va s’imposer rapidement.
Confiants en Jéhovah pour ce qui est de l’avenir
La place nous manque pour mentionner d’autres épisodes et faits vécus passionnants tirés de l’histoire de l’œuvre en Afrique orientale. D’innombrables Témoins fidèles se sont dépensés sans compter pour la cause de la bonne nouvelle et ont souffert pour avoir servi le vrai Dieu. Beaucoup ont endossé de lourdes responsabilités et, à l’image de l’apôtre Paul, ont été pendant des années dans l’inquiétude au sujet de toutes les congrégations (2 Cor. 11:28). Les difficultés d’ordre économique, juridique et politique persistent. Seul le Royaume de Jéhovah pourra apporter une solution durable à tous ces problèmes mais, en attendant, une grande œuvre de rassemblement reste à accomplir.
La population de cette région de la terre a doublé en l’espace de 20 ans. En août 1991, les pays dépendant de la filiale du Kenya totalisaient un maximum de 15 970 proclamateurs. La filiale fait ce commentaire: “Nous savons que Jéhovah connaît ses brebis et nous prions ‘pour que la parole de Jéhovah continue à circuler rapidement’ avant la fin, maintenant si proche, en attendant le moment où cette magnifique partie du globe, qui compte tant de merveilles de la création, fera partie du vrai Paradis, un paradis qui s’étendra sur toute la terre.” — 2 Thess. 3:1.
[Notes]
a À la fin de la domination coloniale en Afrique, les noms de beaucoup de pays cités dans ce récit changèrent. La Rhodésie du Nord devint la Zambie; la Rhodésie du Sud, le Zimbabwe; le Tanganyika, la Tanzanie; l’Urundi, le Burundi; le Nyassaland, le Malawi et le Congo belge, le Zaïre.
b Le récit de la vie de George Nisbet est paru dans La Tour de Garde du 15 novembre 1974.
c Le récit de sa vie a été publié dans l’édition anglaise de La Tour de Garde du 1er mai 1985.
d Pour plus de détails, voir le récit de l’œuvre en Afrique du Sud dans l’Annuaire des Témoins de Jéhovah de 1976.
e Barbara Hardy est décédée en février 1988 des suites d’une longue maladie.
f En Éthiopie, on appelle généralement une personne par son prénom.
[Tableaux, page 206]
(Voir la publication)
KENYA 8 000
1950 3
1960 108
1970 947
1980 2 266
1991 6 300
Max. proclamateurs
2 000
1950
1960 5
1970 132
1980 317
1991 1 256
Moy. pionniers
[Tableaux, page 207]
(Voir la publication)
Neuf pays dépendant de la filiale du Kenya
17 000
1950 119
1960 865
1970 2 822
1980 5 263
1991 15 970
Max. proclamateurs
4 000
1950 1
1960 49
1970 296
1980 599
1991 3 127
Moy. pionniers
[Encadré/Carte, page 66]
(Voir la publication)
Mer Rouge
Golf d’Aden
YÉMEN
SOUDAN
Nil
Omdurman
Khartoum
Érythrée
Asmara
DJIBOUTI
ÉTHIOPIE
Addis-Abeba
SOMALIE
Mogadiscio
KENYA
Nairobi
Mombasa
Équateur
Lac Victoria
OUGANDA
Kampala
ZAÏRE
RWANDA
BURUNDI
TANZANIE
Zanzibar
Dar es-Salaam
Mbeya
MALAWI
ZAMBIE
Océan Indien
SEYCHELLES
MADAGASCAR
[Encadré]
KENYA
Capitale: Nairobi
Langues officielles: swahili et anglais
Religion principale: néant (croyances diverses)
Population: 23 000 000
Filiale: Nairobi
[Illustration, page 69]
Jeunes bergers kényans.
[Illustrations, page 71]
Le Kenya abrite une faune fascinante.
[Illustrations, page 74]
Olga Smith, en compagnie de ses deux enfants, fait ses adieux à son mari Gray et à son beau-frère Frank embarquant pour leur périple dans l’Est africain.
Frank Smith en 1931, à proximité du centre-ville de Nairobi.
Gray Smith prêchant au Kenya, en 1931.
[Illustration, page 76]
David Norman et Robert Nisbet à Durban, en Afrique du Sud, peu avant d’embarquer pour Dar es-Salaam en 1931.
[Illustrations, page 79]
George Nisbet, Gray et Olga Smith, ainsi que Robert Nisbet traversent le Limpopo et font une halte sur la route qui les mène en Afrique orientale en 1935.
[Illustration, page 88]
Des “vétérans” prennent ensemble le thé et le café en 1985; de gauche à droite: Muriel Nisbet, Margaret Stephenson, Vera Palliser, Mary Whittington et William Nisbet.
[Illustration, page 93]
Ingilizi Caliopi et Mary Girgis à Khartoum, au Soudan.
[Illustration, page 96]
Des missionnaires de Galaad à Addis-Abeba: Dean Haupt et Haywood Ward.
[Illustration, page 99]
La petite filiale d’Éthiopie à Addis-Abeba, en 1953.
[Illustration, page 105]
Hosea Njabula et sa femme Leya furent parmi les premiers à répandre la bonne nouvelle en Tanzanie.
[Illustration, page 107]
Neuf frères et sœurs qui ont connu la vérité dans le sud de la Tanzanie dans les années 30. De gauche à droite: Andrew Chungu, Obeth Mwaisabila, Timothy et Ana Kafuko, Leya Nsile, Joram Kajumba, Jimu Mwaikwaba, Stela et Semu Mwasakuna.
[Illustration, page 108]
Thomson Kangale, qui enseigna avec patience ses frères d’Afrique orientale.
[Illustration, page 123]
George Kadu et Margaret Nyende se souviennent des premiers temps de l’œuvre en Ouganda, lorsqu’ils connurent la vérité il y a plus de 35 ans.
[Illustration, page 131]
La première maison de missionnaires et le bureau de la filiale de Nairobi ouvrirent le 1er février 1963.
[Illustrations, page 139]
Les deuxièmes locaux de la filiale, à Nairobi en 1965, au premier étage de cette maison. En bas: la troisième filiale vue de l’arrière en 1970, avant les travaux d’extension.
[Illustration, page 141]
Lamond Kandama, un pionnier spécial qui se dépense depuis plus de 50 ans en Zambie, en Tanzanie et au Kenya, en compagnie d’Esinala et Stanley Makumba, qui sont dans le service spécial en Ouganda et au Kenya depuis plus de 40 ans, la majeure partie du temps comme itinérants.
[Illustration, page 142]
John et Kay Jason, au Béthel de Nairobi, sont dans le service à plein temps depuis plus de 50 ans.
[Illustration, page 157]
Un groupe de Rwandais heureux, tout juste après leur baptême.
[Illustration, page 158]
Anna Nabulya, une des intrépides prédicatrices d’Ouganda.
[Illustration, page 169]
Gebregziabher Woldetnsae, un surveillant qui se dépensa jusqu’à sa mort.
[Illustrations, page 177]
Des visages que nous attendons de revoir lors de la résurrection. Ils ont tous été assassinés en raison de leur attachement à la bonne nouvelle. En partant d’en haut à gauche: Ayele Zelelew, Hailu Yemiru, Wubie Ayele, Kaba Ayana, Gebreyohanes Adhanom, Adera Teshome, Wondimu Demera, Kasa Gebremedhin, Eshetu Mindu.
[Illustration, page 192]
Gaspard Rwakabubu, Joseph Koroti et Ferdinand I’Mugarula se réjouissent d’assister à l’assemblée internationale de Nairobi en 1985, après avoir été libérés de la prison de Kigali.
[Illustration, page 199]
Assemblée de circonscription à Mbale, Ouganda, en 1987.
[Illustration, page 201]
L’actuel Béthel de Nairobi après les travaux d’agrandissement.
[Illustration, page 202]
Bernard Musinga a passé 20 ans dans le service itinérant en Afrique orientale et a été membre du Comité de la filiale avant de retourner dans sa Zambie natale.