CHRONOLOGIE
Le mot français “ chronologie ” vient du grec khronologia (de khronos, temps, et légô, dire, déclarer), qui signifie “ calcul du temps ”. La chronologie permet de placer les événements dans leur ordre de succession ou les uns par rapport aux autres, et de fixer la date de certains.
Jéhovah est l’“ Ancien des jours ”, le Dieu d’éternité (Dn 7:9 ; Ps 90:2 ; 93:2). La précision extraordinaire du mouvement des astres, mais aussi le récit des actions de Dieu tel qu’il l’a inspiré, démontrent à l’évidence qu’il est le Maître du temps. Pour réaliser ses promesses ou ses prophéties, il a fait en sorte que certains événements aient lieu exactement au moment prédit, que ce soit un jour (Ex 9:5, 6), une année (Gn 17:21 ; 18:14 ; 21:1, 2 ; 2R 4:16, 17), des décennies (Nb 14:34 ; 2Ch 36:20-23 ; Dn 9:2), des siècles (Gn 12:4, 7 ; 15:13-16 ; Ex 12:40, 41 ; Ga 3:17) ou des millénaires plus tard (Lc 21:24 ; voir TEMPS FIXÉS DES NATIONS). On peut donc être sûr que ses desseins s’exécuteront au moment déterminé d’avance, exactement au jour et à l’heure dits. — Hab 2:3 ; Mt 24:36.
Dieu avait prévu que l’homme, fait à l’image et à la ressemblance de son Créateur (Gn 1:26), mesurerait l’écoulement du temps. Très tôt la Bible dit que ‘ les luminaires dans l’étendue des cieux ’ allaient servir à “ faire une séparation entre le jour et la nuit ” et servir “ de signes et pour les époques et pour les jours et pour les années ”. (Gn 1:14, 15 ; Ps 104:19.) (Un examen détaillé de la façon dont ces divisions sont suivies depuis le début de l’histoire de l’humanité figure aux articles ANNÉE ; CALENDRIER ; JOUR ; LUNE ; SEMAINE.) Les hommes n’ont cessé de calculer et de noter les périodes de temps depuis Adam jusqu’à l’heure actuelle. — Gn 5:1, 3-5.
Les ères. Pour établir une chronologie exacte, il faut fixer dans le cours du temps un point de repère à partir duquel on peut compter soit en avant, soit en arrière, et ce en unités de temps (comme les heures, les jours, les mois et les années). Ce point de repère peut être tout simplement le lever du soleil (pour mesurer les heures du jour), une nouvelle lune (pour compter les jours du mois) ou le début du printemps (pour mesurer une année). Pour compter des périodes plus longues, les hommes établirent des “ ères ” auxquelles ils donnaient comme point de départ un événement marquant à partir duquel ils mesuraient des périodes comportant de nombreuses années. Par exemple, dans les nations de la chrétienté, si quelqu’un dit que nous sommes “ le 1er octobre 1997 de n. è. (de notre ère) ”, il entend que nous sommes “ le premier jour du dixième mois de la mille neuf cent quatre-vingt-dix-septième année comptée à partir de la date présumée de la naissance de Jésus ”.
Cette utilisation d’une ère dans l’histoire profane est relativement récente. L’ère grecque, qui serait l’exemple profane le plus ancien de numération chronologique, n’est apparemment entrée en usage que vers le IVe siècle av. n. è. (avant notre ère.) Les Grecs comptaient le temps au moyen de périodes de quatre ans appelées olympiades, le point de départ étant la première olympiade, dont on a calculé qu’elle commença en 776 av. n. è. En outre, ils identifiaient souvent telle ou telle année en se référant à la durée de l’exercice de tel ou tel homme public. Les Romains finirent par fixer eux aussi une ère, comptant les années à partir de la date traditionnelle de la fondation de Rome (753 av. n. è.). Ils désignèrent également certaines années en citant les noms des deux consuls en fonction cette année-là. C’est seulement au VIe siècle de n. è. qu’un moine du nom de Denys le Petit fixa le début de ce qu’on appelle couramment aujourd’hui l’“ ère chrétienne ” ou plus correctement “ notre ère ”. Les peuples mahométans (islamiques) datent les années à partir de l’hégire (la fuite de Mahomet de La Mecque en 622 de n. è.). En revanche, rien n’indique que les Égyptiens, les Assyriens et les Babyloniens de l’Antiquité aient utilisé le système de l’ère durant une période relativement longue.
Dans le récit biblique, il n’est jamais expressément question d’une ère fixée comme point de départ et par rapport à laquelle tous les événements sont datés ensuite. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existait pas de système permettant de donner aux événements passés leur place précise et exacte dans le cours du temps. Le fait que les rédacteurs de la Bible aient pu citer des chiffres précis relatifs à des périodes de plusieurs siècles lorsqu’ils rapportèrent des événements particuliers démontre que ni le peuple d’Israël ni ses ancêtres ne se désintéressaient de la chronologie. Ainsi, Moïse put écrire : “ Il arriva à la fin des quatre cent trente ans [comptés ici à partir de l’époque où Abraham traversa l’Euphrate pour se rendre en Canaan, époque où, semble-t-il, Dieu valida l’alliance conclue avec lui], oui il arriva, en ce jour-là même, que toutes les armées de Jéhovah sortirent du pays d’Égypte. ” (Ex 12:41 ; voir EXODE ; voir aussi Ga 3:16, 17). De même, en 1 Rois 6:1, le récit dit que “ dans la quatre cent quatre-vingtième année après que les fils d’Israël furent sortis du pays d’Égypte ”, le roi Salomon commença la construction du temple de Jérusalem. Toutefois, ni la validation de l’alliance abrahamique ni l’Exode n’en vinrent à servir couramment de départ d’une ère dans l’historique d’autres événements.
Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les données chronologiques fournies par la Bible correspondent exactement aux systèmes modernes dans lesquels tous les événements sont datés mathématiquement par rapport à un point de repère fixe du passé, comme le début de notre ère. Le plus souvent, les rédacteurs de la Bible situent les événements dans le cours du temps un peu comme on le fait naturellement dans la vie courante. De même qu’aujourd’hui quelqu’un situerait un événement en disant qu’il a eu lieu “ l’année après la sécheresse ” ou “ cinq ans après la Seconde Guerre mondiale ”, de même les rédacteurs de la Bible rattachèrent les événements qu’ils racontaient à des points de repère relativement proches.
Dans certains cas, on ne peut tirer de conclusion absolue en matière de chronologie parce qu’on ne connaît pas toujours précisément le point de départ ou le repère utilisé par l’écrivain. D’autre part, un rédacteur utilise parfois plus d’un point de départ pour dater les événements à mesure qu’il traite d’une certaine période de l’Histoire. Cette variation dans le choix des points de départ ne trahit pas de l’imprécision ou de la confusion de la part du rédacteur. On ne peut juger ses méthodes uniquement d’après ce qu’on pense être la bonne façon de noter les événements selon les systèmes modernes. S’il est vrai que certains des problèmes les plus difficiles à résoudre sont peut-être dus à des fautes de copistes, il ne serait pas raisonnable d’invoquer de telles fautes lorsqu’il n’existe pas d’éléments valables comme des leçons différentes dans d’autres manuscrits anciens des Écritures. Les éléments dont on dispose démontrent de façon convaincante que les livres de la Bible furent recopiés avec une exactitude et un soin remarquables, grâce à quoi ils conservèrent leur intégrité interne. — Voir MANUSCRITS DE LA BIBLE ; SCRIBE.
La chronologie biblique et l’histoire profane. On entend souvent dire qu’il faut “ harmoniser ” ou “ concilier ” le récit biblique avec la chronologie établie à partir de textes profanes anciens. Puisque, par définition, la vérité est ce qui est conforme aux faits, à la réalité, une telle harmonisation serait effectivement très importante si, et seulement si, on pouvait démontrer que les textes profanes anciens sont incontestablement exacts et toujours fiables, donc qu’ils constituent un critère d’exactitude. Puisque les détracteurs de la Bible ont souvent laissé entendre que la chronologie fournie par ce livre est inférieure à celle des nations païennes, il vaut la peine d’examiner quelques-unes des annales laissées par des nations et des peuples dont les actions et la vie eurent un lien avec le peuple et les récits de la Bible.
La Bible est un livre historique, qui sous ce rapport se démarque parmi les écrits anciens. Les récits historiques des Égyptiens, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes, des Perses et d’autres peuples de l’Antiquité sont essentiellement fragmentaires ; leurs périodes les plus anciennes sont soit obscures, soit, telles qu’ils les présentent, manifestement mythiques. Par exemple, le document ancien connu sous le nom de Liste royale sumérienne commence ainsi : “ La royau[té] étant descendue du ciel, [Eri]du (fut) pour la royauté. A Eridu, Alulim <fut> roi ; il régna 28 800 ans ; Alalgar régna 36 000 ans ; 2 rois régnèrent 64 800 ans. [...] A Bad-tibira, Enme(n)-lu-ana régna 43 200 ans ; Enme(n)-gal-ana régna 28 800 ans ; le divin Dumuzi, le pasteur, régna 36 000 ans ; 3 rois régnèrent 108 000 ans. ” — Chroniques mésopotamiennes, par J.-J. Glassner, Paris, 1993, p. 138.
Les données qu’on possède provenant des textes profanes des nations antiques ont été laborieusement assemblées à partir de bribes de renseignements glanées sur des monuments et des tablettes, ou dans les écrits ultérieurs de la période gréco-romaine des “ historiographes classiques ”. Les archéologues ont, certes, mis au jour des dizaines de milliers de tablettes d’argile couvertes d’inscriptions cunéiformes assyro-babyloniennes ainsi que de nombreux rouleaux de papyrus en Égypte, mais dans la très grande majorité des cas il s’agit de textes religieux et de documents commerciaux : contrats, factures, actes, etc. Les textes historiques des nations païennes, bien moins nombreux, conservés sur des tablettes, des cylindres, des stèles ou des monuments, sont essentiellement des panégyriques d’empereurs et des récits grandiloquents de leurs campagnes militaires.
La Bible, de son côté, présente une histoire extraordinairement cohérente et détaillée qui s’étend sur environ quatre millénaires. En effet, non seulement elle rapporte avec une remarquable continuité les faits depuis l’origine de l’homme jusqu’à l’époque du gouvernorat de Nehémia au Ve siècle av. n. è., mais on peut aussi considérer que, grâce à la prophétie (histoire écrite à l’avance) de Daniel chapitre 11, elle fournit les grandes lignes de la période allant de Nehémia aux jours de Jésus et de ses apôtres. La Bible offre une histoire vivante et authentique de la nation d’Israël depuis sa naissance, exposant avec franchise ses points forts comme ses points faibles, ses réussites comme ses échecs, son culte, vrai comme faux, ses bénédictions comme ses condamnations et malheurs. Cette honnêteté n’est certes pas à elle seule une garantie d’exactitude chronologique, mais elle donne une bonne raison d’avoir confiance dans l’intégrité des rédacteurs de la Bible et dans leur souci sincère de rapporter la vérité.
Les chroniqueurs de la Bible, tels que les rédacteurs de Un et Deux Rois et de Un et Deux Chroniques, disposaient manifestement d’annales détaillées. C’est ce qu’indiquent les longues généalogies comportant des centaines de noms qu’ils furent en mesure de compiler, ainsi que la présentation cohérente et authentique des règnes de tous les rois de Juda et d’Israël exposant leurs relations avec les autres nations et les uns avec les autres. Les historiens modernes admettent aujourd’hui encore être incertains de la place à attribuer à tel ou tel roi assyrien ou babylonien, même dans les dernières dynasties. Par contre, il n’y a aucune incertitude quant à l’ordre de succession des rois de Juda et d’Israël.
Dans les Écritures, il est fait mention du “ livre des Guerres de Jéhovah ” (Nb 21:14, 15), du “ livre des affaires des jours des rois d’Israël ” (1R 14:19 ; 2R 15:31), du “ livre des affaires des jours des rois de Juda ” (1R 15:23 ; 2R 24:5), du “ livre des affaires de Salomon ” (1R 11:41), et d’autres annales ou documents officiels semblables sont cités de nombreuses fois par Ezra et Nehémia. Cela montre que les rédacteurs de la Bible ne comptaient pas seulement sur leur mémoire ou sur la tradition orale pour inscrire des renseignements, mais qu’ils faisaient des recherches minutieuses et se documentaient parfaitement. Les historiens de la Bible citent également les archives gouvernementales d’autres nations, certaines parties de la Bible ayant d’ailleurs été écrites dans d’autres pays qu’Israël, en Égypte, en Babylonie et en Perse par exemple. — Voir ESTHER (LIVRE D’) ; EZRA (LIVRE D’) ; LIVRE, II.
Un autre facteur permettait sans nul doute de calculer l’écoulement du temps avec exactitude, du moins dans la mesure où les Israélites respectaient fidèlement la Loi de Moïse. Il s’agit de l’observance des années sabbatiques et des années jubilaires, observance qui divisait le temps en périodes de 7 ans et de 50 ans. — Lv 25:2-5, 8-16, 25-31.
Le texte de la Bible se distingue particulièrement des écrits contemporains des nations païennes en ce que, dans ses pages, on trouve la notion de temps, non seulement du passé et du présent, mais aussi de l’avenir (Dn 2:28 ; 7:22 ; 8:18, 19 ; Mc 1:15 ; Ré 22:10). Du fait de ce caractère prophétique unique, les Israélites accordaient plus que n’importe quel peuple païen une très grande importance à l’exactitude chronologique. En effet, les prophéties bibliques concernaient souvent des périodes de temps bien précises. Étant le Livre de Dieu, la Bible met en avant la ponctualité avec laquelle celui-ci exécute sa parole (Éz 12:27, 28 ; Ga 4:4) et elle montre que l’exactitude des prophéties prouve sa Divinité. — Is 41:21-26 ; 48:3-7.
Il est vrai que quelques documents non bibliques sont antérieurs de plusieurs siècles aux plus anciennes copies manuscrites de la Bible découvertes à ce jour. Gravés sur la pierre ou écrits sur l’argile, des documents païens antiques sont peut-être très impressionnants, mais cela ne garantit pas forcément qu’ils sont exacts et exempts de tout mensonge. Dans le domaine de la chronologie comme dans d’autres d’ailleurs, les éléments importants qui donnent confiance ne sont pas tant le support d’écriture que l’écrivain, son but, son respect de la vérité et son attachement aux principes justes. Le grand âge des documents profanes ne compense pas la qualité largement inférieure de leur contenu par rapport à celui de la Bible. L’absence à ce jour d’exemplaires originaux du texte biblique peut facilement s’expliquer : le texte fut de toute évidence rédigé sur des matériaux périssables, tels que le papyrus et le vélin, il était utilisé en permanence, et le climat de la plupart des régions d’Israël (différent de celui d’Égypte, extraordinairement sec) a des effets néfastes. Cependant, comme la Bible est le Livre inspiré par Jéhovah, elle a été très soigneusement copiée et conservée dans son intégralité jusqu’à ce jour (1P 1:24, 25). La fiabilité de la chronologie biblique est garantie par l’inspiration divine grâce à laquelle les historiens de la Bible rédigèrent leurs écrits. — 2P 1:19-21.
Afin d’illustrer pourquoi les textes historiques profanes ne peuvent être le critère d’exactitude sur lequel juger la chronologie biblique, on peut citer C. Ceram, auteur spécialisé en archéologie, qui, à propos de la science moderne qu’est la datation historique, a écrit : “ Quand on étudie l’histoire ancienne, on est frappé par la sûreté avec laquelle les historiens actuels situent dans le temps des événements qui se sont produits il y a des milliers d’années. L’étonnement se transforme en crainte respectueuse à mesure que l’examen des sources historiques révèle combien, à l’époque où les documents furent rédigés, les données étaient pauvres, inexactes ou erronées. Ces documents nous sont parvenus à l’état de fragments ; les inscriptions sont effacées par le temps ou mutilées par la main des hommes. ” Puis il parle de l’ensemble de l’histoire chronologique comme d’“ un squelette, un bâti autour duquel il n’y a rien ”. — Le secret des Hittites, Paris, 1955, p. 135, 136.
Ce commentaire peut sembler excessif, mais si on s’en tient aux annales profanes, il n’est pas dénué de fondement. Les renseignements qui vont suivre montrent clairement pourquoi il n’y a pas lieu de douter de l’exactitude de la chronologie biblique simplement sous prétexte que certains documents profanes divergent d’avec elle. Au contraire, c’est uniquement lorsque la chronologie profane s’harmonise avec le récit biblique qu’on est fondé à avoir une certaine confiance dans cette datation profane antique. Quand on examine les annales des nations païennes qui eurent des contacts avec la nation d’Israël, il faut se rappeler que certaines des divergences apparentes qu’on y trouve sont peut-être simplement dues à l’incapacité des historiens modernes d’interpréter correctement les méthodes utilisées autrefois, semblable à leur incapacité d’interpréter correctement les méthodes employées par les historiens de la Bible. Cela dit, quantité de faits attestent que les historiens et les chronologistes païens se montrèrent incontestablement négligents, inexacts, voire furent délibérément des mystificateurs.
La chronologie égyptienne. L’histoire de l’Égypte coïncide avec celle d’Israël à diverses reprises. Le présent ouvrage situe l’entrée d’Israël en Égypte en 1728 av. n. è., et l’Exode 215 années plus tard, en 1513. Le pharaon Shishaq monta contre Jérusalem dans la cinquième année du règne de Rehabam, en 993 av. n. è. ; le roi d’Égypte So fut contemporain du roi Hoshéa (vers 758-740 av. n. è.) ; et la bataille livrée par le pharaon Néko au cours de laquelle Yoshiya mourut eut vraisemblablement lieu en 629 av. n. è. (1R 14:25 ; 2R 17:4 ; 2Ch 35:20-24.) La différence entre les dates mentionnées ci-dessus et celles qu’avancent généralement les historiens modernes est d’un siècle ou plus pour l’Exode, et se réduit à environ 20 ans pour l’époque du pharaon Néko. Les données suivantes montrent pourquoi nous préférons nous en tenir à la chronologie basée sur les indications bibliques.
Les historiens modernes se fondent principalement sur certains documents qui se présentent sous la forme de listes de rois égyptiens ou d’annales. Il y a entre autres la Pierre de Palerme, fragment qui présente ce qu’on pense être les cinq premières “ dynasties ” de l’histoire de l’Égypte ; le Papyrus de Turin, très fragmentaire, qui donne une liste de rois et de leurs règnes depuis l’“ Ancien Empire ” jusqu’au “ Nouvel Empire ” ; et d’autres inscriptions gravées sur de la pierre, elles aussi fragmentaires. Ces listes séparées et d’autres inscriptions indépendantes ont été placées dans un ordre chronologique à l’aide des écrits de Manéthon, prêtre égyptien du IIIe siècle av. n. è. Ses ouvrages, consacrés à l’histoire et à la religion égyptiennes, classent les règnes des monarques égyptiens en 30 dynasties, classement suivi aujourd’hui encore par les égyptologues. Ces sources, ainsi que des calculs astronomiques fondés sur des textes égyptiens traitant des phases de la lune et du lever de Sirius (Sothis), ont servi à établir une table chronologique.
Les faiblesses de la chronologie égyptienne. Les incertitudes sont nombreuses. On n’a pas trace des œuvres de Manéthon, qui servirent à donner un ordre aux listes fragmentaires et à d’autres inscriptions, que dans les écrits d’historiens d’époques ultérieures, comme Josèphe (Ier siècle de n. è.), Sextus Julius Africanus (IIIe siècle de n. è. ; il vécut donc plus de 500 ans après Manéthon), Eusèbe (IVe siècle de n. è.) et Georges le Syncelle (fin du VIIIe ou début du IXe siècle de n. è.). Comme le déclare W. Waddell, leurs citations des écrits de Manéthon sont fragmentaires et souvent déformées, si bien qu’“ il est extrêmement difficile de déterminer avec certitude ce qui provient de Manéthon et ce qui est falsifié ou altéré ”. Après avoir montré que les textes originaux de Manéthon contenaient des traditions sans valeur historique et des légendes qui “ présentaient les rois comme leurs héros, sans souci de l’ordre chronologique ”, il dit : “ Il y avait dès l’origine de nombreuses erreurs dans l’œuvre de Manéthon : toutes ne sont pas dues aux fautes des scribes et des réviseurs. Les durées de nombreux règnes sont apparues impossibles : dans certains cas, les noms et la succession des rois selon Manéthon se sont révélés irrecevables à la lumière du témoignage des monuments. ” — Manetho, introduction, p. vii, xvii, xx, xxi, xxv.
Un ouvrage montre que les longueurs excessives de nombreuses périodes données par Manéthon s’expliquent probablement par le fait que des règnes furent simultanés et non successifs. Il s’agit de Studies in Egyptian Chronology, par T. Nicklin (Blackburn, Angleterre, 1928, p. 39), qui dit ceci : “ Les dynasties manéthoniennes [...] ne sont pas des listes de souverains de toute l’Égypte, mais des listes énumérant en partie des princes plus ou moins indépendants, en partie [...] des lignées princières d’où sortirent ultérieurement des souverains de toute l’Égypte. ” Comme le professeur Waddell (p. 1-9) le fait remarquer, “ il se peut que plusieurs rois égyptiens aient régné en même temps ; [...] il ne s’agissait donc pas d’une succession de rois ayant occupé le trône l’un après l’autre, mais de plusieurs rois ayant régné en même temps dans différentes régions. D’où le grand nombre d’années au total ”.
Puisque la Bible semble indiquer l’année 2370 av. n. è. comme la date du déluge universel, l’histoire de l’Égypte doit avoir débuté après cette date. Les faiblesses de la chronologie égyptienne analysées plus haut sont sans aucun doute à l’origine des chiffres avancés par les historiens modernes qui font remonter l’histoire de l’Égypte jusqu’à 3000 av. n. è.
Les égyptologues se fient davantage aux inscriptions antiques elles-mêmes. Pourtant, le soin, la véracité et l’intégrité morale des scribes égyptiens sont loin d’être au-dessus de tout soupçon. Le professeur J. Wilson écrit à ce sujet : “ Il faut lancer une mise en garde concernant la véritable valeur historique des inscriptions égyptiennes. C’était un monde de [...] mythes et de miracles divins. ” Puis, après avoir émis l’idée que les scribes n’hésitaient pas à jongler avec la chronologie des événements dans le but de louer davantage le monarque du moment, il ajoute : “ En général, l’historien accepte ses données telles qu’elles sont, à moins qu’il y ait manifestement lieu d’en douter ; mais il doit être prêt à ne plus les accepter dès que des éléments nouveaux jettent une lumière différente sur l’interprétation précédente. ” — The World History of the Jewish People, 1964, vol. 1, p. 280, 281.
L’absence de renseignements concernant Israël. Elle n’est pas surprenante, car, non contents de ne pas consigner dans leurs annales les renseignements qui n’étaient pas à leur honneur, les Égyptiens n’hésitaient pas à faire disparaître les renseignements consignés par un monarque précédent s’ils n’étaient pas du goût du pharaon en place. Ainsi, après la mort de la reine Hatshepsout, Thoutmosis III fit ôter son nom et ses représentations des reliefs sculptés sur les monuments. Cette pratique explique sans nul doute pourquoi il n’existe aucune trace égyptienne connue du séjour de 215 ans des Israélites en Égypte ni de leur exode.
La Bible ne donne pas le nom du pharaon qui régnait à l’époque de l’Exode ; les efforts faits pour l’identifier reposent donc sur des conjectures. Cela explique en partie pourquoi les historiens modernes situent l’Exode entre 1441 et 1225 av. n. è., une fourchette de plus de 200 ans.
La chronologie assyrienne. À partir de l’époque de Salmanasar III (début du Ier millénaire av. n. è.), dans leurs inscriptions les Assyriens font mention de leurs relations avec les Israélites et nomment parfois des rois de Juda et d’Israël. Les inscriptions assyriennes consistent en textes sur monuments, comme ceux qui recouvrent les murs des palais ; en annales royales ; en listes de rois, comme celles trouvées à Khorsabad ; et en listes d’éponymes, ou de limmou.
Les inscriptions sur monuments et les annales de l’Assyrie. Voici ce qu’on lit sous la plume d’Albert Olmstead (Assyrian Historiography, 1916, p. 5, 6), à propos des inscriptions assyriennes sur monuments : “ Nous pouvons [...] utiliser l’inscription sur monument pour combler les vides laissés par les annales [chroniques royales énumérant les événements année par année], mais elle n’a pas le moindre poids quand elle contredit son original. ” Après avoir montré que l’objet principal des inscriptions sur monuments n’était pas de fournir une histoire suivie du règne, il ajoute : “ Tout aussi grave, elles ont rarement un ordre chronologique. [...] Il est évident qu’il faut les utiliser avec prudence. ”
Concernant les annales, il déclare : “ Nous possédons ici une chronologie établie, et si on y décèle parfois des erreurs, intentionnelles ou autres, à tout le moins la chronologie relative est généralement exacte. [...] Ce serait toutefois une grande erreur de présumer que les annales sont toujours dignes de confiance. Les historiens du passé ont trop souvent ajouté foi à leurs déclarations sauf s’ils avaient une preuve précise d’inexactitude. Ces dernières années, on a découvert quantité d’éléments nouveaux qui permettent de procéder à la critique des documents sargonides. [...] Si nous ajoutons à cela les références trouvées dans les sources étrangères, hébraïques ou babyloniennes par exemple, nous n’avons guère besoin d’étudier ces annales pour nous convaincre qu’elles sont loin d’être fiables. ”
À ce témoignage, on peut ajouter celui-ci de D. Luckenbill : “ On s’aperçoit rapidement que les scribes royaux n’avaient pas pour souci majeur de rapporter fidèlement les événements tels qu’ils se déroulaient, année après année, durant le règne du monarque. Parfois on dirait que les campagnes ont changé de date sans raison apparente, mais le plus souvent il est clair que la vanité du roi a obligé à prendre des libertés avec l’exactitude historique. ” — Ancient Records of Assyria and Babylonia, 1926, vol. I, p. 7.
Les annales royales subissaient généralement plusieurs révisions au cours du règne du monarque. Les dernières éditions rapportaient les événements récents, mais il semble aussi qu’elles jonglaient avec les faits et les chiffres des années précédentes selon le bon plaisir du roi. Le professeur Olmstead dit qu’“ [Assourbanipal] s’est froidement attribué, bribe après bribe, les deux dernières campagnes de son père en Égypte jusqu’à ce que, dans la dernière édition, il n’y ait plus rien qu’il ne mette à son actif ”. — Assyrian Historiography, p. 7.
On pourrait multiplier les exemples notoires d’inexactitudes, délibérées ou non. Ceux qui établissaient les listes de tributaires ne se gênaient pas pour y inscrire un roi vassal qui, à la même époque, était déclaré mort sur d’autres documents. Après avoir cité un cas où une liste de tributaires d’Ésar-Haddôn fut attribuée 13 ans plus tard à son fils Assourbanipal, George Smith dit que cette liste ultérieure est “ fort probablement une copie exacte du document antérieur, copie faite sans que personne n’ait pris la peine de vérifier si ces rois régnaient toujours et s’ils payaient vraiment un tribut ”. — The Assyrian Eponym Canon, Londres, 1875, p. 179.
Les listes d’éponymes (de limmou). Malgré les faits mentionnés plus haut, les chronologistes modernes affirment généralement que les listes d’éponymes, ou de limmou, ont d’une manière ou d’une autre échappé à ce genre d’altérations et sont à peu près exemptes d’erreurs. Ces listes d’éponymes énumèrent simplement les noms et rangs de personnages importants, ou des noms accompagnés de la brève mention d’une campagne militaire ou d’un autre événement marquant. Voici ce qu’on lit par exemple dans une liste d’éponymes :
Bel-harran-bel-ousour
(gouverneur) de Gouzana
contre Damas
—
Salmanasar
s’assit sur le trône
Mardouk-bel-ousour
(gouverneur) d’Amédi
dans le pays
Mahdê
(gouverneur) de Ninive
contre [Samarie]
Assour-ishmeani
(gouverneur) de [Kakzi]
contre [Samarie]
Salmanasar
roi d’Assyrie
contre [Samarie]
Comme on peut le remarquer, aucune date n’est indiquée, mais on considère que chaque nom correspond à une année, ce qui permettrait un compte année par année. Les historiens modernes s’efforcent de faire coïncider les histoires assyrienne et biblique au moyen de ces listes d’éponymes, particulièrement pour la période comprise entre 911 et 649 av. n. è., à laquelle ils attribuent les noms ou éponymes des listes. Comme point de repère, ils s’appuient sur la mention d’une éclipse de soleil faite en regard du nom d’un certain Bour-Sagale, gouverneur de Gouzana. Cette éclipse eut lieu au mois de Sivân (mai-juin), et les historiens la fixent généralement au 15 juin 763 av. n. è. La fiabilité de cette date et la synchronisation de l’histoire de l’Assyrie avec celle de Juda et d’Israël, qu’ils fondent sur cette date, seront examinées plus loin sous l’intertitre “ Les calculs astronomiques ”.
Étant donné que les listes d’éponymes donnent un nombre extrêmement réduit de renseignements (comparativement aux annales et autres inscriptions), il est évident que le moyen de découvrir les erreurs est considérablement restreint. Quand ils trouvent des contradictions apparentes entre les listes d’éponymes et les annales, telles que la mention d’une certaine campagne pendant une autre année de règne ou au cours d’une autre éponymie, les historiens modernes imputent généralement l’erreur aux annales plutôt qu’aux listes d’éponymes. Cependant, même ce qu’on appelle l’histoire synchronique assyrienne (tablette célèbre contenant un récit concis des relations entre l’Assyrie et la Babylonie sur une période de plusieurs siècles) n’est pas tenue pour absolument exacte. Après avoir démontré que ce texte n’est qu’une copie d’une inscription sur monument plus ancienne, A. Olmstead déclare : “ Nous pouvons donc considérer ce document même pas comme de l’histoire au vrai sens du terme, mais simplement comme une inscription dressée à la gloire d’Ashour [le dieu principal de l’Assyrie] et de son peuple [...]. Quand nous le considérons sous cet angle, nous ne sommes plus troublés par les nombreuses erreurs qu’il contient, même dans l’ordre de succession des rois, erreurs qui diminuent considérablement la valeur de ce document dans les domaines où son témoignage aurait été de la plus grande utilité. ” — Assyrian Historiography, p. 32.
Il faut bien comprendre que des variantes comme celles qu’on trouve dans les listes d’éponymes rendent extrêmement difficile la tâche des spécialistes qui cherchent maintenant à établir une chronologie exacte. C’est notamment le cas lorsque la compilation de données relatives à plusieurs siècles est l’œuvre de scribes qui apparemment se souciaient très peu de la rigueur et de l’exactitude historique. Il est également évident que les historiens modernes se sentent autorisés à modifier ou à rejeter le compte des listes assyriennes d’éponymes lorsque d’autres facteurs ou d’autres faits le recommandent.
De ce qui précède, on déduit que l’historiographie assyrienne est soit mal comprise par les historiens modernes, soit de piètre qualité. Dans l’un ou l’autre cas, nous ne nous sentons pas obligés d’essayer de faire correspondre la chronologie biblique avec l’Histoire selon les documents assyriens. Ne seront donc indiqués que les synchronismes les plus sûrs entre Assyrie et Israël-Juda sur les indications du récit biblique.
La chronologie babylonienne. Babylone apparaît dans la fresque biblique principalement à partir de l’époque de Neboukadnetsar II. Le règne du père de ce monarque, Nabopolassar, marqua le début de ce qu’on appelle l’Empire néo-babylonien ; cet empire prit fin avec les règnes de Nabonide et de son fils Belshatsar, et avec le renversement de Babylone par Cyrus le Perse. Cette période présente un grand intérêt pour les biblistes, car elle embrasse l’époque de la destruction de Jérusalem par Babylone et la majeure partie des 70 ans d’exil des Juifs.
Selon Jérémie 52:28, dans la septième année de Neboukadnetsar (ou Neboukadretsar) le premier groupe d’exilés juifs fut emmené à Babylone. Confirmation de ce texte, une inscription cunéiforme de la Chronique babylonienne (British Museum 21946) déclare : “ La 7e année, au mois de Kislev, le roi d’Akkad rassembla ses troupes, marcha sur le Hatti et établit ses quartiers face à la ville de [Juda]. Au mois d’Addar, le 2e jour, il prit la ville et s’empara du roi [Yehoïakîn]. Il y installa un roi de son choix [Tsidqiya]. Il y prit un lourd tribut et rentra à Babylone. ” (Chroniques mésopotamiennes, p. 200 ; voir 2R 24:1-17 ; 2Ch 36:5-10) (PHOTO, vol. 2, p. 326). À propos des 32 dernières années du règne de Neboukadnetsar, il n’existe aucun document historique du type des chroniques à l’exception d’une inscription fragmentaire relative à une campagne menée contre l’Égypte dans la 37e année de Neboukadnetsar.
Pour ce qui est d’Awil-Mardouk (Évil-Merodak, 2R 25:27, 28), on a découvert des tablettes datées de la deuxième année de son règne. Concernant Nériglissar, successeur présumé d’Awil-Mardouk, on dispose de tablettes de contrats datées de sa quatrième année.
Il existe une précieuse tablette babylonienne d’argile pour relier la chronologie babylonienne à la chronologie biblique. Cette tablette donne le renseignement astronomique suivant relatif à la septième année de Cambyse II, fils de Cyrus II : “ Septième année, Tammouz, nuit du 14, 1 h 40 double [trois heures et vingt minutes] après la tombée de la nuit, une éclipse de Lune ; visible du début à la fin ; elle a masqué la moitié nord du disque [de la Lune]. Tébet, nuit du 14, 2 h 30 doubles [cinq heures] de la nuit avant le matin [dans la dernière partie de la nuit], le disque de la Lune a été éclipsé ; visible du début à la fin ; l’éclipse est passée sur les parties sud et nord. ” (Inschriften von Cambyses, König von Babylon, par J. Strassmaier, Leipzig, 1890, no 400, lignes 45-48 ; Sternkunde und Sterndienst in Babel, par F. Kugler, Münster, 1907, vol. I, p. 70, 71). On peut, semble-t-il, identifier ces deux éclipses de lune avec celles qui furent observées à Babylone les 16 juillet 523 et 10 janvier 522 av. n. è. (Canon der Finsternisse, par T. Oppolzer, 1887, p. 335.) Cette tablette indique donc que la septième année de Cambyse II débuta au printemps de 523 av. n. è. C’est une date confirmée par les calculs astronomiques.
Puisque la septième année de Cambyse II débuta au printemps de 523 av. n. è., la première année de son règne se situe en 529 av. n. è. et l’année de son accession au trône, aussi la dernière de Cyrus II comme roi de Babylone, fut 530 av. n. è. La plus récente tablette datée du règne de Cyrus II est du 23e jour du 5e mois de sa 9e année (Babylonian Chronology, 626 B.C.–A.D. 75, par R. Parker et W. Dubberstein, 1971, p. 14). Comme la neuvième année du règne de Cyrus II sur Babylone se situe en 530 av. n. è., selon ce calcul sa première année fut 538 av. n. è. et l’année de son accession 539 av. n. è.
Bérose. Au IIIe siècle av. n. è., Bérose, prêtre babylonien, rédigea en grec une histoire de Babylone, sans doute à partir d’inscriptions cunéiformes. À propos de ses écrits, le professeur Olmstead a déclaré : “ Seuls des fragments, des résumés et des restes bien minces nous sont parvenus. En outre, nous devons les plus importants de ces fragments à une tradition presque sans équivalent. De nos jours, il nous faut consulter une version latine moderne d’une traduction arménienne du texte grec original (aujourd’hui perdu) de la chronique d’Eusèbe, qui s’inspira en partie d’Alexandre Polyhistor, lui-même ayant emprunté directement à Bérose, et en partie à Abydène qui, semble-t-il, emprunta à Juba, Juba ayant lui-même emprunté à Alexandre Polyhistor et donc à Bérose. Pour compliquer davantage les choses, dans certains cas Eusèbe n’a pas avoué qu’Abydène n’était que le faible écho de Polyhistor, et il a cité le récit de chacun d’eux côte à côte. Et ce n’est pas tout. Bien qu’en général il faille préférer sa reprise de Polyhistor, Eusèbe semble s’être servi d’un manuscrit médiocre de cet auteur. ” (Assyrian Historiography, p. 62, 63). Josèphe, historien juif du Ier siècle de n. è., affirme lui aussi citer Bérose. Mais il paraît évident qu’on peut difficilement juger concluantes les données chronologiques censées venir de Bérose.
D’autres facteurs de différences. Ceux qui étudient superficiellement l’histoire ancienne le font souvent en pensant à tort que les tablettes cunéiformes (comme celles dont Bérose se servit peut-être) furent toujours rédigées au moment des faits qu’elles concernent, ou peu après. Cependant, à part les nombreux documents cunéiformes commerciaux, qui étaient vraiment contemporains, les textes historiques babyloniens et même de nombreux textes astronomiques se révèlent souvent de loin postérieurs aux faits dont ils font mention. Ainsi, selon l’assyriologue D. Wiseman, une partie de ce qu’on appelle la Chronique babylonienne, qui couvre la période allant du règne de Nabou-nasir à celui de Shamash-Shoum-Oukin (747-648 av. n. è., selon les historiens profanes), est “ une copie faite dans la vingt-deuxième année de Darius [une note précise : c.-à-d. en 500/499 av. n. è., s’il s’agit de Darius Ier] à partir d’un texte plus ancien et endommagé ”. (Chronicles of Chaldaean Kings, Londres, 1956, p. 1.) Ainsi, non seulement 150 à 250 ans séparaient la rédaction de ce document et les événements qu’il rapportait, mais encore il était la copie d’un document plus ancien et défectueux, dont on ignore s’il s’agissait d’un original. À propos des textes de la chronique néo-babylonienne, qui couvrent la période allant de Nabopolassar à Nabonide, le même assyriologue écrit : “ Les textes de la chronique néo-babylonienne sont rédigés en petits caractères dont le type ne permet pas une datation précise, mais peut laisser penser qu’ils furent écrits à une époque quelconque située entre celle qui fut presque contemporaine des événements eux-mêmes et la fin du règne des Achéménides. ” Il est donc possible qu’ils aient été rédigés à une période aussi tardive que la fin de l’Empire perse, c’est-à-dire en 331 av. n. è., environ 200 ans après la chute de Babylone. On a déjà vu que les renseignements, y compris les chiffres, pouvaient facilement être modifiés, voire déformés, entre les mains des scribes païens en l’espace de quelques siècles. Au vu de tous ces facteurs, il ne serait certainement pas sage de soutenir que les chiffres traditionnellement avancés pour les règnes des rois néo-babyloniens doivent être considérés comme absolus.
Sans documents historiques contemporains des événements rapportés et compte tenu de la facilité avec laquelle les données pouvaient être altérées, on peut penser qu’un ou plusieurs souverains néo-babyloniens eurent un règne plus long que ne l’indiquent les chiffres traditionnels. Il ne serait pas logique d’écarter cette possibilité sous prétexte qu’on n’a pas découvert de tablettes qui traitent des dernières années de ces règnes. Il y a des cas de rois dont le règne se prolongea bien plus longtemps et pour lesquels on n’a pas trouvé de tablettes apportant confirmation. Par exemple, aucun texte cunéiforme contemporain d’Artaxerxès III (Ochus) (qui, selon les historiens, régna 21 ans [358-338 av. n. è.]) et d’Arsès (auquel on attribue un règne de 2 ans [337-336 av. n. è.]) ne permet d’établir la durée de leurs règnes.
En fait, les historiens ne savent pas où placer certains rois babyloniens concernant lesquels des documents existent. Le professeur A. Ahl (Outline of Persian History, 1922, p. 84) déclare : “ Des tablettes de contrat, trouvées à Borsippa, portent les noms de rois babyloniens qui n’apparaissent pas ailleurs. Il est fort probable que leurs règnes se situent dans les derniers jours de celui de Darius Ier et débordent sur les premiers jours de Xerxès Ier, comme A. Ungnad le suppose. ” Mais ce n’est toujours qu’une supposition.
La chronologie perse. Un certain nombre d’événements bibliques importants eurent lieu pendant la période perse : la chute de Babylone, suivie de la libération des Juifs par Cyrus et de la fin des 70 années de désolation de Juda ; la reconstruction du temple de Jérusalem, achevée “ dans la sixième année du règne de Darius [Ier, le Perse] ” ; et la reconstruction des murailles de Jérusalem par Nehémia, conformément au décret promulgué dans la 20e année du règne d’Artaxerxès Longue-Main. — 2Ch 36:20-23 ; Ezr 3:8-10 ; 4:23, 24 ; 6:14, 15 ; Ne 2:1, 7, 8.
On peut arriver à la date de 539 av. n. è. pour la chute de Babylone non seulement grâce au canon de Ptolémée, mais aussi grâce à d’autres sources. L’historien Diodore, comme Africanus et Eusèbe, signale que la première année de la royauté de Cyrus sur la Perse correspondit à la 1re année de la 55e olympiade (560/559 av. n. è.), tandis que la dernière année de son règne est située à la 2e année de la 62e olympiade (531/530 av. n. è.). Selon des tablettes cunéiformes, Cyrus régna neuf ans sur Babylone, ce qui accréditerait la date de 539 comme étant celle où il conquit Babylone. — Handbook of Biblical Chronology, par Jack Finegan, 1964, p. 112, 168-170 ; Babylonian Chronology, 626 B.C.–A.D. 75, p. 14 ; voir plus haut les remarques faites sous “ La chronologie babylonienne ”, ainsi que PERSE, PERSES.
Plusieurs inscriptions de rois perses existent encore, mais elles ne présentent aucun intérêt pour établir la durée de leurs règnes. Par exemple, on a retrouvé à Persépolis un certain nombre de tablettes datées, mais elles ne portent pas de noms de rois.
Les calculs astronomiques. On affirme que “ les confirmations astronomiques permettent de transformer une chronologie relative [qui établit uniquement une succession d’événements] en une chronologie absolue, c’est-à-dire un système de dates rattachées à notre calendrier ”. (The Old Testament World, par Martin Noth, 1966, p. 272.) Même si, comme son Créateur l’a voulu, les corps célestes sont pour l’homme le moyen de mesurer le temps, il n’empêche que la corrélation entre les données astronomiques et les événements passés est soumise à divers facteurs et à l’interprétation humaine qui font place à l’erreur.
Bon nombre de “ synchronisations ” de données astronomiques avec des événements ou des dates de l’histoire ancienne sont fondées sur des éclipses de soleil ou de lune. Cependant, “ de n’importe quelle ville on peut observer, en moyenne, environ 40 éclipses de lune et 20 éclipses partielles de soleil en 50 ans, [mais] seulement une éclipse totale de soleil en 400 ans ”. (Encyclopædia Britannica, 1971, vol. 7, p. 907.) Ainsi, c’est seulement dans le cas d’une éclipse de soleil totale confirmée et observable dans une région précise qu’il y aurait peu de raison de douter d’une date historique fixée par ce moyen. Dans de nombreux cas, les anciens textes cunéiformes (ou les autres documents) qui font état d’éclipses ne fournissent pas ce genre de précision.
On a l’exemple de l’éclipse de soleil sur laquelle les historiens se fondent pour faire coïncider la chronologie assyrienne avec la chronologie biblique. Les listes assyriennes d’éponymes la situent au troisième mois (à partir du printemps) de l’éponymie de Bour-Sagale. Les chronologistes modernes ont calculé qu’il s’agit de l’éclipse qui se produisit le 15 juin 763 av. n. è. En remontant de 90 ans (soit 90 noms sur les listes d’éponymes) à partir de cette date, ils aboutissent à 853 av. n. è., année où aurait eu lieu la bataille de Qarqar, qui fut livrée dans la sixième année de Salmanasar III. Ils disent que d’après Salmanasar Ahab le roi d’Israël faisait partie de la coalition ennemie de l’Assyrie dans cette bataille, et que 12 ans plus tard (dans sa 18e année) ce roi assyrien parle de Yéhou, roi de Juda, qui lui paie un tribut. Ils en déduisent donc que l’année 853 av. n. è. est la date de la dernière année d’Ahab, et que 841 av. n. è. est celle du début du règne de Yéhou. Quelle est la valeur de ces calculs ?
Tout d’abord, alors qu’on suppose que cette éclipse de soleil fut totale, la liste d’éponymes ne le dit pas. D’autre part, si actuellement la plupart des historiens identifient cette éclipse à celle qui eut lieu en 763 av. n. è., tous ne sont pas de cet avis ; certains préfèrent 809 av. n. è., année durant laquelle se produisit une éclipse qui dut être au moins partiellement visible en Assyrie (ce qui fut aussi le cas en 857 et en 817 av. n. è., etc.) (Canon der Finsternisse, par T. Oppolzer, tableaux 17, 19, 21). Certes, les historiens modernes ne veulent pas se baser sur une autre éclipse de soleil que celle de 763 av. n. è., parce que cela ‘ jetterait la confusion dans l’histoire assyrienne ’, mais, comme on l’a vu plus haut, les Assyriens eux-mêmes jetèrent une grande confusion dans leur propre histoire.
De surcroît, il est très improbable que le roi Ahab ait participé à la bataille de Qarqar. Par conséquent, même si les règnes d’Ahazia et de Yehoram (qui s’intercalent entre ceux d’Ahab et de Yéhou) pouvaient être réduits à 12 ans seulement (voir 1R 22:40, 51 ; 2R 1:2, 17 ; 3:1), tout empêche une synchronisation formelle de la bataille de Qarqar avec Ahab. Par conséquent, en parlant de Yéhou, Salmanasar ne songe pas forcément à la première année de règne. La prétendue valeur de cette synchronisation s’amenuise encore devant l’accusation faite aux Assyriens de jongler avec les années de leurs campagnes et d’attribuer à des rois un tribut reçu de personnes qui n’étaient plus en vie. Le tableau “ Dates marquantes de la période des rois de Juda et d’Israël ” qui accompagne cet article situe la mort d’Ahab vers 920 av. n. è. et fait débuter le règne de Yéhou vers 904 av. n. è.
Le canon de Ptolémée. Claude Ptolémée, astronome grec, vécut au IIe siècle de n. è., soit plus de 600 ans après la fin de la période néo-babylonienne. On a fait correspondre son canon, une liste de rois, à un ouvrage qu’il rédigea sur l’astronomie. La plupart des historiens modernes ajoutent foi aux renseignements fournis par Ptolémée concernant les rois néo-babyloniens et la durée de leurs règnes.
Apparemment, Ptolémée fonda ses données historiques sur des sources remontant à la période séleucide, qui avait débuté plus de 250 ans après la prise de Babylone par Cyrus. Il n’est donc pas surprenant que les chiffres avancés par Ptolémée correspondent à ceux de Bérose, prêtre babylonien de la période séleucide.
Les éclipses de lune. On s’en sert pour tenter de confirmer les dates données pour certaines années de monarques néo-babyloniens à partir du canon de Ptolémée et des renseignements fournis par les documents cunéiformes. Cependant, même si Ptolémée calcula ou rapporta avec exactitude les dates de certaines éclipses du passé (un astronome moderne est arrivé à la conclusion que 60 % des dates de Ptolémée sont correctes), cela ne prouve pas qu’il ait transmis correctement les données historiques, autrement dit que la corrélation qu’il fait entre des éclipses et les règnes de certains rois soit invariablement fondée sur la réalité historique.
La date de la mort d’Hérode le Grand illustre les difficultés que pose parfois la datation fondée sur les éclipses de lune. Selon les écrits de Josèphe (Antiquités judaïques, XVII, 167 [VI, 4] ; XVII, 188-214 [VIII, 1-IX, 3]), Hérode mourut peu après une éclipse de lune et peu avant le début de l’époque de la Pâque. De nombreux savants situent la mort d’Hérode en 4 av. n. è. et citent à l’appui l’éclipse de lune du 11 mars (13 mars, calendrier julien) de cette année-là. Se fondant sur ce calcul, de nombreux chronologistes modernes font remonter la naissance de Jésus à 5 av. n. è.
Toutefois, cette éclipse de 4 av. n. è. eut une magnitude de 36 % seulement et ne dut attirer l’attention que de très peu de personnes à l’heure matinale où elle se produisit. Deux autres éclipses eurent lieu en 1 av. n. è., et l’une autant que l’autre peuvent satisfaire à la description d’une éclipse ayant précédé de peu la Pâque. L’éclipse partielle de lune du 27 décembre (29 décembre, calendrier julien) de cette année-là fut peut-être observable à Jérusalem, mais elle ne constitua probablement pas un événement marquant. Selon les calculs fondés sur l’ouvrage de T. Oppolzer, Canon der Finsternisse (p. 343), la lune était en train de sortir de l’ombre de la terre à l’heure où le crépuscule tombait à Jérusalem, et le temps qu’il fasse nuit noire elle brillait de nouveau de tout son éclat. D’autre part, elle n’est pas incluse dans la liste exhaustive de Manfred Kudlek et Erich Mickler. On ne peut donc pas, à ce stade de l’Histoire, préciser avec certitude dans quelle mesure cette éclipse fut visible à Jérusalem ni même si elle le fut tout court. L’éclipse qui eut lieu en pleine nuit aux premières heures du 8 janvier de l’an 1 av. n. è. (10 janvier, calendrier julien) fut plus frappante que toutes celles qui sont mentionnées plus haut. Ce fut une éclipse totale durant laquelle la lune fut occultée pendant 1 heure 41 minutes. Elle dut être remarquée par quiconque était éveillé, même si le ciel était couvert. Ainsi, au cours des années considérées ici, plus d’une éclipse eut lieu peu avant une Pâque. Au vu des renseignements actuellement disponibles, la plus susceptible d’avoir été remarquée fut celle du 8 janvier de l’an 1 av. n. è. — Solar and Lunar Eclipses of the Ancient Near East From 3000 B.C. to 0 With Maps, par M. Kudlek et E. Mickler, Neukirchen-Vluyn, Allemagne, 1971, vol. I, p. 156.
Toutefois, les textes que les historiens utilisent pour dater les événements et les périodes de l’histoire ancienne ne sont pas tous basés sur des éclipses. On a trouvé des calendriers astronomiques qui indiquent la position de la lune (par rapport à certaines étoiles ou constellations) lorsqu’elle devenait visible ou cessait de l’être tel ou tel jour à Babylone (par exemple : “ La lune était une coudée en avant de la patte arrière de la constellation du Lion ”), ainsi que la position de certaines planètes aux mêmes moments. Les chronologistes modernes font remarquer que ce genre de combinaison de positions astronomiques ne se répète pas avant des milliers d’années. Ces calendriers astronomiques font mention des règnes de certains rois et semblent concorder avec les dates fournies dans le canon de Ptolémée. Même si ces données semblent constituer des preuves irréfutables aux yeux de quelques-uns, il est des facteurs qui leur enlèvent beaucoup de poids.
Primo, les observations faites à Babylone pouvaient être inexactes. Les astronomes babyloniens montraient le plus grand intérêt pour les phénomènes célestes qui se produisaient à proximité de l’horizon, au lever ou au coucher de la lune ou du soleil. Or, l’horizon vu de Babylone est fréquemment voilé par des tempêtes de sable. À propos de ces facteurs, le professeur O. Neugebauer déclare que Ptolémée déplorait “ le manque d’observations planétaires fiables [en provenance de la Babylone antique]. Il [Ptolémée] remarque que les observations des anciens étaient faites de façon incompétente parce qu’elles concernaient des apparitions et disparitions et les points stationnaires qui sont, par leur nature même, des phénomènes très difficiles à observer ”. — Les sciences exactes dans l’Antiquité, traduit par P. Souffrin, 1990, p. 132.
Secundo, le fait est que la grande majorité des calendriers astronomiques découverts furent rédigés, non pas à l’époque des Empires néo-babylonien et perse, mais durant la période séleucide (312-65 av. n. è.), même s’ils contiennent des renseignements sur ces périodes antérieures. Les historiens supposent qu’il s’agit de copies de documents plus anciens. On ne dispose pas de textes astronomiques véritablement contemporains pour établir toute la chronologie des périodes néo-babylonienne et perse (fin du VIIe siècle à fin du IVe siècle).
Enfin, comme dans le cas de Ptolémée, même si les renseignements astronomiques (tels qu’ils sont interprétés et compris aujourd’hui) donnés dans les textes découverts sont exacts dans l’ensemble, cela ne prouve pas que les renseignements historiques qui les accompagnent le soient également. De même que Ptolémée se servit simplement des règnes de monarques de l’Antiquité (du moins de la vision qu’il en avait) comme d’un canevas pour situer ses données astronomiques, de même les rédacteurs (ou les copistes) des textes astronomiques de la période séleucide ne firent peut-être qu’insérer dans leurs écrits ce qui était alors la chronologie acceptée, ou “ populaire ”. Il se peut fort bien que celle-ci contînt des inexactitudes dues aux faiblesses traitées plus haut. À supposer, par exemple, qu’un astronome (ou un scribe) de l’Antiquité ait déclaré qu’un certain phénomène céleste se produisit l’année chiffrée 465 av. n. è. selon le calendrier actuel, et que son affirmation se trouve confirmée par des calculs exacts. Parallèlement, il aurait pu aussi déclarer que l’année où ce phénomène céleste eut lieu (465 av. n. è.) fut la 21e du règne de Xerxès, et pourtant faire totalement erreur. En termes simples, l’exactitude astronomique ne prouve pas l’exactitude historique.
La datation archéologique. Les difficultés liées à l’établissement de dates en se fondant sur les objets découverts lors de fouilles sont examinées dans l’article ARCHÉOLOGIE. Brièvement, on peut dire qu’en l’absence d’inscriptions effectivement datées la datation effectuée au moyen d’objets, de tessons de poterie par exemple, n’est tout au plus que comparative. En d’autres termes, l’archéologue peut seulement dire que ‘ telle strate, avec son contenu, de ce tertre-ci appartient apparemment à la même grande période (ou à une période antérieure ou postérieure) que telle strate de ce tertre-là ’. On dresse ainsi un ordre chronologique général, mais il est toujours sujet à correction et à modification, qui va jusqu’à plusieurs siècles parfois. Ainsi, en 1937, l’archéologue Barton attribua aux poteries du “ début de l’âge du bronze ” la période 2500-2000 av. n. è., alors que l’année suivante W. Albright classa cette même période en 3200-2200 av. n. è.
C’est pourquoi on lit sous la plume de G. Wright : “ Dans ce domaine, on peut rarement se fonder sur des certitudes. Il faut plutôt échafauder des hypothèses qui comportent toujours des degrés plus ou moins grands de probabilité. Le vrai dans ces hypothèses dépend de la capacité [des archéologues] d’interpréter et de relier entre elles diverses données disparates ; cependant, une information nouvelle peut à tout moment entraîner la révision d’une hypothèse ou amener le chercheur à l’exprimer quelque peu différemment. ” — Shechem, The Biography of a Biblical City, 1965, préface p. xvi.
On trouve une déclaration qui illustre cette pensée dans Chronologies in Old World Archaeology, par Robert Ehrich, imprimé en 1965 pour remplacer un livre datant de 1954. Cet ouvrage contient un abrégé des opinions concernant “ le lacis mouvant des chronologies relatives ”, pour reprendre les termes d’éminents archéologues. Voici ce que déclare sa préface (p. vii) : “ Ce livre a pour objet de présenter, dans l’ordre, les chronologies relatives à divers domaines voisins telles qu’elles se présentent en 1964 aux yeux des spécialistes régionaux. Malgré les renseignements récents, la situation d’ensemble est toujours instable, et de nouvelles données rendront certaines conclusions obsolètes, peut-être même avant que le présent ouvrage sorte des presses. ” On peut garder cela présent à l’esprit quand on évalue les dates proposées par les archéologues pour donner un âge à certaines villes, celle de Jéricho par exemple, ou la période dans laquelle ils placent la conquête de la Palestine par Israël.
Les historiens de la période classique. Le terme “ classique ” se rapporte ici à la période et à la culture grecques et romaines de l’Antiquité. En plus de renseigner sur l’histoire gréco-romaine, les écrits de certains historiens classiques sont ce qui sert aux historiens actuels pour combler des lacunes ou confirmer des données concernant l’Égypte, l’Assyrie, la Babylonie, la Perse, la Syrie et la Palestine antiques. Au nombre des historiens grecs de l’Antiquité figurent Hérodote (env. 484-425 av. n. è.) ; Thucydide (env. 471-401 av. n. è.) ; Xénophon (env. 431-352 av. n. è.) ; Ctésias (Ve siècle av. n. è.) ; plus tard, Strabon, Diodore de Sicile et Alexandre Polyhistor, du Ier siècle av. n. è. ; et Plutarque des Ier et IIe siècles de n. è. Parmi les historiens romains, il y a Tite-Live (59 av. n. è.–17 de n. è.) ; Trogue Pompée, contemporain de Tite-Live ; Pline l’Ancien (23-79 de n. è.) ; et Sextus Julius Africanus (IIIe siècle de n. è.), probablement natif de Libye. À part ces historiens, les principales sources d’information sont Manéthon et Bérose (dont il a été question plus haut) ; Josèphe, historien juif dont les écrits (quoique parfois contradictoires sous leur forme actuelle) sont vraiment utiles pour le Ier siècle de n. è. ; et Eusèbe, historien ecclésiastique et évêque de Césarée (env. 260-340 de n. è.).
Tous ces hommes vécurent après les périodes assyrienne et néo-babylonienne, et seuls les quatre premiers vécurent pendant la période de l’Empire perse. Concernant les périodes assyrienne et néo-babylonienne, aucun ne fournit donc de renseignements de première main, mais ils consignèrent les opinions traditionnelles qu’ils entendirent ou, dans certains cas, qu’ils lurent et copièrent. L’exactitude de leurs données dépend bien évidemment de l’exactitude de leurs sources.
Qui plus est, ce qu’on sait aujourd’hui de leurs écrits repose sur des copies de copies, la plus ancienne ne datant souvent que du Moyen Âge. On a vu plus haut que les chronologies de Manéthon et de Bérose furent tronquées par des copistes. Pour ce qui est des compétences et de la fiabilité des autres historiens anciens de la période classique, il faut noter ce qui suit :
La méthode d’Hérodote pour présenter l’Histoire — poser une question, chercher des renseignements qui s’y rapportent, puis tirer une conclusion — est tenue en haute estime. Mais on dit aussi que, parfois, “ ses données laissaient à désirer ” et que, “ dans ses explications, le rationnel côtoie l’irrationnel ”. On affirme aussi qu’il appartient “ manifestement à l’école romanesque ” et était donc tout autant conteur qu’historien (The New Encyclopædia Britannica, édition de 1985, vol. 5, p. 881, 882 ; édition de 1910, vol. XIII, p. 383). À propos de Xénophon, on lit que “ l’objectivité, la minutie et le sens de l’investigation n’étaient pas son fort ” et qu’il enjolivait ses récits “ d’affabulations ”. (The New Encyclopædia Britannica, 1987, vol. 12, p. 796.) George Rawlinson accuse Ctésias de prolonger délibérément la période de la monarchie mède “ en usant sciemment d’un système de répétition ”. Il ajoute : “ Chaque roi, ou période, qu’Hérodote mentionne apparaît deux fois dans la liste de Ctésias — stratagème évident, grossièrement dissimulé au moyen d’un vulgaire expédient : l’invention de quantité de noms. ” — The Seven Great Monarchies of the Ancient Eastern World, 1885, vol. II, p. 85.
Concernant l’histoire romaine de la période monarchique (antérieure à l’instauration de la République), on lit qu’elle “ replonge dans la mythologie pure. C’est tout au plus un recueil de fables présentées sans grand effort de critique et avec tout juste assez de respect de l’ordre chronologique pour que l’Histoire s’enchaîne ou pour combler des vides comme celui qui sépare la fuite d’Énée de Troie et l’année supposée de la fondation de Rome ”. Même dans la période postérieure à l’instauration de la République (env. 509 av. n. è.), les historiens ne se gênaient toujours pas pour présenter ensemble tradition populaire et réalité historique, sans faire de distinction particulière entre l’une et l’autre. “ On inventait des généalogies, on insérait des consulats imaginaires [chez les Romains, la datation se faisait souvent par consulats] et des victoires fictives, et on incorporait officiellement les traditions familiales [...] dans l’histoire de l’État. ” À propos des annalistes romains, on lit ceci : “ Ils copiaient ce qu’ils trouvaient écrit ; quand ils ne savaient pas, ils comblaient les vides en faisant appel à leur imagination. ” — The Encyclopædia Britannica, 1911, vol. XVI, p. 820, 821.
Thucydide. Thucydide fait généralement figure d’exception parmi les historiens classiques si souvent taxés d’inexactitude et de manque de rigueur. Thucydide est renommé pour le soin méticuleux de ses recherches. Voici ce qu’on lit à son propos dans The New Encyclopædia Britannica (1987, vol. 11, p. 741) : “ Son autorité n’a pour ainsi dire pas d’égale parmi les historiens. Il s’en est tenu à un plan strictement chronologique et, dans les cas où ce plan peut être vérifié avec exactitude grâce aux éclipses qu’il mentionne, il cadre tout à fait. ”
Il faut parfois se référer aux historiens classiques pour obtenir certains renseignements, surtout concernant la période perse (dont il est question dans les livres d’Ezra, de Nehémia et d’Esther) et les époques qui ont suivi jusqu’aux temps apostoliques. Leurs écrits aident aussi à déterminer quand et comment se sont accomplies certaines parties des visions prophétiques de Daniel (chap. 7–9, 11), dont la portée s’étend même au-delà de la période apostolique. Cependant, les explications apportées plus haut montrent qu’il n’y a pas lieu de mettre leurs récits et leurs chronologies sur un pied d’égalité avec la Bible. Lorsqu’on constate des différences, on peut se fier au récit biblique, lequel a été consigné soit par des témoins oculaires, soit par des hommes qui, tel Luc, ont “ recherché toutes choses avec exactitude depuis le début ”. (Lc 1:1-4.) Les renseignements chronologiques précis fournis dans les récits de Luc et d’autres écrivains permettent de fixer la date des principaux événements de la vie de Jésus et de la période apostolique. — Mt 2:1, 19-22 ; Lc 3:1-3, 21-23 ; et quantité d’autres.
Le calcul du temps selon la Bible. À l’évidence, il faut utiliser tous les anciens documents profanes avec précaution. On sait qu’ils contiennent des inexactitudes dans bien des domaines, et il est fort improbable que leurs chronologies en soient exemptes. En revanche, la Bible s’est révélée véridique dans tous les sujets qu’elle traite ; c’est elle, et de loin, qui donne la vision la plus exacte des temps antiques dont elle parle. Sa chronologie aussi est digne de foi. — Voir BIBLE (Authenticité).
Quand on évalue la durée de certaines périodes bibliques selon des méthodes de datation modernes, il ne faut pas oublier la différence entre les nombres cardinaux et les nombres ordinaux. Les nombres cardinaux, comme 1, 2, 3, 10, 100, etc., sont des nombres entiers. Par contre, quand on emploie des nombres ordinaux, tels que 3e, 5e, 22e, il est nécessaire de retrancher un pour obtenir le nombre entier. Par exemple, quand il est question de “ la dix-huitième année de Neboukadretsar ”, “ dix-huitième ” est un numéral ordinal. Il représente 17 années complètes plus quelques jours, quelques semaines ou quelques mois (selon le temps qui s’est écoulé depuis la fin de la 17e année). — Jr 52:29.
Quand on calcule un nombre d’années à partir d’une date de calendrier dans la période “ avant notre ère ” jusqu’à une date dans la période “ de notre ère ”, il faut se rappeler qu’entre une date comme le 1er octobre de l’an 1 av. n. è. et le 1er octobre de l’an 1 de n. è. il ne faut compter qu’un an, pas deux, ce que montre le graphique ci-dessous :
AV. N. È.
DE N. È.
2
1
1
2
1er oct.
1er oct.
Cela s’explique par le fait que les chiffres donnés pour les années sont des nombres ordinaux. Par conséquent, entre le 1er octobre de l’an 2 av. n. è. (date approximative de la naissance de Jésus) et le 1er octobre 29 de n. è. (date approximative de son baptême), il y a au total 30 années, soit une année complète et 3 mois dans la période avant notre ère plus 28 années entières et 9 mois dans notre ère. — Lc 3:21-23.
De la création de l’humanité jusqu’à aujourd’hui. Les historiens modernes sont incapables de dater avec certitude le début de la “ période historique ” de l’humanité. Qu’ils consultent l’histoire de l’Assyrie, de Babylone ou de l’Égypte, plus ils remontent le cours du IIe millénaire av. n. è., plus leur chronologie devient incertaine et fragile, et au IIIe millénaire av. n. è. ils se heurtent à la confusion et aux ténèbres. La Bible, par contre, présente une histoire cohérente qui permet un calcul méthodique remontant jusqu’au commencement de l’histoire humaine, calcul qui est facilité par le fait que la Bible parle de certaines longues périodes, par exemple les 479 années complètes entre l’Exode et le début de la construction du temple sous le règne de Salomon. — 1R 6:1.
Pour faire ce calcul en fonction du calendrier actuel, il faut partir d’un point fixe, d’une date pivot, c’est-à-dire d’une date historique suffisamment confirmée pour être acceptée et à laquelle correspond un événement particulier rapporté dans la Bible. À partir d’une telle date, on peut suivre ou remonter le cours du temps et fixer sur le calendrier la date de nombreux événements mentionnés dans la Bible.
L’an 29 de n. è. est une telle date, reconnue tant par la Bible que par l’histoire profane. Les premiers mois de cette année-là appartenaient à la 15e année de Tibère César, qui fut nommé empereur par le sénat romain le 15 septembre 14 de n. è. (calendrier grégorien.) C’est en 29 que Jean le baptiseur commença à prêcher et que, peut-être environ six mois plus tard, il baptisa Jésus. — Lc 3:1-3, 21, 23 ; 1:36.
Une autre date qui peut servir de date pivot est l’année 539 av. n. è. qui, selon diverses sources historiques, est l’année du renversement de Babylone par Cyrus le Perse. (Au nombre des sources profanes traitant du règne de Cyrus figurent Diodore, Africanus, Eusèbe et Ptolémée, ainsi que des tablettes babyloniennes.) Dans la première année de son règne, Cyrus promulgua un décret qui libérait les Juifs exilés. Comme le montre l’article CYRUS, ce décret fut très probablement édicté en hiver 538 ou au printemps 537, ce qui laissa le temps aux Juifs de faire les préparatifs nécessaires, d’effectuer le voyage de quatre mois jusqu’à Jérusalem et d’y arriver au septième mois (Tishri, soit vers le 1er octobre) de l’année 537 av. n. è. — Ezr 1:1-11 ; 2:64-70 ; 3:1.
En se servant de ces dates pivots, il est possible maintenant d’assortir à un très grand nombre d’événements bibliques des dates précises du calendrier. Voici les grandes lignes de cette chronologie :
Événement
Date du calendrier
Temps entre les événements
De la création d’Adam
4026 av. n. è.
—
Jusqu’au début du déluge
2370 av. n. è.
1 656 ans
Puis jusqu’à la validation de l’alliance abrahamique
1943 av. n. è.
427 ans
Jusqu’à l’Exode
1513 av. n. è.
430 ans
Jusqu’au début de la construction du temple
1034 av. n. è.
479 ans
Jusqu’à la scission du royaume
997 av. n. è.
37 ans
Jusqu’à la désolation de Juda
607 av. n. è.
390 ans
Jusqu’au retour des Juifs de l’Exil
537 av. n. è.
70 ans
Jusqu’à la reconstruction des murailles de Jérusalem
455 av. n. è.
82 ans
Jusqu’au baptême de Jésus
29 de n. è.
483 ans
Jusqu’à l’époque actuelle
1997 de n. è.
1 968 ans
Temps total entre la création d’Adam et 1997
6 022 ans
Mais sur quelles bases bibliques et, dans certains cas, selon quelles sources profanes cette chronologie a-t-elle été établie ? Voici des détails supplémentaires sur la façon dont la durée de chacune des grandes périodes énumérées plus haut a été déterminée.
De la création d’Adam au déluge. Les 1 656 années de cette période sont données en Genèse 5:1-29 et 7:6, et elles peuvent être décomposées comme l’indique le tableau ci-après.
De la création d’Adam jusqu’à la naissance de Seth
130 ans
Puis jusqu’à la naissance d’Énosh
105 ans
Jusqu’à la naissance de Qénân
90 ans
Jusqu’à la naissance de Mahalalel
70 ans
Jusqu’à la naissance de Yared
65 ans
Jusqu’à la naissance de Hénok
162 ans
Jusqu’à la naissance de Methoushélah
65 ans
Jusqu’à la naissance de Lamek
187 ans
Jusqu’à la naissance de Noé
182 ans
Jusqu’au déluge
600 ans
Total
1 656 ans
Les chiffres indiqués pour la période antédiluvienne sont ceux qu’on trouve dans le texte massorétique, sur lequel se fondent les versions modernes des Écritures hébraïques. Ces chiffres diffèrent de ceux qui apparaissent dans la Septante, mais c’est manifestement le texte massorétique qui est exact.
Voici ce qu’on lit à ce sujet dans un ouvrage de J. P. Lange : “ Les indices intrinsèques témoignent incontestablement en faveur du texte hébreu, en raison de sa cohérence dans les proportions. Dans la LXX, les chiffres suivent à l’évidence un plan auquel on les a conformés. Il n’en est pas ainsi dans l’hébreu, ce qui appuie fortement l’idée qu’il s’agit d’un document généalogique authentique. [...] L’hébreu est également à préférer pour des raisons physiologiques ; en effet, la durée de la vie ne requiert nullement des âges virils aussi tardifs que le suggèrent les chiffres [donnés dans la Septante]. [...] les 100 années ajoutées, dans chaque cas, par la Septante, trahissent l’intention de faire davantage correspondre les chiffres à une certaine norme proportionnelle, fondée sur quelque supposée notion physiologique. [...] À tout cela, il faut ajouter que l’hébreu est le plus susceptible d’être considéré comme le texte original en raison du soin scrupuleux, voire superstitieux, avec lequel chacun sait qu’il a été préservé. ” — Commentary on the Holy Scriptures, par P. Schaff, 1976, Genesis, p. 272, note.
Alors que les historiens modernes voudraient fixer le début de la présence humaine sur la terre bien longtemps avant 4026 av. n. è., les faits démentent incontestablement leur prise de position. Les milliers d’années de la “ préhistoire ” dont ils sont partisans reposent sur des spéculations, comme le montre cette déclaration faite par P. Klopsteg, éminent scientifique : “ Maintenant venez avec moi, si vous le voulez, en excursion spéculative dans la préhistoire. Imaginons l’époque où l’espèce sapiens sortit du genre Homo [...] traversons rapidement les millénaires au sujet desquels les renseignements actuels dépendent en grande partie de la conjecture et de l’interprétation, jusqu’à l’époque des premiers documents, dont on peut glaner quelques faits. ” (C’est nous qui soulignons). — Science, 30 décembre 1960, p. 1914.
La période postdiluvienne commence avec l’année 2369 av. n. è. Il est vrai que certains datent quelques écrits pictographiques de la période comprise entre 3300 et 2800 av. n. è. (New Discoveries in Babylonia About Genesis, par P. Wiseman, 1949, p. 36), mais il ne s’agit pas de documents véritablement datés, et l’âge qui leur est attribué n’est fondé que sur des conjectures archéologiques.
On invoque parfois les datations établies grâce à la technique du radiocarbone (C-14), mais cette méthode a visiblement des limites, comme l’indique cette déclaration rapportée dans le périodique Science du 11 décembre 1959, page 1630 : “ Un cas qui risque de devenir un exemple classique de l’‘ aberration du C14 ’ est la fourchette de 6 000 ans donnée par 11 calculs concernant Jarmo, [...] village préhistorique situé dans le nord-est de l’Iraq qui, selon tous les témoignages archéologiques, ne fut pas habité plus longtemps que 500 années consécutives. ” Il n’y a donc pas d’arguments solides et démontrables en faveur d’une date antérieure à 2369 av. n. è. pour le début de la société humaine postdiluvienne.
De 2370 av. n. è. à l’alliance avec Abraham. Les grandes lignes de cette période peuvent être résumées comme suit :
Du commencement du déluge jusqu’à la naissance d’Arpakshad
2 ans
Puis jusqu’à la naissance de Shélah
35 ans
Jusqu’à la naissance d’Éber
30 ans
Jusqu’à la naissance de Péleg
34 ans
Jusqu’à la naissance de Réou
30 ans
Jusqu’à la naissance de Seroug
32 ans
Jusqu’à la naissance de Nahor
30 ans
Jusqu’à la naissance de Térah
29 ans
Jusqu’à la mort de Térah, alors qu’Abraham avait 75 ans
205 ans
Total
427 ans
Ces chiffres sont fondés sur Genèse 11:10 à 12:4. L’expression “ après le déluge ” (Gn 11:10), utilisée pour situer la naissance d’Arpakshad, se rapporte logiquement à la chute effective des eaux qui marqua le début du déluge (2370 av. n. è.) plutôt qu’à l’inondation de la terre qui dura un certain temps après. C’est ce qu’indique également le mot hébreu traduit par “ déluge ”. — Voir Gn 6:17 ; 7:4-6, 10-12, 17 ; 9:11.
La date à laquelle les hommes tentèrent de construire la tour de Babel n’est pas précisée dans le récit biblique. Selon Genèse 10:25, la division de l’humanité fut causée par la confusion du langage et se produisit durant ‘ les jours de Péleg ’. Cela ne signifie pas nécessairement que cette division eut lieu à la naissance de Péleg. L’expression “ en ses jours ” sous-entendrait plutôt qu’elle se produisit non pas à la naissance de Péleg ou immédiatement après, mais à un certain moment de sa vie, soit entre 2269 et 2030 av. n. è. En supposant qu’après le déluge chaque homme père à l’âge de 30 ans ait commencé à engendrer des enfants au rythme d’un tous les trois ans, avec en moyenne un garçon tous les six ans, et ce jusqu’à l’âge de 90 ans, alors environ 180 ans après la fin du déluge (autrement dit vers 2189 av. n. è.), la population pouvait compter plus de 4 000 hommes adultes. Ce chiffre modéré aurait amplement suffi pour cadrer avec les circonstances de la construction de la tour et de la dispersion des humains.
C’est sans doute à l’époque où Abraham traversa l’Euphrate en se rendant au pays de Canaan que Jéhovah valida avec lui ce qui allait être appelé l’alliance abrahamique. Son départ de Harân et son entrée en Canaan ayant eu lieu après la mort de son père, Térah, on fixe à 1943 av. n. è. la date où cette alliance fut conclue. — Gn 11:32 ; 12:1-5.
De 1943 av. n. è. à l’Exode. Exode 12:40, 41 dit que “ l’habitation des fils d’Israël, qui avaient habité en Égypte, fut de quatre cent trente ans. Et il arriva à la fin des quatre cent trente ans, oui il arriva, en ce jour-là même, que toutes les armées de Jéhovah sortirent du pays d’Égypte ”. Quoique la plupart des versions rendent le verset Ex 12:40 d’une manière telle que les 430 ans semblent correspondre entièrement au séjour en Égypte, l’hébreu original permet la traduction ci-dessus. D’autre part, en Galates 3:16, 17, Paul rattache cette période de 430 ans à la période comprise entre la validation de l’alliance abrahamique et l’inauguration de l’alliance de la Loi. C’est sans doute quand Abraham agit en accord avec la promesse de Dieu, traversant l’Euphrate en 1943 av. n. è. pour se rendre en Canaan et entrant effectivement dans “ le pays ” où Dieu le conduisait, que l’alliance abrahamique fut validée (Gn 12:1 ; 15:18-21). Ses descendants furent libérés d’Égypte exactement 430 ans plus tard, en 1513 av. n. è., et cette même année l’alliance de la Loi fut conclue avec eux. Déjà aux temps anciens, il était entendu que la période mentionnée en Exode 12:40, 41 avait débuté au moment où les ancêtres de la nation étaient entrés en Canaan, et c’est ce qu’indique la façon dont la Septante rend ces versets : “ Mais l’habitation des fils d’Israël durant laquelle ils habitèrent dans le pays d’Égypte et dans le pays de Canaan [fut] de quatre cent trente ans. ”
Il s’écoula 215 ans entre l’entrée d’Abraham en Canaan et la venue de Jacob en Égypte. On déduit ce chiffre des faits suivants : il s’écoula 25 ans du départ d’Abraham de Harân à la naissance d’Isaac (Gn 12:4 ; 21:5) ; 60 ans de plus jusqu’à celle de Jacob (Gn 25:26) ; et Jacob avait 130 ans lorsqu’il entra en Égypte (Gn 47:9). Cela fait un total de 215 ans (de 1943 à 1728 av. n. è.). Les Israélites séjournèrent donc en Égypte le même nombre d’années, soit 215 ans (de 1728 à 1513 av. n. è.). Il est démontré à l’article EXODE qu’il fut possible aux Israélites de se multiplier suffisamment en 215 ans pour former un peuple comprenant 600 000 “ hommes robustes ”. — Ex 12:37.
Jéhovah dit à Abram (Abraham) : “ Sache bien que ta semence deviendra résidente étrangère dans un pays qui ne sera pas le sien ; ils devront les servir et vraiment ceux-ci les affligeront pendant quatre cents ans. ” (Gn 15:13 ; voir aussi Ac 7:6, 7). Cette parole lui fut dite avant la naissance de la “ semence ”, l’héritier promis, Isaac. En 1932 av. n. è. naquit Yishmaël, fils qu’Abram eut par la servante égyptienne Agar, puis en 1918 Isaac vit le jour (Gn 16:16 ; 21:5). Si on compte 400 ans en remontant le temps à partir de l’Exode, qui marqua la fin de ‘ l’affliction ’ annoncée (Gn 15:14), on arrive à 1913 av. n. è., date à laquelle Isaac avait environ cinq ans. Il semble qu’il fut sevré à ce moment-là et, déjà ‘ résident étranger ’ dans un pays qui n’était pas le sien, il connut alors le début de l’affliction prédite, sous la forme des ‘ plaisanteries ’ de Yishmaël, âgé de 19 ans environ (Gn 21:8, 9). Les railleries de Yishmaël à l’encontre de l’héritier d’Abraham pourraient paraître sans importance à l’époque actuelle, mais ce n’était pas le cas à l’époque des patriarches. C’est ce que montrent la réaction de Sara et l’approbation de Dieu concernant son insistance à faire renvoyer Agar et son fils Yishmaël (Gn 21:10-13). Le fait même que cet incident fut rapporté en détail dans le récit divin est signe qu’il marqua le début de la période d’affliction annoncée, période de 400 ans qui ne se terminerait qu’avec l’Exode. — Ga 4:29.
De 1513 av. n. è. à la scission du royaume. Ce fut “ dans la quatre cent quatre-vingtième année après que les fils d’Israël furent sortis du pays d’Égypte ”, dans la quatrième année du règne de Salomon, que commença la construction du temple de Jérusalem (1R 6:1). “ Quatre cent quatre-vingtième ” est un nombre ordinal qui représente 479 années complètes plus un certain temps, en l’occurrence un mois. Si on compte 479 ans à partir de l’Exode (Nisan 1513 av. n. è.), on arrive à 1034 av. n. è., la construction du temple ayant commencé le deuxième mois, Ziv (qui correspond à avril-mai). Puisque c’était la quatrième (autre nombre ordinal) année du règne de Salomon, celui-ci commença à régner trois années complètes auparavant, soit en 1037. Son règne de 40 ans fut donc probablement compris entre Nisan 1037 et Nisan 997 av. n. è., année de la scission du royaume. Les grandes lignes chronologiques de cette période correspondent donc vraisemblablement au tableau en bas à droite.
Événement
Date
Temps entre les événements
De l’Exode
1513 av. n. è.
—
à l’entrée d’Israël en Canaan
1473 av. n. è.
40 ans
puis à la fin de la période des juges et le début du règne de Saül
1117 av. n. è.
356 ans
au début du règne de David
1077 av. n. è.
40 ans
au début du règne de Salomon
1037 av. n. è.
40 ans
à la scission du royaume
997 av. n. è.
40 ans
Nombre total d’années de l’Exode à la scission du royaume (1513-997 av. n. è.)
—
516 ans
Ces chiffres s’appuient sur des textes comme Deutéronome 2:7 ; 29:5 ; Actes 13:21 ; 2 Samuel 5:4 et 1 Rois 11:42, 43 ; 12:1-20. Certains critiques font remarquer que quatre périodes de 40 ans chacune sont incluses dans cette période, et ils affirment que c’est le signe d’un ‘ simple souci de symétrie ’ plutôt que d’une chronologie exacte de la part des rédacteurs de la Bible. C’est faux, car l’errance des Israélites avant leur entrée en Canaan fut de presque exactement 40 ans, conformément à la sentence divine consignée en Nombres 14:33, 34 (voir aussi Ex 12:2, 3, 6, 17 ; Dt 1:31 ; 8:2-4 ; Jos 4:19), les trois autres périodes, en revanche, comprennent peut-être toutes des chiffres fractionnaires. Ainsi, il ressort de 2 Samuel 5:5 que le règne de David dura en fait 40 ans et demi. Si, comme cela semble avoir été l’usage, les années de règne de ces rois furent comptées de Nisan en Nisan, cela signifierait que celui de Saül dura seulement 39 ans et demi, mais que les mois restants jusqu’au Nisan suivant furent attribués à son règne et donc pas inclus officiellement dans les 40 années de règne de David. Tel était tout au moins l’usage connu parmi les souverains sémites en Mésopotamie ; les mois entre la mort d’un roi et le mois de Nisan suivant étaient appelés la “ période d’accession ” du roi successeur, dont la première année officielle de règne ne commençait pas à être comptée avant le mois de Nisan.
Les Écritures ne spécifient pas la durée de la période allant de l’entrée en Canaan à la fin de l’époque des juges ; on ne peut la déterminer que par déduction, c’est-à-dire en retranchant les 123 ans des périodes connues (les pérégrinations dans le désert, les règnes de Saül et de David, les trois premières années du règne de Salomon) aux 479 années qui séparent l’Exode de la quatrième année de Salomon. On obtient ainsi 356 ans.
Les Écritures ne disent pas comment se décomposent ces 356 ans (de l’entrée d’Israël en Canaan, en 1473 av. n. è., au début du règne de Saül, en 1117 av. n. è.). Il semble toutefois que différentes périodes se chevauchent considérablement. Pour quelle raison ? Si on met bout à bout les diverses périodes d’oppression, de judicatures et de paix énumérées dans le livre des Juges, on obtient un total de 410 ans. Pour que ces périodes s’insèrent dans les 356 ans mentionnés plus haut, certaines d’entre elles durent se chevaucher et non se succéder, ce qui est l’avis de la plupart des commentateurs. Les circonstances décrites dans les récits bibliques se prêtent à cette explication. Les oppressions concernaient des régions différentes du pays et touchaient des tribus différentes (CARTE, vol. 1, p. 743). Ainsi, l’expression “ le pays vécut dans le calme ” utilisée après la relation des victoires remportées par les Israélites sur leurs oppresseurs ne s’applique pas à chaque fois obligatoirement à l’ensemble du territoire occupé par les 12 tribus, mais au secteur particulièrement touché par l’oppression en question. — Jg 3:11, 30 ; 5:31 ; 8:28 ; voir aussi Jos 14:13-15.
En Actes chapitre 13, l’apôtre Paul rappela comment Dieu avait traité les Israélites depuis son ‘ choix de leurs ancêtres ’ jusqu’à la distribution du pays de Canaan en passant par leur séjour en Égypte, l’Exode, leurs pérégrinations dans le désert et la conquête de Canaan, puis il ajouta : “ Tout cela pendant environ quatre cent cinquante ans. Et après ces choses il leur a donné des juges jusqu’à Samuel le prophète. ” (Ac 13:20). La façon dont certaines versions de la Bible rendent ce texte a prêté à confusion. Par exemple, la Bible de Crampon (1905) le rend ainsi : “ Après cela, durant quatre cent cinquante ans environ, il lui donna [à Israël] des juges jusqu’au prophète Samuel. ” Toutefois, les manuscrits les plus anciens (dont le Sinaiticus, le Vaticanus 1209 et l’Alexandrinus) ainsi que beaucoup de traductions modernes (BFC ; Jé ; Sg ; TOB ; VB et d’autres) confirment la version précédente, selon laquelle la période des juges commença après les 450 ans. Puisque la période d’“ environ quatre cent cinquante ans ” commença lorsque Dieu ‘ choisit les ancêtres ’ d’Israël, il semblerait qu’elle débuta en 1918 av. n. è. avec la naissance d’Isaac, la toute première “ semence ” promise à Abraham. Elle dut donc se terminer vers 1467, quand la conquête initiale de Canaan fut achevée, ce qui permit de distribuer le territoire. Étant donné que le chiffre donné est approximatif, une différence d’un an ou presque ne tirerait pas à conséquence.
De 997 av. n. è. à la désolation de Jérusalem. Pour déterminer la durée de cette période, celle des rois, on dispose d’une indication en Ézékiel 4:1-7, où est consignée la parole de Dieu ordonnant au prophète de mimer le siège de Jérusalem. Ézékiel dut se coucher sur le côté gauche pendant 390 jours pour “ porter la faute de la maison d’Israël ” et pendant 40 jours sur le côté droit pour “ porter la faute de la maison de Juda ” ; un jour correspondait à une année. Ces deux périodes (de 390 ans et de 40 ans) représentaient vraisemblablement le temps durant lequel Jéhovah supporta l’idolâtrie des deux royaumes. L’interprétation juive de cette prophétie, d’après l’ouvrage Soncino Books of the Bible (commentaire sur Ézékiel, p. 20, 21) est la suivante : “ La faute du royaume du Nord s’étendit sur une période de 390 ans ([selon le] Seder Olam [la plus ancienne chronique postexilienne en hébreu conservée], [et les rabbins] Rachi et Ibn Ezra). Abarbanel, cité par Malbim, compte le temps de la culpabilité de Samarie depuis le schisme sous Rehabam [...] jusqu’à la chute de Jérusalem. [...] Le [côté] droit [sur lequel se couchait Ézékiel] désigne le sud, c.-à-d. le royaume de Juda qui s’étendait au sud ou à droite. [...] La corruption de Juda dura 40 ans, ayant commencé peu après la chute de Samarie. Selon Malbim, on compte ce temps à partir de la treizième année du règne de Yoshiya [...], lorsque Jérémie commença son ministère (Jér. i. 2). ” — Par A. Cohen, Londres, 1950.
Depuis la scission du royaume en 997 av. n. è. jusqu’à la chute de Jérusalem en 607, il s’écoula 390 ans. Il est vrai que Samarie, la capitale du royaume du Nord, était déjà tombée aux mains des Assyriens en 740 av. n. è., en la sixième année de Hizqiya (2R 18:9, 10), mais il est probable qu’une partie de la population se soit enfuie dans le royaume du Sud devant l’avance assyrienne (voir aussi la situation qui existait en Juda après le schisme, décrite en 2Ch 10:16, 17). Cependant, plus important encore, le fait que Jéhovah Dieu ne perdit pas de vue les Israélites du royaume du Nord déporté et les comptait parmi les destinataires des messages de ses prophètes longtemps après la chute de Samarie montre que leurs intérêts étaient toujours représentés dans la capitale Jérusalem et que la chute de cette ville en 607 av. n. è. fut une expression du jugement divin non seulement contre Juda, mais contre la nation d’Israël tout entière (Jr 3:11-22 ; 11:10-12, 17 ; Éz 9:9, 10). Quand la ville tomba, les espoirs de toute la nation (à l’exception de quelques Israélites qui conservèrent une foi véritable) furent anéantis. — Éz 37:11-14, 21, 22.
Dans le tableau qui suit, cette période de 390 ans est tenue pour un repère chronologique digne de foi. La somme des années de règne indiquées pour tous les rois de Juda depuis Rehabam jusqu’à Tsidqiya est de 393 ans. Quoique certains spécialistes de la chronologie biblique s’efforcent de faire concorder les données relatives aux rois par quantité de règnes simultanés et d’interrègnes du côté judéen, en réalité un seul cas de règnes simultanés semble devoir être signalé. Il s’agit du cas de Yehoram qui, est-il dit (au moins dans le texte massorétique et dans certains des plus anciens manuscrits de la Bible), devint roi “ tandis que Yehoshaphat était roi de Juda ”, ce qui constitue une raison de supposer qu’il y eut deux royautés simultanées (2R 8:16). De cette façon, l’ensemble de la période s’inscrit dans la limite des 390 ans.
Ce tableau ne prétend pas être une chronologie absolue, mais une proposition de présentation des règnes des deux royaumes. Les écrivains inspirés de jadis traitaient de faits et de chiffres familiers à eux et au peuple juif de leur temps, et les différents points de vue chronologiques qu’ils adoptaient parfois ne posaient aucune difficulté. Il n’en est plus ainsi de nos jours ; il faut donc se contenter de présenter un ordre qui s’harmonise raisonnablement avec le récit biblique.
De 607 av. n. è. au retour d’exil. La durée de cette période fut fixée par ce décret de Dieu lui-même au sujet de Juda : “ Tout ce pays deviendra un lieu dévasté, un objet de stupéfaction, et ces nations devront servir le roi de Babylone soixante-dix ans. ” — Jr 25:8-11.
La prophétie biblique ne permet pas d’appliquer cette période de 70 ans à un autre moment que l’intervalle entre la désolation de Juda, consécutive à la destruction de Jérusalem, et le retour des exilés juifs dans leur pays après la promulgation du décret de Cyrus. Elle montre clairement que ces 70 ans devaient être des années de dévastation pour le pays de Juda. C’est d’ailleurs ainsi que Daniel comprit la prophétie, car il déclara : “ Moi, Daniel, je discernai par les livres le nombre des années au sujet desquelles la parole de Jéhovah était venue à Jérémie le prophète, pour accomplir les dévastations de Jérusalem, à savoir soixante-dix ans. ” (Dn 9:2). Après avoir relaté la conquête de Jérusalem par Neboukadnetsar, 2 Chroniques 36:20, 21 dit : “ En outre, il emmena captifs à Babylone ceux qui étaient restés de l’épée, et ils devinrent ses serviteurs, à lui et à ses fils, jusqu’à ce que le pouvoir royal de Perse ait commencé à régner ; pour accomplir la parole de Jéhovah prononcée par la bouche de Jérémie, jusqu’à ce que le pays se soit acquitté de ses sabbats. Tous les jours qu’il resta désolé, il fit sabbat, pour accomplir soixante-dix années. ”
Jérusalem fut assiégée une dernière fois la 9e année de Tsidqiya (609 av. n. è.) et capitula dans sa 11e année (607 av. n. è.), ce qui correspondait à la 19e année du règne effectif de Neboukadnetsar (comptée à partir de son accession au trône en 625 av. n. è.) (2R 25:1-8). Le 5e mois de cette année-là (celui d’Ab, qui correspond à juillet-août), la ville fut incendiée, les murailles démolies et la majorité du peuple emmenée en exil. Toutefois, “ des petites gens du pays ” furent autorisés à y demeurer, ce qu’ils firent jusqu’à l’assassinat de Guedalia, délégué de Neboukadnetsar, après quoi ils s’enfuirent en Égypte, finissant par laisser Juda complètement désolé (2R 25:9-12, 22-26). C’était au septième mois, Éthanim (ou Tishri, qui correspond à septembre-octobre). Le compte des 70 années de désolation dut donc commencer vers le 1er octobre 607 av. n. è. et se terminer en 537 av. n. è. Au septième mois de cette année-là, les premiers rapatriés juifs étaient de retour en Juda, 70 ans après le début de la désolation complète du pays. — 2Ch 36:21-23 ; Ezr 3:1.
De 537 av. n. è. à la conversion de Corneille. Au cours de la deuxième année qui suivit le retour d’exil (536 av. n. è.), à Jérusalem on reposa les fondations du temple, mais sa reconstruction ne fut achevée que la sixième année du règne de Darius Ier (le Perse) (Ezr 3:8-10 ; 6:14, 15). Étant donné que Darius Ier s’établit à Babylone seulement après avoir vaincu l’insurrection de Neboukadnetsar III en décembre 522, et l’avoir ensuite capturé et tué dans cette ville, on peut considérer 522 av. n. è. comme l’année de son accession au trône. Sa première année de règne commença par conséquent au printemps 521 av. n. è. (Babylonian Chronology, 626 B.C.–A.D. 75, p. 30.) Ainsi, la sixième année de Darius commença le 12 avril 516 av. n. è. et dura jusqu’à la fin mars 515 av. n. è. Partant, la reconstruction du temple par Zorobabel fut achevée le 6 mars 515 av. n. è.
La date suivante d’importance majeure est la 20e année d’Artaxerxès (Longue-Main), l’année où Nehémia reçut l’autorisation d’aller reconstruire Jérusalem (Ne 2:1, 5-8). Les raisons de préférer la date de 455 av. n. è. à celle, plus couramment acceptée, de 445 av. n. è. sont examinées dans l’article PERSE, PERSES. Les événements survenus cette année-là en rapport avec la reconstruction de Jérusalem et de ses murailles marquent le point de départ de la prophétie dite des “ soixante-dix semaines ” consignée en Daniel 9:24-27. Il est clair qu’il s’agit de “ semaines d’années ” (Dn 9:24, PB ; voir aussi Jé ; Pl ; Sg ; ZK, notes), soit 490 ans. Comme le montre l’article SOIXANTE-DIX SEMAINES, la prophétie annonçait l’apparition de Jésus en qualité de Messie en 29 de n. è., annonçait sa mort “ à la moitié de la semaine ”, c’est-à-dire au milieu de la dernière semaine d’années, soit en 33 de n. è., et annonçait la fin, en 36, de la période de faveur spéciale de Dieu envers les Juifs. Les 70 semaines d’années arrivèrent donc à leur terme avec la conversion de Corneille, soit au bout de 490 ans comptés à partir de 455 av. n. è. — Ac 10:30-33, 44-48 ; 11:1.
Jésus apparut en qualité de Messie exactement l’année prédite, peut-être environ six mois après le début du ministère de Jean le baptiseur qui commença à prêcher dans “ la quinzième année du règne de Tibère César ”. (Lc 1:36 ; 3:1, 2, 21-23.) Comme Tibère fut nommé empereur par le sénat romain le 15 septembre 14 de n. è., sa 15e année débuta dans la dernière partie de l’an 28 et couvrit une bonne partie de l’an 29 (voir TIBÈRE). Les faits indiquent donc que le baptême et l’onction de Jésus eurent lieu en automne 29.
Puisque Jésus avait “ environ trente ans ” au moment de son baptême en 29 de n. è. (Lc 3:23), sa naissance se situait 30 ans plus tôt, soit vers l’automne de l’an 2 av. n. è. Il naquit durant le règne de César Auguste et le gouvernorat de Quirinius en Syrie (Lc 2:1, 2). Auguste régna de 27 av. n. è. à 14 de n. è. Le sénateur romain P. Sulpicius Quirinius fut deux fois gouverneur de Syrie. Selon toute apparence, la première fois il succéda à P. Quintilius Varus dont la légation en Syrie prit fin en 4 av. n. è. Certains historiens situent la première légation de Quirinius en 3 et en 2 av. n. è. (Voir ENREGISTREMENT.) Les faits, on l’a vu, montrent qu’Hérode le Grand, qui était alors roi de Judée, mourut probablement en 1 av. n. è. Ainsi, tous les renseignements disponibles, notamment ceux des Écritures, indiquent que la naissance humaine du Fils de Dieu eut lieu en automne de l’an 2 av. n. è.
La période apostolique qui suivit. Il est possible de fixer approximativement les dates d’un certain nombre d’événements qui eurent lieu durant cette période. Ainsi, l’annonce d’une grande famine par le prophète chrétien Agabus, puis la persécution suscitée par Hérode Agrippa Ier et qui causa la mort de l’apôtre Jacques ainsi que l’emprisonnement de Pierre, eurent sans doute lieu vers 44 de n. è. (Ac 11:27-30 ; 12:1-4.) Hérode Agrippa mourut cette année-là, et d’après les faits la famine prédite survint en 46. C’est probablement à ce moment-là que Paul et Barnabas vinrent apporter un secours à Jérusalem. — Ac 12:25.
On peut situer la date où Paul se rendit pour la première fois à Corinthe durant le proconsulat de Gallion (Ac 18:1, 11-18). Comme l’explique l’article GALLION, apparemment ce proconsulat dura de l’été 51 de n. è. à l’été 52, quoique certains historiens penchent pour 52/53. Par conséquent, les 18 mois d’activité de Paul à Corinthe sont vraisemblablement à situer entre l’automne 50 et le printemps 52. Cela est aussi confirmé par le fait qu’Aquila et Priscille, qui se trouvaient avec lui à Corinthe, étaient arrivés depuis peu d’Italie à la suite de l’édit de l’empereur Claude ordonnant à tous les Juifs de quitter Rome (Ac 18:2). Selon Paul Orose, historien du Ve siècle, cet ordre fut donné par Claude la neuvième année de son règne, c’est-à-dire en 49 ou au début 50 de n. è.
C’est au cours des deux dernières années du gouvernorat de Félix que Paul passa deux ans en prison à Césarée, après quoi il fut envoyé à Rome par Porcius Festus, successeur de Félix (Ac 21:33 ; 23:23-35 ; 24:27). La date à laquelle Festus devint gouverneur est incertaine, les renseignements historiques ne concordant pas tous. Toutefois, l’année 58 semble la plus vraisemblable. On peut situer l’arrivée ultérieure de Paul à Rome entre 59 et 61 de n. è.
Le grand incendie qui ravagea Rome survint en juillet 64 de n. è. et fut suivi par la terrible persécution des chrétiens à l’instigation de Néron. Le deuxième emprisonnement de Paul et son exécution eurent probablement lieu peu après (2Tm 1:16 ; 4:6, 7). De l’avis général, Jean fut déporté sur l’île de Patmos sous le règne de l’empereur Domitien (Ré 1:9). La persécution des chrétiens atteignit d’ailleurs son paroxysme au cours de ce règne (81-96), surtout les trois dernières années. Selon la tradition, Jean aurait été libéré et serait revenu d’exil après la mort de Domitien, et il serait mort à Éphèse vers la fin du Ier siècle. Avec la rédaction des lettres de Jean à cette époque-là, le canon de la Bible fut achevé et la période apostolique arriva à son terme.
[Tableau, pages 468-470]
DATES MARQUANTES de la période des rois de Juda et d’Israël
REMARQUE : Ce tableau est destiné à fournir une vue d’ensemble utile des événements marquants relatifs aux rois de Juda et d’Israël. Les indications que la Bible donne sur les années de règne des rois de Juda ont servi de base pour déterminer les autres dates. Les dates concernant le règne des rois de Juda vont du printemps de l’année mentionnée au printemps de l’année suivante. Les dates concernant le règne des rois du royaume d’Israël ont été synchronisées avec celles qui concernent Juda. La Bible fournit de nombreux synchronismes dont on a tenu compte pour arriver à ces dates.
Les grands prêtres et les prophètes cités dans le récit biblique en rapport avec les divers rois sont énumérés. Mais la liste n’est absolument pas exhaustive. La prêtrise aaronique officia d’abord au tabernacle, puis au temple, apparemment sans interruption jusqu’à l’époque de l’exil à Babylone. D’autre part, la Bible signale que, outre les prophètes nommés, beaucoup d’autres remplirent cette fonction sacrée. — 1R 18:4 ; 2Ch 36:15, 16.
ROYAUME DES DOUZE TRIBUS
Dates av. n. è.
SAÜL commence à régner sur l’ensemble des 12 tribus (40 ans)
Prophète : Samuel
Grands prêtres : Ahiya, Ahimélek
1117
Naissance de David
1107
Samuel achève le livre des Juges
env. 1100
Samuel achève le livre de Ruth
env. 1090
Le livre de 1 Samuel est achevé
env. 1078
DAVID devient roi de Juda à Hébrôn (40)
Prophètes : Nathân, Gad, Tsadoq
Grand prêtre : Abiathar
1077
David devient roi sur tout Israël ; fait de Jérusalem sa capitale
1070
Gad et Nathân achèvent 2 Samuel
env. 1040
SALOMON commence à régner (40)
Prophètes : Nathân,Ahiya, Iddo
Grands prêtres : Abiathar, Tsadoq
1037
Début de la construction du temple de Salomon
1034
Fin de la construction du temple par Salomon à Jérusalem
1027
Salomon rédige le Chant de Salomon
env. 1020
Salomon rédige le livre de l’Ecclésiaste
av. 1000
ROYAUME DE JUDA
Dates av. n. è.
ROYAUME D’ISRAËL
REHABAM commence à régner (17 ans) ; scission de la nation en deux royaumes
Prophètes : Shemaïa, Iddo
997
YAROBAM commence à régner sur les 10 tribus du Nord, d’abord depuis Shekèm, semble-t-il, ensuite depuis Tirtsa (22 ans)
Prophète : Ahiya
Shishaq d’Égypte envahit Juda et prend les trésors du temple de Jérusalem
993
ABIYA (ABIYAM) commence à régner (3)
Prophète : Iddo
980
ASA commence sans doute à régner (41), mais sa première année de règne est comptée à partir de 977
Prophètes : Azaria, Oded, Hanani
978
env. 976
NADAB commence à régner (2)
env. 975
BAASHA assassine Nadab, puis commence à régner (24)
Prophète : Yéhou (fils de Hanani)
Zérah l’Éthiopien vient faire la guerre à Juda
967
env. 952
ÉLA commence à régner (2)
env. 951
ZIMRI, chef militaire, assassine Éla puis règne (7 jours)
env. 951
OMRI, chef de l’armée, commence à régner (12)
env. 951
Tibni devient roi sur une partie du peuple, ce qui divise encore la nation
env. 947
Omri jugule l’opposition de Tibni et devient le seul souverain en Israël
env. 945
Omri achète la montagne de Samarie et y bâtit sa capitale
env. 940
AHAB commence à régner (22)
Prophètes : Éliya, Mikaïa
YEHOSHAPHAT commence vraisemblablement à régner (25), mais sa première année de règne est comptée à partir de 936
Prophètes : Yéhou (fils de Hanani), Éliézer, Yahaziël
Grand prêtre : Amaria
937
env. 920
AHAZIA, fils d’Ahab, ‘ devient roi ’ (2) ; son père est sans doute toujours en vie ;
les années de règne d’Ahazia sont peut-être comptées à partir de 919 env.
Prophète : Éliya
Yehoram, fils de Yehoshaphat, est associé d’une manière ou d’une autre à son père dans le gouvernement
env. 919
env. 917
YEHORAM, fils d’Ahab, commence à régner comme seul roi d’Israël (12) ; mais dans un texte au moins le court règne de son frère Ahazia, mort sans fils, lui est peut-être aussi attribué
Prophète : Élisha
YEHORAM devient officiellement vice-roi avec Yehoshaphat ; on peut compter les années de son règne à partir de cette date (8)
Prophète : Éliya
913
Yehoshaphat meurt et Yehoram devient le seul souverain
env. 911
AHAZIA, fils de Yehoram, commence à régner (1), bien qu’il ait peut-être été oint comme roi en 907 env.
Grand prêtre : Yehoïada
env. 906
ATHALIE usurpe le trône (6)
env. 905
YÉHOU, chef militaire, assassine Yehoram, puis commence à régner (28) ; mais ses années de règne semblent comptées à partir de 904 env.
Prophète : Élisha
YEHOASH, fils d’Ahazia, commence à régner (40)
Grand prêtre : Yehoïada
898
876
YEHOAHAZ commence à régner (17)
env. 862
Yehoash est sans doute associé à la royauté avec son père, Yehoahaz
env. 859
YEHOASH, fils de Yehoahaz, commence à régner comme seul roi d’Israël (16)
Prophète : Élisha
AMATSIA commence à régner (29)
858
Yehoash d’Israël capture Amatsia, ouvre une brèche dans la muraille de Jérusalem et prend les trésors du temple
ap. 858
env. 844
YAROBAM II commence à régner (41)
Prophètes : Yona, Hoshéa, Amos
Rédaction du livre de Yona
OUZZIYA (AZARIA) commence à régner (52)
Prophètes : Hoshéa, Yoël (?), Isaïe
Grand prêtre : Azaria (II)
829
Le livre de Yoël est peut-être rédigé
env. 820
Ouzziya ‘ devient roi ’ dans un sens spécial, peut-être en étant affranchi de la domination de Yarobam II
env. 818
Rédaction du livre d’Amos
env. 804
env. 803
ZEKARIA ‘ commence à régner ’ dans un certain sens, mais sa royauté n’est, semble-t-il, pas pleinement confirmée avant 792 env. (6 mois)
env. 791
SHALLOUM assassine Zekaria, puis règne (1 mois)
env. 791
MENAHEM assassine Shalloum, puis commence à régner, mais ses années de règne semblent comptées à partir de 790 env. (10)
env. 780
PEQAHIA commence à régner (2)
env. 778
PÉQAH assassine Peqahia, puis commence à régner (20)
Prophète : Oded
YOTHAM commence à régner (16)
Prophètes : Mika, Hoshéa, Isaïe
777
AHAZ commence sans doute à régner (16), mais sa première année de règne est comptée à partir de 761
Prophètes : Mika, Hoshéa, Isaïe
Grand prêtre : Ouriya (?)
762
Ahaz devient vraisemblablement tributaire de Tiglath-Piléser III d’Assyrie
env. 759
env. 758
HOSHÉA assassine Péqah, puis ‘ commence à régner ’ à sa place, mais il semble que son pouvoir ne soit pleinement établi ou qu’il ne reçoive le soutien du monarque assyrien Tiglath-Piléser III qu’en 748 env. (9 ans)
HIZQIYA commence sans doute à régner (29), mais sa première année de règne est comptée à partir de 745
Prophètes : Mika, Hoshéa, Isaïe
Grand prêtre : Azaria (II ou III)
746
ap. 745
Le livre d’Hoshéa est achevé
742
L’armée assyrienne assiège Samarie
740
L’Assyrie prend Samarie, soumet Israël ; c’est la fin du royaume du Nord
Sennakérib envahit Juda
732
Le livre d’Isaïe est achevé
ap. 732
Le livre de Mika est achevé
av. 717
La compilation des Proverbes est achevée
env. 717
MANASSÉ commence à régner (55)
716
AMÔN commence à régner (2)
661
YOSHIYA commence à régner (31)
Prophètes : Tsephania, Jérémie, la prophétesse Houlda
Grand prêtre : Hilqia
659
Rédaction du livre de Tsephania
av. 648
Rédaction du livre de Nahoum
av. 632
YEHOAHAZ règne (3 mois)
628
YEHOÏAQIM commence à régner, tributaire de l’Égypte (11)
628
Prophètes : Habaqouq (?), Jérémie
Le livre de Habaqouq est peut-être rédigé
env. 628
Neboukadnetsar II fait Yehoïaqim tributaire de Babylone
620
YEHOÏAKÎN commence à régner (3 mois et 10 jours)
618
Neboukadnetsar II emmène des captifs juifs et les trésors du temple à Babylone
617
TSIDQIYA commence à régner (11)
Prophètes : Jérémie, Ézékiel
Grand prêtre : Seraïa
617
Neboukadnetsar II envahit de nouveau Juda ; début du siège de Jérusalem
609
Ouverture d’une brèche ans les murailles de Jérusalem le 9e jour du 4e mois
607
Incendie de Jérusalem et du temple le 10e jour du 5e mois
607
Les derniers Juifs abandonnent Juda vers le milieu du 7e mois
607
Jérémie rédige le livre des Lamentations
607
Rédaction du livre d’Obadia
env. 607
REMARQUE : Après la prise de Samarie, les dix tribus du royaume d’Israël furent emmenées en exil. Mais le pays ne resta pas désolé, comme ce fut le cas de Juda après la destruction de Jérusalem en 607 av. n. è. Le roi d’Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Koutha, d’Avva, de Hamath et de Sepharvaïm dans les villes d’Israël pour qu’ils les habitent. Leurs descendants y étaient toujours quand les Juifs revinrent à Jérusalem en 537 av. n. è. pour rebâtir le temple. — 2R 17:6, 24 ; Ezr 4:1, 2.