La presse française commente l’assemblée de Colombes
DANS le cadre des assemblées internationales “La victoire divine”, organisées par les témoins de Jéhovah en Amérique du Nord et en Europe durant l’été dernier, un congrès a eu lieu du 1er au 5 août au stade de Colombes, dans la banlieue parisienne. Lors du discours public “La victoire divine — ses conséquences pour l’humanité affligée”, le stade fut envahi par une foule record de 60 241 personnes. L’avant-veille, 2 703 nouveaux disciples chrétiens avaient symbolisé l’offrande de leur personne à Dieu par le baptême d’eau, dans la piscine olympique voisine. Ce congrès fut l’objet de nombreux commentaires à la radio et à la télévision, ainsi que dans la plupart des grands journaux parisiens.
Le cadre
En première page du Journal du Dimanche du 5 août 1973, on pouvait admirer une magnifique photographie du stade de Colombes archicomble, avec cette légende : “Quel match peut ainsi remplir les tribunes du stade Yves-du-Manoir à Colombes ? Celui qui oppose Satan à Jéhovah, rien de moins. C’est en effet hier qu’a été prise cette étonnante photo du ‘temple du rugby’ où, depuis mercredi et jusqu’à ce soir, 55 000 Témoins venus de partout, du Tarn comme de la Martinique, sont réunis en un congrès international.” Ce journal ajoutait : “Aujourd’hui, alors qu’ils sont 1 700 000, dont près de 50 000 en France, à prétendre colporter la ‘vérité’ et la ‘bonne nouvelle’, il est impossible d’ignorer l’existence des Témoins de Jéhovah.” Décrivant l’ambiance et le cadre particuliers à cette circonstance, Le Parisien libéré du 3 août déclara : “Ce bassin inhabituel, à l’image du jardin d’Éden, avec ses flamants roses et ses plantes vertes, occupe le centre du stade de Colombes. (...) Au centre, sur un podium entouré de plates-bandes de fleurs, une tribune circulaire a cette particularité qu’elle pivote en permanence lentement sur elle-même, de sorte que tous les orateurs se trouvent, à un moment ou à un autre, face au public.” De son côté, le journal catholique La Croix du 7 août 1973 fit ces remarques : “Bien que l’on parle beaucoup d’eux parce qu’ils se livrent à un prosélytisme très actif, en faisant du porte-à-porte, les Témoins de Jéhovah n’ont, jusqu’à présent, rencontré qu’un succès mitigé en France. Toutefois, leur rassemblement de Colombes, par son organisation impeccable, ses représentations bibliques, son sérieux, n’en constitue pas moins un spectacle impressionnant.”
L’organisation et la foi des témoins
Cette assemblée internationale de Colombes, dont le bon fonctionnement a été loué, a amené plusieurs journalistes à s’interroger sur l’histoire moderne des témoins de Jéhovah et sur leur organisation. Parlant du financement de celle-ci, un journaliste écrivit : “D’où vient cet argent ? De dons de riches prosélytes, (...) mais surtout des contributions volontaires de chacun. Aussi s’efforcent-ils de limiter les dépenses au maximum : nourris, logés, les missionnaires [dans les bureaux des filiales] comme les dirigeants ne reçoivent pour tout pécule que 14 dollars par mois, soit environ une soixantaine de nos francs. C’est peu, très peu pour vivre, suffisant toutefois pour servir Dieu, dit-on.” Il ajouta : “Mais si le volontariat, une saine gestion des recettes, constituent sans doute les clés de la réussite des Témoins de Jéhovah, il en est encore une autre : leur très solide et rigoureuse organisation mondiale.” — Le Journal du Dimanche, 5 août 1973.
Les journalistes présents à cette assemblée ont également été très frappés par le fait que les témoins de Jéhovah considèrent la Bible comme la Parole de Dieu, donc comme le seul critère en matière de foi et de conduite chrétienne. Voici plusieurs commentaires de journaux à ce propos :
“Le stade est plein à craquer d’une foule studieuse et attentive, à rendre jaloux n’importe quel parti politique. (...) Endoctrinés, les Témoins de Jéhovah le sont au-delà de toute expression. Quoi d’étonnant quand on sait qu’ils suivent tous trois fois par semaine des cours d’instruction religieuse axés sur la Bible, qui est leur unique livre de chevet.” — Le Monde, 5-6 août 1973.
“Ils frappent à votre porte. Et si vous n’êtes pas là, ils glissent une petite feuille où l’on vous demande (...) : ‘Aimeriez-vous comprendre la Bible ?’ Une chose est sûre : ils reviendront. Si, en revanche, vous leur ouvrez votre porte, ils vous parleront, aussi longtemps que vous voudrez. Mais d’un seul sujet : la Bible ! (...) En résumé, quel que soit le sujet que les Témoins de Jéhovah abordent (...), la référence est toujours la même : la réponse est dans la Bible.” — Le Figaro, 6 août 1973.
“Ne devient pas Témoin de Jéhovah qui veut, sur un coup de foudre à la découverte de leur ‘vérité’. Il faut non seulement une très profonde foi chrétienne, de la patience, du temps, du courage aussi, mais il est nécessaire également d’accepter les préceptes que dicte la loi biblique (...). Une rigueur qui peut irriter certains, qui n’y voient que de la naïveté, ou forcer l’admiration des autres...” — Le Journal du Dimanche, 5 août 1973.
Les raisons de leur succès
Certains journalistes se sont étonnés de l’extraordinaire développement de l’œuvre effectuée par les témoins de Jéhovah. Un témoin, interrogé par un journaliste, en donna une raison : “Il a répondu que beaucoup de catholiques et de protestants étaient venus à eux par lassitude de voir leur église se préoccuper davantage de questions terrestres et temporelles que d’obéissance aux Écritures et de vie spirituelle. Quant à eux [les témoins de Jéhovah], ils fondent toutes leurs actions sur les Écritures.” — Le Parisien libéré, 3 août 1973.
De son côté, le journal La Croix du 7 août 1973 explique ainsi l’effet que l’activité des témoins peut avoir sur les membres des Églises de la chrétienté : “D’une grande rectitude morale, lecteurs passionnés de la Bible même s’ils l’interprètent mal, zélés pour leur cause, les Témoins de Jéhovah, par leur existence même, obligent bien des chrétiens endormis à s’interroger sur la réalité de leur foi. Les grandes Églises institutionnelles, parfois figées dans leur hiératisme, d’où un certain manque de chaleur humaine, ne peuvent non plus rester indifférentes aux besoins que ressentaient tant de gens et auxquels des sectes comme les Témoins de Jéhovah semblent apporter une réponse.”
Terminant son article sur l’assemblée de Colombes, Henri Fesquet cite le cas de milliers de témoins de Jéhovah du Malawi qui ont été persécutés et chassés de leur pays parce qu’ils sont restés fidèlement attachés aux principes de la neutralité chrétienne consignés dans les Écritures. Puis, s’interrogeant sur les raisons de leur intransigeance, il conclut ainsi : “Parce qu’à la suite de Jésus, ils sont ‘dans ce monde, mais non pas de ce monde’ et qu’à ce titre ils sont des ‘ambassadeurs du royaume de Dieu’ ; et avant tout parce que le Christ était un non-violent. Position entière, certes, mais fondée, qui leur vaut l’estime de la plupart des chrétiens qui prennent au sérieux le Décalogue et les Évangiles.” — Le Monde, 5-6 août 1973.
Le message des témoins de Jéhovah
Dans leurs commentaires sur l’assemblée internationale de Colombes, les journalistes n’ont pas manqué de mettre en évidence le message des témoins de Jéhovah. Il était d’ailleurs fort bien résumé par le thème même du congrès : “La victoire divine”, c’est-à-dire la victoire de Dieu sur le présent système de choses inique dirigé par Satan le Diable, son grand adversaire.
Sous le titre “Les temps sont courts...”, l’hebdomadaire L’Express des 13-19 août déclara : “Ils étaient là, surtout, pour annoncer la fin du monde [c’est-à-dire du système ou état de choses mondial]. Proche, très proche. Ils l’ont lu dans la Bible : il y aura des guerres, des famines, des épidémies, des crimes violents, une pollution galopante. Alors aura lieu la bataille d’Harmaguédon. Dieu détruira le monde corrompu, et tous les ‘systèmes iniques’.”
De son côté, dans Le Monde du 7 août 1973, deux jours après la fin du congrès, Henri Fesquet écrivit un nouvel article intitulé “Les Témoins de Jéhovah vont annoncer la fin des temps”. On pouvait y lire entre autres : “Symbole du jardin de l’Éden, les deux flamants roses de la pelouse du stade de Colombes sont revenus, dimanche soir 5 août, à leur solitude. Ils ont été abandonnés par les soixante mille deux cent quarante et un Témoins de Jéhovah ou sympathisants qui ont assisté à la séance de clôture de leur rassemblement. (...) Ils apprendront aux hommes que ‘le temps se fait court’. La bataille de Har-Maguédon, dont parle saint Jean dans le dernier livre du Nouveau Testament, est proche. Après la disparition de la chrétienté satanique commencera le véritable royaume de Dieu. (...) Ils se sentent chargés de la redoutable mission d’annoncer cette catastrophe à leur entourage frivole (...). À ceux que cette nouvelle ne laissera pas indifférents ils recommanderont de lire un manuel déjà tiré en cinquante-six millions d’exemplaires et traduit en quatre-vingt-une langues : La vérité qui conduit à la vie éternelle. Cet ouvrage est diffusé par le Centre de Béthel, 81 rue du Point-du-Jour, 92 100 Boulogne.”