Le langage humain — un don unique
De notre correspondant en Côte d’Ivoire
UN JOUR, une machine à traduire a rendu l’expression anglaise “out of sight, out of mind” (loin des yeux, loin du cœur) par les mots français “invisible idiot”. Un engrenage de la machine était-il cassé ? Non. Elle avait fait une erreur très pardonnable. Cet incident mettait en lumière la complexité du langage humain, un des nombreux facteurs qui en font un moyen unique de communication.
Pour la machine, “out of sight” (littéralement “hors de vue”) signifiait, dans un certain sens, être invisible. De même, “out of mind” (littéralement “hors de l’esprit”) pouvait vouloir dire être fou ou idiot. Et pourtant, cette expression n’a pas le sens d’“invisible idiot”. C’est ce genre de problème qui donne des migraines à ceux qui voudraient inventer une machine à traduire.
Évidemment, ce n’est pas seulement sa complexité qui rend le langage humain unique. Il y a bien d’autres facteurs. Il y en a même tellement que certains scientifiques voudraient remplacer l’expression homo sapiens (“homme qui possède la sagesse”) par cette autre plus appropriée : homo loquens (“homme qui parle”).
“Mais, protesteront certains, ont-ils oublié les récentes recherches concernant les systèmes de communication chez les animaux ? L’homme parle, c’est vrai, mais les animaux en font autant, à leur manière. Les dauphins sifflent, les abeilles dansent, les oiseaux émettent des cris bien distincts et il y en a même qui imitent le langage humain. Quant aux singes, on a appris récemment à certains d’entre eux un langage par ‘signes’. Bien que la façon de communiquer des animaux ne soit pas la même que celle de l’homme, les buts et les résultats sont sûrement les mêmes.”
Eh bien, oui et non. Il est vrai que les bêtes communiquent, mais en général le but et les résultats ne sont pas les mêmes. On a fait de nombreuses recherches à ce sujet. On a catalogué les divers cris émis par des animaux aussi différents que les gibbons, les oies et les dauphins. Dans certains cas, on a classé ces cris en une sorte de vocabulaire. Les gibbons ont apparemment neuf cris et les dauphins davantage encore. Ces derniers semblent même avoir différents “dialectes” selon l’endroit où ils vivent.
Néanmoins, il y a plusieurs différences fondamentales entre le langage de l’homme et celui des animaux, outre le fait évident que le langage humain est infiniment plus complexe. Une des différences est...
L’intention de communiquer
Quand ils émettent leurs cris-signaux, les animaux ont-ils l’intention consciente de communiquer avec leurs semblables ? Ou bien le son est-il simplement une réaction instinctive devant une situation momentanée ? Selon Konrad Lorenz, spécialiste de renommée mondiale du comportement animal, ils ne communiquent pas intentionnellement, bien que, souvent, ils paraissent le faire.
Un choucas qui est effrayé pendant qu’il mange s’envolera en poussant un cri d’avertissement. Aussitôt tous les autres choucas s’envoleront automatiquement. La parfaite coordination entre le cri d’alarme et la réaction des autres oiseaux crée l’impression qu’ils emploient un langage qui leur est propre. Il n’en est rien ; c’est ce qu’explique Lorenz dans son livre L’anneau du roi Salomon (angl.), où nous lisons :
“En exprimant ses émotions par des sons et des gestes, l’animal n’a nullement l’intention consciente d’influencer un autre membre de son espèce. On en a la preuve par le fait qu’une oie ou un choucas maintenu à part de ses congénères émet les mêmes signaux dès qu’il éprouve les mêmes émotions.” — P. 77.
Quand un homme se sert d’un signal vocal qu’il a appris, c’est pour communiquer quelque chose à ses semblables (à moins qu’il ne chante dans son bain !). Il se tait s’il s’aperçoit que personne ne l’écoute. Le choucas, lui, ne se soucie pas de savoir si un autre l’écoute. Le son qu’il émet est un réflexe instinctif, tout comme le bâillement d’un homme fatigué. Cela met en lumière une autre différence avec le langage des hommes et qui est...
La mobilité du signal
La plupart des signaux des animaux ne sont pas “mobiles”, comme disent les linguistes. Les animaux ne les émettent pas dans d’autres situations que celles qui les ont provoqués. Le gibbon, par exemple, émet son signal de danger uniquement quand il y a danger.
Ces signaux sont également immuables en ce sens qu’en général l’animal n’écoute pas le son qu’il émet pour ensuite essayer de le modifier en un autre son. Certains oiseaux, il est vrai, sont capables d’imiter des sons qui ne font pas partie de leur “vocabulaire” inné. Ils imitent d’autres oiseaux et même l’homme ; c’est ce que fait le perroquet, par exemple.
Cependant, affirme Lorenz, ces oiseaux arrivent rarement à associer consciemment ne serait-ce qu’un seul des mots-sons qu’ils ont appris avec une certaine action et jamais dans un but pratique. Un vieux perroquet gris, appelé Geier, qui avait un vocabulaire “humain” assez étendu, disait même “Auf wiedersehen” (“Au revoir”) d’une voix profonde et pleine de bienveillance quand quelqu’un se levait pour partir. Néanmoins, il n’a jamais appris à dire “à manger” quand il avait faim et “à boire” quand il avait soif.
Cette absence de “mobilité” est encore plus remarquable dans la danse des abeilles. Il s’agit d’une mimique qui fait penser aux signaux d’un sémaphore, mimique que l’homme a même réussi à employer pour communiquer avec les insectes. L’abeille exploratrice indique la distance jusqu’aux fleurs par la vitesse de sa danse (elle montre ainsi l’effort à fournir) et la direction par sa position par rapport au soleil.
Cependant, c’est là tout ce qu’elle peut transmettre. Les différents signes, qui ont un “sens” immuable, ne peuvent être pris séparément et employés d’une autre façon, pour faire un brin de causette au sujet “du temps qu’il fait là-bas” ou “des jolies fleurs qui y poussent”. Nous en venons donc à une autre différence avec le langage humain...
La formation du langage
Les animaux ne possèdent pas la capacité créatrice qui permet aux humains de dire et de comprendre des phrases qu’ils n’ont jamais entendues auparavant et qui n’ont peut-être encore jamais été prononcées. Cela est dû à la manière dont le langage humain est formé.
Le langage a ce qu’on appelle une double structure. Autrement dit, les déclarations humaines peuvent être divisées en éléments plus petits, d’abord en éléments sémantiques ou mots et ensuite en éléments sonores appelés phonèmes. Les phonèmes sont employés pour construire des mots qui n’ont rien à voir avec d’autres qui les contiennent.
Supposons, par exemple, qu’un animal ait un cri-signal qui veut dire viande. Ce cri, quel qu’il soit, signifiera toujours viande et rien d’autre. Mais en français, non seulement ce mot peut être employé pour désigner la chair d’un animal, mais il peut encore être divisé en plusieurs éléments sonores ou phonèmes : v, i, an, d, e. Ces phonèmes peuvent servir à former d’autres mots : ande, vie, âne, vide, etc.
Ainsi, en français, moins de cinquante éléments sonores se combinent pour constituer des dizaines de milliers de mots, et il s’en crée encore de nouveaux. Les mots, à leur tour, se combinent pour former un nombre infini de phrases. Cela nous amène à une autre caractéristique de la composition du langage : la grammaire.
La grammaire est l’étude systématique des éléments constitutifs du langage ; elle constitue le réseau des relations entre les mots et comprend les règles gouvernant ces relations. Quand on connaît ces règles, ou qu’on les sent intuitivement, on peut former différentes combinaisons et produire des phrases compréhensibles, même si avant cela on n’en avait jamais entendu d’exactement pareilles. Quelle complexité !
Même une phrase simple consiste au moins en une relation sujet-prédicat. Dans la phrase suivante d’une histoire enfantine : “Ce petit cochon allait au marché”, le sujet ou celui dont on parle est “ce petit cochon”. Ce qu’on en dit, c’est-à-dire qu’il “allait au marché”, est le prédicat. Les codes des animaux ne relient pas les pensées de cette façon.
Contrairement aux animaux, les hommes comprennent tout cela, ainsi que les autres relations grammaticales entre les groupes de mots. Cependant, ils savent aussi les modifier pour exprimer différents points de vue. Par exemple, on peut affirmer que le petit cochon est allé au marché, mais on peut aussi le nier, simplement en faisant ce qu’on appelle une transformation “négative” ; “Ce petit cochon n’est pas allé au marché.” On peut également mettre cette phrase au présent : “Ce petit cochon va au marché.” On peut encore poser une question : “‘Ce petit cochon est-il allé au marché ?” Une simple phrase sert donc de base à beaucoup d’autres qu’on n’a pas besoin d’apprendre séparément. Mais de telles transformations exigent une autre faculté...
L’objectivité
Pour opérer les transformations qu’exige la vie de tous les jours, il faut pouvoir en quelque sorte rester en dehors du message. Autrement dit, il ne faut pas rapporter chaque élément uniquement à soi-même. C’est ce qu’on appelle “l’objectivité”. Celui qui parle ne doit pas seulement être capable de dire : “Je mets la boîte bleue sur la boîte rouge”, mais aussi : “La boîte bleue est sur la boîte rouge.”
Les gens dont le cerveau est malade perdent souvent la faculté de faire des transformations objectives. Certains schizophrènes, par exemple, éprouvent des difficultés à faire des transformations négatives. Si on leur donne la phrase : “Il mangera des pommes” et qu’on leur demande de la rendre négative en ajoutant ne pas, ils disent souvent : “Il mangera des poires”, ou des oranges ou quelque autre fruit, au lieu de : “Il ne mangera pas de pommes.”
Après des centaines d’heures de dressage, certains chimpanzés ont appris à employer un système simplifié de signes (non parlés) inventé à leur intention. Malgré cela, leur faculté d’opérer des transformations objectives est restée très limitée. Leur objectivité n’a pas dépassé celle d’un enfant de deux ans. Toutefois, chez un bébé humain, cette faculté se développe sans formation spéciale, et en quelques années l’enfant apprendra progressivement des procédés de langage plus complexes, laissant le chimpanzé loin derrière lui.
La source du langage
Noam Chomsky, éminent linguiste, a laissé entendre que cette faculté unique du langage est, dans une certaine mesure, innée. Autrement, dit-il, comment expliquer le développement rapide et complexe du langage chez un petit enfant, alors que ses moyens sont encore peu développés ? Les adultes qui apprennent une nouvelle langue peuvent apprécier une telle performance.
L’Encyclopédie britannique a dit :
“Il est clair que tout humain normal a en lui la faculté innée du langage. il est capable de l’apprendre, de s’en servir et d’assimiler la construction grammaticale (...). L’enfant est rapidement à même de former des phrases nouvelles, grammaticalement correctes à partir des mots qu’il a déjà entendus. Contrairement au perroquet au milieu des hommes, son langage ne se limite pas à de simples répétitions.” — Éd. de 1976, Macropædia, tome X, p. 650.
Les animaux n’ont pas cette faculté innée du langage. Même des chimpanzés très bien dressés n’emploient qu’un simple système de signes inventé par l’homme. Dans la nature, ils communiquent généralement par des signaux réflexes, essentiellement des cris et des gestes. Bien que, selon les évolutionnistes, ces primates soient “les membres du règne animal génétiquement les plus proches de l’homme”, en réalité “il est prouvé qu’ils sont réfractaires à l’acquisition d’un langage [vocal]”. — Ibid, p. 649.
Si le langage vocal humain n’a pas ses racines dans le règne animal, quelle est alors son origine ? Sont-ce les grognements, les gémissements et les sifflements d’un homme primitif qui se serait efforcé de communiquer ainsi avec ses semblables ? “Nous devrions alors trouver un tel langage parmi les groupes ethniques primitifs, très peu civilisés”, a écrit Mario Péi, professeur de linguistique à l’Université Columbia. Mais “ce n’est absolument pas le cas, au contraire. En général, les langues des groupes primitifs ont une structure complexe. Quant aux langues des groupes plus civilisés, elles deviennent plus complexes à mesure qu’on remonte dans leur histoire”. — Les voix de l’homme (angl.), p. 21.
Un langage plus complexe à mesure que l’on remonte dans le temps ? Cela ne confirme certes pas la théorie de l’évolution. C’est ce que doivent admettre les linguistes honnêtes. Par exemple, quand John Lyons présente l’article intitulé “La biologie de la communication chez l’homme et les animaux” de J. Marshall, dans le livre Nouveaux horizons en linguistique (angl.), il écrit :
“Marshall donne un sommaire des preuves disponibles et arrive à la conclusion que l’hypothèse évolutionniste, en ce qui concerne le langage, loin d’être confirmée par les recherches récentes, n’a pas de fondement empirique.” — Éd. de 1970, p. 229.
Lyons poursuit en disant : “Le langage est radicalement différent de toute forme connue de communication animale, et ‘malgré la somme des connaissances acquises les savants sont encore incapables de proposer une théorie biologique du langage’ (P. 241).” De même, le professeur Péi déclare : “Il n’est guère étonnant que les linguistes, à la différence des philosophes, aient renoncé à discuter de l’origine du langage, au point même que la Société de linguistique de Paris a interdit à ses membres de faire des communications à ce sujet.” — Les voix de l’homme (angl.), p. 22.
Pourquoi la question de l’origine du langage est-elle si décevante pour les linguistes ? Vraisemblablement parce que toutes les preuves les conduisent dans une direction où ils ne veulent pas aller, c’est-à-dire loin de la théorie de l’évolution. C’est pourquoi Péi dit : “Cette partie du problème semble insoluble (...). Si c’est la ‘nature’ qui a produit le langage, que faut-il entendre par ‘nature ? Un hasard aveugle ? Un Être suprême intelligent ?” — Ibid.
Répondrez-vous à cette question, en vous laissant influencer, vous aussi, par la théorie de l’évolution ? Ou bien accepterez-vous le langage pour ce qu’il est, un don merveilleux et unique de l’Être suprême dont le nom est Jéhovah ?