Le vol à l’étalage — Infraction mineure ou délit grave?
DANS un grand magasin du sud-est des États-Unis, au rayon papeterie, un homme, les cheveux gris, le dos voûté, caresse nerveusement un crayon et un stylo emballés ensemble. Avec anxiété, il jette un regard dans l’allée à droite, puis à gauche. Il fait exécuter un lent demi-tour à son corps frêle pour scruter la zone qui se trouve derrière lui. Il laisse glisser sa main droite le long de son corps et, d’un petit mouvement du doigt parfaitement au point, il fait disparaître la minuscule boîte étroite dans la manche de sa veste. Puis il se met lentement en marche et glisse comme par hasard sa main dans la poche de son veston où le crayon et le stylo trouvent une nouvelle place. Cependant, avant que cet homme âgé n’ait pu atteindre la porte de sortie, une main ferme s’est abattue sur son épaule, un homme l’a entraîné dans un bureau pour l’interroger.
Moins d’une demi-heure plus tard, deux fillettes, pas encore adolescentes, examinent tranquillement des pull-overs disposés sous une grande pancarte: BIENTÔT LA RENTRÉE. De toute évidence, l’un des tricots leur fait envie. Chacune à son tour le pose contre son petit buste pour voir s’il est à sa taille. Elles caressent le doux lainage. Elles regardent le prix sur l’étiquette. C’est cher. Elles se concertent, rient nerveusement, éclatent de rire: elles ont pris leur décision. Elles s’assurent qu’il n’y a pas de vendeur: l’une des fillettes relève rapidement sa jupe, attache maladroitement le pull autour de sa taille et laisse retomber sa jupe. Avant qu’elle n’ait pu atteindre la sortie principale, une sonnerie retentit et, comme dans un scénario répété à l’avance, un détective du service de sécurité se saisit des fillettes, nerveuses et abasourdies. Elles aussi sont amenées au bureau.
À peu près au même moment, une jeune fille d’une vingtaine d’années, portant un paquet emballé, examine avec attention un radio-réveil électrique. Elle passe ses doigts sur le boîtier finement poli. C’est un magnifique article, très féminin. Le réveil à la main, l’air désinvolte, elle avance de quelques mètres dans l’allée, et quand elle revient, le réveil a disparu. Il est dans le double fond du paquet emballé. Il y a une bagarre à l’entrée principale. La jeune fille s’échappe et court vers une voiture qui l’attend. Deux détectives l’attrapent ainsi que le chauffeur de l’automobile. Ils sont conduits au bureau.
Un délit à une grande échelle
Les récits que vous venez de lire sont véridiques et il s’agissait de voleurs à l’étalage. Aux États-Unis, on a calculé que sur trois petites entreprises qui font faillite, une est obligée de déposer son bilan à cause du vol à l’étalage. Ce type de vol est de loin le plus répandu aux États-Unis.
En 1978, aux États-Unis, les cambrioleurs se sont emparés, en forçant les caisses et les coffres-forts des banques, d’une somme fabuleuse de 25 millions de dollars en liquide et en valeurs. Mais en 1977, on estimait approximativement à 8 milliards de dollars les pertes occasionnées par le vol à l’étalage, soit 20 millions de dollars par jour. Les spécialistes ont vu ce chiffre monter en flèche jusqu’à plus de 10 milliards de dollars en 1979.
Les deux tiers des voleurs à l’étalage arrêtés dans la plupart des États ont moins de vingt et un ans. Les jeunes n’ont cependant pas le monopole du vol à l’étalage. L’homme âgé qui est mentionné au début de cet article avait 90 ans. Quant aux deux petites filles, elles étaient âgées de 10 et 11 ans. En fait, selon certains spécialistes, c’est au cours de la dernière année d’école primaire que les enfants commencent à voler à l’étalage.
Très souvent, lorsqu’ils sont deux, comme dans le cas des fillettes, le vol à l’étalage est une réponse à un défi. D’autres fois, cela peut être une condition à remplir pour faire partie d’un club, ou les conséquences des pressions des camarades, ou une tentative pour attirer l’attention des parents. Ceux qui volent un article parce qu’ils en ont réellement besoin et qu’ils ne peuvent pas le payer seraient en fait très peu nombreux.
Ces gens là sont des amateurs. Ils appartiennent à toutes les catégories d’âge et à toutes les classes sociales. Ils volent pour des raisons très diverses. Ils sont très nombreux par rapport aux voleurs professionnels et ils poussent les commerçants à la ruine.
Les professionnels du vol à l’étalage, c’est autre chose. Ils “gagnent” leur vie en revendant les objets qu’ils ont volés. Par conséquent, ils volent des choses plus chères que les amateurs. De nombreux professionnels prennent des commandes pour des postes de télévision, des radios, des costumes d’hommes, des chaussures, et la liste n’est pas close. Ah! si les murs des salons d’essayage pouvaient parler...
Quand un agent de la sécurité d’un magasin capture un voleur professionnel, il est bien noté. Mais il doit être vigilant parce que très souvent le voleur porte une arme et, en dernier ressort, il l’utilisera. Quand il est arrêté, le voleur à l’étalage professionnel peut devenir dangereux.
Ils durcissent leur stratégie
Afin d’endiguer la marée des vols à l’étalage, la majorité des magasins adoptent une stratégie plus dure. Ils dépensent des millions de dollars en matériel électronique de surveillance hautement perfectionné. C’est grâce à une caméra de télévision qu’on a repéré l’homme de 90 ans qui volait le crayon et le stylo. Ensuite, par l’intermédiaire d’un émetteur-récepteur, on a dirigé vers lui le détective du magasin qui se trouvait le plus près. La femme au radio-réveil a été arrêtée grâce au même procédé. Dans le cas des deux fillettes au pull-over, une minuscule pastille magnétique cachée dans le vêtement, pastille que la caissière doit enlever quand on achète l’article, a déclenché une sonnerie quand elle est passée devant un œil électronique.
De nombreux magasins ont mis en place des programmes de formation spéciale pour entraîner leurs employés à repérer et à surprendre les manies et les techniques des voleurs à l’étalage. Certains magasins ont même engagé des acteurs pour jouer le rôle de voleurs au cours d’une arrestation simulée, afin que les clients voient que le magasin a durci la stratégie. De plus, l’un des nombreux détectives du magasin se promène d’un air innocent, comme s’il était un client, en poussant très souvent un chariot devant lui.
L’homme âgé de 90 ans fut amené dans les bureaux des détectives du magasin. On commença par le fouiller pour voir s’il n’avait pas d’arme. Puis on lui a indiqué de quelle protection juridique il bénéficiait en cas d’inculpation. Puisque c’était son premier délit et qu’il était âgé, on lui demanda de signer une déclaration de culpabilité et on lui ordonna de ne plus jamais revenir dans le magasin. Les deux fillettes de 10 et 11 ans durent supporter le choc émotionnel consécutif non seulement à leur arrestation dans le magasin devant des spectateurs, mais aussi à la venue de leurs parents pour payer “la caution”. Elles furent relâchées après avoir été averties de ce qui leur arriverait si on les reprenait. On espère que cela sera suffisant pour leur apprendre que le vol à l’étalage est un délit grave.
Cependant, le magasin ne fut pas aussi clément pour la jeune femme. La fouille de la voiture révéla qu’elle avait volé pour plusieurs centaines de dollars dans différents magasins de la ville. Elle appartenait à une petite bande qui exécutait “des commandes” d’objets volés. On retint contre elle et contre le chauffeur du véhicule qui l’accompagnait une triple inculpation pour délit de vol.
Que peuvent faire les parents?
Prenez-vous vos responsabilités en tant que parents? Dites à vos enfants que le vol à l’étalage est un délit grave. Les commerçants prennent de sévères mesures contre les voleurs à l’étalage, quelle que soit la valeur de l’article volé, et sans faite de distinction de sexe, d’âge, de race ou de niveau social. Expliquez-leur que s’ils sont condamnés pour vol à l’étalage, ils auront un casier judiciaire qui les empêchera peut-être d’obtenir un emploi, une bourse ou même d’emprunter de l’argent. Cela peut avoir une influence sur tout ce qui demande une vérification de routine de leur passé.
Qu’aurait dit la fillette à ses parents si elle avait rapporté à la maison le tricot volé? Que c’était un vêtement échangé avec sa camarade? C’est l’excuse “parfaite” que l’on peut donner à des parents qui ne se méfient pas. Hésiteriez-vous à demander d’où viennent des vêtements ou des accessoires qui ne vous sont pas familiers alors que vous savez que votre enfant a dépensé tout son argent de poche? Si votre enfant a l’habitude de toujours “trouver” quelque objet, ne vous posez-vous pas des questions? Lorsqu’il a fait une affaire qui est trop bonne pour être honnête, cela met-il à l’épreuve votre sens de la valeur des choses, ou la jupe à 40 dollars laissée pour 5 dollars vous pousse-t-elle à vous interroger sur la montée des prix? Le signal d’alarme, c’est peut-être l’imperméable favori ou le sac à main trop grand qui ne sert qu’à “faire les courses”. N’ayez pas peur de demander pourquoi. Il vaut mieux que ce soient les parents qui posent les questions plutôt que le personnel du service de sécurité du magasin.
L’an dernier, l’État de l’Oregon aux États-Unis a édicté une loi qui autorise les magasins à envoyer des lettres aux voleurs à l’étalage par lesquels ils réclament la restitution des marchandises volées, plus la valeur des articles, plus une amende. Le refus de payer se termine devant le tribunal d’instance. La plupart des délinquants paient. Si le coupable est un mineur, les parents sont tenus pour responsables. Certains sont remplis d’indignation. Voici la lettre que l’un d’eux envoya à un magasin: “Vous vous réjouirez sans doute d’apprendre que le petit voleur à l’étalage est désormais bâillonné et lié poings et pieds dans notre cave puisque c’est là la seule façon d’être sûr que l’on est maître de ses enfants.” Cependant, d’autres parents remercient le magasin de leur avoir fait prendre conscience de ce problème et font rembourser les amendes par l’enfant avec son argent de poche et avec celui qu’il gagne en distribuant des journaux.
Encouragez votre enfant à résister aux défis et aux pressions des soi-disant camarades. Leur céder ne peut avoir que de graves conséquences. Ce vieux monde et son désir avide passent rapidement. Encouragez votre enfant à ne pas prendre les choses qui appartiennent à quelqu’un d’autre, pratique qui est tellement courante dans ce monde. ‘Les voleurs n’hériteront pas le royaume de Dieu.’ (I Cor. 6:10). Inculquez à votre enfant la haine du mal et l’amour du bien, et il possédera plus de choses qu’il ne peut l’imaginer dans le nouvel ordre juste de Jéhovah Dieu, maintenant si proche. — Prov. 8:13.