Chapitre 13
La délivrance de la captivité babylonienne
LOÏS: Durant toute cette semaine, j’ai songé aux persécutions qu’ont endurées les témoins en 1918. Ce dut être quelque chose de terrible, et qui a éprouvé la foi de ceux qui, à cette époque, étaient liés à la Société.
JEAN: C’est vrai, mais comme le déclare Matthieu 24:13, “celui qui aura enduré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé”. Chaque fois que Jéhovah permet une épreuve, il pourvoit toujours au moyen d’en sortir. Beaucoup ont fait montre d’endurance. L’œuvre ne fut pas tuée définitivement et, pendant la période où les responsables de la Société étaient emprisonnés, la voix de La Tour de Garde se faisait encore entendre, quoique faiblement.
On n’accomplit que peu de travail au cours de cet emprisonnement. On tint quelques petites assemblées, sans toutefois déployer d’effort spécial pour y inviter le public. Ces rassemblements tendaient principalement à fortifier ceux qui marchaient encore sur le sentier de la vérité et à maintenir l’œuvre au mieux des possibilités. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, quelques colporteurs fidèles étaient encore actifs, bien que nombre d’entre eux aient été arrêtés.
C’est alors que, brusquement, la Première Guerre mondiale prit fin, le 11 novembre 1918. La cessation des hostilités suscita un nouvel espoir chez les frères, bien que le juge Rutherford et ses associés fussent encore détenus au pénitencier d’Atlanta. Les frères avaient maintenant une très bonne raison pour commencer une campagne active tendant à les libérer. Vint janvier 1919 et, avec ce mois-là, la réunion annuelle du conseil d’administration de la Société Watch Tower. Le 4 janvier, à Pittsburgh, fut organisée une assemblée ayant un double objectif: d’une part, examiner les dispositions qui pourraient être prises pour réveiller les frères sur le plan spirituel et, d’autre part, procéder à l’élection des responsables.
THOMAS: Le juge Rutherford se trouvait alors en prison. Quelles mesures allaient donc pouvoir être prises pour tenir une réunion de ce genre?
JEAN: Beaucoup avaient cette question présente à l’esprit, et en particulier frère Rutherford lui-même. Tous les frères emprisonnés étaient restés actifs. Bien qu’on leur eût dit, dès leur entrée en prison, qu’ils ne pourraient pas prêcher, ils conduisaient régulièrement des études bibliques au bout de quelques mois, chaque frère dirigeant sa propre étude. Ces études avaient lieu le dimanche, et environ une centaine de détenus y assistaienta. Mais frère Rutherford était inquiet au sujet des résultats de la réunion du conseil d’administration. L’un de ses compagnons de captivité, frère A. H. Macmillan [qui vivait encore lorsque le présent ouvrage a été présenté en langue anglaise, en 1959] a souvent fait état de la crainte qu’avait frère Rutherford de voir, une fois les responsables de la Société emprisonnés, les adversaires de l’organisation parvenir, d’une façon ou d’une autre, à prendre le contrôle de l’œuvre et à réduire à néant les efforts déployés durant des années pour édifier la Société.
UN SIGNE DE CONFIANCE
LOÏS: Que s’est-il passé à cette réunion?
JEAN: Deux jours avant la réunion proprement dite, on tint une assemblée générale à laquelle assistèrent plus de 1 000 frères venus des États-Unis et du Canada. Le matin du 4 janvier, le vice-président C. H. Anderson prit la parole et présenta une résolution, laquelle fut adoptée à l’unanimité par tous les assistants. Cette résolution avait pour thème
la confiance dans l’intégrité de ces huit défenseurs et dans leur loyauté envers le gouvernement et le peuple des États-Unis, aussi bien qu’envers le Seigneur, ainsi que notre entière confiance que le jugement sera infirmé et qu’ils seront totalement disculpés lorsque tous les faits auront été reconsidérés, avec impartialité, par la Cour d’appelb.
En raison de l’absence du président et du secrétaire-trésorier de la Société, on posa quelques questions sur l’aspect légal de la situation. Certains étaient d’avis de surseoir à l’élection et d’attendre six mois. D’autres émettaient l’opinion qu’une telle attitude de la part des membres risquerait d’être interprétée par le public comme un désaveu des frères. Une longue discussion s’ensuivit, discussion au cours de laquelle un frère définit ce qui semblait être l’opinion de la majorité. Il déclara:
Je crois que le plus grand plaisir que nous puissions faire à notre cher frère Rutherford serait de le réélire comme président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Je ne pense pas qu’il subsiste le moindre doute dans l’esprit du public quant à la position que nous adoptons à cet égard. Si, sur le plan technique, nos frères ont violé la loi qu’ils ne comprenaient pas, nous savons que leurs motifs étaient bons. Et, devant le Dieu tout-puissant, ils n’ont pas davantage violé la loi divine que la loi humaine. Nous ferions preuve de la plus grande confiance en réélisant frère Rutherford comme président de l’Association. Je n’ai rien d’un juriste, mais lorsqu’on s’attache à l’aspect légal de la situation, je sais ce qu’est la loi de la loyauté. La loyauté, voilà ce que Dieu exige. Je ne puis imaginer plus grand témoignage de confiance que celui consistant à procéder à des élections aux fins de réélire frère Rutherford comme présidentc.
Après une pause, on rejeta la motion qui tendait à reporter l’élection à six mois. Il paraissait évident que la grande majorité des assistants étaient partisans d’une élection, et il ne subsistait pas le moindre doute quant à la réélection de Rutherford à la fonction de président.
L’élection eut donc lieu, et frère Rutherford fut élu président, frère C. A. Wise, vice-président, et W. E. Van Amburgh, secrétaire-trésorierd. Aucun de ceux qui avaient attaqué la Société en 1917 et 1918 n’obtinrent de voix dans les débats.
Le mois suivant, certains journaux agitèrent l’opinion en faveur de la libération de Rutherford et de ses associése. Les témoins écrivirent des milliers de lettres aux journaux, éditeurs, membres du Congrès, sénateurs et gouverneurs, les priant instamment d’agir en faveur des responsables de la Société. Nombre de ceux qui avaient été sollicités se prononcèrent pour la libération et indiquèrent qu’ils feraient leur possible en ce sensf.
L’effort suivant en faveur de ces frères consistait en une pétition à l’échelle nationale, pétition que l’on fit circuler en mars 1919. En peu de temps, on recueillit 700 000 signaturesg. Par son entremise, on demandait au gouvernement des États-Unis de rendre justice à ces hommes accusés faussement et emprisonnés. Cette manifestation publique constituait la preuve de la résurrection des témoins et de leur vitalité. En son temps, ce fut la plus grande pétition organisée jusque-là, et, bien qu’elle n’ait jamais été présentée au gouvernement, elle servit à rendre un puissant témoignageh.
LES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ SONT RELAXÉS ET JUSTIFIÉS
THOMAS: Mais après tout le travail que représentait l’obtention de 700 000 signatures, comment s’expliquer le fait que la pétition n’ait pas été soumise au gouvernement?
JEAN: Ce ne fut pas nécessaire. Le gouvernement avait déjà pris des mesures pour libérer les huit frères. À ce propos, il est intéressant de noter que Harlan B. Howe, juge du district fédéral, qui avait été le premier à refuser les cautions après la condamnation des frères, avait télégraphié au procureur général Gregory à Washington, le 2 mars 1919, “recommandant la commutation immédiate” des peines des huit hommes. Gregory avait envoyé un télégramme à Howe, l’invitant à faire lui-même cette démarchei. Ils tentaient cette manœuvre parce que les frères avaient interjeté appel, et ni le procureur général ni Howe ne désiraient que cette affaire soit portée à l’attention des juridictions supérieures. Souvenez-vous que les responsables de la Société étaient incarcérés alors qu’ils étaient en instance d’appel, et ce uniquement parce que Howe et Manton avaient refusé leur cautionnement. Cependant, cette manœuvre de Howe échoua et, le 21 marsj, Louis D. Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, ordonna la mise en liberté sous caution des huit frères, précisant que leur affaire viendrait en appel le 14 avril.
Les frères étaient aussitôt élargis. Le mardi 25 mars, ils quittaient le centre pénitentiaire d’Atlanta et prenaient le train pour Brooklyn où ils devaient arriver le lendemain. C’est là que, le 26 mars 1919, les autorités fédérales les libérèrent contre une caution de 10 000 dollars chacun, sous réserve d’un jugement ultérieurk. Je vous laisse à penser la joie des frères de Brooklyn qui avaient été avisés de cette libération et qui étaient présents pour accueillir leurs frères de retour. Bien que le siège de la Société ait été transféré à Pittsburgh, les frères loyaux envers l’œuvre avaient prévu, à New York, un grand banquet qui eut lieu au Béthel. Certains de ceux qui y prirent part racontent qu’il n’y avait même pas de sièges en nombre suffisant, mais cet inconvénient ne refroidit pas pour autant les esprits ni n’amoindrit l’enthousiasme avec lequel furent écoutés les commentaires des frères libérés. Aussitôt après cette joyeuse rencontre, frère Rutherford et ses compagnons partirent pour Pittsburgh, où les frères du Béthel leur avaient préparé une réception tout aussi joyeuse.
THOMAS: Puisque les frères étaient en liberté sous caution, cela signifie que leur affaire n’était pas encore classée. Qu’en est-il résulté en définitive?
JEAN: Leur affaire fut évoquée le 14 avril 1919, devant la Cour d’appel du deuxième district fédéral de New York. Le 14 mai 1919, cette juridiction cassait la décision rendue l’été précédent, décision qui reposait sur des convictions erronées. En renvoyant l’affaire pour un second jugement, le juge Ward déclara:
Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas bénéficié du jugement modéré et impartial auquel ils auraient pu prétendre; c’est pour cette raison que le jugement précédent est cassél.
Cela revenait à dire que les frères étaient libres, sous réserve que le gouvernement ne décide de reprendre les poursuites. Toutefois, la guerre était terminée et les frères savaient, preuves à l’appui, que leur condamnation s’avérait impossible. De fait, l’année suivante, le 5 mai 1920, les huit hommes furent définitivement disculpés du jugement illégal lorsque, sur l’ordre du procureur général, le procureur du gouvernement annonça, en audience publique à Brooklyn, l’abandon des poursuites. Les accusations furent retirées après motion de nolle prosequia.
La presse prit bonne note de ce revirement. Le Brooklyn Eagle du 15 mai 1919 publia le compte rendu suivant:
Le verdict prononcé contre les Russellistes annulé en appel; “Le jugement était injuste”. Les juges Ward, Rogers et Manton de la Cour d’appel pour le district fédéral de New York ont annulé aujourd’hui les condamnations des chefs du russellisme, qui furent déclarés coupables, en juin dernier, devant le juge Harlan B. Howe de Vermont, siégeant à Brooklyn, d’avoir comploté pour entraver la conscription, nuire à l’enrôlement et fomenter l’insurrection et l’insubordination parmi les forces armées de la nation.
Le jugement considère que l’attitude du juge Howe fut injuste dans sa manière de traiter [trois] des témoins. (...) Puisque la décision soutient la légitimité des prétentions russellistes selon laquelle leur organisation, qui interdit à ses membres de tuer, leur confère le droit à l’exemption du service armé, il n’est guère probable que les responsables de ce mouvement passent de nouveau en jugement. (...)
Le juge Martin T. Manton ne partagea pas l’opinion de la majorité, opinion que transcrivit le juge Henry G. Wardb.
Le vote contraire du juge Manton n’était pas tellement surprenant car, le 1er juillet 1918, cet éminent catholique avait refusé la caution de Rutherford et de ses associés, sans raison apparente. C’est ce qui explique les neuf mois d’emprisonnement injustifié qu’ils durent subir, alors que leur appel était en suspens. Un tel refus de mise en liberté sous caution était
en contradiction formelle avec un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis, dont voici un extrait: “Les statuts des États-Unis sont fondés sur la théorie selon laquelle toute personne accusée d’un crime ne devra subir un emprisonnement ou une punition qu’après avoir été reconnue coupable par le tribunal qui juge en dernier ressort; elle pourra être autorisée à verser une caution, non seulement après son arrestation et avant le jugement, mais encore après condamnation et instance de recours pour cause d’erreur.” — Hudson contre Parker, 156 U.S. 277c.
Bien que, par la suite, Manton ait été nommé “chevalier de l’Ordre de saint Grégoire le Grand” par le pape Pie XI, son mépris de la justice fut finalement rendu manifeste lorsque, le 3 juin 1939, il fut condamné à la peine maximum de deux ans de prison ainsi qu’au paiement d’une amende de 10 000 dollars, pour avoir mésusé honteusement de ses hautes fonctions de juge fédéral et s’être laissé corrompre en acceptant 186 000 dollars pour six jugementsd.
THOMAS: L’annulation de leur décision voulait donc dire que le juge Rutherford était mis hors de cause ainsi que ses compagnons. Est-ce bien cela? Il y a quelque temps, j’ai lu un ouvrage catholique qui traitait le juge Rutherford d’“ancien forçat”.
JEAN: Pareille accusation est absolument fausse. Le verdict rendu par la cour le 14 mai 1919 établissait que Rutherford et ses associés avaient été emprisonnés suite à une condamnation illégale; mais il s’est avéré que Rutherford n’était pas un ancien forçat puisqu’il a plaidé plus tard devant la Cour suprême des États-Unis. Cela lui aurait été impossible s’il avait eu un casier judiciaire chargé. Ou bien ceux qui profèrent de telles accusations sont totalement ignorants des faits, ou bien ils s’efforcent de ruiner, de propos délibéré, la réputation de frère Rutherford.
UNE ÉPREUVE CONCLUANTE RANIME L’ACTIVITÉ
LOÏS: Que firent les frères après leur libération?
JEAN: L’une des premières tâches qu’ils entreprirent consista à remettre en mouvement les rouages de l’organisation. Ce ne fut pas chose facile. L’œuvre était tombée pour ainsi dire au point mort. Le Tabernacle de Brooklyn avait été vendu, le Béthel de Brooklyn était en mauvais état et pratiquement dépourvu de mobilier; les frères de Pittsburgh ne disposaient que de peu d’argent, le siège était devenu trop petit pour permettre l’expansion de l’œuvre et les conditions n’étaient pas favorables à l’imprimerie, nombre de clichés servant à imprimer les livres ayant été détruits. Les perspectives étaient sombres. Mais les frères étaient animés d’un zèle nouveau. Ils étaient libres maintenant, et l’avenir présentait quelque espoir.
Certes, frère Rutherford ignorait quelle ligne de conduite il lui convenait d’adopter. C’est la raison pour laquelle il décida de faire une tentative en Californie. Il s’était rendu dans l’ouest des États-Unis peu après sa sortie de prison, d’une part parce que sa famille s’y trouvait, et d’autre part pour raison de santé. Il avait contracté une affection pulmonaire au cours de son séjour en prison, et il devait en souffrir pour le restant de ses jours. Pour connaître l’ampleur de l’intérêt que le message du Royaume serait susceptible de provoquer, il organisa une réunion publique au Clune’s Auditorium de Los Angeles, le dimanche 4 mai 1919. Usant de la publicité intensive de la presse, il avait promis d’exposer les raisons pour lesquelles les responsables de la Société avaient fait l’objet d’une condamnation illégale. La réunion obtint un grand succès. Le discours intitulé “L’espoir pour l’humanité en détresse” fut accueilli avec enthousiasme.
D’après la réaction de son auditoire, frère Rutherford acquit la conviction que l’œuvre n’était pas terminée et qu’il y avait encore beaucoup à faire. Il prit aussitôt des dispositions pour qu’une assemblée ait lieu à Cedar Point (Ohio) en automne. Il envisagea également la possibilité de rétablir à Brooklyn, New York, le siège de la Société.
Voici un incident digne d’intérêt que relata plus tard C. A. Wise, le vice-président. Frère Rutherford lui avait donné pour instruction de se rendre à Brooklyn pour tenter d’y louer un local destiné à l’imprimerie et d’examiner les mesures à prendre pour rouvrir le Béthel. Frère Rutherford lui avait dit: “Va voir si la volonté du Seigneur est que nous retournions à Brooklyn.” Frère Wise lui dit: “Comment saurai-je si la volonté du Seigneur est que nous y retournions ou non?” Et frère Rutherford de répondre: “C’est la pénurie de charbon qui, en 1918, nous a contraints de quitter Brooklyn pour Pittsburgh. Que le charbon serve d’épreuve! Va passer commande.” N’ignorant pas que le charbon était encore rationné à New York à la fin de la guerre, frère Wise ajouta: “À ton avis, combien de tonnes dois-je en commander pour la tentative que nous faisons?” “Eh bien, dit Rutherford, pour que l’épreuve soit concluante, commandes-en cinq cents tonnes.”
Rempli de doutes, en raison du manque de charbon, frère Wise se rendit à New York, formula sa demande auprès des autorités et, à son vif étonnement, reçut un bon lui permettant d’obtenir cinq cents tonnes de charbon. Il téléphona aussitôt la nouvelle à frère Rutherford. Cet élément garantissait le fonctionnement de la Société pendant un certain nombre d’années. Un problème se posait cependant: où entreposer le charbon? Il s’avéra nécessaire de convertir une grande partie des sous-sols en soute à charbon. Pour les frères, il ne faisait aucun doute que le temps était venu de retourner à Brooklyn et d’y remettre l’œuvre en mouvement. C’est ce qu’ils firent le 1er octobre 1919e.
LOÏS: L’idée de tenir une assemblée à Cedar Point, dans l’Ohio, fut-elle aussi heureuse que celle de retourner à Brooklyn?
JOYEUSE RÉUNION À CEDAR POINT
JEAN: Certes, ce devait être une occasion particulièrement heureuse! Il est évident que des doutes subsistaient quant aux résultats de cette assemblée, du moins en ce qui concernait l’assistance, car les frères avaient perdu tout contact avec les témoins dispersés en Amérique. Nous pouvons sans peine imaginer ce que fut leur joie lorsqu’ils virent plus de 6 000 frères venus du Canada et des États-Unis. En fait, cette réunion rassemblait les membres du reste qui avaient subi la persécution rigoureuse de l’époque, et qui s’étaient trouvés dispersés. Leur foi était ferme, et certains avaient dépensé jusqu’à leur dernier centime pour assister à cette assemblée inoubliable de Cedar Point, du 1er au 7 septembre 1919. Mais ils n’étaient pas seuls à faire montre de zèle, puisque 200 nouvelles recrues pour la guerre du vrai culte symbolisèrent le don de leur personne par l’immersion dans l’eau. Il y avait une assistance de 7 500 personnes au discours publicf.
Nombreux furent les témoignages de gratitude envers Jéhovah, qui avait fortifié son peuple au cours de la période de crise qu’il venait de vivre. On eut aussi la preuve que les frères avaient conscience de la responsabilité qui leur incombait: prêcher à la face du monde la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Dans un discours qui parut dans La Tour de Garde sous le titre “Annoncez le Royaume”, frère Rutherford souligna cette responsabilité. Voici un extrait de sa déclaration:
Obéissant au commandement de notre Maître et reconnaissant notre privilège et notre devoir consistant à faire la guerre aux bastions de l’erreur qui tiennent depuis si longtemps les peuples en esclavage, notre vocation était, et est encore, l’annonce de la venue du glorieux Royaume messianique. Alors que nous nous efforcions de remplir fidèlement notre alliance, soudain une tempête terrible s’est déchaînée sur nos têtes et, comme des brebis, le peuple du Seigneur s’est vu, soit dispersé, soit refoulé. Les attaques venant de l’ennemi furent à tel point sans pitié que nombre de brebis du Seigneur en furent comme stupéfaites et restèrent dans l’expectative, attendant et priant que le Seigneur leur fasse connaître sa volonté. En raison de leur fidélité au Seigneur, les étudiants de la Bible ont enduré des tribulations de toutes parts, et l’intensité de celles-ci fut telle que, pour un temps, leur sentiment se fit l’écho de celui du prophète Jérémie qui déclara: “Je suis chaque jour un objet de risée; tous se moquent de moi. Car chaque fois que je parle, j’ai à crier, j’annonce violence et dévastation, et la parole de Yahweh finit par me couvrir de honte et de moqueries, chaque jour. Je disais: ‘Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nomg.’” Mais en dépit de leur découragement momentané, les disciples fidèles du Maître avaient le désir ardent de proclamer le message du Royaume et, à l’exemple de Jérémie, ils disaient: “Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis. Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, l’épouvante qui règne à l’entourh.”
Lorsqu’il raisonne sérieusement, le chrétien se pose naturellement la question: Pourquoi suis-je sur terre? Et la réponse qui s’impose est la suivante: Dans sa bonté, le Seigneur a fait de moi son ambassadeur pour porter au monde le message divin de la réconciliation, et mon privilège et devoir consiste à annoncer ce messagei.
UN NOUVEL INSTRUMENT EST PUBLIÉ
Frère Rutherford déclara ensuite qu’au cours de la guerre qui venait de se livrer contre la vérité, les clichés originaux utilisés pour imprimer la Tribune du Peuple et l’Étudiant de la Bible avaient été détruits avec les archives de la Société. Il dit aussi qu’en raison des nouvelles ordonnances qui étaient sur le point d’être adoptées, il y aurait dans de nombreuses communautés des difficultés pour distribuer des journaux, excepté aux abonnés. Il révéla alors ce qui suit:
En cherchant diligemment et dans la prière à connaître la volonté du Seigneur, il nous est venu à l’esprit de faire paraître un journal destiné à porter le message d’actualité; cette publication sera présentée de façon à ce que les gens la recherchent et la lisent. Nous nous sommes souvenus qu’à une certaine occasion, frère Russell avait envisagé de publier un périodique susceptible de réunir ces conditions; nous avons pensé que le moment était venu pour que celui-ci voie le jour. Le résultat, c’est que, par la providence du Seigneur, nous avons élaboré un nouveau périodique qui paraîtra sous le nom de “L’ÂGE D’OR”j.
Depuis lors, ce périodique s’est avéré efficace et utile pour dévoiler la fausse adoration et les œuvres des ténèbres commises par les dirigeants de ce monde; il a également été une source de réconfort et d’espoir pour tous les peuples. La première édition parut le 1er octobre 1919k. Les frères accueillirent ce périodique avec un réel enthousiasme; il les stimula encore davantage dans leur désir de reprendre l’œuvre et d’activer la tâche que Dieu leur avait confiée.
THOMAS: Puisque les clichés employés dans l’imprimerie avaient été détruits, comment pouvaient-ils se remettre à l’ouvrage et mener leur œuvre à bonne fin?
JEAN: Il va de soi que les frères continuaient à imprimer La Tour de Garde, et, désormais, L’Âge d’Or paraissait également. De plus, un grand nombre d’exemplaires du Mystère accompli, imprimés avant l’emprisonnement des frères, étaient également disponibles pour la diffusion. Ainsi, le 21 juin 1920, une édition du Mystère accompli, du format de La Tour de Garde, était prête à être distribuée. Cette édition, connue sous le sigle “ZG”, avait été imprimée avant que les États-Unis ne soient entrés en guerre et elle avait été stockée par les frères alors que la diffusion du livre se trouvait restreintel. En en réorganisant la diffusion, La Tour de Garde déclarait:
En 1917, et au début de 1918, Le mystère accompli était largement répandu. La guerre servit de prétexte pour en interrompre la diffusion. (...) À présent, la guerre est finie, (...) et il n’y a ni raison ni prétexte pour empêcher que ne soit répandu de nouveau Le mystère accompli. (...)
Il ne devrait y avoir désormais aucune objection légale à la diffusion de n’importe lequel des sept volumes. Toutefois, la Société estime qu’il est plus approprié d’employer en premier lieu l’édition du format de LA TOUR DE GARDE, qui revient moins cher, et des dispositions sont prises pour que la vente et la diffusion de cette édition commence le 21 juin prochain; les classes ont d’ailleurs été informées de cela. L’édition sera cédée pour 20 cents l’exemplairea.
Dès lors, une tâche immense attendait les frères. Nombre d’entre eux possédaient des exemplaires de l’Étudiant de la Bible et des Nouvelles du Royaume, mais tous étaient encouragés à mettre au premier plan l’œuvre de diffusion du “ZG”.
LOÏS: Que signifient les initiales “ZG”?
JEAN: “Z” était le sigle utilisé à l’origine pour représenter La Tour de Garde de Sion (en angl. Zion’s Watch Tower). La lettre “G” indique le septième volume des Études des Écritures. Les ouvrages de cette série étaient successivement désignés par les sept premières lettres de l’alphabet. “ZG” représentait tout simplement le Mystère accompli ou septième volume imprimé en tant qu’édition spéciale de La Tour de Garde du 1er mars 1918b.
Lorsque les frères se rendirent à Brooklyn en 1919, ils purent acquérir un local dans l’avenue Myrtle où ils installèrent une grande rotative d’occasion qu’ils avaient achetée. Les frères de l’imprimerie l’appelaient le “vieux cuirassé” et la Société l’utilisa pendant des années pour imprimer des millions d’exemplaires de La Tour de Garde, de L’Âge d’Or ainsi que des brochures. Plus tard, je vous en dirai plus long sur le vieux cuirassé.
Le service de colporteur ou de pionnier fut ranimé à son tour en 1919; 150 membres étaient actifs au printemps et, en automne, 507 étaient engagés dans le service à plein temps. Le service de pèlerin reprit également, et quatre-vingt-six représentants spéciaux furent envoyés de congrégation en congrégation pour rassembler ceux qui avaient été dispersés suite à la guerre et à la persécution, et pour stimuler le nouvel enthousiasme en établissant un contact étroit avec le siège de l’organisationc. Les années de tempête et de crise avaient été surmontées avec succès, et les frères étaient dès lors en voie d’accomplir de nouveaux exploits pour la défense du vrai culte.
[Notes]
a a w 1919, p. 116; Consolation (angl.), 23 août 1939, p. 8
b b w 1919, p. 23.
c c Rapport souvenir de l’assemblée des Étudiants de la Bible (angl.), Pittsburgh, 2-5 janv. 1919, p. 37.
d d w 1919, pp. 23, 24.
e e National Labor Tribune, Pittsburg, 20 fév. 1919.
f f w 1919, p. 101.
g g w 1920, p. 162; w 1919, p. 93.
h h w 1919, p. 194.
i i w 1919, p. 117; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 5, 6.
j j w 1919, p. 98.
k k Ibid., p. 118; w 1925, p. 71.
l l Rutherford contre les États-Unis, 258 F. 855, 863.
a m w 1920, p. 162.
b n w 1919, p. 162; Consolation (angl.), 6 sept. 1939, pp. 6, 7.
c o L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.
d p Consolation (angl.), 9 août 1939, pp. 3-6; New York Times des 21 janv. 1929 et 18 nov. 1946, p. 23, col. 3.
e q w 1919, p. 283.
f r Ibid., pp. 291-297.
g s Jérémie 20:7-9 (CT).
i u w 1919, p. 280.
j v Ibid. Publié tous les quinze jours. Ce journal prit le nom de “Consolation” avec l’édition du 6 octobre 1937, puis fut remplacé par Réveillez-vous!, journal bimensuel, avec l’édition du 22 août 1946.
k w w 1919, pp. 298, 318.
l x w 1918, p. 290.
a y w 1920, pp. 187, 198, 199.
b z w 1905, p. 73.
c aa w 1919, pp. 371-373.
[Illustration, page 89]
1er octobre 1919, Vol. 1, no 1.
[Illustrations, page 90]
“ZG”.
“LE VIEUX CUIRASSÉ”.