L’Assomption: un dogme révélé par Dieu?
L’ASSOMPTION, c’est-à-dire la doctrine selon laquelle Marie, la mère de Jésus, serait montée au ciel avec son corps physique, est chère à des millions de catholiques. L’historien George Douglas affirme: “L’Assomption, l’enlèvement au ciel de la Vierge Marie, est considérée depuis longtemps comme la plus importante fête célébrée en son honneur et l’une des principales cérémonies du calendrier liturgique.”
Les théologiens catholiques reconnaissent pourtant que la Bible ne dit pas que Marie est montée au ciel de cette façon. Et peu de catholiques savent que cette doctrine, précieuse à leurs yeux, est depuis des siècles l’objet de controverses et d’âpres discussions. Comment l’Église en est-elle venue à accepter le dogme de l’Assomption de Mariea? Y a-t-il lieu de croire que cette doctrine a été révélée par Dieu? Les réponses à ces questions ne sont pas de la simple théorie. Elles ont de profondes conséquences pour tous ceux qui aiment la vérité.
L’évolution d’un dogme
Peut-être serez-vous surpris d’apprendre que dans les siècles qui ont suivi la mort de Jésus, le concept de l’Assomption de Marie au ciel était totalement étranger à la pensée chrétienne. Le théologien catholique Jean Galot a écrit dans L’Osservatore Romano: “À l’origine, la communauté chrétienne n’avait pas conservé la mémoire de la mort de Marie.”
Cependant, après la promulgation de la doctrine de la Trinité, les catholiques ont commencé à attribuer un rôle de plus en plus important à Marie. Des titres pompeux, tels que “Mère de Dieu”, “Immaculée Conception”, “Médiatrice” et “Reine des cieux”, lui furent conférés. Par la suite, conclut Jean Galot, “le silence des traditions primitives concernant la mort de Marie ne pouvait plus satisfaire les chrétiens qui ajoutaient foi à la perfection de Marie et voulaient la vénérer. Ainsi, les récits de l’Assomption ont pris naissance dans l’imagination populaire”.
Vers le IVe siècle, des œuvres apocryphes relatives à l’Assomption ont commencé à circuler. Ces textes décrivaient de façon fantaisiste la pseudo-ascension de Marie au ciel. Considérons par exemple le texte intitulé “Dormition de la Sainte Mère de Dieu”. Il a été attribué à l’apôtre Jean lui-même, mais il a été plus vraisemblablement rédigé presque quatre siècles après sa mort. Ce récit fallacieux rapporte que les apôtres auraient été miraculeusement réunis autour de Marie et l’auraient vue guérir des aveugles, des muets et des boiteux. Finalement, les apôtres auraient entendu Jésus dire à Marie: “Voici, désormais ton corps précieux sera transféré au paradis, et ta sainte âme sera au ciel parmi les trésors de mon Père dans une splendeur extraordinaire, où règnent la paix et la félicité des saints anges, et même davantage.”
Comment les croyants ont-ils réagi devant ces écrits? René Laurentin, spécialiste en mariologie, explique: “Les réactions furent très diverses. Les plus crédules se laissent prendre, sans autre réflexion, au miroitement de la belle histoire. D’autres traitent par le mépris ces récits mouvants, parfois jusqu’à la contradiction, et dépourvus d’autorité.” La doctrine de l’Assomption s’est donc heurtée à une vive opposition avant d’être officiellement reconnue. Pour compliquer les choses, on vénérait en certains endroits de prétendues reliques du corps de Marie, ce qui était difficile à concilier avec la croyance en l’élévation de son corps au ciel.
Au XIIIe siècle, Thomas d’Aquin affirmait, comme de nombreux autres théologiens, qu’il était impossible de faire de l’Assomption un dogme, puisque “les Écritures ne l’enseignent pas”. Toutefois, cette croyance connaissait un succès grandissant. Des représentations de “l’Assomption” de Marie, peintes par des artistes célèbres, tels que Raphaël, le Corrège, Titien, Annibal Carrache et Rubens, se sont multipliées.
La question est restée longtemps sans réponse. Au dire du jésuite Giuseppe Filograssi, jusque dans la première moitié du XXe siècle, des biblistes catholiques ont continué à publier des “études et des commentaires qui n’étaient pas toujours favorables” à la doctrine de l’Assomption. Même certains papes, tels que Léon XIII, Pie X et Benoît XV, “étaient assez réservés sur ce point”. Mais le 1er novembre 1950, l’Église a finalement pris clairement position. Le pape Pie XII a annoncé: “Nous définissons comme un dogme divinement révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la Gloire céleste.” — Munificentissimus Deus.
Les catholiques n’avaient plus le choix: la croyance à l’élévation corporelle de Marie au ciel était devenue un dogme de l’Église. Le pape Pie XII déclara: “Quiconque (...) oserait abjurer ou remettre en question ce que Nous avons défini doit savoir qu’il ne satisfait pas à l’exigence de la foi catholique et divine.”
Que disent les Écritures?
Sur quel fondement l’Église a-t-elle bâti cette assertion audacieuse? Le pape Pie XII a prétendu que le dogme de l’Assomption trouvait “son fondement suprême dans les Saintes Écritures”. Luc 1:28, 42 figure parmi les textes souvent cités pour prouver l’assomption de Marie. Ces versets sont adressés à Marie: “Je te salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.” (Maredsous). Les partisans de l’Assomption affirment qu’étant “pleine de grâce”, Marie n’a jamais dû connaître la mort. De plus, étant “bénie” au même titre que le ‘fruit de ses entrailles’, elle a dû bénéficier des mêmes privilèges que Jésus, y compris l’ascension au ciel. Ce raisonnement vous semble-t-il sensé?
Tout d’abord, les lexicographes disent que la traduction de l’expression “pleine de grâce” est imprécise et que les mots grecs employés par Luc signifient plus exactement “objet de la faveur de Dieu”. La Bible de Jérusalem, version catholique, rend ainsi Luc 1:28: “Réjouis-toi, comblée de grâce.” Rien ne permet de conclure que Marie a été enlevée avec son corps au ciel pour la simple raison qu’elle a été “comblée de grâce” par Dieu. Cette même version dit aussi qu’Étienne, premier martyr chrétien, a été comblé de grâce ou “rempli de grâce”; or il n’a jamais été question de sa résurrection dans la chair. — Actes 6:8.
Pourtant, Marie n’a-t-elle pas été bénie ou favorisée? Certes, mais il est intéressant de savoir qu’au temps des juges, en Israël, Jaël a été “bénie entre les femmes”. (Juges 5:24, Jérusalem.) Bien sûr, personne ne prétendrait que Jaël a également été enlevée au ciel dans la chair. D’autre part, le concept même de l’Assomption est fondé sur la proposition que Jésus lui-même est monté au ciel dans la chair. Cependant, la Bible dit que Jésus a été “rendu à la vie [ou ressuscité] dans l’esprit”. (1 Pierre 3:18, Osty; voir 1 Corinthiens 15:45.) L’apôtre Paul dit ensuite que “la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu”. — 1 Corinthiens 15:42-50, Osty.
Effectivement, la Bible parle bien d’une résurrection céleste pour les fidèles chrétiens oints de l’esprit. Toutefois, 1 Thessaloniciens 4:13-17 montre clairement que cette résurrection ne devait pas commencer avant “la présence du Seigneur”, durant les derniers jours de cette génération méchante. Jusqu’alors, Marie resterait endormie dans la mort, tout comme les milliers d’autres chrétiens fidèles. — 1 Corinthiens 15:51, 52.
Marie: une femme de foi
Sachez que notre but n’est pas de déconsidérer Marie. Elle était, à n’en pas douter, une femme exemplaire, dont on peut imiter la foi. Elle a volontiers accepté le privilège et la responsabilité de devenir la mère de Jésus, avec les épreuves et les sacrifices que cela comportait (Luc 1:38; 2:34, 35). Avec Joseph, elle l’a élevé dans la sagesse de Dieu (Luc 2:51, 52). Elle est restée aux côtés de Jésus pendant son agonie sur le poteau (Jean 19:25-27). Disciple fidèle, Marie s’est montrée obéissante en restant à Jérusalem, où elle a reçu l’esprit de Dieu à la Pentecôte. — Actes 1:13, 14; 2:1-4.
En la présentant sous un faux jour, on n’honore ni le Créateur ni Marie. Le dogme de l’Assomption ne fait que renforcer la croyance non fondée selon laquelle Marie serait un intercesseur auprès de Dieu. Mais Jésus Christ a-t-il jamais appuyé un tel enseignement? Il a dit, au contraire: “Je suis le chemin, et la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.” (Jean 14:6, 14; voir Actes 4:12). De fait, ce n’est pas Marie, mais Jésus Christ, et lui seul, qui intercède auprès du Créateur. C’est par l’intermédiaire de Jésus, et non de Marie, que nous devons approcher Celui qui donne la vie “pour être aidés en temps voulu”. — Hébreux 4:16, TOB.
Il peut être difficile à certains d’accepter la vérité au sujet de Marie. À tout le moins, il leur faudra peut-être renoncer à des croyances profondément ancrées et à des idées qui leur sont chères. La vérité semble parfois pénible, pourtant en fin de compte elle ‘libère’. (Jean 8:32.) Jésus a dit que son Père recherchait des adorateurs qui l’adoreraient “en esprit et en vérité”. (Jean 4:24, TOB.) Ces mots peuvent constituer une épreuve pour les catholiques sincères.
[Note]
a Dans la religion catholique, un dogme, à la différence d’une croyance, est une vérité solennellement établie par un concile œcuménique, ou par le “magistère infaillible” du pape. L’Assomption de Marie est la plus récente des doctrines ainsi promulguées par l’Église catholique.
[Encadré, page 27]
MARIE EST-ELLE MORTE?
Marie est-elle vraiment morte avant sa prétendue ascension au ciel? Les théologiens catholiques se trouvent là devant un dilemme théologique épineux. Le Nuovo dizionario di teologia fait remarquer qu’“il serait difficile d’accorder à Marie le privilège d’avoir échappé à la mort, privilège que même le Christ n’a pas eu”. D’autre part, en disant que Marie est bien morte, on soulève une autre question embarrassante. La théologienne Kari Børresen déclare que “la mort est le châtiment du péché originel, dont Marie aurait été préservée, selon [la doctrine de l’‘Immaculée Conception’]”. Pour quelle raison serait-elle donc morte? Il n’est pas étonnant que le pape Pie XII ait soigneusement évité de parler de la mort de Marie quand il a défini le dogme de l’Assomption.
Fort heureusement, l’enseignement de la Bible est sans équivoque. Nulle part elle n’enseigne, ni ne laisse entendre, que Marie était le fruit d’une “Immaculée Conception”. Au contraire, la Bible montre que Marie était un être imparfait et qu’elle avait besoin de la rédemption. Pour cette raison, après la naissance de Jésus, elle est allée au temple offrir à Dieu un sacrifice pour le péché (Lévitique 12:1-8; Luc 2:22-24). Comme tous les humains imparfaits, Marie a fini par mourir. — Romains 3:23; 6:23.
Cette simple vérité est en totale contradiction avec les questions insolubles que soulève le dogme de l’Assomption.
[Illustration, page 26]
L’‘Assomption’ par Titien (v. 1488-1576).
[Crédit photographique]
Giraudon/Art Resource, N.Y.
[Illustration, page 28]
En apportant une offrande pour le péché au temple, après la naissance de Jésus, Marie a montré qu’elle se considérait comme une pécheresse qui avait besoin de la rédemption.