Tant de questions... et si peu de réponses
LISBONNE, matin de la Toussaint 1755. Alors que la plupart des gens sont à la messe, un formidable tremblement de terre ravage la ville. Par centaines, les bâtiments s’effondrent. Bilan : plusieurs dizaines de milliers de morts.
Dans son Poème sur le désastre de Lisbonne, Voltaire s’en prend bientôt à ceux qui voient dans la catastrophe un châtiment de Dieu sur des pécheurs. Aux yeux du philosophe, la calamité échappe à l’entendement humain, à toute tentative d’explication :
La nature est muette, on l’interroge en vain ;
On a besoin d’un Dieu qui parle au genre humain.
Au fond, ces interrogations sur Dieu n’ont rien de vraiment nouveau. Devant le malheur, le désastre, l’homme s’est de tout temps interrogé. Ainsi Job, il y a plusieurs milliers d’années. Torturé par la maladie, et alors qu’il vient de perdre tous ses enfants, le patriarche lève les yeux au ciel : “ Pourquoi [Dieu] donne-t-il la lumière à celui qui est dans le malheur, et la vie à ceux qui ont l’âme amère ? ” (Job 3:20). Aujourd’hui encore, bien des gens ont du mal à concilier l’idée d’un Dieu bon et plein d’amour avec la dure réalité de la souffrance et de l’injustice.
Devant le spectre de la famine, de la guerre, de la maladie et de la mort, beaucoup en viennent à repousser catégoriquement toute notion de Créateur proche des humains. Ainsi, un philosophe athée a dit : “ Rien ne peut excuser Dieu de la souffrance d’un enfant. Rien... sauf s’il n’existe pas. ” Les tragédies à grande échelle, à commencer par l’Holocauste durant la Deuxième Guerre mondiale, suscitent des commentaires du même ordre. Témoin cette objection d’un auteur juif : “ La leçon qu’Auschwitz nous apprend, c’est tout simplement que Dieu n’existe pas, qu’il n’y a personne pour intervenir dans les affaires humaines. ” Dans la même veine, un sondage réalisé en 1997 en France, pays à dominante catholique, révèle que 40 % de la population doute de l’existence de Dieu en raison des génocides, comme celui perpétré au Rwanda en 1994.
Un obstacle à la foi ?
Pourquoi Dieu n’empêche-t-il pas le mal ? Comme le relève un chroniqueur catholique, cette question constitue pour beaucoup un “ sérieux obstacle à la foi ”. Et de préciser : “ Peut-on croire en effet en un Dieu qui assisterait impuissant à la mort de millions d’innocents, au massacre de tant de populations dans le monde et ne ferait rien pour les empêcher ? ”
Un éditorial du quotidien catholique La Croix reconnaît ces difficultés : “ Tragédies de l’Histoire ou drames technologiques, catastrophes naturelles ou crimes organisés, deuils intimes, toujours les yeux horrifiés se lèvent vers le ciel : où est Dieu ? Alors, on l’interpelle. N’est-il pas le grand indifférent, le grand absent ? ”
En 1984, dans la lettre apostolique Salvifici Doloris, le pape Jean-Paul II aborde cette question : “ Si, en effet, l’existence du monde ouvre pour ainsi dire le regard de l’âme humaine à l’existence de Dieu, à sa sagesse, sa puissance et sa magnificence, le mal et la souffrance semblent obscurcir cette image, parfois de façon radicale, et plus encore lorsqu’on voit le drame quotidien de tant de souffrances sans qu’il y ait eu faute, et de tant de fautes sans peines adéquates en retour. ”
L’existence d’un Dieu que la Bible présente comme plein d’amour et tout-puissant est-elle compatible avec la souffrance généralisée ? Faut-il s’attendre à ce que Dieu intervienne et empêche les malheurs individuels et les tragédies collectives ? Fait-il quelque chose pour nous aujourd’hui ? Y a-t-il en somme, pour reprendre les propos de Voltaire, “ un Dieu qui parle au genre humain ”, qui réponde à nos questions ? L’article suivant abordera ces points.
[Illustrations, page 3]
En 1755, en réaction au drame de Lisbonne, Voltaire écrivit que pareils événements échappent à l’entendement humain.
[Indications d’origine]
Voltaire : illustration extraite de l’ouvrage Grands hommes et femmes célèbres (angl.) ; Lisbonne : J.P. Le Bas, Praça da Patriarcal depois do terramoto de 1755. Photo : Museu da Cidade/Lisboa
[Illustration, page 4]
Choqués par l’horreur des génocides, comme celui du Rwanda, beaucoup ont du mal à croire en Dieu.
[Indication d’origine]
AFP PHOTO
[Crédit photographique, page 2]
COUVERTURE, enfants : USHMM, avec l’aimable autorisation de la Commission pour la poursuite des crimes contre la nation polonaise