Combien de vies avez-vous vécues?
De notre correspondant en Inde
REPOUSSANT le vêtement de coton, le maître de maison indien dévoila sa jambe horriblement déformée. C’était un cas d’éléphantiasis à un stade avancé. Il dit en la montrant: “C’est mon karma, ce que je dois supporter à cause de ma vie antérieure.”
Par ces mots, l’homme faisait allusion à une croyance très répandue chez les hindouistes. Ils pensent que leur vie présente n’est qu’un anneau d’une longue chaîne de réincarnations. Ils croient que cette vie est le fruit de ce qu’ils ont semé dans des vies antérieures et que ce qu’ils sèment maintenant, ils le récolteront dans une vie future.
Une croyance très répandue
La croyance en la réincarnation n’est pas du tout particulière à l’Inde. Un chef hindouiste, S. Radhakrishnan, écrivit qu’elle existait “dans presque toutes les religions du monde”. Partout de par le monde — en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud, dans les îles du Pacifique et en Europe — les gens croient que les âmes humaines transmigrent dans des requins, des alligators, des tigres, des pandas, des belettes, des souris et même des insectes comme les guêpes et les bousiers. La réincarnation ne se ferait pas non plus uniquement dans des animaux. En Afrique et en Inde, les femmes stériles invoquent des arbres que l’on croit être habités par les âmes des morts. Des coutumes semblables existaient également en Europe dans l’Antiquité.
Comment naquit la croyance en la réincarnation ou en la transmigration de l’âme? Pourquoi les gens y croient-ils? Quelle influence cet enseignement a-t-il sur leur vie?
Les origines
Si l’âme humaine devait transmigrer d’une forme de vie à une autre, il faudrait qu’elle ne puisse pas mourir. L’idée de la réincarnation est donc fondée sur la doctrine de l’immortalité de l’âme. D’ailleurs, on ne peut retrouver ses origines que chez les peuples qui croyaient à cette dernière. C’est pourquoi certains pensent qu’elle est née dans l’ancienne Égypte. Par contre, d’autres affirment qu’elle est apparue dans l’Antiquité à Babylone, où naquit la première religion à mystères. Pour conférer du prestige à son culte suspect, la prêtrise babylonienne émit la doctrine de la transmigration de l’âme. Les prêtres pouvaient ainsi affirmer que leurs héros religieux étaient des réincarnations d’ancêtres célèbres morts depuis longtemps.
Cependant, c’est en Inde que cette croyance s’est le mieux épanouie. Les gourous hindous étaient aux prises avec la question universelle que pose l’existence du mal et de la souffrance. ‘Comment peut-on accorder cela avec l’idée d’un Créateur juste?’, se demandaient-ils. Ils essayèrent d’expliquer la contradiction qui semble exister entre la justice de Dieu et les malheurs imprévus auxquels s’ajoutent les inégalités qui règnent dans le monde. Le résultat de leurs réflexions fut la “loi du karma” — loi des causes et des effets. Ils ont mis au point un système de “bilan” où les bonnes et les mauvaises actions commises au cours d’une vie sont comptabilisées et seront récompensées ou punies, selon le cas, dans la vie suivante.
Le mot “karma” signifie “acte”. On dit qu’un hindou a un “bon karma” s’il répond aux normes sociales et religieuses ou, au contraire, qu’il a un “mauvais karma” s’il n’y répond pas. Ses actes ou “karma” détermineraient son avenir dans chacune de ses renaissances successives. Cependant, le but final est d’être libéré de ce cycle de transmigrations afin d’être réuni à l’Esprit universel. On y parvient, croit-on, en s’efforçant d’adopter une conduite acceptable et d’acquérir une connaissance approfondie de l’hindouisme.
Les fruits de la réincarnation
Le philosophe indien S. Dasgupta a décrit la conception qu’une personne qui croit en la réincarnation a de la vie: “On ne s’attend généralement pas à ce qu’une action commise dans la vie actuelle évite les malheurs de la vie que l’on est prédestiné à subir selon le karma de sa naissance précédente.” Le résultat en est une conception fataliste de la vie en général et des injustices sociales en particulier.
La loi du karma a également permis de préserver le système de castes dans la société indienne. Comment? Puisque cette doctrine enseigne que les actes d’une personne lors de sa vie présente sont le résultat de son karma des existences précédentes, on considère qu’elle ne peut évoluer dans sa vie présente. Cependant, Swani Nikhilananda explique ceci: “En accomplissant les devoirs de sa caste, un homme se qualifie pour renaître dans une caste plus élevée.” En conséquence, l’individu qui appartient à une basse caste a peur de se rebeller contre les lois et les traditions de sa caste. De plus, il craint le châtiment et l’ostracisme du fait que toute personne qui transgresse les lois et les coutumes de sa classe sociale risque d’être punie et même désavouée par les membres de sa propre caste. En raison de ces craintes, des millions de gens sont bloqués dans la caste des “intouchables” qui vit dans la pauvreté et n’a aucun droit civil. Bien que les législateurs modernes aient obtenu quelques succès dans leurs efforts pour limiter les mauvais traitements subis par ceux que l’on appelle les “intouchables”, les habitudes religieuses profondément enracinées ont la vie dure dans une société aussi traditionnelle.
La réincarnation — Est-ce crédible?
En fait, pourquoi y a-t-il tant de souffrances et d’inégalités parmi les hommes? La réincarnation est-elle la seule explication? Est-elle seulement crédible? Prenons le cas de l’homme atteint d’éléphantiasis dont nous avons parlé au début de cet article. Comme il ne connaît pas les causes médicales de sa maladie, il l’attribue à son karma. Pourtant, s’il ne vivait pas dans une région infestée de moustiques qui transmettent cette maladie ou s’il avait connu le danger représenté par les moustiques et avait pris des précautions, n’aurait-il pas été épargné par cette maladie atroce? Ses souffrances ne sont donc pas les conséquences de son karma, mais des “temps et événements imprévus”. — Ecclésiaste 9:11.
À l’époque moderne, Mohandas Gandhi et d’autres chefs politiques ont essayé de réduire les effets de la doctrine du karma et de la réincarnation en déclarant: “L’existence d’une caste d’‘intouchables’ est un crime contre Dieu et contre l’homme.” Les efforts de Gandhi et ceux d’autres personnes d’opinions semblables ont un peu amélioré la vie des “intouchables”. N’est-ce pas la preuve que la vie d’un “intouchable” n’est pas soumise à son karma et qu’il n’est donc pas impossible de l’améliorer? Si, et cela prouve bien que ce mode de vie pénible est le résultat d’un système social ancien que l’on peut changer. Le destin d’un bébé “intouchable” est ainsi façonné par l’homme et non décidé par Dieu.
Que dire de l’avidité et de la corruption dans le monde commercial? Un homme d’affaires peu scrupuleux qui choisit d’offrir des pots-de-vin ou de faire chanter quelqu’un est-il obligé d’agir ainsi? S’il manque de respect envers la loi, n’est-ce pas parce qu’il fait un mauvais usage de son libre arbitre? Les doctrines du karma et de la réincarnation ne sont donc pas nécessaires pour expliquer pourquoi les hommes souffrent. Les gens qui réfléchissent comprendront que les accidents, l’hérédité et un mauvais usage du libre arbitre sont les causes logiques de nombre des maux et des inégalités entre les hommes. — Romains 5:12; Ecclésiaste 7:29.
La réincarnation — Est-ce véridique?
La doctrine de la réincarnation prend sa source dans la croyance en l’immortalité de l’âme. Si les âmes terrestres ne sont pas immortelles, alors la théorie de la réincarnation s’écroule d’elle-même. Où peut-on trouver des renseignements exacts sur cette question? Tandis que la plupart des écrits religieux majeurs enseignent l’immortalité de l’âme sous une forme ou une autre, la Bible n’est pas de cet avis.
La Bible définit l’âme humaine en ces termes: “Alors Jéhovah Dieu forma l’homme de la poussière du sol et souffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint une âme vivante.” (Genèse 2:7). Ainsi l’homme — être vivant qui respire — est une âme. Il ne possède pas une âme séparée et distincte de lui-même, prête à quitter son corps à sa mort.
À propos de ce qui se passe à la mort, Genèse 3:19 déclare: “À la sueur de ton visage tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, car c’est de lui que tu as été pris. Car tu es poussière et tu retourneras à la poussière.” En conséquence, à leur mort, les hommes ‘retournent’ non pas à une nouvelle vie, mais à “la poussière”. La Bible dit clairement que l’âme humaine meurt. Elle ne subit pas de transmigration. La Bible affirme catégoriquement: “L’âme qui pèche — elle, elle mourra.” — Ézéchiel 18:4, 20.
Un espoir pour les morts
Puisque l’âme meurt, quel espoir les morts ont-ils? Plutôt que de laisser les hommes pécheurs se débattre avec leur destin en leur faisant subir d’innombrables réincarnations pleines de souffrances et de douleurs, la Bible déclare: “Il va y avoir une résurrection tant des justes que des injustes.” — Actes 24:15.
Dans sa sagesse et son amour infinis, le Créateur se souvient de la vie vécue par chaque personne avant sa mort. Cela, non pas dans le but de posséder les éléments nécessaires pour juger et punir, comme la loi du karma voudrait nous le faire croire, mais plutôt pour ressusciter les gens avec une personnalité et des caractéristiques identiques à celles qui étaient les leurs avant leur mort. Ceux qui seront ressuscités sur terre seront jugés sur la manière dont ils se seront conduits après leur résurrection. Ensuite, en tant qu’êtres humains, ils auront la perspective de vivre éternellement dans un paradis terrestre restauré. À ce propos, la Bible nous donne la garantie suivante: “La mort ne sera plus; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus. Les choses anciennes ont disparu.” — Révélation 21:4.
[Entrefilet, page 24]
Gandhi déclara: “L’existence d’une caste d’‘intouchables’ est un crime contre Dieu et contre l’homme.”
[Illustration, page 23]
Qu’a fait cet homme pour mériter cela?