ENFER(S)
Mot par lequel des versions françaises de la Bible rendent, parfois ou toujours, le terme hébreu sheʼôl et le terme grec haïdês (AC ; Od [5 fois]). Dans la Traduction Œcuménique de la Bible, le mot “ enfers ” rend sheʼôl 29 fois. Mais ce mot n’est pas systématiquement traduit ainsi, puisqu’on trouve aussi les leçons “ séjour des morts ” 33 fois, “ fosse ” 2 fois et “ mort ” 1 fois. Quant à haïdês, il est rendu 5 fois par “ séjour des morts ”, 4 fois par “ Hadès ”, et 1 fois par “ mort ” dans les Écritures grecques chrétiennes.
D’autres versions françaises traduisent, selon les textes, le mot hébreu sheʼôl par “ sépulcre ”, “ tombe ”, “ tombeau ”, “ séjour des morts ” (AC ; Li ; Od ; Sg ; ZK), ou bien, également selon les textes, le transcrivent “ shéol ”, “ chéol ”, “ Cheol ” ou “ Schéol ”. (Ch ; Da ; Jé ; MN ; Os ; Pl ; ZK.) Par contre, des versions modernes (BFC ; PV ; S) réservent le mot “ enfer ” à la traduction du grec géénna, que la majorité des autres versions transcrivent “ géhenne ”.
Un dictionnaire (Vine’s Expository Dictionary of Old and New Testament Words, 1981, vol. 2, p. 187) fait ce commentaire sur l’emploi du mot “ enfer ” pour traduire ces termes originaux hébreu et grec : “ HADÈS [...] correspond à ‘ shéol ’ dans l’AT [Ancien Testament.] Dans l’A.V. [Authorized Version] de l’AT [Ancien Testament] et du NT [Nouveau Testament], ce terme a été rendu de manière peu heureuse par ‘ enfer ’. ”
Une encyclopédie (Collier’s Encyclopedia, 1986, vol. 12, p. 28) dit à propos de l’“ Enfer ” : “ D’abord il correspond à l’hébreu shéol de l’Ancien Testament et au grec hadès de la Septante et du Nouveau Testament. Comme à l’époque de l’Ancien Testament shéol désignait simplement le séjour des morts et ne sous-entendait pas de distinctions d’ordre moral, le mot ‘ enfer ’, tel qu’il est compris aujourd’hui, n’est pas une traduction heureuse. ”
Si le mot “ enfer ” traduit ces termes bibliques originaux de façon si peu satisfaisante, c’est en fait en raison de ce qu’il évoque aujourd’hui. Concernant le mot français “ enfer ”, le Dictionnaire historique de la langue française (par A. Rey, Paris, 1992, vol. 1, p. 691) explique que ce mot “ vient de l’adjectif latin classique infernus ‘ du bas, d’un lieu inférieur ’ ”. À l’origine, par conséquent, le mot “ enfer ” n’évoquait pas la chaleur ou les tourments, mais simplement un ‘ lieu en bas, en dessous ’. Le dictionnaire précité montre que “ de la valeur étymologique du mot ‘ lieu inférieur ’ vient en moyen français le sens technique de ‘ réceptacle au bas d’un moulin ’ ”.
Aujourd’hui, le sens donné au mot “ enfer ” est celui que mettent en scène Dante dans la Divine Comédie et J. Milton dans Paradis perdu. Cette signification est complètement étrangère à la définition originale du terme. Pourtant, l’idée de tourments dans un “ enfer ” de feu précéda de beaucoup Dante et Milton. Une encyclopédie (Grolier Universal Encyclopedia, 1971, vol. 9, p. 205) déclare à l’entrée “ Enfer ” : “ Les hindous et les bouddhistes voient l’enfer comme un lieu de purification spirituelle qui aboutit à un rétablissement final. La tradition islamique le considère comme un lieu de punition éternelle. ” La notion de souffrance après la mort figure parmi les enseignements religieux païens des anciens peuples babylonien et égyptien. Les croyances babyloniennes et assyriennes décrivaient “ le monde d’en bas [...] comme un lieu plein d’horreurs, [...] dominé par des dieux et des démons particulièrement puissants et violents ”. Les textes sacrés de l’Égypte antique, bien que n’enseignant pas que les victimes brûlaient à jamais, voient bel et bien dans l’ “ autre-monde ” des ‘ brasiers ’ réservés aux “ morts-errants ”. — The Religion of Babylonia and Assyria, par Morris Jastrow Jr, 1898, p. 581 ; Le livre des morts des anciens Égyptiens, par P. Barguet, Paris, 1967, p. 102, 104, 131, 195, 200, 201, 219.
L’“ enfer de feu ” est un des enseignements fondamentaux de la chrétienté depuis de nombreux siècles. On comprend qu’une encyclopédie (The Encyclopedia Americana, 1956, vol. XIV, p. 81) ait déclaré : “ Le fait que les premiers traducteurs de la Bible ont invariablement rendu par enfer le mot hébreu shéol ainsi que les termes grecs hadès et géhenne a été cause d’une grande confusion et d’interprétations erronées. La simple transcription de ces mots, par les traducteurs des éditions révisées de la Bible, n’a pas suffi à dissiper la confusion et les fausses conceptions. ” Néanmoins, en transcrivant ces mots et en les rendant chaque fois de la même façon, on permet à l’étudiant de la Bible d’établir une comparaison exacte des textes où ces mots originaux apparaissent, et, sans idée préconçue, de réussir à en comprendre correctement le sens réel. — Voir ENTERREMENT, TOMBES ; GÉHENNE ; HADÈS ; SHÉOL ; TARTARE.