ROYAUME DE DIEU
Exercice de la souveraineté universelle de Dieu sur ses créatures, ou moyen par lequel cette souveraineté s’exprime (Ps. 103:19). Le terme “Royaume de Dieu” désigne en particulier l’expression de la souveraineté ou domination de Dieu par une administration royale sous la direction de Jésus Christ.
C’est le mot basiléia qui est traduit par “royaume” dans les Écritures grecques chrétiennes. Il signifie “royaume, région ou pays gouverné par un roi; royauté, autorité ou domination royale, règne; dignité, titre ou honneur de roi”. (The Analytical Greek Lexicon, p. 67.) Marc et Luc emploient fréquemment l’expression “Royaume de Dieu”, tandis que dans Matthieu on rencontre une trentaine de fois la formule parallèle “royaume des cieux”. — Comparer Marc 10:23 et Luc 18:24 avec Matthieu 19:23, 24.
LA DOMINATION DIVINE AU DÉBUT DE L’HISTOIRE DE L’HOMME
Adam et Ève, les deux premiers humains, reconnaissaient en Jéhovah le Créateur du ciel et de la terre. Ils admettaient son autorité et son droit de leur donner des ordres, de leur confier des tâches ou de leur imposer des restrictions, de leur assigner un lieu de résidence et une terre à cultiver, ainsi que de déléguer des pouvoirs à certaines de ses créatures (Gen. 1:26-30; 2:15-17). Bien qu’Adam ait eu la capacité d’inventer des mots (Gen. 2:19, 20) et qu’il ait accepté l’autorité suprême de Jéhovah, son Dieu et Créateur, rien n’indique qu’il l’ait appelé “roi [héb. mèlèkh]”.
En Éden, Dieu a exercé sa souveraineté sur l’homme avec bienveillance, comme en témoignent les premiers chapitres de la Genèse. Il ne l’a pas accablé de contraintes injustifiées. Compte tenu des relations qu’il entretenait avec lui, il convenait que l’homme lui obéisse comme un fils à son père (voir Luc 3:38). Dieu ne lui avait pas donné un code de lois détaillé (voir I Timothée 1:8-11). Ses exigences étaient simples et raisonnables. Rien ne porte à croire qu’Adam se sentait constamment entravé dans son action par une surveillance étroite. Il semble plutôt que Dieu communiquait avec lui régulièrement, selon ses besoins. — Gen. chaps 1 à 3.
Une nouvelle expression de la domination divine
En violant délibérément le commandement de Dieu à l’instigation d’une créature spirituelle, le premier couple s’est rebellé contre l’autorité divine (Gen. 3:17-19). Le défi de l’adversaire [héb. sâtân] spirituel de Dieu mettait en cause la légitimité de sa domination universelle. Cette question ayant été soulevée sur terre, il était logique qu’elle soit également réglée sur terre. — Rév. 12:7-12.
Au temps où il a prononcé son jugement contre les premiers rebelles, Jéhovah a énoncé une prophétie sous une forme symbolique. Il y révélait son intention d’utiliser un moyen particulier, une “postérité”, pour écraser définitivement ses ennemis (Gen. 3:15). Par suite de la rébellion, la souveraineté ou domination de Jéhovah allait donc connaître une nouvelle expression. À mesure que se dévoilaient les “saints secrets du royaume” (Mat. 13:11), il est apparu que cette nouvelle expression de la royauté divine passerait par la formation d’un gouvernement secondaire ayant à sa tête un chef délégué par Dieu. De fait, la promesse de la “postérité” trouve son accomplissement dans le Royaume dirigé par Jésus Christ et ses collaborateurs choisis par lui (Rév. 17:14). À partir de la promesse faite en Éden, la réalisation progressive du dessein de Dieu relatif à cette “postérité” royale constitue le thème de la Bible et la clé qui permet de comprendre les actes de Jéhovah à l’égard de ses serviteurs et des humains en général.
Bien que la terre soit devenue un foyer de rébellion, Jéhovah n’a pas renoncé à sa domination sur elle. Lors du déluge, il a montré qu’il était toujours capable de faire triompher sa volonté sur notre planète comme dans n’importe quelle autre partie de l’univers. Auparavant, il avait déjà prouvé qu’il était prêt à guider et à diriger les individus qui le recherchaient, tels Abel, Hénoch et Noé. Le cas de Noé, en particulier, illustre comment Jéhovah exerce sa domination sur un sujet terrestre bien disposé. En effet, Dieu a donné des ordres et une orientation à Noé, tout en bénissant et en protégeant sa famille et sa personne. Par la même occasion, il a révélé qu’il était toujours maître des animaux, des oiseaux et du reste de sa création terrestre (Gen. 6:9 à 7:16), qu’il ne permettrait pas à la Société des hommes éloignés de lui de corrompre la terre indéfiniment et qu’il se réservait le droit d’exécuter la justice contre les transgresseurs au temps et de la manière qu’il jugerait appropriés. Enfin, il a démontré son pouvoir absolu sur l’atmosphère et sur tous les éléments terrestres. — Gen. 6:3, 5-7; 7:17 à 8:22.
La Société postdiluvienne et ses problèmes
Il semble qu’après le déluge la Société humaine s’est organisée selon un régime patriarcal qui lui assurait une stabilité et un ordre relatifs. Pour s’acquitter de leur mission, qui consistait à ‘remplir la terre’, les humains devaient non seulement procréer, mais encore s’étendre progressivement sur tout le globe (Gen. 9:1, 7). De ce fait, les problèmes sociaux resteraient le plus souvent circonscrits au cercle familial, ce qui limiterait les risques de conflits qui abondent dans les endroits surpeuplés. Le projet de Babel était donc diamétralement opposé à la volonté divine, car il appelait les hommes à se rassembler pour ne pas être “dispersés sur toute la surface de la terre”. (Gen. 11:1-4.) C’est à la même époque que le Cuschite Nimrod a abandonné le régime patriarcal pour fonder le premier “royaume” (héb. mamlâkhâh). Ce descendant de Cham a envahi un territoire sémite, le pays d’Assur (c’est-à-dire l’Assyrie), pour y étendre son royaume et y bâtir des villes. — Gen. 10:8-12.
En confondant la langue des humains, Dieu a mis fin à leur rassemblement dans les plaines de Schinéar. En revanche, la plupart des familles ont conservé le mode de gouvernement institué par Nimrod dans les pays où elles se sont installées. Aux jours d’Abraham (v. 2018-1843 av. n. è.), il y avait des royaumes depuis la Mésopotamie, en Asie, jusqu’à l’Égypte, en Afrique (où le monarque ne portait toutefois pas le titre de Mèlèkh [“Roi”], mais celui de “Pharaon”). Quoi qu’il en soit, la monarchie n’était pas un gage de sécurité. Les rois n’ont pas tardé à conclure entre eux des alliances militaires et à entreprendre de grandes campagnes d’agression où pillages et enlèvements étaient monnaie courante (Gen. 14:1-12). Dans certaines villes, les étrangers se faisaient attaquer par des homosexuels. — Gen. 19:4-9.
DIEU EXERCE SON POUVOIR ROYAL SUR ABRAHAM ET SES DESCENDANTS
Certes, ceux qui considéraient Jéhovah comme leur Chef avaient aussi leur lot de problèmes et de différends. Cependant, ils parvenaient à les résoudre (ou à les supporter) sans se corrompre au regard des principes justes du Créateur, car celui-ci leur accordait sa protection et son soutien. — Gen. 13:5-11; 14:18-24; 19:15-24; 21:9-13, 22-33; Ps. 105:7-15.
Les patriarches fidèles ne se sont attachés à aucune Cité-État ou royaume, ni en Canaan ni ailleurs. Au lieu de rechercher la sécurité dans une ville, sous le règne politique d’un roi humain, ils ont vécu dans des tentes comme “des étrangers et des résidents temporaires dans le pays”, attendant avec foi “la ville qui a de vrais fondements, ville dont Dieu est le bâtisseur et l’auteur”. Reconnaissant en Jéhovah leur Roi, ils attendaient le moyen qu’il utiliserait pour gouverner la terre depuis le ciel d’une manière parfaitement conforme à sa volonté et à son pouvoir souverain, bien que la réalisation de leur espérance fût encore “loin”. (Héb. 11:8-10, 13-16.) Voilà pourquoi Jésus, qui avait été oint comme roi par Dieu, a pu déclarer: “Abraham (...) s’est grandement réjoui dans l’espérance de voir mon jour, et il l’a vu et s’est réjoui.” — Jean 8:56.
Jéhovah a franchi une étape vers l’accomplissement de sa promesse relative à la “postérité” royale (Gen. 3:15) quand il a conclu son alliance avec Abraham (Gen. 12:1-3; 22:15-18). En rapport avec cette alliance, il a annoncé que des ‘rois’ sortiraient d’Abraham (Abram) et de sa femme (Gen. 17:1-6, 15, 16). Bien qu’il y ait eu des cheiks et des rois parmi les descendants d’Ésaü, petit-fils d’Abraham, c’est à Jacob, un autre petit-fils d’Abraham, que cette promesse prophétique a été renouvelée. — Gen. 35:11, 12; 36:9, 15-43.
Formation de la nation d’Israël
Des siècles plus tard, au moment prévu (Gen. 15:13-16), Jéhovah est intervenu en faveur des descendants de Jacob, qui se comptaient déjà par millions, d’abord en les protégeant d’une tentative de génocide organisée par le gouvernement égyptien (Ex. 1:15-22), puis en les libérant totalement de l’esclavage et de l’oppression (Ex. 2:23-25). D’emblée, Pharaon a repoussé avec mépris l’ordre que le Créateur lui intimait par l’entremise de Moïse et d’Aaron. Pour lui, Dieu n’avait pas à se mêler des affaires de l’Égypte. Comme Pharaon persistait à refuser de reconnaître la souveraineté de Jéhovah, celui-ci a dû montrer sa puissance en envoyant des plaies sur l’Égypte (Ex. chaps 7 à 12). Il a ainsi prouvé que son empire sur les éléments et les créatures de la terre dépassait celui de n’importe quel monarque humain (Ex. 9:13-16). Il a finalement couronné cette démonstration de sa souveraineté en détruisant les forces de Pharaon comme aucun des rois fanfarons et belliqueux de ce monde n’aurait pu le faire (Ex. 14:26-31). C’est avec raison que Moïse et les Israélites ont alors chanté: “Jéhovah régnera jusqu’à des temps indéfinis, oui, à jamais.” — Ex. 15:1-19.
Plus tard, Dieu a donné d’autres preuves de son pouvoir sur la terre, sur ses réserves d’eau et sur les oiseaux, tout en montrant qu’il était capable de protéger et de nourrir son peuple même dans un milieu aride et hostile (Ex. 15:22 à 17:15). Il a ensuite promis à ses serviteurs libérés que s’ils respectaient son autorité et son alliance ils deviendraient sa “propriété spéciale parmi tous les autres peuples”, ajoutant: “Car toute la terre m’appartient.” S’ils agissaient ainsi, ils constitueraient pour lui “un royaume de prêtres et une nation sainte”. (Ex. 19:3-6.) Après qu’ils eurent décidé publiquement de se soumettre à sa souveraineté, Jéhovah a agi en monarque législateur en promulguant un vaste code de lois et de décrets dans une impressionnante manifestation de gloire et de puissance (Ex. 19:7 à 24:18). Le tabernacle ou tente de réunion, et plus particulièrement l’Arche qu’il abritait, symbolisait désormais la présence invisible du Chef d’État céleste (Ex. 25:8, 21, 22; 33:7-11; voir Révélation 21:3). Si Moïse et d’autres juges dûment établis traitaient la plupart des affaires judiciaires à la lumière de la loi divine, Jéhovah lui-même intervenait parfois pour rendre son jugement contre les transgresseurs ou pour leur infliger un châtiment (Ex. 18:13-16, 24-26; 32:25-35). Quant aux prêtres ordonnés, leur rôle consistait à préserver les relations qui unissaient la nation à son Roi céleste en aidant le peuple à se conformer aux normes élevées de l’alliance de la Loi. Il s’ensuit que le gouvernement d’Israël était une véritable théocratie. — Deut. 33:2, 5.
En sa qualité de Créateur, de Propriétaire et de “Juge de toute la terre” (Gen. 18:25), Jéhovah avait attribué le pays de Canaan à la postérité d’Abraham (Gen. 12:5-7; 15:17-21). En vertu de son pouvoir exécutif, il pouvait dès lors ordonner aux Israélites d’expulser de ce territoire les Cananéens condamnés et de les mettre à mort. — Deut. 9:1-5.
La période des juges
Pendant les trois siècles et demi qui ont suivi la conquête des royaumes de Canaan, Jéhovah est resté le seul Roi de la nation. À plusieurs reprises il a choisi des juges pour diriger tout ou partie du peuple, en temps de guerre et en temps de paix. À la suite de leur victoire sur Madian, les Israélites ont demandé au juge Gédéon, qui les avait menés au combat, de devenir leur chef. Toutefois, celui-ci a refusé, saluant en Jéhovah le seul vrai souverain (Juges 8:22, 23). Son fils Abimélech, un homme ambitieux, a établi pour peu de temps un royaume sur une petite fraction d’Israël, mais son règne s’est achevé lamentablement. — Juges 9:1, 6, 22, 53-56.
ISRAËL RÉCLAME UN ROI HUMAIN
Près de quatre cents ans après l’exode et plus de huit cents ans après la conclusion de l’alliance abrahamique, les Israélites ont demandé à être gouvernés par un roi humain, comme les autres nations. Cela revenait à rejeter la royauté de Jéhovah (I Sam. 8:4-8). Certes, ils étaient fondés à croire que Dieu établirait un royaume, à cause de la promesse qu’il avait faite à Abraham et à Jacob (voir plus haut). Ils trouvaient des raisons supplémentaires de l’espérer dans la prophétie que Jacob avait prononcée au sujet de Juda sur son lit de mort (Gen. 49:8-10), dans les paroles que Jéhovah avait adressées à Israël après l’exode (Ex. 19:3-6), dans les clauses de l’alliance de la Loi (Deut. 17:14, 15) et même dans le message divin transmis par le prophète Balaam (Nomb. 24:2-7, 17). La fidèle Hannah, mère de Samuel, a d’ailleurs exprimé cet espoir dans sa prière (I Sam. 2:7-10). Néanmoins, Jéhovah n’avait pas encore dévoilé complètement son “saint secret”. Il n’avait pas révélé l’époque à laquelle le Royaume serait établi; il n’avait pas précisé quelles en seraient la structure et la composition; il n’avait même pas spécifié s’il serait terrestre ou céleste. Il était donc présomptueux de la part du peuple de prendre l’initiative de réclamer un roi humain.
La menace philistine et ammonite qui planait sur les Israélites a sans aucun doute contribué à leur désir d’avoir un roi, un chef visible. Cela trahissait un manque de foi dans la capacité qu’avait Jéhovah de les protéger, de les guider et de pourvoir à leurs besoins, à titre national et individuel (I Sam. 8:4-8). Leurs motivations étaient mauvaises. Malgré tout, Jéhovah a accédé à leur requête, non pas tant à cause d’eux que pour réaliser son propre dessein et révéler un peu plus le “saint secret” du royaume qui devait être confié à la “postérité”. D’ici là, la monarchie humaine vaudrait bien des problèmes et des sacrifices aux Israélites, et Jéhovah ne le leur a pas caché. — I Sam. 8:9-22.
À partir de cette époque, les rois nommés par Jéhovah ont servi comme ses représentants sur terre. Cela n’amputait en rien la souveraineté de Jéhovah sur la nation. En fait, le trône lui appartenait toujours, et les rois humains n’y siégeaient qu’en qualité de représentants (I Chron. 29:23). Du reste, c’est Jéhovah qui a ordonné l’onction du premier roi, Saül (I Sam. 9:15-17), tout en dénonçant le manque de foi de la nation. — I Sam. 10:17-25.
LE RÈGNE MODÈLE DE DAVID
En raison de son manque de respect pour l’autorité et les décisions prééminentes de la “Supériorité d’Israël”, Saül, qui appartenait à la tribu de Benjamin, a perdu la faveur divine et privé sa famille du trône (I Sam. 13:10-14; 15:17-29; I Chron. 10:13, 14). Avec le règne de son successeur David, de la tribu de Juda, la réalisation de la prophétie que Jacob avait prononcée sur son lit de mort a franchi une nouvelle étape (Gen. 49:8-10). Malgré les fautes qu’il a commises en raison de sa faiblesse humaine, David était un roi modèle en ce que son cœur était totalement attaché à Jéhovah et qu’il se soumettait humblement à son autorité. — Ps. 51:1-4; I Sam. 24:10-14; voir I Rois 11:4; 15:11, 14.
Lorsqu’il a fait apporter l’arche de l’alliance, qui symbolisait la présence de Jéhovah, à Jérusalem, la capitale du royaume, David a chanté: “Que les cieux se réjouissent, que la terre soit joyeuse! Et qu’on dise parmi les nations: ‘Jéhovah lui-même est devenu roi!’” (I Chron. 16:1, 7, 23-31). Ainsi, bien que la domination de Jéhovah remonte à la création, il ressort qu’elle s’exprime quelquefois d’une manière particulière ou par l’entremise de certains représentants. C’est en ce sens qu’on peut dire que Dieu ‘devient roi’ en un temps ou en une circonstance donnés.
L’alliance pour un royaume
Jéhovah a conclu avec David et sa dynastie une alliance pour un royaume éternel (II Sam. 7:12-16; I Chron. 17:11-14). Ce geste démontrait une nouvelle fois que la promesse de la “postérité” royale faite en Éden était en voie d’accomplissement (Gen. 3:15). Qui plus est, il donnait aux hommes un indice supplémentaire pour reconnaître cette “postérité” quand elle apparaîtrait (voir Ésaïe 9:6, 7; I Pierre 1:11). Les rois établis par Dieu étaient nommés par onction. C’est pourquoi on leur appliquait le titre de “messie”, qui signifie “oint”. (I Sam. 16:1; Ps. 132:13, 17.) Manifestement donc, le royaume terrestre que Jéhovah a établi en Israël constituait un type prophétique, un modèle préfigurant sur une petite échelle le Royaume qui serait confié au Messie par excellence, Jésus Christ, le “fils de David”. — Mat. 1:1.
DÉCLIN ET CHUTE DES ROYAUMES D’ISRAËL
Les rois humains n’ont pas su résoudre les problèmes d’Israël. Le mécontentement qui prévalait au début du quatrième règne (997 av. n. è.) a entraîné une révolte et un schisme national. Il en est résulté l’apparition d’un royaume du Nord et d’un royaume du Sud. Toutefois, l’alliance que Jéhovah avait conclue avec David demeurait en vigueur à l’égard des rois du royaume méridional, celui de Juda. Au fil des siècles, il n’y a eu que peu de rois fidèles en Juda, et pas un seul dans le royaume septentrional d’Israël. L’histoire de ce dernier a été marquée par l’idolâtrie, l’intrigue et le meurtre. Nombre de monarques ont eu des règnes très courts, tandis que le peuple souffrait de l’injustice et de l’oppression. Jéhovah a finalement permis au roi d’Assyrie de renverser ce royaume rebelle en 740 avant notre ère, soit environ 250 ans après sa fondation. — Osée 4:1, 2; Amos 2:6-8.
Bien qu’il ait joui d’une plus grande stabilité à cause de la dynastie de David, le royaume méridional a fini par surpasser en corruption le royaume du Nord. Malgré les efforts qu’Ézéchias, Josias et d’autres rois craignant Dieu ont fournis pour retarder le déclin, Israël sombrait de plus en plus dans l’idolâtrie, au mépris de la parole et de l’autorité divines (És. 1:1-4; Ézéch. 23:1-4, 11). Dans les messages d’avertissement qu’ils ont communiqués aux chefs et au peuple, les prophètes de Jéhovah se sont élevés contre l’injustice sociale, la tyrannie, l’avidité, la malhonnêteté, les pots-de-vin, la débauche, la violence, les effusions de sang et l’hypocrisie religieuse qui avaient transformé le temple de Dieu en une “caverne de brigands”. (És. 1:15-17, 21-23; 3:14, 15; Jér. 5:1, 2, 7, 8, 26-28, 31; 6:6, 7; 7:8-11.) L’appui des prêtres apostats et les alliances politiques conclues avec d’autres nations ne pouvaient empêcher la destruction de ce royaume infidèle (Jér. 6:13-15; 37:7-10). En 607 avant notre ère, les Babyloniens ont dévasté le pays et rasé sa capitale, Jérusalem. — II Rois 25:1-26.
Jéhovah demeure Roi à part entière
La destruction des royaumes d’Israël et de Juda ne rejaillissait en rien sur la royauté de Dieu. Elle ne trahissait aucune faiblesse de sa part. Tout au long de l’histoire d’Israël, Jéhovah a souligné qu’il désirait être servi et obéi volontairement (Deut. 10:12-21; 30:6, 15-20; És. 1:18-20; Ézéch. 18:25-32). Certes, il a instruit, repris, discipliné, averti et châtié ses serviteurs quand le besoin s’en faisait sentir. Toutefois, il ne s’est jamais servi de sa puissance pour obliger un roi ou ses sujets à adopter contre leur gré une bonne attitude. Partant, les Israélites étaient entièrement responsables de leur situation, de leurs souffrances et du désastre qui s’est abattu sur eux. Ce sont eux qui avaient endurci leur cœur et qui s’étaient stupidement obstinés dans la voie de l’indépendance, contre leurs propres intérêts. — Lam. 1:8, 9; Néh. 9:26-31, 34-37; És. 1:2-7; Jér. 8:5-9; Osée 7:10, 11.
Jéhovah a démontré son pouvoir souverain en tenant en respect des puissances aussi belliqueuses et avides que l’Assyrie et Babylone jusqu’au temps qu’il avait fixé. Le moment venu, en revanche, il est allé jusqu’à les manœuvrer pour qu’elles concourent à la réalisation de ses prophéties (Ézéch. 21:18-23; És. 10:5-7). Parallèlement, il a retiré sa protection à la nation, afin que s’exécute le jugement juste qu’il avait rendu en tant que Roi suprême (Jér. 35:17). La désolation d’Israël et de Juda n’a pas été une surprise pour les serviteurs obéissants de Dieu, car ceux-ci en avaient été prévenus par les prophéties. L’abaissement des chefs orgueilleux n’a fait que mettre en relief l’“éclatante supériorité” de Jéhovah (És. 2:1, 10-17). En outre, celui-ci a démontré qu’il était capable de protéger et de sauvegarder, à titre individuel, ceux qui le reconnaissaient pour Roi, même lorsqu’ils étaient environnés par la famine, la maladie et les massacres, voire persécutés directement par les ennemis de la justice. — Jér. 34:17-21; 20:10, 11; 35:18, 19; 36:26; 37:18-21; 38:7-13; 39:11 à 40:5.
Jéhovah a averti le dernier roi d’Israël qu’il lui ôterait la couronne, symbole du pouvoir des rois oints comme représentants de Jéhovah. Le règne de la dynastie de David ne s’exercerait donc plus “jusqu’à ce que vienne celui qui a le droit légal, et [Jéhovah devra] le lui donner”. (Ézéch. 21:25-27.) Le royaume typique de Juda renversé, l’attention était à nouveau dirigée vers la “postérité” à venir, le Messie.
LE ROYAUME DE DIEU DANS LES VISIONS DE DANIEL
Toute la prophétie de Daniel met en lumière la souveraineté universelle de Dieu, ce qui contribue à éclairer son dessein. Par l’entremise de ce prophète exilé dans la capitale de l’Empire qui avait écrasé Juda, Jéhovah a interprété une vision du monarque babylonien annonçant la succession des puissances mondiales et leur anéantissement final par un royaume éternel d’origine divine. Au grand étonnement de sa cour sans doute, Nébucadnezzar, le conquérant de Jérusalem, s’est alors senti poussé à se prosterner devant Daniel, son captif, et à saluer en son Dieu le “Seigneur des rois”. (Dan. 2:36-47.) Plus tard, un autre songe de Nébucadnezzar (celui de l’arbre) a souligné “que le Très-Haut est Chef dans le royaume des humains, et qu’il le donne à qui il veut, et qu’il établit sur lui le plus humble des humains”. (Dan. chap. 4.) Après avoir vu ce rêve s’accomplir sur lui, l’empereur Nébucadnezzar a dû reconnaître une fois de plus dans le Dieu de Daniel “le Roi des cieux”, Celui qui “agit selon son bon plaisir dans l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre”. Et d’ajouter: “Il n’y a personne qui puisse arrêter sa main ou qui puisse lui dire: ‘Qu’as-tu fait?’” — Dan. 4:34-37.
Alors que la domination babylonienne touchait à son terme, le prophète Daniel a contemplé en vision une série de bêtes représentant une succession d’empires. Il a ensuite vu le grand Tribunal céleste de Jéhovah prendre place, juger les puissances mondiales et les déclarer indignes. C’est alors qu’il a aperçu “un fils d’homme” à qui on donnait “la domination, et la dignité, et un royaume, pour que tous les peuples, groupements nationaux et langues le servent. Sa domination est une domination d’une durée indéfinie, qui ne passera pas”. Daniel a également observé la guerre menée contre les “saints” par la dernière puissance mondiale, l’anéantissement de celle-ci et le moment où “le royaume, et la domination, et la grandeur des royaumes sous tous les cieux, furent donnés au peuple que sont les saints du Dieu suprême”, Jéhovah (Dan. chaps 7, 8). Il devenait dès lors évident que la “postérité” promise constituerait un gouvernement qui, outre le “fils d’homme”, se composerait de chefs adjoints, “les saints du Dieu suprême”.
LA ROYAUTÉ DE DIEU SUR BABYLONE ET L’EMPIRE MÉDO-PERSE
Le jugement infaillible du Créateur s’est abattu d’une manière aussi soudaine qu’inattendue sur la puissante Babylone. Jéhovah avait compté ses jours, et il y a mis fin (Dan. 5:17-30). Sous l’Empire médo-perse qui lui a succédé, il a fait une nouvelle révélation au sujet du Royaume messianique. Il a annoncé le temps où le Messie paraîtrait et où il serait “retranché”, ainsi que la seconde destruction de Jérusalem et du lieu saint (Dan. 9:1, 24-27; voir SOIXANTE-DIX SEMAINES). Comme aux jours de l’Empire babylonien, il a prouvé qu’il était capable de protéger ceux qui reconnaissaient sa souveraineté au péril de leur vie, en dépit de la colère et des menaces des autorités. Ce faisant, il a également démontré une fois de plus sa maîtrise des phénomènes physiques et des bêtes sauvages (Dan. 3:13-29; 6:12-27). Par ailleurs, il a fait en sorte que les portes de Babylone s’ouvrent toutes grandes en temps voulu pour permettre au peuple avec qui il entretenait des relations d’alliance de retourner dans son pays afin d’y reconstruire Jérusalem et son temple (II Chron. 36:20-23). À la suite de cette libération, on pouvait encore dire à Sion: “Ton Dieu est devenu roi!” (És. 52:7-11). Plus tard, pour parer aux conspirations, aux rapports fallacieux de certains fonctionnaires subalternes et aux interdictions gouvernementales, Jéhovah a incité plusieurs rois perses à coopérer avec l’accomplissement de sa volonté souveraine. — Esdras chaps 4 à 7; Néh. chaps 2, 4, 6; Esther chaps 3 à 9.
Ainsi, pendant des milliers d’années le dessein immuable de Jéhovah a progressé irrésistiblement vers sa réalisation. Quel que fût le tour que prenaient les événements, Dieu s’est toujours montré maître de la situation et supérieur à ses adversaires humains et démoniaques. Rien ne pouvait faire obstacle à l’accomplissement de sa volonté. L’histoire d’Israël renfermait quantité de types prophétiques annonçant comment Dieu traiterait avec tous les hommes. Cependant, elle illustrait aussi qu’il ne peut y avoir d’harmonie, de paix ni de bonheur véritables tant que l’on ne reconnaît pas la direction divine et que l’on ne s’y soumet pas de tout cœur. Les Israélites étaient tous de la même race. Ils avaient les mêmes ancêtres, la même langue et le même pays. Qui plus est, ils avaient des ennemis communs. Toutefois, ils ne jouissaient de l’union, de la puissance, de la justice et du bien-être que lorsqu’ils adoraient et servaient fidèlement Jéhovah. Quand les liens qui les unissaient à Dieu se relâchaient, leur situation ne tardait pas à se détériorer.
LE ROYAUME DE DIEU “S’EST APPROCHÉ”
Puisque le Messie devait descendre d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Juda et de David, il lui fallait passer par une naissance humaine. Conformément à la prophétie de Daniel, cela ferait de lui un “fils d’homme”. “Quand est venu l’achèvement du temps”, Jéhovah a donc envoyé son propre Fils de façon qu’il naisse d’une femme et remplisse toutes les conditions requises par la Loi pour hériter “le trône de David, son père”. (Gal. 4:4; Luc 1:26-33; voir GÉNÉALOGIE DE JÉSUS CHRIST.) Jean, celui qui devait devenir le “Baptiseur” et le précurseur de Jésus, était né six mois avant lui (Luc 1:13-17, 36). Comme leurs propos l’indiquent, les parents de ces deux garçons vivaient dans l’attente d’une manifestation de la domination divine (Luc 1:41-55, 68-79). À la naissance de Jésus, les messagers angéliques envoyés pour révéler la signification de l’événement ont aussi annoncé que Dieu allait montrer sa gloire (Luc 2:9-14). De même, dans les paroles prononcées au temple par Siméon et Anne transparaît un espoir de salut et de libération (Luc 2:25-38). Les témoignages bibliques et profanes s’accordent à démontrer qu’à cette époque les Juifs s’attendaient à une venue prochaine du Messie. Évidemment, nombre d’entre eux désiraient avant tout être affranchis du joug pesant de Rome. — Voir MESSIE.
Jean était chargé de “ramener le cœur” de ses contemporains à Jéhovah, à ses alliances et au “privilège de le servir sans crainte par un service sacré, avec fidélité et justice devant lui”, afin de lui présenter “un peuple préparé”. (Luc 1:16, 17, 72-75.) Lui-même a dit sans équivoque à ses auditeurs qu’ils vivaient une période de jugement, et que ‘le royaume des cieux s’était approché’. Dès lors, il devenait urgent pour eux de se repentir et de rejeter toute désobéissance à la volonté et à la loi divines. Cela soulignait une nouvelle fois que Jéhovah désire avoir uniquement des sujets volontaires, des serviteurs qui reconnaissent avec gratitude le bien-fondé de ses voies et de ses lois. — Mat. 3:1, 2, 7-12.
Le Messie est effectivement venu quand Jésus s’est présenté à Jean pour être baptisé. En effet, c’est à la suite de cela qu’il a été oint de l’esprit saint de Dieu (Mat. 3:13-17). Il est ainsi devenu le Roi désigné, celui à qui le Tribunal suprême reconnaissait le “droit légal” au trône de David, un droit qui n’avait pas été exercé pendant les six siècles précédents. En outre, Jéhovah a conclu avec ce Fils bien-aimé une alliance pour un royaume céleste dans lequel il serait à la fois Roi et Prêtre, à la manière de Melchisédek, le souverain sacrificateur de l’antique Salem (Ps. 110:1-4; Luc 22:29; Héb. 5:4-6; 7:1-3; 8:1; voir ALLIANCE). En sa qualité de “postérité” d’Abraham, ce Roi-Prêtre céleste serait le principal Instrument dont Dieu se servirait pour bénir des hommes de toutes nations. — Gen. 22:15-18; Gal. 3:14; Actes 3:15.
Après avoir passé une quarantaine de jours dans le désert de Judée, Jésus, alors baptisé, a été confronté au pire ennemi de la souveraineté de Jéhovah. De diverses façons, cet adversaire spirituel lui a suggéré de transgresser la volonté et la parole révélées de Dieu. Il lui a même proposé de devenir roi de tous les royaumes de la terre sans lutte et sans souffrances, en échange d’un seul acte d’adoration devant lui. Mais Jésus a refusé, reconnaissant en Jéhovah le seul Souverain véritable, Celui de qui procède toute autorité légitime et à qui revient toute adoration. Dès lors, l’Ennemi a dû dresser d’autres plans contre le Représentant de Jéhovah par excellence. Pour ce faire, il a recouru à des agents humains, comme il l’avait fait longtemps auparavant dans le cas de Job. — Job 1:8-18; Mat. 4:1-11; Luc 4:1-13; voir Révélation 13:1, 2.
Le Royaume était ‘au milieu d’eux’
Sachant que Jéhovah était capable de le protéger et de l’aider à mener sa mission à bonne fin, Jésus a commencé son ministère en annonçant au peuple admis dans l’alliance divine: “Le temps fixé est accompli, et le Royaume de Dieu s’est approché.” (Marc 1:14). Pour mieux comprendre le sens de ce message, il n’est pas inutile de rappeler ce que Jésus a dit un jour à quelques Pharisiens, savoir: “Le Royaume de Dieu est au milieu de vous.” (Luc 17:21). À ce propos, un dictionnaire biblique (The Interpreter’s Dictionary of the Bible) remarque: “Bien que cette parole soit souvent citée pour souligner le ‘mysticisme’ ou l’‘introversion’ de Jésus, pareille interprétation repose essentiellement sur l’ancienne traduction ‘au-dedans de vous’ [Goguel et Monnier, Grosjean et Léturmy, Pirot et Clamer], qui prenait à tort ‘vous’ dans son sens individuel, tel qu’on l’entend aujourd’hui. En réalité, le ‘vous’ (υμών) est un collectif (Jésus parle aux Pharisiens, v. 17:20) (...). La thèse selon laquelle l’expression Royaume de Dieu désignerait une condition intérieure ou le salut de l’individu est infirmée par le contexte et par tout l’enseignement du N.T.” (T. II, pp. 882, 883). Puisque le mot “royaume” (basiléia) peut s’appliquer à la ‘dignité de roi’, Jésus voulait manifestement dire qu’il était lui-même au milieu d’eux en sa qualité de Représentant de Dieu, oint par son Père pour la royauté. Non seulement il était présent en tant que tel, mais encore il avait le pouvoir d’accomplir des œuvres qui reflétaient la puissance royale de Dieu et de préparer ceux qui désiraient avoir part à son Royaume. D’où la ‘proximité’ du Royaume. C’était une époque exceptionnelle.
Un gouvernement puissant
Les disciples de Jésus considéraient avec raison le Royaume comme un véritable gouvernement issu de Dieu, même s’ils ne se faisaient pas une idée juste de l’étendue de sa domination. Témoin cette confession de Nathanaël à Jésus: “Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es roi d’Israël.” (Jean 1:49). Ils connaissaient la prophétie de Daniel relative aux “saints”. (Dan. 7:18, 27.) Du reste, Jésus lui-même avait promis ouvertement à ses apôtres qu’ils seraient assis sur des “trônes”. (Mat. 19:28.) Jacques et Jean avaient émis le désir de recevoir une place privilégiée dans le gouvernement messianique. Jésus a reconnu qu’il y aurait bel et bien de telles places, tout en précisant qu’il appartenait à son Père, le Souverain suprême, de les attribuer (Mat. 20:20-23; Marc 10:35-40). Par conséquent, quoiqu’ils aient commis l’erreur de restreindre la royauté du Messie à la terre, et plus particulièrement à l’Israël naturel, comme en témoignent encore les paroles qu’ils ont prononcées le jour de l’ascension de Jésus (Actes 1:6), les disciples avaient déjà compris que le Royaume serait un gouvernement. — Voir Matthieu 21:5; Marc 11:7-10.
Par l’entremise de son représentant royal, Jéhovah a démontré de bien des manières son pouvoir souverain sur sa création terrestre. Grâce à l’esprit de Dieu, sa force agissante, le Fils était maître du vent, de la mer, de la végétation, des poissons, et même des éléments organiques qui composent la nourriture, puisqu’il a su les multiplier. Ses œuvres de puissance ont suscité chez les disciples un profond respect de l’autorité dont il était revêtu (Mat. 14:23-33; Marc 4:36-41; 11:12-14, 20-23; Luc 5:4-11; Jean 6:5-15). Les observateurs ont été encore plus impressionnés par ce que la puissance divine lui permettait de faire sur des corps humains. Effectivement, il guérissait toutes sortes d’infirmités et de maladies, depuis la cécité jusqu’à la lèpre, et il a même rendu la vie à des morts (Mat. 9:35; 20:30-34; Luc 5:12, 13; 7:11-17; Jean 11:39-47). Il envoyait les lépreux guéris aux prêtres établis selon la loi divine, mais généralement incrédules, “en témoignage pour eux”. (Luc 5:14; 17:14.) En outre, il a démontré l’empire de son Père sur les esprits. Les démons eux-mêmes reconnaissaient l’autorité et la puissance dont Jésus était investi, et plutôt que de se risquer à une épreuve de force avec lui ils préféraient obéir à ses ordres en libérant les hommes dont ils s’étaient emparés (Mat. 8:28-32; 9:32, 33; voir Jacques 2:19). Puisque Jésus avait le pouvoir d’expulser les démons par l’esprit de son Père, il était évident que le Royaume de Dieu avait ‘rejoint’ ses contemporains. — Mat. 12:25-29; voir Luc 9:42, 43.
L’ACCÈS AU ROYAUME
Jésus a fait comprendre à ses auditeurs qu’une perspective exceptionnelle s’ouvrait devant eux. À propos de son précurseur, il a déclaré: “Parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’en a pas été suscité de plus grand que Jean le Baptiste; mais celui qui est un petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Mais depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à maintenant, le royaume des cieux est ce vers quoi les hommes avancent avec énergie [biazétaï], et ceux qui avancent avec énergie [biastaï] s’en emparent [voir Fillion; Le Livre; Os; PB (éd. 1977); Pirot et Clamer; VB]. Car tous, les Prophètes et la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean.” (Mat. 11:10-13). Ainsi, le ministère de Jean, qui était sur le point de s’achever avec l’exécution de ce dernier, marquait la fin d’une ère et le début d’une autre. D’après W. Vine, le verbe grec biazô, qui apparaît dans ce texte, évoque “un effort énergique”. (Expository Dictionary of New Testament Words, vol. III, p. 208.) À propos de Matthieu 11:12, le bibliste allemand Heinrich Meyer faisait ce commentaire: “C’est ainsi qu’est décrite la lutte âpre et sans merci pour l’accès au Royaume messianique, qui approche (...). On ne regarde plus le Royaume dans le calme de l’attente, on le recherche avec passion. Les βιασταί sont donc les croyants [et non les adversaires], ceux qui se démènent pour en prendre possession.” — P. 225.
Ainsi donc, il ne serait pas facile de devenir sujet du Royaume de Dieu. On n’y pénétrerait pas comme dans une ville sans murailles dont l’accès ne serait fermé à personne. Le Souverain, Jéhovah Dieu, en interdirait en effet l’entrée à tous ceux qui s’en montreraient indignes (voir Jean 6:44; I Corinthiens 6:9-11; Galates 5:19-21; Éphésiens 5:5). Pour y accéder, il serait nécessaire de passer par une route resserrée, de trouver la porte étroite et de continuer à chercher, à frapper et à demander pour qu’elle s’ouvre (Mat. 7:7, 8, 13, 14; voir II Pierre 1:10, 11). Il faudrait être disposé à perdre éventuellement un œil ou une main (Marc 9:43-47). Le Royaume ne serait pas une ploutocratie dans laquelle on pourrait acheter la faveur du Roi. En fait, il serait plutôt difficile à un riche (gr. plousios) d’y parvenir (Luc 18:24, 25). Ce ne serait pas non plus une forme d’aristocratie. L’importance d’un homme aux yeux de ses semblables n’entrerait pas en ligne de compte (Mat. 23:1, 2, 6-12, 33; Luc 16:14-16). Ceux qui sembleraient être les “premiers” en raison de l’abondance de leurs œuvres religieuses se révéleraient être les “derniers”, tandis que les ‘derniers seraient les premiers’ à recevoir les privilèges associés au Royaume (Mat. 19:30 à 20:16). Quoique sûrs de leur avantage, les Pharisiens estimés mais hypocrites verraient les prostituées et les collecteurs d’impôts repentis les devancer dans le Royaume de Dieu (Mat. 21:31, 32; 23:13). De fait, même s’ils appellent Jésus “Seigneur, Seigneur”, tous les hypocrites qui ne respectent pas la parole et la volonté de Dieu telle qu’elle a été révélée par le Christ entendront ce dernier leur déclarer: “Je ne vous ai jamais connus! Éloignez-vous de moi, vous qui agissez en hommes qui méprisent la loi.” — Mat. 7:15-23.
Ceux qui auraient part au règne du Christ seraient disposés à laisser de côté leurs intérêts matériels pour rechercher d’abord le Royaume et la justice de Dieu (Mat. 6:31-34). À l’instar de Jésus, le roi oint par Dieu, ils aimeraient la justice et haïraient la méchanceté (Héb. 1:8, 9). Ce seraient des hommes au cœur pur, spirituels, miséricordieux et pacifiques, bien que méprisés et persécutés par leurs semblables (Mat. 5:3-10; Luc 6:23). Le “joug” que Jésus les invitait à prendre sur eux représentait la soumission à son autorité royale. Il s’avérerait léger pour ceux qui, comme lui, se montreraient ‘doux de caractère et humbles de cœur’. (Mat. 11:28-30; voir I Rois 12:12-14; Jérémie 27:1-7.) Tout cela a dû réconforter les auditeurs de Jésus. Ils pouvaient en effet être sûrs que son règne ne se caractériserait pas par les défauts fréquents chez ceux qui s’étaient succédé jusque-là en Israël et ailleurs, mais qu’il serait totalement exempt de pression fiscale, de tyrannie et de toute forme d’exploitation (voir I Samuel 8:10-18; Deutéronome 17:15-17, 20; Éphésiens 5:5). Comme cela ressort d’un autre passage de l’Évangile, non seulement le Chef du Royaume à venir prouverait son abnégation en allant jusqu’à donner sa vie pour ses sujets, mais encore tous ceux qui lui seraient adjoints inclineraient à servir plutôt qu’à être servis. — Mat. 20:25-28; voir JÉSUS CHRIST (Ses œuvres et ses qualités personnelles).
L’absolue nécessité d’une soumission volontaire
Jésus lui-même avait le plus profond respect pour la volonté et l’autorité souveraines de son Père (Jean 5:30; 6:38; Mat. 26:39). Tant que la Loi était en vigueur, ses disciples juifs devaient la pratiquer et encourager les autres à s’y soumettre. Quiconque aurait adopté une attitude contraire n’aurait pu avoir part à son Royaume. Toutefois, il importait que le respect et l’obéissance viennent du cœur. Il ne s’agissait pas seulement de se plier à la partie formelle ou rituelle de la Loi, mais bien de vivre selon les principes fondamentaux sur lesquels elle reposait, notamment la justice, la miséricorde et la fidélité (Mat. 5:17-20; 23:23, 24). Au scribe qui avait reconnu la position unique de Jéhovah et qui avait compris que “l’aimer de tout son cœur, et de toute son intelligence, et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut bien plus que tous les holocaustes et sacrifices”, Jésus a rendu ce témoignage: “Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu.” (Marc 12:28-34). Ainsi, de bien des manières le Christ a souligné que Jéhovah recherchait exclusivement des sujets volontaires qui aimeraient sa justice et qui désireraient ardemment se placer sous sa souveraineté.
Les alliances concernant le Royaume
Au cours de la dernière soirée qu’il a passée avec ses disciples, Jésus leur a parlé d’une “nouvelle alliance” dans laquelle ils allaient être admis en vertu de son sacrifice rédempteur (Luc 22:19, 20; voir 12:32). Lui-même serait le Médiateur de cette alliance entre Jéhovah, le Souverain suprême, et ceux qui l’avaient suivi (I Tim. 2:5; Héb. 12:24). En outre, Jésus a personnellement conclu avec ses disciples une alliance “pour un royaume”, afin qu’ils aient part avec lui à sa dignité royale. — Luc 22:28-30.
Le Royaume à partir de la Pentecôte
En voyant Jésus remonter au ciel quarante jours après sa résurrection, les disciples ont commencé à comprendre que son Royaume serait céleste. Dix jours plus tard, à la Pentecôte de l’an 33, ils ont reçu la preuve qu’il avait effectivement été “élevé à la droite de Dieu” lorsqu’il a répandu l’esprit saint sur eux pour leur donner la force d’être ses témoins et les ambassadeurs de son Royaume (Luc 24:46-52; Actes 1:8, 9; 2:1-4, 29-33; II Cor. 5:20). C’est ainsi que la “nouvelle alliance” est entrée en vigueur et qu’ils sont devenus le noyau d’une nouvelle “nation sainte”, l’Israël spirituel (I Pierre 2:9, 10; Gal. 6:16; Héb. 12:22-24). Puisque le Christ était désormais assis à la droite de son Père et qu’il était Chef de sa congrégation, il était évident qu’il régnait déjà sur eux depuis la Pentecôte de l’an 33 (Éph. 5:23; Héb. 1:3; Phil. 2:9-11). Voilà pourquoi l’apôtre Paul pouvait écrire au sujet de Dieu: “Il nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour.” — Col. 1:13; voir Luc 22:53.
Cependant, Jésus Christ n’allait pas agir tout de suite envers ceux qui ne se soumettaient pas volontairement à lui. Il devait plutôt attendre à la droite de Dieu “jusqu’à ce que ses ennemis soient placés comme un escabeau pour ses pieds”. (Héb. 10:12, 13; Actes 2:34-36; voir Hébreux 2:8.) Il avait d’ailleurs annoncé qu’il y aurait un intervalle entre son ascension au ciel et le temps où il rendrait son jugement à l’égard de ses sujets et de ses ennemis. Il s’était pour cela comparé à un homme “de haute naissance” qui se rendait “dans un pays lointain pour se faire investir du pouvoir royal et revenir”. À son retour, il récompenserait ses fidèles serviteurs et exécuterait ses ennemis. — Luc 19:11-27.
LE ROYAUME PREND TOUT SON POUVOIR
Vers la fin du Ier siècle de notre ère, l’apôtre Jean a entrevu dans une révélation divine le temps futur où la royauté de Jéhovah connaîtrait une nouvelle expression par l’entremise de son Fils. Comme à l’époque où David avait fait monter l’Arche à Jérusalem, on pourrait alors dire que Dieu ‘a pris sa grande puissance et a commencé à régner’. Il en serait ainsi parce que son Fils et Représentant royal entrerait dans une phase spéciale et plus complète de son règne. D’où cette proclamation: “Le royaume du monde est devenu le royaume de notre Seigneur et de son Christ, et il régnera à tout jamais.” Jésus Christ prendrait dès lors les mesures nécessaires pour supprimer tout ce qui, au ciel et sur la terre, s’oppose à la souveraineté de Dieu. — Rév. 11:15.
La première de ces mesures touche le ciel. Il s’agit d’une victoire sur Satan et ses démons, qui sont relégués dans le voisinage de la terre. Il en résulte cette nouvelle déclaration: “Maintenant sont arrivés le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et l’autorité de son Christ!” (Rév. 12:1-10). Pendant la courte période de temps qui lui reste, Satan, l’Adversaire principal de Dieu, continue à réaliser la prophétie de Genèse 3:15 en faisant la guerre au “reste” de la “postérité” de la femme, aux “saints” appelés à gouverner avec le Christ (Rév. 12:13-17; voir 13:4-7; Daniel 7:21-27). Les “justes décrets” de Jéhovah sont néanmoins manifestés, et ses jugements s’abattent comme autant de plaies sur ceux qui s’opposent à lui. Elles aboutissent d’abord à la destruction de la Babylone mystique, la principale persécutrice terrestre des serviteurs de Dieu (Rév. 15:4; 16:1 à 19:6). Par la suite, le Royaume de Dieu dirigé par le Messie Jésus envoie ses armées célestes contre les rois de tous les royaumes et leurs armées dans la guerre d’Har-Maguédon, qui s’achève par leur destruction (Rév. 16:14-16; 19:11-21). C’est ainsi qu’est enfin exaucée la requête: “Que ton royaume vienne! Que ta volonté se fasse, comme dans le ciel, aussi sur la terre!” (Mat. 6:10). Satan est alors jeté dans l’abîme, après quoi commence un règne de mille ans au cours duquel Jésus Christ et ceux qui sont unis à lui remplissent les fonctions de rois et de prêtres en faveur des habitants de la terre. — Rév. 20:1, 6.
L’apôtre Paul a aussi décrit la façon dont le règne du Christ s’exercerait durant la présence de celui-ci. Après avoir ressuscité ses disciples d’entre les morts, le Christ “réduit à néant tout gouvernement et toute autorité et puissance [en toute logique ceux qui s’opposent à la volonté souveraine de Dieu]”. Cela fait, “il remettra le royaume à son Dieu et Père”, en se soumettant lui-même “à Celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout pour tous”. — I Cor. 15:21-28.
Après cet événement, l’intégrité et la soumission de tous les sujets terrestres du Royaume subiront une dernière épreuve. L’adversaire de Dieu sera relâché de l’abîme. Comme en Éden, c’est la légitimité de la souveraineté divine qui sera remise en cause. C’est ce qui ressort du fait que ceux qui se laisseront séduire attaqueront “le camp des saints et la ville bien-aimée”. Puisque la question de la souveraineté aura été définitivement tranchée, le Tribunal céleste ne laissera pas la rébellion se prolonger. Tous ceux qui ne seront pas restés fidèlement attachés à Dieu ne pourront recourir à l’assistance rédemptrice de Jésus Christ. Jéhovah Dieu sera aussi “tout” pour eux, car son jugement sera sans appel et sans médiation. Tous les rebelles, hommes ou esprits, subiront la peine de la “seconde mort”, la destruction. — Rév. 20:7-15.