L’Église catholique en crise au Brésil
“L’ÉGLISE CATHOLIQUE CONNAÎT UNE CRISE GRAVE.” “DES BREBIS SANS BERGERS.”
Ces manchettes et autres expressions du même genre apparurent dans les journaux brésiliens comme autant de cris d’alarme pour l’Église catholique. La situation est un peu ironique, car selon un ouvrage portugais (Enciclopédia Mirador), le Brésil est le pays du monde qui possède “le plus grand nombre de catholiques”.
Pourquoi l’Église traverse-t-elle une crise que l’on juge “grave”? Pourquoi les catholiques brésiliens manquent-ils de direction?
UN REGARD SUR LA CRISE
Un simple regard sur la situation religieuse dans ce pays révèle les éléments de la crise. Au cours des dix dernières années seulement, 2 300 prêtres brésiliens ont abandonné les ordres. Au début de 1978, un journal a fait paraître une annonce demandant un prêtre pour une certaine région. Bien que le journal promit “de bonnes conditions de travail” et d’autres avantages, deux personnes seulement y ont répondu.
Le manque de direction spirituelle dans l’Église catholique a conduit de nombreux Brésiliens à quitter leur religion et à adopter d’autres formes de culte. Les religions orientales connaissent une popularité croissante. Souvent, les jeunes gens sont attirés par le rigoureux mode de vie monastique préconisé par ces religions. Il existe aussi une foule de cultes originaires d’Afrique qui menacent gravement de livrer le pays tout entier à des pratiques spirites. Montrant la gravité de cette menace, l’hebdomadaire Manchete fait le commentaire suivant:
“Aujourd’hui, beaucoup considèrent l’Umbanda [une forme brésilienne de spiritisme vaudou] comme la véritable religion de la nation. Son Collège délibératif compte sur 300 000 centres de culte répandus dans tous les États brésiliens. Le nombre de Umbandistas [les adeptes de ce culte] dans le pays est estimé à plus de trente millions.”
En outre, des millions de gens pratiquent d’autres formes de vaudou. Ils représenteraient 70 pour cent de la population du Brésil, qui compte plus de 110 millions d’habitants.
Puisque ce sont les Portugais qui ont implanté le catholicisme au Brésil et que les deux pays ont gardé des liens étroits, il serait approprié de jeter un coup d’œil sur ce qui se passe au Portugal. Concernant le manque préoccupant de prêtres catholiques au Portugal, on a pu lire les commentaires suivants dans la revue portugaise Opção:
“En ce moment, il y a 4 908 évêques et prêtres dans tout le pays. Mais ce nombre tend à décroître considérablement. (...) Cette situation est surtout due à la pénurie de séminaristes. Il est d’ailleurs rare de trouver un seul séminaire ouvert. La raison en est que les parents envoient maintenant leurs enfants dans les écoles techniques qui ont été ouvertes dans les régions rurales. Depuis 1974 il n’y a pas eu d’ordination dans le patriarcat et on n’en prévoit pas plus de six jusqu’en 1979.
“Les conditions sont telles que certains prêtres ont le sentiment d’être les survivants d’une espèce en voie de disparition. Un grand nombre célèbrent simplement la messe le dimanche, et en semaine ils vont à l’université ou font un travail profane. Ils craignent d’être obligés un jour ou l’autre de chercher un nouveau mode de vie (...).
“Se peut-il, comme les évêques l’affirment, que l’Église traverse une crise passagère? Ou bien est-ce plutôt une grave crise de structure? L’Église souffre depuis trop longtemps pour qu’on puisse parler de ‘crise passagère’.”
À LA RECHERCHE DE LA CAUSE
Telle est donc la situation de l’Église au Portugal. Mais pourquoi l’Église catholique au Brésil est-elle arrivée, elle aussi, à un état critique? Une des causes ressort nettement. Depuis quelques années, les prêtres et les évêques revendiquent des réformes sociales avec une vigueur croissante, et les catholiques sincères sont désorientés. Dans les États de culture et d’élevage du Mato Grosso, de Goiás et de Pará, qui comptent des multitudes d’ouvriers agricoles et d’Indiens miséreux, certains prêtres ont été arrêtés, accusés d’avoir fomenté des soulèvements.
Commentant l’immixtion du clergé catholique dans la politique, un haut fonctionnaire militaire a déclaré: “Au lieu de se faire les représentants ou les porte-parole des squatters, les prêtres et les évêques ont essayé de faire la loi eux-mêmes en incitant des groupes d’ouvriers agricoles à des actions illégales, telles que l’invasion de terres.” Dans des échauffourées de ce genre, deux prêtres ont perdu la vie.
Cette ingérence de l’Église catholique dans la politique a-t-elle apporté de véritables avantages? D’après le Jornal da Tarde de São Paulo, ce n’est pas le cas. Nous y lisons: “En abandonnant sa mission pour se vouer à des activités qui ne sont pas de son ressort, l’Église perd ses adeptes et n’a rien à offrir à ceux qu’elle souhaite courtiser, c’est-à-dire les hommes politiques. En même temps, les fidèles se trouvent dans la position de brebis sans bergers et, étant donné leur religiosité inhérente, ils se tournent vers des cultes syncrétiques [afro-catholiques].”
Derrière ces remous politiques suscités par l’Église, on observe un curieux changement de conception de la part de nombreux prêtres catholiques. Dans son livre O Diabo Celebra a Missa (“Le Diable célèbre la messe”), l’auteur catholique Salomão Jorge attire l’attention sur la déclaration suivante de l’archevêque Dom Geraldo Proença Sigaud: “On constate une infiltration toujours plus grande et plus dangereuse des idées marxistes et communistes dans les séminaires et les couvents.” Cette philosophie matérialiste a causé beaucoup d’agitation parmi les pauvres.
“À DES MILLIERS DE KILOMÈTRES”
La quinzième Assemblée plénière de l’épiscopat brésilien s’est réunie du 8 au 17 février 1977, à Itaici, près de São Paulo. Le programme était-il d’une nature spirituelle propre à raffermir la foi des catholiques brésiliens? Ce n’était certainement pas le cas, comme l’ont montré les remarques d’ouverture prononcées par Dom Aloísio Lorscheider, président de la Conférence. Il déclara: “Nous devons nous laisser guider et enseigner par le Saint-Esprit. La grande question est: Que dit le Saint-Esprit à l’Église du Brésil en ce moment précis de l’histoire?” On peut donc raisonnablement se demander: Comment des gens qui ne connaissent pas la réponse à cette question pourraient-ils satisfaire convenablement les besoins spirituels des fidèles? Un éditorial paru dans O Estado de S. Paulo déclare avec tristesse:
“Rien ne justifie l’espoir que les nombreux évêques réunis en assemblée prendront des décisions propres à conjurer la grave crise de l’Église dans le pays ou le manque de direction qui tourmente la conscience d’innombrables fidèles [catholiques] (...). Les membres distingués de la Conférence nationale des évêques du Brésil sont incapables de résister à la tentation de faire des questions politiques l’objet principal de leur attention. Leur désir de diriger les affaires civiles et de résoudre les problèmes temporels a la priorité dans leurs réunions. Pendant ce temps, la Maison confiée à leurs soins et à leur sollicitude pastorale sombre de plus en plus dans le désordre et le chaos.”
Comme prévu, cette assemblée d’évêques a concentré son attention sur des questions politiques. Après de nombreux débats, ces chefs religieux ont rédigé un document sur les “Exigences chrétiennes pour favoriser l’ordre politique”, qui a été publié une semaine après leur assemblée de 10 jours. L’article 25 de ce document déclare: “L’État a pour devoir de stimuler une participation consciente et responsable à la vie politique, sociale, culturelle et économique (...). Par sa mission divine, l’Église a reçu le droit et le devoir de coopérer à cette tâche.” À propos de cette déclaration, un éditorialiste du O Estado de S. Paulo a fait le commentaire suivant: “On peut se demander si (...) l’Assemblée plénière de l’épiscopat brésilien ne se trouve pas à des milliers de kilomètres de la route qu’elle devrait suivre.”
LE POINT DE VUE BIBLIQUE:
Quel est le point de vue biblique concernant les chrétiens qui participent aux affaires politiques? Dans une prière, Jésus Christ déclara à propos de ses vrais disciples: “Ils ne font pas partie du monde, comme je ne fais pas partie du monde.” (Jean 17:16). Quand le gouverneur romain Ponce Pilate le questionna au sujet de son autorité royale, Jésus répondit: “Mon royaume ne fait pas partie de ce monde. Si mon royaume faisait partie de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais voilà, mon royaume ne vient pas de là.” — Jean 18:36.
Vous rappelez-vous comment Jésus réagit lorsque certains hommes, reconnaissant sa puissance miraculeuse, voulurent qu’il régnât sur eux? Nous lisons dans la Bible: “Jésus donc, sachant qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire roi, se retira de nouveau dans la montagne, tout seul.” (Jean 6:15). Quoique Jésus eût le pouvoir de faire beaucoup de bien à l’humanité, il refusa de devenir un chef politique. Il savait en effet que le Royaume de Dieu était, non terrestre, mais céleste.
Il est intéressant de noter l’importance que les chrétiens du début de notre ère accordaient à ce point de vue biblique. Nous lisons dans le livre Le christianisme et le gouvernement romain (angl.):
“Les chrétiens étaient des étrangers et des pèlerins dans le monde qui les entourait. Leur cité était dans le ciel; le royaume qu’ils espéraient n’était pas de ce monde. C’est ainsi que dès le début, le christianisme se caractérisait par l’indifférence de ses adeptes envers les affaires publiques.”
Au lieu d’exhorter ses disciples à prendre part aux mouvements pour les droits civiques et autres activités politiques, Jésus leur enseigna à prier ainsi: “Notre Père qui es dans les cieux (...)! Que ton royaume vienne! Que ta volonté se fasse, comme dans le ciel, aussi sur la terre!” (Mat. 6:9, 10). Selon la Bible, bientôt ce Royaume “écrasera et mettra fin à tous ces royaumes [terrestres actuels], et lui-même subsistera jusqu’à des temps indéfinis”. (Dan. 2:44.) Ce n’est donc pas l’homme, mais Dieu qui débarrassera la terre des injustices sociales et autres maux.
L’Église catholique et les autres Églises de la chrétienté n’ont pas tenu compte de ces enseignements bibliques. Elles ont donc agi à leur guise et ont essayé de résoudre les problèmes du monde à leur façon. Voilà la cause principale de la crise qu’elles traversent.
“‘Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies’, telle est la déclaration de Jéhovah. ‘En effet, comme les cieux sont plus hauts que la terre, ainsi mes voies sont plus hautes que vos voies, et mes pensées [plus hautes] que vos pensées. De même, en effet, que la pluie torrentielle descend des cieux, ainsi que la neige, et n’y retourne point si elle ne sature pas la terre et ne la fait pas produire et germer, et si la semence n’est pas donnée au semeur et le pain à celui qui mange, ainsi s’avérera être la parole qui sort de ma bouche. Elle ne retournera pas à moi sans résultats, mais, à coup sûr, elle exécutera ce à quoi j’ai pris plaisir, et assurément elle aura du succès dans ce pour quoi je l’ai envoyée.’” — Ésaïe 55:8-11.