Chapitre 12
Livrés à la captivité
THOMAS: La semaine dernière, Jean, vous avez fait mention d’un effort déployé par l’ensemble de vos ennemis pour annihiler l’œuvre des témoins de Jéhovah. Que s’est-il passé?
JEAN: L’œuvre fut pour ainsi dire stoppée, Thomas. Naturellement, certains témoins purent poursuivre leur activité de prédication, à titre individuel, au cours de cette époque critique; mais il y eut un moment d’inactivité sur le plan de l’organisation. Les événements qui précédèrent cette période devaient atteindre leur point culminant après la rébellion observée au siège de la Société, à Brooklyn, en été 1917.
Pour parachever l’année 1917, le 30 décembre avait été choisi pour inaugurer, grâce au service volontaire du dimanche, la diffusion massive (10 000 000 d’exemplaires) d’un nouveau tract mensuel de quatre pages intitulé L’Étudiant de la Bible. Cette édition avait pour titre “La chute de Babylone — Pourquoi la chrétienté doit souffrir à présent — L’issue finalea”. Elle contenait des extraits du Mystère accompli faisant allusion au clergé d’une manière des plus directes. Le même jour, et sur le même sujet, aux fins de soutenir cette campagne, on prononça une conférence annoncée à grand renfort de publicitéb.
Ce tract se révéla être l’une des éditions mensuelles les plus efficaces qui aient été répandues par millions depuis 1910. Il démontrait que les organisations religieuses, catholique et protestante, étaient unies pour former la Babylone moderne qui doit bientôt sombrer dans l’oubli. Au verso de ce tract figurait un croquis représentant un rempart ou muraille en train de s’écrouler. Les blocs tombaient, les uns après les autres; ils portaient les inscriptions suivantes: “Protestantisme”, “Croyances”, “Théorie des tourments éternels”, “Doctrine de la trinité”, “Le mal n’existe pas”, “Ni la douleur”, “Ni la mort”, “Ni le Diable”, “Succession apostolique”, “La fin justifie les moyens”, “Baptême des nouveau-nés”, “La confession”, “Le purgatoire”, “Vente des indulgences”, et bien d’autres encore. La chute de ces pierres représentait l’échec de ces fausses doctrines incapables de dispenser une nourriture spirituelle solide.
THOMAS: Le clergé n’a pas dû accepter de bon gré pareil traitement!
JEAN: En effet. Il fut tellement courroucé par cette dénonciation virulente qu’il s’empara de certaines déclarations parues dans Le mystère accompli, alors largement répandu, dans le but précis de mettre fin à la Société. On prétendit que ces déclarations étaient de nature à engendrer la sédition. Bien que le Canada et les autres pays fussent déjà en guerre depuis 1914, ce livre avait été rédigé et devait être diffusé avant même que les États-Unis ne soient entrés en guerre le 6 avril 1917. L’ouvrage en question parut en juillet 1917.
Depuis l’automne de 1914, les témoins de Jéhovah prêchaient dans le deuil et l’opprobre, comme cela avait été prédit dans Révélation 11:3. L’opposition des chefs religieux avait été sévère, mais après la distribution du tract La chute de Babylone, elle était devenue violente. Non seulement ces dirigeants de la chrétienté voulaient faire disparaître la Société, mais encore, à l’exemple de la hiérarchie juive du temps de Jésus, ils désiraient que l’État accomplisse le côté sordide du travail à leur place. Le 12 février 1918 vit le déclenchement de la réaction gouvernementale contre la Société, le Canada étant en tête. À cette date, l’activité de la Société Watch Tower fut interdite. Une dépêche parue dans les journaux de l’époque disait entre autres:
Le Secrétaire d’État, s’autorisant des prescriptions sur la censure, a publié des ordres interdisant la possession au Canada d’un certain nombre de publications, parmi lesquelles figure le livre publié par l’Association internationale des Étudiants de la Bible, intitulé “ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli”, généralement reconnu comme la publication posthume du pasteur Russell. De même, la diffusion de l’Étudiant de la Bible, publié également par cette Association, est interdite au Canada. La possession de l’un quelconque de ces livres prohibés expose son possesseur à une amende n’excédant pas 5 000 dollars et à cinq ans de prisonc.
Plus tard, la Tribune de Winnipeg (Canada), après avoir mentionné l’ordre d’interdiction rapporté ci-dessus, déclara:
On accuse ces publications de contenir des déclarations séditieuses et contre la guerre. C’est le Rév. Charles G. Paterson, pasteur de l’Église St-Étienne, qui, il y a quelques semaines, dénonça, du haut de la chaire, des extraits de l’un des récents numéros de l’Étudiant de la Bible. Par la suite, le procureur général Johnson envoya chercher un exemplaire de la publication chez le Rév. Paterson. On croit que l’ordre de la censure en est le résultat directd.
CONSPIRATION CONTRE LA VÉRITÉ SUSCITÉE PAR LE CLERGÉ
THOMAS: Il semble bien que le clergé canadien ait été à l’origine de cette interdiction.
JEAN: Cela ne laisse aucun doute. Une série de manœuvres inspirées par le clergé fut mise en branle. Elles avaient pour but de contraindre les gouvernements respectifs des États-Unis et du Canada à écraser la Société Watch Tower et ses collaborateurs.
THOMAS: Que fit le gouvernement des États-Unis? Il n’interdit tout de même pas la Société à son tour, n’est-ce pas?
JEAN: Non, mais suite aux opérations entreprises au Canada, et toujours en ce mois de février, le commencement de la conspiration internationale devint manifeste. Le service du contre-espionnage de l’armée des États-Unis à New York perquisitionna au siège de la Société. On avait accusé celle-ci de sédition, la suspectant d’entretenir des relations avec l’ennemi allemand. C’était là un chef d’accusation très grave, puisque, à cette époque, les États-Unis étaient en guerre contre l’Allemagne et les Empires centraux. On avait formulé une déclaration mensongère, en rapportant au gouvernement des États-Unis que le Béthel de Brooklyn servait de centre de transmission pour les messages destinés au gouvernement allemand.
LOÏS: Comment cela? Par un réseau international d’“espionnage”?
JEAN: Non. L’accusation était bien plus ridicule. En 1918, voyez-vous, quatre bonnes années avant les transmissions radiophoniques, les communications par fil et le service du télégraphe avaient été étendus au monde occidental dans sa totalité; or, dès avant 1915, on avait expérimenté les communications sans fil. Ce procédé ne s’était pas avéré efficace, les messages codés ne pouvant être transmis qu’à une faible distance. En 1915, frère Russell s’était vu offrir un petit récepteur sans fil. Bien que pour sa part il n’y ait trouvé guère d’intérêt, d’autres membres du Béthel, en revanche, avaient posé une petite antenne sur le toit de l’immeuble afin de capter des messages, sans grand succès toutefois. En 1918, cet appareil récepteur fut confiné dans un réduit. Aucun message n’avait jamais été émis à partir du Béthel. En 1918, lorsque deux membres du service de contre-espionnage vinrent inspecter le Béthel, on les conduisit sur le toit afin de leur faire voir l’ancien emplacement du récepteur sans fil. Puis les frères leur montrèrent l’instrument lui-même, tout emballé. Ils permirent volontiers à ces hommes d’emporter le récepteur et d’ôter l’antenne. Il était bien évident que l’ensemble n’avait pas servi depuis longtempse.
La phase suivante se produisit le dimanche 24 février 1918, lorsque frère Rutherford prononça pour la première fois le discours qui, par la suite, devait avoir pour titre “Des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. Cela se passait à Los Angeles, en Californief. Le jeudi d’après, soit le 28 février, des agents du gouvernement firent irruption dans la grande salle de réunions et dans les locaux de la congrégation de Los Angeles et confisquèrent les publications de la Société. Suite à leur appel sous les drapeaux, plus de vingt témoins étaient déjà détenus dans certains camps et certaines prisons militairesg.
CONTRE-ATTAQUE MENÉE PAR LES “NOUVELLES DU ROYAUME”
LOÏS: La Société ne pouvait-elle rien faire pour démasquer le véritable responsable de cet état de choses?
JEAN: En fait, le 15 mars 1918, la Société décida de riposter à l’attaque du clergé en révélant la pression exercée par celui-ci, pression qui se faisait maintenant sentir de tous les côtés. On décida de publier un nouvel ouvrage intitulé Nouvelles du Royaume (No 1). L’Étudiant de la Bible ne paraissait plus; aussi proposa-t-on ce nouvel écrit adapté aux événements du moment pour susciter de l’indignation auprès du public, tant aux États-Unis qu’au Canada et en Angleterre.
La diffusion de ce nouveau tract commença à New York le 15 mars 1918. Son en-tête faisait paraître, entre autres, le texte “Le Royaume des cieux s’est approché”, ainsi que la référence de Matthieu 3:2. Sur la partie gauche du tract figuraient dans un cadre les mots “Édité pour faire progresser la connaissance chrétienne” et “Enseignez toutes les nations”. À droite, on pouvait lire: “Consacré aux principes de la tolérance religieuse et à la liberté chrétienne”. Le titre s’étalait sur six colonnes; il s’intitulait “Intolérance religieuse — Les disciples du pasteur Russell persécutés parce qu’ils annoncent la vérité au peuple — La manière dont les Étudiants de la Bible sont traités rappelle l’‘âge des ténèbres’”. Un verset biblique venait ensuite, imprimé en caractères plus petits: “Un esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.” Puis étaient exposés les faits relatifs à la persécution et à l’interdiction de l’œuvre qui avaient commencé au Canada. Ce tract démasquait le clergé, déclaré responsable de vouloir détruire les témoins dans ce paysh. Il présentait également un rapport sur la persécution endurée par les témoins en Allemagne.
LOÏS: Puisque les témoins étaient aussi persécutés en Allemagne, les gens auraient dû comprendre que vous n’étiez pas proallemands.
JEAN: Beaucoup le savaient bien. Mais il faut vous souvenir, Loïs, que les sentiments s’exaltent vite, et que les témoins de Jéhovah constituaient une minorité impopulaire. Pourtant, à propos du service militaire aux États-Unis, les témoins avaient formulé la déclaration suivante:
Nous reconnaissons, dans le gouvernement des États-Unis, une institution politique et économique qui, de par sa loi fondamentale, détient le pouvoir et l’autorité de déclarer la guerre et d’enrôler ses citoyens pour accomplir un service militaire. Nous ne sommes pas qualifiés pour faire obstacle à la conscription ou à la guerre de quelque manière que ce soit. Le fait que certains de nos membres aient cherché à tirer profit de la protection offerte par la loi a servi de prétexte à une autre vague de persécution.
Le No 1 des Nouvelles du Royaume exposait également le point de vue des étudiants de la Bible vis-à-vis de la guerre. Il présentait en outre un compte rendu sur le récepteur que le gouvernement avait fait enlever du Béthel et sur les recherches infructueuses entreprises au siège de la Société. Cet imprimé donnait en conclusion un rapport sur le septième volume, Le mystère accompli, ainsi que sur l’opinion du clergé à son sujet. La quasi-totalité de la dernière page de ce tract était consacrée à une annonce qui encourageait les habitants de la ville de New York à assister à une conférence présentée le 24 mars. Cette annonce était ainsi rédigée: “‘Le monde a pris fin! Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir!’ — Discours public de Me J. F. Rutherford, membre du barreau de l’État de New York.” Ce discours, celui-là même que frère Rutherford avait prononcé pour la première fois à Los Angeles au mois de février de la même année, attira une assistance de 3 000 personnesi. Il suscita un grand intérêt parmi le public et se révéla être le premier enseignement dispensé publiquement à une grande foule de personnes invitée à sortir de la Babylone moderne avec la perspective d’acquérir la vie éternelle. Nombreux furent ceux qui tinrent compte de cet avertissement à cette époque.
Vous vous souvenez que la parution du Mystère accompli en juillet 1917 avait provoqué une scission parmi les membres du Béthel, scission qui s’était étendue à un grand nombre de congrégations. Malgré cela, les oints restés fidèles poursuivirent leur activité et, plus tard, Rutherford rapporta qu’au cours de l’année 1918, 7 000 témoins avaient pris part à la diffusion du Mystère accomplij. D’autres avaient distribué des tracts et des invitations à domicile et avaient rendu un témoignage verbal.
LOÏS: Ces témoins devaient vraiment posséder une conviction profonde pour s’ériger ouvertement contre les systèmes religieux populaires, étant donné la vive opposition dont ils faisaient l’objet.
JEAN: Il leur fallait du courage et la foi pour répandre ces Nouvelles du Royaume par tout le pays. La colère des chefs religieux s’était déjà exercée contre la Société Watch Tower; à présent, toute autre manifestation de la part des témoins devait obligatoirement attirer une intensification de la persécution du clergé. Mais les témoins comprenaient que les gens devaient connaître les faits pour assurer leur propre protection. Chacun avait son rôle à jouer dans le dessein de Dieu. Ainsi, même s’il était impossible de faire cesser les attaques du clergé contre la Société, il s’avérait nécessaire de le dénoncer.
LA CONTRE-OFFENSIVE PREND DE L’AMPLEUR
La célébration annuelle du repas du Seigneur pour 1918 était passée, et le 15 avril était arrivé. Le même jour a paru le tract Nouvelles du Royaume (No 2). Il contenait un message encore plus puissant contre la conspiration politico-religieuse qui avait pour but la destruction de la Société. L’audacieux en-tête disait: “Le mystère accompli et la raison de son interdiction. — Le clergé y est pour quelque chose.” Ce journal dévoilait l’action du clergé qui encourageait les instances gouvernementales à harceler la Société, à procéder à des arrestations, à s’élever contre Le mystère accompli et à pousser les frères à supprimer certaines pages du livre, ce qui constituait en réalité un compromis. Ce journal expliquait pourquoi le clergé s’opposait aux témoins avec une telle virulence et dépeignait la nature réelle de leur action: l’intolérance religieuse. Cette édition des Nouvelles du Royaume répétait ce qu’était la position adoptée par les témoins à propos de la guerre et expliquait leur croyance sur ce qui constituait à leurs yeux la vraie Église. Démontrant la portée internationale de cette conspiration, les Nouvelles du Royaume (No 2) publiaient la citation d’un journal de Copenhague, au Danemark, qui approuvait la persécution des témoins allemands par le clergé. On y lisait:
Avertissement contre la secte du millénium. Le Consistoire de Kiel (Holstein, Allemagne) attire l’attention des prêtres (luthériens) sur l’activité déployée par la secte du millénium qui s’intitule “Watch Tower Bible and Tract Society” et aussi “Association des Étudiants de la Bible”. Le ministère de la Guerre de l’Empire nous a récemment demandé de surveiller étroitement les activités de cette secte, activités qui consistent à vendre les écrits de son fondateur décédé il y a peu de temps, le pasteur Russell de Brooklyn, en Amérique du Nord, au moyen d’une propagande incessante soutenue par l’argent américain. Le Consistoire attire donc l’attention des prêtres sur cette secte et leur demande d’agir contre elle et de rapporter au Consistoire leurs observations sur ses activités dangereuses.
Cette fois, les frères sont allés encore plus loin dans leurs efforts pour neutraliser l’influence du clergé. En relation avec la distribution de ce numéro des Nouvelles du Royaume, ils firent circuler une pétition adressée à Wilson, président des États-Unis.
Nous, les Américains soussignés, estimons que toute intervention du clergé dans l’étude biblique indépendante est un acte d’intolérance non chrétien et contraire à l’esprit de l’Amérique, et que toute tentative pour unir l’Église et l’État est une erreur fondamentale. Dans l’intérêt de la liberté religieuse et de la liberté tout court, nous protestons solennellement contre la suppression du Mystère accompli et prions le Gouvernement de lever toutes les restrictions concernant son utilisation, de sorte qu’il soit permis aux gens, sans molestation ou ingérence de la part de qui que ce soit, d’acheter, de vendre, de posséder et de lire ce guide bibliquek.
Tandis que l’ennemi se préparait à frapper le coup décisif dans l’espoir de faire taire les témoins pour toujours, la Société publiait, le 1er mai 1918, le troisième numéro des Nouvelles du Royaume. Celui-ci portait cet en-tête significatif: “Deux grandes batailles font rage — Chute de l’autocratie certaine — La stratégie satanique vouée à l’échec — La naissance de l’antichrist”. Ce tract traitait surtout de la Postérité promise qui se dresse contre la postérité de Satan. Décrivant l’antichrist depuis sa naissance jusqu’aux agissements actuels des membres apostats du clergé tant protestant que catholique, ce tract révélait que ces agents du Diable étaient prêts à détruire le reste de la postérité du Christ, les oints qui suivaient les traces de Jésus.
Dans un compte rendu qu’il rédigea des années plus tard, le juge Rutherford rapporta les déclarations que lui avait faites le général James Franklin Bell, commandant de Camp Upton, Long Island, New York. Bell parla à Rutherford d’une conférence d’ecclésiastiques qui s’était tenue en 1917 à Philadelphie, en Pennsylvanie. Ces ecclésiastiques avaient constitué un comité chargé de se rendre à Washington dans le but de proposer un amendement à la loi contre l’espionnage. Si celui-ci avait été entériné, toute infraction à ladite loi aurait fait l’objet d’une comparution devant un tribunal militaire avec, pour sentence, la peine de mort. Puis, d’un ton chargé de ressentiment, Bell dit à Rutherford: “Ce projet de loi n’est pas passé, car Wilson s’y est opposé, mais nous savons comment vous atteindre, et nous nous y emploieronsl!”
ARRESTATION DES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ
LOÏS: C’était là une menace ouverte, n’est-ce pas?
JEAN: Oui, et pas des moindres. Quelques jours seulement après la parution du troisième numéro des Nouvelles du Royaume, le tribunal du district est de New York lança des mandats d’arrêt contre les huit principaux serviteurs de la Société, au Béthel. Il s’agissait de J. F. Rutherford, de W. E. Van Amburgh, de A. H. Macmillan, de R. J. Martin, de C. J. Woodworth, de G. H. Fisher, de F. H. Robison et de G. DeCecca. Cela se passa le 7 mai 1918. Ce jour-là prirent fin les quarante-deux mois ou 1 260 jours de Révélation 11:2, 3. Cette période au cours de laquelle le témoignage s’est pour ainsi dire poursuivi alors que les témoins étaient revêtus de “sacs”, symboles de deuil, a commencé au cours de la première quinzaine du mois de novembre 1914. Trois ans et demi après, l’œuvre de témoignage était tuée par la “bête sauvage” symbolique de Satan, prédite dans Révélation 11:7. Le lendemain, soit le 8 mai, les mandats furent signifiés aux accusés par un huissier nommé Power, puis les huit hommes furent traduits devant le tribunal fédéral que présidait le juge Garvin. Ils étaient accusésa
de conspirer illégalement et traîtreusement, de se liguer, de comploter et de s’entendre avec diverses autres personnes, inconnues desdits membres du jury d’accusation, pour commettre un certain crime contre les États-Unis d’Amérique, à savoir: le crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’insubordination, la déloyauté et le refus d’obéissance aux forces navale et militaire des États-Unis d’Amérique quand ces derniers étaient en guerre (...) au moyen de sollicitations personnelles, de lettres, de discours publics, en distribuant et en faisant circuler parmi le public un certain livre appelé “Volume VII. Études des Écritures. Le mystère accompli”, et en distribuant et faisant circuler parmi le public dans tous les États-Unis certains articles imprimés dans des tracts appelés “L’Étudiant de la Bible”, “La Tour de Garde”, “Nouvelles du Royaume” et d’autre pamphlets non désignésb.
Se faisant l’interprète des sentiments de tout le clergé devant la tournure qu’allaient prendre les événements, le périodique catholique de Brooklyn The Tablet a publié, le 11 mai, cette sinistre prophétie: “Nouvelles du Royaume répandu partout — Il se peut que certains aillent en prison.”
THOMAS: Cette manchette donnait l’impression que la distribution des Nouvelles du Royaume les avait quelque peu indisposés.
JEAN: L’article catholique poursuit ainsi:
Joseph F. Rutherford et quelques-uns de ses collègues devront probablement passer leurs mois d’été dans une villa où ils seront à l’abri de la populace qui les insulte en leur demandant d’acheter des “liberty bonds” [obligations d’un emprunt de guerre]. (...) Il est très intéressant de noter que Rutherford, et tous ceux de son espèce qui se font un plaisir d’entrer dans des convulsions contre l’Église [catholique], sont toujours poursuivis par les agents du gouvernement. Il semble que l’anti-catholicisme et l’antiaméricanisme vont de pair.
Quoi qu’il en soit, le procès était fixé au lundi 3 juin. Le juge Garvin, tout d’abord désigné pour s’occuper de l’affaire, était partial et demanda à être excusé. L’affaire fut automatiquement confiée au juge Chatfield qui fut lui aussi écarté. Finalement le gouvernement fit venir du Vermont le juge Harlan B. Howec. Le procès dura quinze jours, et l’on recueillit un grand nombre de témoignages. L’on démontra plus tard que le procès renfermait plus de 125 vices de forme, dont seulement quelques-uns auraient suffi à la Cour d’appel pour condamner toute la procédure comme étant arbitraired.
CONDAMNÉS À QUATRE-VINGTS ANS
Souvenez-vous que c’étaient les années de guerre. Les fanfares jouaient et des soldats défilaient dans les rues près de Borough Hall, à Brooklyn. L’opinion publique accordait ses suffrages à tout ce qui soutenait l’effort de guerre. Il n’y a rien d’étonnant à ce que le procès intenté contre les “Étudiants de la Bible”, taxés de sédition et objets de la controverse, ait fortement attiré l’attention. Finalement, le jeudi 20 juin, le jury rendit un verdict de culpabilité. Le 21 juin, tout au début de l’après-midi, sept d’entre les frères furent condamnés à une peine d’emprisonnement de quatre-vingts ans, vingt années pour quatre chefs d’accusation différents, avec confusion des peines. Les frères devaient purger leur peine au pénitencier fédéral d’Atlanta, en Georgie (États-Unis)e. Plus tard, Giovanni DeCecca fut condamné à dix ans pour les quatre mêmes chefs d’accusation.
En condamnant les sept responsables de la Société, le juge qui prononça la sentence déclara:
En temps normal, toute personne qui prêche une religion exerce une influence considérable, mais si elle est sincère, elle est d’autant plus efficace.
Commentant ces événements, le New York Post du 21 juin 1918 dit dans son éditorial:
Après avoir prononcé ces paroles, le juge H. B. Howe, du tribunal de district des États-Unis, à Brooklyn, condamna à vingt ans de prison chacun les membres de cette religion qui comparaissaient devant lui. Il déclara qu’il s’avérait nécessaire de faire un exemple de ces gens qui enseignaient sincèrement cette religion, lesquels, à l’instar des Mennonites, des Quakers et de nombreuses autres sectes, interdisent le port des armes. Ils s’étaient rendus coupables d’avoir poussé des hommes à suivre ce qu’ils pensaient être la doctrine du Seigneur et d’appliquer à la lettre le commandement qui stipule: “Tu ne tueras point.” Le jury n’avait donc d’autre alternative que de les reconnaître coupables d’avoir violé les statuts du pays, quelle que soit leur attitude, correcte ou non, vis-à-vis de la morale et de la loi religieuse. Nous avons la conviction que ceux qui se chargent d’enseigner une religion retiendront l’opinion de ce juge selon laquelle prôner une religion, exception faite de celle qui est en parfaite harmonie avec la loi, est un crime grave, encore aggravé si, tout en étant ministre de l’Évangile, il vous arrive en plus d’être sincère. Il ne fait pas de doute que les condamnations prononcées par le juge Howe ont été très sévères; elles le sont deux fois plus que celles infligées par le Kaiser aux socialistes qui ont tenté de renverser son régime inique, et sont trois fois plus fortes que toutes celles qu’ont encourues les régicidesf.
Dans son compte rendu de leur condamnation, le New York Tribune du 22 juin 1918 rapporta ce qui suit:
Joseph F. Rutherford et six autres “Russellistes”, convaincus d’avoir violé la loi sur l’espionnage, furent condamnés hier, par le juge Howe, à vingt ans d’emprisonnement au pénitencier d’Atlanta. “C’est le plus heureux jour de ma vie”, a déclaré M. Rutherford sur le chemin conduisant du tribunal à la prison; “subir un châtiment terrestre pour sa croyance religieuse est l’un des plus grands privilèges qu’un homme puisse avoir”. Les familles et les amis intimes des accusés se sont livrés à la plus étrange des démonstrations qu’on ait jamais vues au bureau du greffier du tribunal fédéral de Brooklyn, aussitôt après que les prisonniers eurent été amenés dans la salle du jury d’accusation. Tout le groupe fit résonner le vieux bâtiment des accents de “Béni soit le lien qui unit”. “C’est bien la volonté de Dieu”, se disaient-ils, et leurs visages rayonnaient presque. “Un jour le monde connaîtra ce que tout cela signifie. En attendant, soyons reconnaissants envers Dieu pour sa grâce qui nous a soutenus à travers nos épreuves, et attendons avec joie le Grand Jour qui doit venir.”
À deux reprises, les frères condamnés ont essayé d’obtenir leur mise en liberté provisoire sous caution; celle-ci leur a été refusée, d’abord par le juge Howe et, plus tard, par le juge Martin T. Manton. Pendant que ces démarches étaient faites, les frères étaient emprisonnés à Brooklyn. Le 3 juillet, la veille de leur transfert à la prison fédérale d’Atlanta, frère Rutherford a écrit une lettre aux frères chargés de la direction des affaires du Béthel. Ses paroles d’encouragement étaient complétées par l’avertissement suivant:
On nous a fait connaître que sept personnes qui s’étaient opposées à la Société et à son œuvre au cours de l’année dernière assistaient au jugement, et qu’elles prêtèrent leur aide à nos persécuteurs. Nous vous mettons en garde, bien-aimés, contre les efforts subtils de certaines d’entre elles pour vous flatter servilement maintenant, afin d’essayer de mettre la main sur la sociétég.
Un incident marquant du procès fut l’accusation du témoin William F. Hudgings, taxé d’outrage à magistrat. À la barre, Hudgings témoigna qu’en aucune occasion il n’avait surpris deux des défendeurs en train d’écrire, sur quoi la cour qualifia son témoignage de mensonger et le condamna à six mois de prison.
THOMAS: Ce traitement me paraît nettement arbitraire!
JEAN: N’est-ce pas? Mais finalement, une ordonnance d’habeas corpus fut rendue par la Cour suprême des États-Unis et Hudgings fut libéré sous caution. En octroyant la demande de l’ordonnance d’habeas corpus, le premier président White, selon ce qu’en dit le New York Evening Sun, qualifia d’“outrageux” l’emprisonnement de William Hudgings. Ce journal déclarait:
Aujourd’hui, à Brooklyn, sur ordre du premier président White de la Cour suprême des États-Unis, William F. Hudgings, secrétaire de la Watch Tower Bible Student’s Society, emprisonné pour outrage à la cour depuis le 11 juin, a été relâché sous caution. White qualifia l’incarcération de Hudgings d’“outrageuse, déloyale et injustifiée”.
Ceci ne constitue qu’un exemple du tort causé par le juge de cette cour durant le procès, sans parler du parti pris dont il a fait montreh.
ON CONTINUE À PERSÉCUTER LES CHRÉTIENS
LOÏS: Cette période d’épreuve a dû être sévère pour les témoins de Jéhovah. Quel traitement ont-ils subi dans le reste du pays?
JEAN: La persécution était intense. Peu après les événements rapportés plus haut, au début de 1919, on publia un tract intitulé “L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible”. Nous lui avons déjà emprunté plusieurs citations. Ce tract fournit un rapport détaillé de l’opposition manifestée tant par le clergé que par les laïcs: La fausse accusation de sédition lancée contre les frères, la campagne des Nouvelles du Royaume que nous venons de considérer et, pour finir, la persécution endurée par les témoins de Jéhovah dans tous les États-Unis. Un traitement analogue était réservé aux témoins au Canada, aussi bien qu’ailleurs, y compris en Allemagne. Voici le rapport de quelques atrocités qui ont été commises:
Partout dans le pays, les Étudiants internationaux de la Bible ont souffert la persécution en raison de leur fidélité au Seigneur et de leur zèle à faire connaître les bénédictions que le Royaume doit dispenser à l’humanité. Dans une ville de l’État de l’Oregon, le maire et deux ecclésiastiques organisèrent un attroupement, chassèrent de la ville l’un des conférenciers de l’Association et le suivirent jusqu’à la ville voisine. Le conférencier parvint à s’échapper, mais les émeutiers s’emparèrent de son compagnon et l’enduisirent de graisse et de goudron.
Dans l’État de Washington, un étudiant de la Bible fut condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir envoyé par la poste un exemplaire du MYSTÈRE ACCOMPLI. À Globe, dans l’Arizona, deux hommes furent chassés de la ville, finalement rattrapés et jetés en prison parce qu’ils possédaient des exemplaires du MYSTÈRE ACCOMPLI. À San Bernardino, en Californie, trois hommes et une femme (chargés de répandre ces livres) furent arrêtés et condamnés à trois ans de prison parce qu’ils vendaient LE MYSTÈRE ACCOMPLI, simple commentaire de la Bible, et ce après que les pages litigieuses avaient été enlevées. À Oklahoma City, des colporteurs furent enduits de goudron, couverts de plumes et battus à coups de gourdin. Dans l’Arkansas, une dame fut arrêtée et jetée dans une prison sordide où elle resta quelques jours. Dans ce même État, un homme et sa femme furent emprisonnés pendant des journées entières, sans même qu’aucune accusation ait été prononcée à leur encontre. Dans d’autres lieux, certains furent conduits de nuit à des cours d’eau, plongés dans l’eau glacée, et tout dans leur habitation fut détruit. Dans le Colorado, un homme portant l’uniforme d’un officier dispersa des gens réunis pour une étude paisible de la Bible. À Wheeling, en Virginie occidentale, des fonctionnaires menacèrent d’emprisonner des étudiants de la Bible s’ils ne leur remettaient pas tous leurs livres de la série ÉTUDES DES ÉCRITURES.
À Los Angeles, des ecclésiastiques se vantèrent de faire arrêter les étudiants de la Bible et de les garder en captivité. Certains de ces membres du clergé rendirent visite aux propriétaires d’appartements, les incitant à expulser les locataires qui étaient membres de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Dans cette même ville, on s’en prit au siège des Étudiants de la Bible et l’on y saisit et enleva toutes leurs publications, y compris les Bibles et recueils de cantiques. Vingt-six étudiants furent arrêtés pour avoir détenu LE MYSTÈRE ACCOMPLI et les NOUVELLES DU ROYAUME; ils durent dépenser beaucoup d’argent et consacrer un temps considérable pour assurer leur défense devant le tribunal. Le procès amena le renvoi du jury et ces hommes sont encore en ce moment sous caution, dans l’attente d’un second jugement. À Portland, dans l’Oregon, un étudiant de la Bible fut arrêté et tenu captif pendant vingt-quatre heures. L’affaire fut rayée du rôle par le Commissaire des États-Unis en raison de son caractère manifestement outrageux.
Un évangéliste de renom déclara: “Voilà trente ans que nous essayons d’avoir raison de ces Russellistes et, à présent, nous y sommes parvenus.”
L’Institut biblique de Los Angeles, dirigé par le Dr Torrey, a persévéré dans la persécution des Étudiants internationaux de la Bible, tant du haut de la chaire que par l’usage de pamphletsi.
Voici quelques autres cas extraits d’un rapport détaillé relatant la persécution sévère que les témoins endurèrent au cours de cette période:
Le 30 avril 1918, à Mammoth Spring, dans l’Arkansas, la foule s’en prit à Madame Minna B. Franke, qui fut contrainte de solder des marchandises d’une valeur de 10 000 dollars en un seul jour, et de quitter la ville. À Garfield, dans l’État de Washington, Donald Main et Monsieur Ish furent mis en prison et menacés de mort. À Minerva, dans l’Ohio, S. H. Griffin fut d’abord emprisonné puis relâché; le ministre local lui fit ensuite un sermon d’un quart d’heure, après quoi les émeutiers le frappèrent à coups répétés, l’injurièrent, lui donnèrent des coups de pied, le piétinèrent, le menacèrent de le pendre et de le noyer, le chassèrent de la ville, lui crachèrent dessus, le firent tomber à plusieurs reprises, le piquèrent avec un parapluie, le suivirent sur la distance de neuf kilomètres les séparant de Malvern (Ohio), l’arrêtèrent de nouveau, l’emprisonnèrent à Carrollton et, pour finir, deux personnalités courageuses et fidèles, après avoir examiné ses publications, le ramenèrent chez lui en disant: “Nous ne trouvons pas de faute en cet homme.” (...)
Le 14 mars 1918, à Pomona, en Californie, J. Eagleston fut confiné dans un cachot où il resta pendant quinze jours; durant quatre jours il n’eut ni lit ni matelas, et presque pas de couvertures ni de nourriture. Lorsque le jury désapprouva ce traitement, à cinq voix contre sept, le juge déclara en pleine audience: “S’il n’est pas de loi pour régler de tels cas, ce sera le peuple américain, s’il le faut, qui sera souverain en la matière.” Qu’est-ce que ce juge voulait donc que fasse le peuple américain?
Le 17 avril 1918, à Shawnee, dans l’Oklahoma, G. N. Fenn, George M. Brown, L. S. Rogers, W. F. Glass, E. T. Grier et J. T. Tull furent emprisonnés. Au cours du procès, l’avocat général déclara: “Je me moque de votre Bible; vous devriez aller en enfer, les reins brisés; vous devriez être pendus.” Lorsque G. F. Wilson, d’Oklahoma City, tenta d’intervenir pour défendre les accusés, il fut également arrêté. Chacun fut condamné à 55 dollars d’amende et aux dépens; le délit était d’avoir répandu des ouvrages protestants. Le juge incita les gens à fomenter une émeute après le procès, mais la tentative des agitateurs échoua. (...)
En juin 1918, à Roanoke, en Virginie, C. W. Morris fut emprisonné pendant trois mois pour avoir “strictement adhéré à la secte du pasteur Russell” et on l’avertit que si, après sa libération, il prêchait sa doctrine, le traitement qu’il endurerait serait bien pis. Conformément à cette menace, Alex H. Macmillan fut arrêté par le maire dans la même ville, le 15 février 1920, sans justification ni accusation aucune, à l’heure prévue où il devait prononcer le discours public intitulé “La seconde venue du Christ est proche; des millions actuellement vivants ne mourront jamais”. (...)
Le 30 avril 1918, à Brownstown, dans l’Indiana, Curtis Plummer fut menacé par des émeutiers comprenant le shérif du comté et certains hommes d’affaires. (...)
Le 5 juin 1918, à Indianapolis, dans l’Indiana, William Darby, après trente-deux ans et demi de bons et loyaux services comme facteur, fut licencié par J. C. Koons, premier assistant du ministre des postes et télécommunications, pour le seul crime d’être chrétien; aucun autre détail ne lui fut fourni. À Fontanelle, dans l’Iowa, Etta Van Wagenen fut expulsée de force de la ville par un banquier et un anarchiste en chapeau haut de forme. Par voie de conséquence, des hommes portant l’uniforme d’officiers de l’armée des États-Unis s’efforcèrent, en vain, d’obliger son employeur à la licencier. À Fort Cobb, dans l’Oklahoma, A. L. Tucker fut chassé de sa ville, sans un sou vaillant, par un groupe de dix hommes, dont son propre banquier chez lequel il avait des fonds en dépôt. Il fut obligé de quitter le comté et de vendre sa propriété à perte.
En mars 1918, à Shattuck, dans l’Oklahoma, J. B. Siebenlist, Américain de naissance, fut emprisonné sans motif pendant trois jours; il fut privé de nourriture, à l’exception de trois morceaux de pain de seigle avariés; la foule le tira de prison, lui ôta ses vêtements, l’enduisit de goudron chaud et le fouetta avec un fouet terminé par un fil de fer; voici son délit: s’être adressé au dépôt aux fins de retirer un paquet de publications protestantes. Le 22 avril 1918, à Wynnewood, dans l’Oklahoma, Claud Watson fut d’abord emprisonné puis relaxé à dessein entre les mains d’agitateurs composés de prédicateurs, d’hommes d’affaires et de quelques autres, qui le battirent, le firent fouetter par un Noir et, lorsqu’il eut en partie recouvré ses esprits, le fouettèrent de nouveau. Ensuite, ils l’enduisirent de goudron et le recouvrirent de plumes, lui frottant la tête et le crâne avec du goudron. Le 29 avril 1918, à Walnut Ridge, dans l’Arkansas, W. B. Duncan, âgé de 61 ans, Edward French, Charles Franke, un certain Monsieur Griffin et Madame D. Van Hoesen furent emprisonnés. La foule fit irruption dans la prison et, utilisant le langage le plus vil et le plus obscène qui soit, fouetta ces gens, les recouvrit de goudron puis de plumes et les chassa de la ville. Les émeutiers obligèrent Duncan à parcourir à pied les quarante-deux kilomètres qui le séparaient de son domicile, et il faillit en mourir. Griffin fut pratiquement rendu aveugle et, quelques mois plus tard, il devait mourir des suites de ces événementsj.
LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE COMMENCE
LOÏS: On a du mal à imaginer que des chrétiens ont été traités de la sorte à notre époque, et tout particulièrement aux États-Unis.
JEAN: D’autres rapports consignés dans les fichiers du Béthel de New York révèlent que des frères furent traînés hors de la ville parce qu’ils refusaient d’acheter des obligations d’emprunt de guerre, et ils furent traités de façon honteuse. Certains furent harcelés dans les rues et on leur cracha dessus; d’autres furent enduits de goudron et recouverts de plumes, traités de toutes les manières possibles. Tous ces événements se sont produits au printemps et en été, en 1918. En vérité, on ‘leur fit la guerre’ par l’entremise de la pression politique pour les vaincre et pour les tuer.
THOMAS: Le juge Rutherford et ses associés étant emprisonnés, qu’est-il advenu du siège de la Société?
JEAN: Un comité exécutif fut désigné pour diriger la Société. La tâche principale des cinq frères nommés consistait à servir de comité de rédaction, chargé de maintenir la parution de La Tour de Gardek, car les frères de partout avaient bien besoin de l’encouragement qu’elle pourrait dispenser pendant cette période d’opposition intense. Pendant tout ce temps, aucune édition de La Tour de Garde n’a manqué de paraître.
Les frères devaient faire face à de nombreux problèmes, tels que la pénurie de papier et de charbon, indispensables à l’activité du bureau. Grande était l’animosité contre la Société à Brooklyn. Le patriotisme était exalté au plus haut point; tous les témoins étaient considérés comme des traîtres. Il apparaissait impossible de continuer à tout diriger à partir du Béthel de Brooklyn. Prenant toutes ces choses en considération, le comité de cinq membres décida, après avoir consulté les autres frères, de vendre le Tabernacle de Brooklyn et de fermer le Béthel. Une telle décision sous-entendait l’abandon du siège de Brooklyn en été 1918 et le retour à Pittsburgh, dans un bureau sis aux Federal et Reliance Streetsl.
C’est ainsi qu’en été 1918, la voix jusque-là ferme et forte des témoins de Jéhovah et de son Royaume fut réduite au silence. Leur œuvre fut tuée, figurément parlant, et une inactivité semblable à la mort fut le lot de ce groupe de chrétiens jadis si actifs. Exilés, comme ils l’étaient, du siège de Brooklyn depuis le 26 août 1918, ils étaient fermement tenus en esclavage par leurs vainqueurs babyloniens. Figurément parlant du moins, l’œuvre était morte.
[Notes]
a a w 1917, pp. 354, 374.
b b w 1918, p. 18.
c c w 1918, p. 77.
d d Ibid.
e e w 1918, p. 77; w 1919, p. 117; Nouvelles du Royaume (angl.), No 1.
f f w 1924, p. 358.
g g w 1918, p. 24.
h h w 1918, p. 82.
i i Ibid., p. 110.
j j w 1919, p. 281.
k k Nouvelles du Royaume (angl.), No 2, p. 2.
l l Consolation (angl.) 23 août 1939, p. 5. Pour preuve que le procureur des États-Unis était décidé à poursuivre la Société en se servant de la législation, voir le Congressional Record (Vol. 56, 6e partie, sénat, 24 avril 1918, p. 5542; 4 mai 1918, pp. 6051, 6052.
a m Tombant sous le coup de la loi sur l’espionnage, décrétée le 15 juin 1917; strictement mesure de guerre (w 1918, p. 171).
b n Rutherford contre les États-Unis (angl.), 14 mai 1919, 258 F. 855, transcription du compte rendu, Vol. 1, p. 12.
c o w 1918, p. 178.
d p L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.
e q w 1918, p. 194.
f r L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.
g s w 1919, p. 58.
h t L’affaire de l’Association internationale des Étudiants de la Bible (angl.), p. 4.
i u Ibid., p. 4.
j v L’Âge d’Or (angl.), 1920, pp. 713-715.
k w w 1918, pp. 242, 255.
l x Ibid., p. 290.
[Illustration, page 75]
L’ÉTUDIANT DE LA BIBLE, VOL. 9, No 9, “LA CHUTE DE BABYLONE”, HAUT DE LA PAGE 4.