SOIXANTE-DIX SEMAINES
Période prophétique évoquée en Daniel 9:24-27 durant laquelle Jérusalem serait rebâtie, le Messie apparaîtrait, puis serait retranché ; à la suite de cette période, la ville ainsi que le lieu saint seraient mis en désolation.
Dans la première année de Darius “ le fils d’Assuérus de la semence des Mèdes ”, le prophète Daniel discerna grâce à la prophétie de Jérémie que le temps où les Juifs devaient être libérés de Babylone et retourner à Jérusalem était proche. Il chercha alors Jéhovah ardemment dans la prière, en harmonie avec ces paroles de Jérémie : “ ‘ Vous me chercherez vraiment et vous me trouverez, car vous me rechercherez de tout votre cœur. Oui, je me laisserai trouver par vous ’, c’est là ce que déclare Jéhovah. [...] ‘ Oui, je vous ramènerai dans le lieu d’où je vous ai fait partir en exil. ’ ” — Jr 29:10-14 ; Dn 9:1-4.
Tandis que Daniel priait, Jéhovah envoya son ange Gabriel, porteur d’une prophétie que presque tous les commentateurs de la Bible tiennent pour messianique, même si leurs interprétations varient considérablement. Gabriel déclara :
“ Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte, afin de mettre un terme à la transgression, et de supprimer le péché, et de faire propitiation pour la faute, et d’amener la justice pour des temps indéfinis, et d’apposer un sceau sur vision et prophète, et d’oindre le Saint des Saints. Il faut que tu saches et que tu sois perspicace : depuis la sortie de la parole pour rétablir et pour rebâtir Jérusalem jusqu’à Messie le Guide, il y aura sept semaines, également soixante-deux semaines. Elle reviendra et sera bel et bien rebâtie, avec place publique et fossé, mais dans la détresse des temps. Et après les soixante-deux semaines, Messie sera retranché, avec rien pour lui-même. Et la ville et le lieu saint, le peuple d’un guide qui vient les ravagera. Et la fin de cela sera par l’inondation. Et jusqu’à la fin il y aura guerre ; ce qui est décidé, ce sont des désolations. Et il devra garder l’alliance en vigueur pour la multitude pendant une semaine ; et à la moitié de la semaine il fera cesser sacrifice et offrande. Et sur l’aile des choses immondes il y aura celui qui cause la désolation ; et jusqu’à une extermination, la chose décidée se déversera aussi sur celui qui est en désolation. ” — Dn 9:24-27.
Une prophétie messianique. De toute évidence, cette prophétie fournit des indices précieux pour identifier le Messie. Il est d’une importance essentielle de déterminer l’époque où commencent les 70 semaines, ainsi que leur durée. S’il s’agissait de semaines littérales de sept jours chacune, soit la prophétie ne se réalisa pas, ce qui est impossible (Is 55:10, 11 ; Hé 6:18), soit le Messie vint il y a plus de 24 siècles, au temps de l’Empire perse, et ne fut pas identifié. Dans cette dernière hypothèse, de multiples autres conditions que la Bible rattache spécifiquement au Messie ne furent pas satisfaites ou accomplies. Il ressort que les 70 semaines étaient le symbole d’une période beaucoup plus longue. Assurément, de par leur nature, les événements décrits dans la prophétie n’auraient pas pu se produire en 70 semaines au sens littéral, soit un peu plus d’un an et quatre mois. La majorité des biblistes s’accordent à dire que les “ semaines ” de cette prophétie sont des semaines d’années. On trouve la traduction “ soixante-dix semaines d’années ” (PB) ; et un certain nombre de versions confirment cette leçon dans une note sur Dn 9:24. — Jé ; MN ; Pl ; Sg ; ZK.
Quand les “ soixante-dix semaines ” prophétiques ont-elles réellement débuté ?
Pour ce qui est du début des 70 semaines, dans la 20e année de son règne, au mois de Nisan, le roi de Perse Artaxerxès donna à Nehémia l’autorisation de rebâtir la muraille et la ville de Jérusalem (Ne 2:1, 5, 7, 8). Dans ses calculs concernant le règne d’Artaxerxès, Nehémia eut apparemment recours à une année qui commençait par le mois de Tishri (septembre-octobre), comme le fait l’actuel calendrier civil des Juifs, et qui avait pour dernier mois, le 12e, celui d’Éloul (août-septembre). On ne sait pas s’il s’agissait d’une manière de calculer toute personnelle ou si elle avait cours à certaines fins en Perse.
Certains contestent les explications qui précèdent et prennent pour argument Nehémia 7:73, où Nehémia parle des Israélites rassemblés dans leurs villes au septième mois, la position des mois étant dans ce texte calculée selon une année courant de Nisan à Nisan. Mais Nehémia copiait ici un extrait du “ livre de l’enregistrement généalogique de ceux qui étaient montés au commencement ” avec Zorobabel, en 537 av. n. è. (Ne 7:5.) Par ailleurs, Nehémia décrit la célébration de la fête des Huttes à son époque et la situe au septième mois (Ne 8:9, 13-18). Cela s’explique parfaitement, car le récit dit qu’ils trouvèrent ce que Jéhovah ordonnait “ écrit dans la loi ” ; or, dans cette loi, en Lévitique 23:39-43, il est dit que la fête des Huttes devait avoir lieu le “ septième mois ” (c’est-à-dire celui du calendrier religieux, courant de Nisan à Nisan).
Cependant, en comparant Nehémia 1:1-3 avec 2:1-8, on tient une raison de penser qu’à propos de certains événements Nehémia se servit d’une année allant d’automne à automne. Dans le premier passage, il raconte avoir reçu les mauvaises nouvelles concernant la situation de Jérusalem en Kislev (troisième mois du calendrier civil et neuvième du calendrier religieux) dans la 20e année d’Artaxerxès. Dans le second passage, il demande au roi l’autorisation d’aller rebâtir Jérusalem, autorisation qui lui est accordée au mois de Nisan (septième mois du calendrier civil et premier du calendrier religieux), mais toujours dans la 20e année d’Artaxerxès. Ainsi donc, Nehémia ne comptait manifestement pas les années du règne d’Artaxerxès de Nisan à Nisan.
Pour situer la 20e année d’Artaxerxès, nous remontons à la fin du règne de son père et prédécesseur Xerxès, qui mourut dans la dernière partie de 475 av. n. è. L’année de l’accession au trône pour Artaxerxès commença donc en 475 av. n. è., et sa première année de règne fut probablement comptée à partir de 474 av. n. è., comme l’indiquent d’autres témoignages historiques. La 20e année du règne d’Artaxerxès fut sans doute, par conséquent, 455 av. n. è. — Voir PERSE, PERSES (Les règnes de Xerxès et d’Artaxerxès).
“ La sortie de la parole. ” La prophétie dit qu’il y aurait 69 semaines d’années “ depuis la sortie de la parole pour rétablir et pour rebâtir Jérusalem jusqu’à Messie le Guide ”. (Dn 9:25.) Selon les témoignages de l’histoire profane ainsi que de la Bible, Jésus vint vers Jean et fut baptisé, devenant ainsi l’Oint, Messie le Guide, au début de l’automne de l’an 29 de n. è. (Voir JÉSUS CHRIST [Époque de sa naissance, durée de son ministère].) En remontant le temps à partir de ce point clé de l’histoire, on peut situer le début des 69 semaines d’années en 455 av. n. è. Cette année-là eut lieu l’importante “ sortie de la parole pour rétablir et pour rebâtir Jérusalem ”.
Au mois de Nisan (mars-avril) de la 20e année du règne d’Artaxerxès (455 av. n. è.), Nehémia demanda au roi : “ Si ton serviteur paraît bon devant toi, je demande que tu m’envoies vers Juda, vers la ville des tombes de mes ancêtres, pour que je la rebâtisse. ” (Ne 2:1, 5). Le roi donna l’autorisation, et Nehémia fit le long voyage de Suse à Jérusalem. Aux environs du quatrième jour d’Ab (juillet-août), après avoir inspecté de nuit les murailles, Nehémia donna ordre aux Juifs : “ Venez et rebâtissons la muraille de Jérusalem, pour que nous ne soyons plus un opprobre. ” (Ne 2:11-18). C’est donc à Jérusalem, la même année, que Nehémia rendit effective “ la sortie de la parole ” pour rebâtir Jérusalem avec l’autorisation d’Artaxerxès. Cela fixe donc clairement 455 av. n. è. comme l’année à partir de laquelle commencèrent à compter les 70 semaines.
Les travaux de réparation des murailles furent terminés le 25e jour d’Éloul (août-septembre), en 52 jours seulement (Ne 6:15). Après la reconstruction des murailles, la réparation du reste de Jérusalem se poursuivit. Pour ce qui est des sept premières “ semaines ” (49 ans), Nehémia, avec l’aide d’Ezra et, ensuite, d’autres qui leur succédèrent probablement, travailla “ dans la détresse des temps ”, rencontrant des difficultés internes, parmi les Juifs eux-mêmes, et externes, venant des Samaritains et d’autres (Dn 9:25). Le livre de Malaki, écrit après 443 av. n. è., déplore l’état lamentable dans lequel était alors tombée la prêtrise juive. On pense que le retour de Nehémia à Jérusalem après une visite à Artaxerxès (voir Ne 5:14 ; 13:6, 7) eut lieu après cela. La Bible ne révèle pas pendant combien de temps après 455 av. n. è. Nehémia poursuivit en personne ses efforts pour bâtir Jérusalem. Toutefois, le travail fut sans doute terminé dans une mesure suffisante en l’espace de 49 ans (sept semaines d’années), et ensuite Jérusalem et son temple subsistèrent pour la venue du Messie. — Voir MALAKI (LIVRE DE) (Date de rédaction).
Messie arrive après ‘ soixante-neuf semaines ’. Pour ce qui est des “ soixante-deux semaines ” qui suivirent (Dn 9:25), celles-ci, faisant partie des 70 et étant mentionnées en second, se déroulèrent à partir de l’achèvement des “ sept semaines ”. C’est pourquoi la période “ depuis la sortie de la parole ” pour rebâtir Jérusalem jusqu’à “ Messie le Guide ” dura sans doute 7 plus 62 “ semaines ”, soit 69 “ semaines ” (483 ans), de l’an 455 av. n. è. à l’an 29 de n. è. Comme cela est mentionné précédemment, à l’automne de cette année-là, 29 de n. è., Jésus fut baptisé dans l’eau, oint avec de l’esprit saint, et il commença son ministère en qualité de “ Messie le Guide ”. — Lc 3:1, 2, 21, 22.
Ainsi, des siècles à l’avance, la prophétie de Daniel désigna avec précision l’année exacte de l’arrivée du Messie. Rien n’indique que les Juifs du Ier siècle de n. è. se soient servis de cette prophétie pour calculer le moment de l’apparition du Messie. La Bible rapporte néanmoins : “ Or, comme le peuple était dans l’attente et que tous raisonnaient dans leurs cœurs à propos de Jean : ‘ Ne serait-il pas peut-être le Christ ? ’ ” (Lc 3:15). Bien qu’attendant le Messie, ils ne purent sans doute pas déterminer le mois, la semaine ou le jour exacts de son arrivée. C’est pourquoi ils se demandèrent si Jean était le Christ, alors que Jean commença vraisemblablement son ministère au printemps 29 de n. è., environ six mois avant que Jésus ne se présente pour être baptisé.
“ Retranché ” à la moitié de la semaine. Gabriel avait encore dit à Daniel : “ Après les soixante-deux semaines, Messie sera retranché, avec rien pour lui-même. ” (Dn 9:26). C’est quelque temps après la fin des ‘ sept plus soixante-deux semaines ’, en fait environ trois ans et demi plus tard, que Christ fut retranché en mourant sur un poteau de supplice, renonçant à tout ce qu’il possédait, en rançon pour le genre humain (Is 53:8). Les faits indiquent que Jésus consacra la première moitié de la “ semaine ” au ministère. Un jour, probablement en automne 32 de n. è., il donna un exemple dans lequel, manifestement, il compara la nation juive à un figuier (voir Mt 17:15-20 ; 21:18, 19, 43) qui n’avait pas donné de fruit pendant “ trois ans ”. Le vigneron disait au propriétaire de la vigne : “ Maître, laisse-le encore cette année, jusqu’à ce que j’aie creusé tout autour et que j’aie mis du fumier ; et si à l’avenir il produit alors du fruit, à la bonne heure ; sinon, tu le couperas. ” (Lc 13:6-9). Peut-être était-ce là une allusion à la période de son ministère auprès de cette nation insensible, ministère qui à ce moment-là durait depuis environ trois ans et allait entrer dans sa quatrième année.
L’alliance en vigueur “ pendant une semaine ”. Daniel 9:27 dit : “ Et il devra garder l’alliance en vigueur pour la multitude pendant une semaine [ou : sept ans] ; et à la moitié de la semaine il fera cesser sacrifice et offrande. ” L’“ alliance ” en question n’était certainement pas l’alliance de la Loi, car en raison du sacrifice de Christ, trois ans et demi après le début de la 70e “ semaine ”, Dieu la supprima : “ Il l’a fait disparaître [la Loi] en [la] clouant au poteau de supplice. ” (Col 2:14). Qui plus est, “ Christ, par rachat, nous a libérés de la malédiction de la Loi [...]. C’était afin que, pour les nations, la bénédiction d’Abraham vienne par le moyen de Jésus Christ ”. (Ga 3:13, 14.) Par le moyen de Christ, Dieu proposa les bénédictions de l’alliance abrahamique aux descendants d’Abraham selon la chair, écartant les Gentils jusqu’à ce que l’Évangile leur soit annoncé lorsque Pierre prêcha à l’Italien Corneille (Ac 3:25, 26 ; 10:1-48). La conversion de Corneille et de sa maisonnée eut lieu après celle de Saul de Tarse, qu’on situe habituellement aux environs de l’an 34 de n. è. ; après cela, la congrégation connut une période de paix pendant laquelle elle se bâtit (Ac 9:1-16, 31). Il semble donc bien que Corneille fut admis dans la congrégation chrétienne vers l’automne 36 de n. è., ce qui correspond à la fin de la 70e “ semaine ”, 490 ans à compter de l’an 455 av. n. è.
Il ‘ fait cesser ’ sacrifices et offrandes. L’expression ‘ faire cesser ’ employée à propos du sacrifice et de l’offrande signifie littéralement “ amener ou mettre en sabbat (ou en repos), faire se reposer, faire arrêter de travailler ”. ‘ Le sacrifice et l’offrande ’ qu’on ‘ fait cesser ’, selon Daniel 9:27, ne pouvaient être le sacrifice rédempteur de Jésus ni, logiquement, quelque sacrifice spirituel de ses disciples. Ils doivent désigner les sacrifices et les offrandes que les Juifs présentaient au temple de Jérusalem conformément à la Loi de Moïse.
“ La moitié de la semaine ” se situa probablement au milieu de sept ans, autrement dit après trois ans et demi dans cette “ semaine ” d’années. La 70e “ semaine ” ayant débuté à peu près en automne 29 de n. è., avec le baptême de Jésus et son onction en tant que Christ, la moitié de cette semaine (trois ans et demi) dura jusqu’au printemps 33 de n. è., c’est-à-dire l’époque de la Pâque (14 Nisan) de cette année-là. Il semble que ce jour tomba le 1er avril 33 de n. è. selon le calendrier grégorien (voir REPAS DU SEIGNEUR [Le moment de son institution]). L’apôtre Paul explique que Jésus ‘ vint pour faire la volonté de Dieu ’, qui consistait à ‘ supprimer le premier [les sacrifices et les offrandes prescrits par la Loi] pour qu’il puisse établir le second ’. C’est ce qu’il fit en offrant son propre corps en sacrifice. — Hé 10:1-10.
Bien que les prêtres juifs aient continué à offrir des sacrifices au temple de Jérusalem jusqu’à sa destruction en 70 de n. è., Dieu ne considéra plus comme recevables et valides les sacrifices pour le péché. Juste avant sa mort, Jésus dit à l’adresse de Jérusalem : “ Votre maison vous est abandonnée. ” (Mt 23:38). Christ “ a offert un seul sacrifice pour les péchés à perpétuité [...]. Car c’est par une seule offrande sacrificielle qu’il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont en train d’être sanctifiés ”. “ Or, là où il y a pardon [des péchés et actions illégales], il n’y a plus d’offrande pour le péché. ” (Hé 10:12-14, 18). L’apôtre Paul rappelle que la prophétie de Jérémie parlait d’une alliance nouvelle, l’ancienne alliance (alliance de la Loi) devenant de ce fait périmée et vieillissante, “ près de disparaître ”. — Hé 8:7-13.
Un terme à la transgression et au péché. Le retranchement de Jésus, sa résurrection et sa parution dans le ciel eurent pour effet de “ mettre un terme à la transgression, et de supprimer le péché et de faire propitiation pour la faute ”. (Dn 9:24.) L’alliance de la Loi faisait apparaître que les Juifs étaient pécheurs, les condamnait pour ce motif et attirait sur eux la malédiction due aux transgresseurs de l’alliance. Cependant, là où le péché “ a abondé ”, car il était montré au grand jour ou rendu manifeste par la Loi mosaïque, la miséricorde et la faveur de Dieu ont abondé bien plus par le moyen de son Messie (Rm 5:20). Grâce au sacrifice du Messie, la transgression et le péché des pécheurs repentants peuvent être annulés et la peine levée.
Une justice éternelle est introduite. La valeur de la mort de Christ sur le poteau a fourni une réconciliation pour les croyants repentants. Leurs péchés ont été couverts par propitiation, et il était désormais possible que Dieu les ‘ déclare justes ’. Cette justice sera éternelle et elle procurera la vie éternelle à ceux qui sont déclarés justes. — Rm 3:21-25.
L’onction du Saint des Saints. Jésus fut oint avec de l’esprit saint au moment de son baptême, car l’esprit saint descendit sur lui représenté de façon visible sous la forme d’une colombe. Mais l’onction du “ Saint des Saints ” désigne plus que l’onction du Messie, car cette expression ne se rapporte pas à un individu. “ Le Saint des Saints ” ou “ le Très-Saint ” est l’expression employée pour désigner le vrai sanctuaire de Jéhovah Dieu (Dn 9:24 ; Ex 26:33, 34 ; 1R 6:16 ; 7:50). Par conséquent, l’onction du “ Saint des Saints ” dont il est question dans le livre de Daniel doit avoir trait à “ la tente plus grande et plus parfaite, non faite par des mains ”, celle où Jésus Christ, le Grand Prêtre souverain, entra “ avec son propre sang ”. (Hé 9:11, 12.) Quand Jésus présenta la valeur de son sacrifice humain à son Père, le ciel même avait l’aspect de la réalité spirituelle représentée par le Très-Saint du tabernacle et du temple qui vint ensuite. La demeure céleste de Dieu avait effectivement été ointe, ou mise à part, pour être “ le Saint des Saints ” dans les structures du grand temple spirituel qui vint à l’existence au moment où Jésus fut oint avec de l’esprit saint en 29 de n. è. — Mt 3:16 ; Lc 4:18-21 ; Ac 10:37, 38 ; Hé 9:24.
‘ Un sceau apposé sur vision et prophète. ’ L’ensemble de cette œuvre accomplie par le Messie — sa mort, sa résurrection, sa parution devant le Père céleste avec la valeur de son sacrifice, et les autres choses qui se produisent au cours de la 70e semaine — ‘ appose un sceau sur vision et prophète ’, montrant que vision et prophète sont authentiques et viennent de Dieu. Cette œuvre appose sur vision et prophète le sceau de la garantie divine, prouvant qu’ils ont une seule source divine et ne viennent pas de l’homme faillible. Elle scelle la vision et confirme qu’elle s’applique exclusivement au Messie parce qu’elle trouve sa réalisation en sa personne et dans l’œuvre que Dieu effectue par son moyen (Ré 19:10). Son interprétation réside en lui, et il est inutile d’en chercher la réalisation sur qui que ce soit d’autre. Rien d’autre ne viendra en desceller la signification. — Dn 9:24.
Des désolations pour la ville et le lieu saint. C’est après les 70 “ semaines ”, mais en conséquence directe du rejet de Christ par les Juifs durant la 70e “ semaine ”, que s’accomplirent les événements des parties finales de Daniel 9:26 et 27. L’Histoire retient que Titus, fils de l’empereur Vespasien de Rome, conduisit les armées romaines qui montèrent contre Jérusalem. Ces armées entrèrent effectivement dans Jérusalem et dans le temple même comme une inondation et désolèrent la ville et son temple. La présence d’armées païennes dans le lieu saint faisait d’elles une “ chose immonde ”. (Mt 24:15.) Toutes les tentatives d’apaisement entreprises avant la fin de Jérusalem échouèrent parce que Dieu avait décrété : “ Ce qui est décidé, ce sont des désolations ”, et “ jusqu’à une extermination, la chose décidée se déversera aussi sur celui qui est en désolation ”.
Une conception juive. Le texte massorétique, avec son système de points-voyelles, fut mis au point dans la dernière partie du Ier millénaire de n. è. Sans doute parce qu’ils rejetaient Jésus Christ en tant que Messie, en Daniel 9:25 les Massorètes accentuèrent le texte hébreu d’un ʼathnaḥ, ou “ interruption ”, après “ sept semaines ”, les séparant ainsi des “ soixante-deux semaines ” ; de cette façon, il semble que les 62 semaines de la prophétie, à savoir 434 ans, s’appliquent à la période de reconstruction de la Jérusalem antique. On lit dans la Bible de Maredsous : “ Sache donc, et comprends ceci : depuis qu’a été proféré l’oracle sur la restauration de Jérusalem jusqu’à un chef oint, il y aura sept semaines ; [l’interruption est ici représentée par le point-virgule] puis pendant soixante-deux semaines, elle sera rebâtie avec places et enceinte, dans la détresse des temps. ” La Bible du Rabbinat français fait un choix similaire : “ Il y a sept semaines ; et durant soixante-deux semaines Jérusalem sera de nouveau rebâtie. ” Dans ces deux versions, les mots “ pendant ” ou “ durant ” figurent dans le texte français pour satisfaire à l’interprétation retenue par les traducteurs.
Dans une note sur un cours qu’il a donné à l’université d’Oxford, le professeur E. Pusey fait cette remarque à propos de l’accentuation massorétique : “ Les Juifs mettent l’interruption principale du verset 9:25 sous שִׁבְעָה [sept], censée séparer les deux nombres, 7 et 62. Ce fut manifestement une indélicatesse de leur part, למען המינים (comme dit Rachi [célèbre rabbin juif des XIe et XIIe siècles de n. è.] lorsqu’il rejette les interprétations littérales qui favorisaient les chrétiens) ‘ à cause des hérétiques ’, c.-à-d. des chrétiens. En effet, la dernière phrase, ainsi coupée, pouvait uniquement signifier ‘ et durant soixante-deux semaines rue et muraille seront rétablies et construites ’, c.-à-d. que Jérusalem serait en reconstruction durant 434 ans, ce qui n’avait aucun sens. ” — Daniel the Prophet, 1885, p. 190.
Concernant Daniel 9:26 (ZK) qui dit, en partie, “ et après ces soixante-deux semaines, un oint sera supprimé, sans avoir de successeur légitime ”, les commentateurs juifs appliquent les 62 semaines à une période aboutissant au temps des Maccabées, et le terme “ oint ” au roi Agrippa II, qui vécut à l’époque de la destruction de Jérusalem, celle de 70 de n. è. Ou encore, certains disent qu’il s’agissait d’un grand prêtre, Onias, qui fut déposé par Antiochus Épiphane en 175 av. n. è. Les applications qu’ils font de la prophétie à l’un ou à l’autre de ces hommes lui ôtent toute signification ou importance réelle, et les divergences de datation font perdre aux 62 semaines leur caractère de prophétie chronologique précise. — Voir Soncino Books of the Bible (commentaire sur Dn 9:25, 26), par A. Cohen, Londres, 1951.
Pour essayer de justifier leur conception, ces exégètes juifs disent que les “ sept semaines ” sont, non pas 7 fois 7, 49 années, mais 70 ans ; pourtant ils comptent les 62 semaines comme étant 7 fois 62 ans. D’après eux, il s’agissait de la période de l’Exil. Dans ce verset (Dn 9:25), ils identifient l’“ oint ” à Cyrus, ou à Zorobabel, ou au grand prêtre Yéshoua, et pensent que l’“ oint ” de Daniel 9:26 est un autre personnage.
Toutes les traductions françaises ne suivent pas ici la ponctuation massorétique. Certaines font suivre d’une virgule l’expression “ sept semaines ”, d’autres tournent la phrase de manière à indiquer que les 62 semaines suivent les 7 pour faire partie des 70, sans forcément laisser entendre que les 62 semaines s’appliquent à la période de reconstruction de Jérusalem (voir Dn 9:25 dans AC ; Ma). Dans Theologisch-homiletisches Bibelwerk, par J. P. Lange (Dn 9:25, note, p. 198), une note rédactionnelle de James Strong déclare : “ La seule justification de cette traduction, qui sépare les deux périodes de sept semaines et de soixante-deux semaines, donnant la première comme le terminus ad quem du Prince Oint et la deuxième comme la période de reconstruction, repose sur l’accentuation massorétique, qui place l’Athnac [interruption] entre les deux [...] et la traduction en question implique une construction scabreuse du second membre, qui soit sans préposition. Il est par conséquent préférable et plus simple de s’aligner sur la Version Autorisée qui suit toutes les traductions anciennes. ” — Par P. Schaff, 1976.
De nombreuses autres théories, certaines messianiques, d’autres non messianiques, ont été avancées quant à la signification de la prophétie. On notera à cet égard que le plus ancien texte disponible de la traduction de la Septante déforme gravement le texte hébreu. Comme l’explique le professeur Pusey, dans Daniel the Prophet (p. 328, 329), le traducteur a falsifié la période mentionnée, mais aussi ajouté, modifié et transposé des mots, afin de faire coïncider la prophétie avec la lutte des Maccabées. Cette traduction manifestement indélicate a été remplacée dans la plupart des éditions modernes de la Septante par une version de Théodotion, exégète juif du IIe siècle de n. è., conforme au texte hébreu.
Certains voudraient changer l’ordre des périodes de la prophétie, tandis que d’autres les font se chevaucher ou leur refusent toute valeur chronologique. Mais les partisans de ces théories s’embrouillent désespérément dans leurs explications et, à force de vouloir avancer des justifications, ils en viennent à des aberrations ou à la dénégation totale de l’inspiration et de la véracité de la prophétie. À propos de cette dernière attitude en particulier, qui soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout, E. Pusey, l’exégète précité, fait cette remarque : “ L’incrédulité se heurtait là à des problèmes insolubles ; elle allait chercher une réponse qui lui convienne personnellement, ce qui était à ce stade le plus facile ; car l’incrédulité est prête à croire n’importe quoi, à l’exception de ce que Dieu révèle. ” — P. 206.
[Graphique, page 997]
(Voir la publication)
SOIXANTE-DIX SEMAINES
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