ENFER
C’est par ce mot que de vieilles versions françaises de la Bible (Glaire; Lemaistre de Saci) ont rendu le terme hébreu sheʼol et le terme grec hadês. La version catholique de Glaire rend sheʼôl 50 fois par “l’enfer”, 14 fois par “les enfers” et une fois par “la mort”. Cette même version traduit hadês neuf fois par “enfer” et une fois par “enfers”. En anglais, la Version Autorisée emploie également le mot enfer 31 fois pour traduire sheʼôl et dix fois pour hadês. Cette traduction ne s’est pas non plus montrée cohérente dans le choix des termes, car elle a rendu le même mot hébreu 31 fois par “tombe” et trois fois par “fosse”.
La plupart des versions françaises traduisent, selon les textes, le mot hébreu sheʼol par des termes comme “le sépulcre” (Ostervald), “le tombeau” (Li), “le séjour des morts” (AC; Sg; Sy) ou “la tombe” (ZK), ou bien elles se contentent de le transcrire “Shéol” (Da; Dh; Jé), “Chéol” (Os; ZK) ou “Schéol” (MN). Toutes ne suivent d’ailleurs pas une règle bien définie; ainsi, la Traduction Œcuménique de la Bible rend, selon les textes, le terme sheʼôl par “séjour des morts”, “enfers”, “fosse”, “pays de profondeurs” ou “Monde d’en bas”; cette même version traduit le grec hadês par “séjour des morts” ou le transcrit “Hadès”, comme le font beaucoup d’autres traductions. Par contre, quelques versions modernes (BN; Fa; Ku) réservent le mot “enfer” à la traduction du grec géénna, que la majorité des autres versions transcrivent “Géhenne”.
W. Vine (An Expository Dictionary of New Testament Words, t. II, p. 187) fait ce commentaire sur l’emploi du mot “enfer” dans la traduction de ces termes originaux: “HADÈS (...) correspond au ‘Sheol’ de l’A. T. [Ancien Testament]. Dans L’A. V. [la Version Autorisée] de l’A. T. [Ancien Testament] et du N. T. [Nouveau Testament], ce terme a été rendu de manière peu heureuse par ‘enfer’.”
Voici ce qu’une encyclopédie (Collier’s Encyclopedia, éd. de 1965, t. XII, p. 27) dit à propos de l’“enfer”: “D’abord il représente le mot hébreu Shéol de l’Ancien Testament, et le grec Hadès de la Septante et du Nouveau Testament. Puisque le Shéol de l’Ancien Testament désignait simplement le séjour des morts et ne sous-entendait pas de distinctions morales, le mot ‘enfer’, tel qu’il est compris aujourd’hui, n’est pas une traduction heureuse.”
Si le mot “enfer” traduit les termes bibliques originaux de façon si peu ‘heureuse’, c’est bien en raison de ce qu’il évoque aujourd’hui. Pourtant, le sens original du terme enfer [dans plusieurs langues modernes] ressemble fondamentalement à celui des mots bibliques, mais ce sens premier a été perdu et remplacé par une autre signification totalement différente. Ainsi, le dictionnaire anglais de Webster (New Twentieth Century Dictionary, Unabridged) fait dériver le mot anglais [hell] pour “enfer” du terme “helan” qui signifie “couvrir, cacher”. De même le mot français “enfer” dérive du latin “inferus”, “qui se trouve dessous”, d’où provint aussi le mot “inférieur”, ce qui donne simplement à l’“enfer” la signification de “lieu d’en bas”. Dans son sens premier le mot “enfer” n’emporte pas l’idée de chaleur ou de tourment, mais il évoque plutôt un ‘lieu couvert, caché’, un ‘lieu d’en bas’, qui ressemble beaucoup au sens de l’hébreu sheʼôl.
Cependant, aujourd’hui on donne au mot “enfer” le sens qui lui donnèrent Dante dans sa Divine Comédie et Milton dans son Paradis perdu. C’est là un sens complètement étranger à la définition originale du terme. Néanmoins, l’idée même des tourments dans un “enfer” de feu a précédé de beaucoup les œuvres de Dante et de Milton, comme cela ressort de ce commentaire (dans Grolier Universal Encyclopedia, éd. de 1965, t. V, p. 205) à propos de l’“enfer”: “Les hindous et les bouddhistes voient l’enfer comme un lieu de purification spirituelle qui aboutit à un rétablissement final. De son côté, la tradition islamique le considère comme un lieu de châtiment éternel.” Cet enfer figurait également parmi les enseignements religieux païens des anciens peuples de Babylone, de Perse et de Phénicie. Voici encore ce que déclare l’Encyclopédie américaine (éd. de 1956, t. XIV, p. 82): “Bien qu’il y ait de nombreuses variantes significatives dans les détails, les caractéristiques principales de l’enfer tel que l’ont conçu les hindous, les Perses, les Égyptiens, les Grecs, les Hébreux et les théologiens chrétiens, sont essentiellement semblables.”
Puisque, pendant de nombreux siècles, l’enfer a figuré au nombre des enseignements fondamentaux de la chrétienté, on comprend pourquoi l’ouvrage précité déclare (p. 81): “Le fait que les premiers traducteurs de la Bible ont invariablement rendu par enfer le mot hébreu Shéol et les termes grecs Hadès et Géhenne a été cause d’une grande confusion et d’interprétations erronées. La simple transcription de ces mots, par les traducteurs des éditions révisées de la Bible, n’a pas suffi à dissiper la confusion et les fausses conceptions.” Néanmoins, lorsque ces termes originaux sont uniformément transcrits, l’étudiant de la Bible est en mesure d’établir une comparaison détaillée des textes où ils sont employés pour en dégager, sans idée préconçue, le sens véritable.